La mort du prêtre des trottoirs Don Andrea Gallo
Gaël De Santis
Vendredi, 24 Mai, 2013
Humanite.fr

Son fidèle chapeau et sa chapka ne seront plus des défilés de la gauche italienne. Le prêtre Don Andrea Gallo est mort, mercredi, à l’âge de 84 ans. C’était une figure du camp progressiste aujourd’hui mal en point. Il était de toutes les grandes manifestations, mais dans la rue, il côtoyait surtout les exclus, les prostituées et les toxicomanes de Gènes.

Au sein de l’Église, il prêchait un discours singulier. En mars, il a donné une messe en l’honneur du président défunt vénézuélien, Hugo Chavez. Alors qu’une femme déposait sur l’autel un sweat-shirt aux couleurs de la patrie de Bolivar, symbole vestimentaire du leader de la gauche vénézuélienne, le prêtre a lancé : « El Pueblo, unido, jamas sera vencido ! »

A plusieurs reprises, il a pris position en faveur des homosexuels. Quand Benoît XVI renonce à sa charge, il lance cette provocation : un « pape homosexuel serait une chose magnifique ». Don Gallo se contentera du pape François qu’il salue comme le pape des pauvres. Il était drôle, facétieux, et surprenant. A l’occasion d’une rencontre littéraire en en décembre dernier, il surprend ainsi l’auditoire en lançant : « selon moi, parmi les apôtres, au moins cinq étaient homosexuels ». Fait du hasard : il est mort au lendemain de l’adoption par le conseil municipal de sa ville, Gènes, d’un registre des unions civiles, notamment pour les homosexuels.

Né en 1928, Don Gallo a, par ses engagements progressistes, été affublé de nombre de surnoms. Il était « partisan de l’évangile », après avoir été « partigiano » avec son frère, pendant la résistance. Car, selon ses dires « partisan veut dire celui qui choisi de quel côté être. Et Jésus est du côté des derniers, pas du pouvoir ». Andrea Gallo a officié ces dernières années dans la communauté de San Egidio, à Gênes, où il sera appelé « prêtre des derniers », même s’il se définissait lui-même comme un « prêtre de trottoir ». « Je trouve le christianisme chez les athées, chez les prostituées, chez mes très chers clochards », dira-t-il. « Je trouve en eux la bonne nouvelle. Est évangéliste celui qui m’apporte la bonne nouvelle, pas celui qui me dit non à l’avortement, non aux divorcés, non aux homosexuels. C’est mon aimée Eglise qui est devenue misogyne et sexophobe ».

Outre ses engagements sociaux et sociétaux – il s’était également prononcé en faveur de la pilule du lendemain -, Don Gallo était engagé en politique. A la fin de sa vie, il s’est rapproché du mouvement antilibéral Gauche écologie et liberté. Il a participé au mouvement pour l’eau publique. Il était des rendez-vous altermondialistes comme de ceux de la Fiom, le turbulent syndicat des métallurgistes. Il était communiste et ne l’a jamais caché, citant l’un des fondateurs du Parti communiste italien, Antonio Gramsci, lors d’entretiens télévisés. « Il a donné un nom à ceux qui n’en avaient pas (…) Il a donné un coup de main à Dieu pour souder la terre avec le ciel », a réagi à l’annonce de sa mort, une autre figure du christianisme social italien, le prêtre anti-mafia Don Luigi Ciotti. « Le vide qu’il laisse dans nos vies est aussi grand que son humanisme, sa sympathie, son engagement », a déclaré Paolo Ferrero, secrétaire du Parti de la refondation communiste.

Ses funérailles auront lieu samedi à Gênes. Mais les images resteront. Les images d’un homme fragile et engagé. Le 8 décembre, pour le 42ème anniversaire de la communauté Sant’Egidio, la « communauté de ses drogués » comme il l’appelait, il a entonné à l’issue de la messe, la chanson de la résistance italienne, Bella ciao, reprise sur les bancs de l’Eglise par les fidèles. Puis il a sorti son écharpe rouge de dessous sa tiare… Comme il est d’usage de dire dans la gauche italienne : que la terre lui soit légère.