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CHANTS REVOLUTIONNAIRES

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10 juillet 2007 2 10 /07 /juillet /2007 09:09

C’est la grande interrogation du moment : à quelle école économique Sarkozy se rallie-t-il ? Est-il Keynésien, libéral ou franchement bonapartiste pour ceux qui voient dans l’effacement de Fillon le signe avant coureur du coup d’Etat du 2 décembre.

 

Nicolas Sarkozy serait un pragmatique pour qui primerait le politique, l’intendance suivrait... Pas si sûr ! ! ! De quoi est-il question, du caractère peu évident des mesures prises par le bouillant président français. D’un côté, le bouclier fiscal, la fin des droits de succession et l’exonération des charges sur les heures supplémentaires relèvent de la stricte orthodoxie libérale, et à ce titre ravissent le patronat. D’un autre côté, la pause mise sur le désendettement de l’Etat suscite des interrogations comme d’ailleurs l’idée qu’il faut investir pour développer l’industrie.

 

Le président Sarkozy serait-il un gaulliste, ou pire encore un keynésien ? Non c’est un néo-conservateur.

Il y a cette injonction de 10 à à 15 milliards d’euros - par le biais des exonérations fiscales- dans le pouvoir d’achat des Français, enfin ni le votre, ni le mien...

Les économistes s’interrogent mais sont au moins d’accord sur un point le paquet fiscal n’aura que peu d’effets, que ce soit sur la consommation, la production ou le chômage. [1] Et la plupart se demandent après ces cadeaux avec quoi on financera les mesures promises, celles dites structurelles, par exemple celle de l’Université dont nous avons vu ici même que déjà était annoncé un investissement de 5 milliards.

Certains économistes bien qu’attachés à l’orthodoxie néo-libérale, notent que le président a enclenché une dynamique : il va y avoir une réorganisation générale de la dépense publique, les moyens seront « réalloués » au fur et à mesure que seront supprimés les postes engendrant les déficits.

L’argumentaire n’est pourtant pas trés évident si on en reste au strict niveau comptable : à l’aggravation d’un déficit public dû au paquet d’exonérations et de baisse des impôts annoncée, il est aussitôt répondu qu’il est prévu le non remplacement d’un fonctionnaire sur 2 au moment du départ à la retraite. C’est-à-dire pour vous et pour moi, un service public asphyxié et l’appel à des assurances, les coupes sombres sur le budget familial. Mais 30 à 40.000 fonctionnaires non remplacés en 2008, cela fait une économie de seulement 1,4 à 1,7 milliards d’euros. [2] On est loin du compte du paquet de cadeaux fiscaux. Mais l’essentiel n’est-il pas dans le fait que désormais il est affirmé que l’opinion publique est prête à la réforme, qu’elle reconnait qu’il faut abandonner le service public au nom de l’équilibre budgétaire ? La base d’un consensus entre la droite et une gauche qui se veut “moderne”.

 

Et si le déficit budgétaire était le moyen de réorganiser la dépense publique, de bouleverser les priorités, s’il était l’instrument d’une politique « révolutionnaire », comparable à celle menée outre-atlantique ?

L’acceptation du déficit, la rupture avec la stricte orthodoxie financière d’équilibre budgétaire est une des caractéristique de la révolution néo-conservatrice telle qu’on l’a vu évoluer aux Etats-Unis en particulier sous le président Bush. Les marchés eux-mêmes ont réagi à sa réélection par une baisse du dollar, parce que la politique de cadeaux fiscaux alors même que le gouffre des dépenses militaires devenait béant les a inquiétés.

L’acceptation du déficit public est une méthode en vue de “la réforme”, celle qui se profile à travers justement la loi de finance (LOLF), le déficit et l’asphyxie, la dégradation de la vie de chacun y compris des couches moyennes font monter les mécontentements, l’exigence de “réformes”, nul ne sait de quoi il s’agit, pas plus d’ailleurs que le “jeunisme”, mais le tout est d’orienter résolument les aspirations au changement vers le maintien de l’ordre. La réforme c’est-à-dire en clair à quelque niveau qu’elle intervienne, une pression accrue sur les salaires, sur les protection sociales et des cadeaux au patronat censé assurer l’emploi et le progrès social. Il faut y ajouter pour que le panorama soit complet, la fin des règles, une négociation directe avec le patronat où tout peut être revu.

Une telle politique ne peut être menée que parce qu’un consensus a été créé entre la droite et la gauche, parce que cette dernière s’est peu à peu ralliée aux choix capitalistes néo-libéraux, les a appliqués et a limité l’affirmation de sa différence à des questions de moeurs, en renonçant à toute allusion à l’antagonisme capital-travail.

Nous l’avons vu à propos de l’Université, il y a entente entre la gauche et la droite sur le fond, on laisse de côté les thèmes qui fâchent comme la sélection ou la démocratisation de l’Université, et on centre tout sur deux questions, la première est justement celle du déficit public, du gouffre qu’il faudrait combler. Comme il n’est jamais question des cadeaux au patronat, haro sur un système éducatif budgétivore. La seconde est, comme nous l’avons vu, le chômage des jeunes diplômés. La réforme est urgente, cela est dit et répété par les médias, par toutes les forces politiques. Des thèmes reviennent, « autonomie », « professionnalisation » conçus sous le seul biais d’une réponse à la demande émanant du secteur privé, et le pilotage se fait par l’aval sur le thème de la contrainte budgétaire utilisée au moment opportun.

 

L’Europe dans la mondialisation, le pouvoir doit rester dans un cercle d’intiés.

Le deuxième trait qui rapproche Nicolas Sarkozy des néo-conservateurs est sa vision de la mondialisation et de la compétition, comme l’équipe de Bush pour le dollar, la dévaluation de la monnaie n’est pas un problème, encore un point de rupture avec la stricte orthodoxie néo-libérale. Donc il souhaite une dépréciation compétitive de l’euro, pour cela il faut réaliser l’Europe fiscale et politique d’où le choix du mini-traité à marche forcée, en violation du choix des Français.

Plus question de Constitution, Nicolas Sarkozy a parfaitement intériorisé ce qu’Adam Smith avait énoncé : les patrons sont un petit nombre, ils peuvent se réunir secrètement pour concilier leurs intérêts, alors que les ouvriers sont très nombreux et ont besoin de règles établies aux grand jour. Toute déréglementation, ajoutait Adam Smith sert le patronat et nuit aux travailleurs. L’Europe de Nicolas Sarkozy, c’est avant tout l’Europe fiscale et politique où un petit groupe de ministres de l’économie et des finances se débarrasserait de la tutelle encombrante de la banque Centrale européenne, une gestion directe d’homme à homme sans le poids d’institution. On reconnaît là encore la logique de G.W.Bush, attaquant même les institutions qui lui sont le plus dévoué.

 

Le MEDEF prêt à la Révolution conservatrice...

Parce que le fond c’est bien au profit de qui tout ce dynamisme, ce branle institutionnel ? Laurence Parisot la patronne des patronnes se réjouit de ce nouvel ordre, cette révolution permanente conservatrice, au point de citer Fadela Amara : « Y a du taf ». [3] Laurence Parizot donne d’ailleurs dans le féminisme et se réjouit d’avoir une femme à Bercy, quelqu’un qui a fait ses classes outre-antlantique et qui de ce fait « voit d’emblée l’économie de manière mondialisée ».

L’article de Challenge décrit le bonheur de cette femme qui est convaincue ou tente de nous convaincre que « le libéralisme est un facteur de progrès social » Déréguler le marché du travail, baisser l’impôt des riches vont dans le sens souhaité et Laurence Parizot salue cette campagne électorale qui a fait sauter « les tabous », le président a mis les pieds dans le plat « l’opinion accepte désormais un discours non démagogique et même le réclame : éviter le référendum européen, oser évoquer la question du contrat de travail, refuser le coup de pouce au smic »

Oui Laurence tutoie Nicolas mais la patronne des patronnes a un devoir de réserve, elle n’était pas au Fouquet le soir de l’élection. Comme d’ailleurs elle calme les ardeurs de ceux des membres du MEDEF qui ont signé la pétition devant l’arrivée de Bernard Arnault à la tête des Echos. Voilà un autre chapitre qu’il faudrait bien traiter pour comprendre le système qui est en train de s’emparer de la France, celui de tous ces grands patrons qui investissent dans la presse. Ils sont motivés par tout autre chose que le retour sur investissement. Prenons garde nous avons connu d’autres temps où le patronat s’enthousiasmait pour un révolutionnaire, lui confiait sa destinée, à charge à lui de retenir le mécontentement des travailleurs, de vaincre par le fer et par le feu les résistances. Si Sarkozy nous pousse bien dans cette logique des néo-conservateurs, celle des ruptures avec toutes les orthodoxies, celle où on déréglemente à tour de bras, celle où la direction du pays et des affaires doit être laissé à un petit groupe d’initiés qui se donnent les moyens de manipuler l’opinion publique nous aurions intérêt à sortir des références hexagonales, y compris celle bien tentante du Bonapartisme. Il faut nous intéresser à ce qui se passe aux Etats-Unis, par exemple à l’idéologie de Léo Strauss, le maître à penser de l’ésotérisme d’un pouvoir des forts sur les faibles.

Nous avons à comprendre comment le bipartisme, un parti démocrate de plus en plus coupé des couches populaires, malgré les excès quasi fascistes d’un G.W.Bush, malgré la guerre en Irak, laisse le terrain libre à ce que l’on peut considérer comme la politique la plus irrationnelle, la plus démente qui se puisse envisager. Ne serait-ce que pour éviter les erreurs d’une gauche démocrate complètement déboussolée, incapable même d’organiser un mouvement de la paix.

Danielle Bleitrach, sociologue.

(Qui a le goût de l’absolu renonce par là au bonheur.)

 

  Source : Changement de société
http://socio13.wordpress.com

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