DOMINIQUE BUCCHINI

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Vous fêtez, aujourd’hui, le 30ème anniversaire de l’Institut Régional d’Administration de Bastia et je m’en réjouis à plus d’un titre.

Je me réjouis d’abord que cette école, qui forme les cadres A de l’Administration générale, ait pu se créer en Corse, et à Bastia. En 1980, il n’était pas évident de décider d’implanter ici un tel Institut. En effet, celui-ci a pour mission de former les cadres de l’Etat et de Collectivités locales dans ce qu’il est convenu d’appeler « le Grand Sud » (Aquitaine, Midi - Pyrénées, Languedoc - Roussillon, Provence - Alpes - Côte d’Azur et Corse ), c’est-à-dire 5 régions, auxquelles il faut ajouter l’Outre-Mer, qui auraient pu, toutes, prétendre également accueillir cette école, chacune avec des atouts indéniables. C’est la Corse et la ville de Bastia qui ont été choisies. Il est vrai que cette décision s’inscrivait dans le cadre d'une série de mesures visant au développement de la vie économique et culturelle de la Corse ; mais sans doute peut-on y voir aussi, dans une certaine mesure, une reconnaissance du véritable vivier qu’est depuis longtemps notre Ile en ce domaine, elle qui a fourni tant de serviteurs – et parmi les plus illustres - à l’Etat.

C’est à l’évidence une chance pour Bastia de posséder un Institut de cette qualité, une école de référence, par laquelle sont passés près de 3000 élèves, venus de tous les horizons géographiques et sociaux, et qui, soyons-en sûrs, sont devenus, à l’issue de leur scolarité et au gré de leurs affectations professionnelles, autant d’ambassadeurs de la Corse, témoins non seulement de ses qualités humaines et naturelles, mais aussi de la qualité de son administration et de ses services publics.

L’Institut fait aujourd’hui partie du paysage insulaire et des atouts de la cité de Bastia et la qualité de son enseignement est reconnue.

Centre d’enseignement de haut niveau, l’IRA a assis sa crédibilité, son excellence, sa légitimité par un enseignement sans cesse adapté aux besoins de nos concitoyens : les procédures de la fonction publique y sont sans cesse affinées, des stages sont organisés pour les élèves au sein d’administrations pour un exercice plus efficace de leur métier, des échanges sont mis en oeuvre afin de développer la coopération internationale et d’évaluer les pratiques des administrations.

Tout ceci concourt à une fonction publique de qualité.

Cela signifie bien sûr, qu’il faut approfondir les questions qui se posent à la fonction publique et qu’il faut aussi que des propositions soient faites, par exemple, pour le reclassement indiciaire, la fin de la contractualisation, la double carrière, les conditions de mobilité, le dialogue social, et bien sûr, l’égalité Hommes-Femmes.

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L’Administration doit certes assurer avec rigueur ses fonctions principales : l’application de la Loi (et c’est même une obligation), la police administrative, et la gestion directe de services publics comme par exemple l’Education…mais celles-ci n’ont de sens qu’au service du bien commun.

L’IRA forme des fonctionnaires de l’Etat, de collectivités territoriales ou des hôpitaux, qui travaillent tous au service de l’intérêt général et c’est d’ailleurs cette notion, essentielle, d’intérêt général que votre Institut défend et promeut en dispensant son enseignement.

Grâce à un tel Institut, la fonction publique est ainsi assurée de voir perpétuée cette conception française de l’intérêt général et du service public : au-delà d’une conception purement idéologique, la fonction publique doit être définie sur la base des principes d’égalité, d’indépendance, de responsabilité, de neutralité.

C’est le sens de la réforme de la fonction publique qu’avait mené en1981, mon ami Anicet Le Pors, l’un des ministres communistes du gouvernement de Pierre Mauroy. Ce statut général de la fonction publique a été fondamental pour passer d’un état de fonctionnaire-sujet à celui de fonctionnaire-citoyen et de ce point de vue, la réforme a été un bouleversement radical dans la tradition française de la fonction publique. Cela signifie que les fonctionnaires que vous allez devenir, ne doivent pas être de simples exécutants passifs mais des acteurs responsables de la bonne marche de nos services publics.

Dès lors, les tentatives récentes de « décrédibilisation » des fonctionnaires doivent être analysées comme une « banalisation de la France », selon l’expression du philosophe Marcel Gauchet : on s’en prend successivement et sans nuances au modèle d’intégration, à la laïcité, aux services publics, aux collectivités territoriales, et on les nomme d’un terme méprisant « d’anomalies ».

Je forme le vœu que votre Institut, par la qualité de sa formation, continue de démontrer que les services publics constituent une sorte de « valeur universelle », et que demain, autant et plus qu’hier, une société humaine solidaire a besoin d’une fonction publique de qualité.

Louis 11 disait qu’ « en matière d’administration, toutes les réformes sont odieuses ».

Elles le sont en effet si l’on ne tient pas compte de l’intérêt général, si ne s’y développe pas un esprit de morale républicaine ou une démarche scientifique et humaine.

Mais s’il s’agit d’améliorer l’administration en se réappropriant l’Histoire de la France, alors la réforme est utile.

Bon anniversaire à l’IRA et à tous ses élèves.

Je vous remercie.