90ème anniversaire du PCF
Rester fidèles aux choix fondamentaux de Tours, assumer l’histoire du Parti.
Il y a tout juste 90 ans, le 25 décembre 1920, s’ouvrait à Tours le Congrès qui allait voir l’adhésion du Parti socialiste à l’Internationale communiste donnant naissance au Parti communiste français.
Notre banquet de fin d’année, le 12 décembre 2010, était placé sous le signe de ce 90ème anniversaire. Nous reproduisons la partie de l’intervention de notre secrétaire de section s’y rapportant.
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Le 90ème anniversaire du Congrès de Tours donne lieu à de nombreuses initiatives dans le Parti et suscite aussi des commentaires, des publications, en quantité relativement importante, dans les media et les milieux « intellectuels ».
On pourrait s’en étonner. 90, ce n’est pas vraiment un chiffre rond. Le 75ème ou le 80ème anniversaire n’ont pas donné lieu à tant d’égards.
Je vois dans ce regain d’intérêt une recherche vis-à-vis du PCF et de ce qu’il continue à représenter, le signe aussi que le vent de l’histoire commence à tourner.
Militants, nous venons de le vivre pendant la lutte des retraites.
Dans les entreprises, dans les quartiers, dans les manifestations – c’est une réalité expérimentée pendant ces semaines depuis la rentrée – l’attention a été beaucoup plus forte pour ce que nous disons. On est venu même nous solliciter pour aider à organiser des initiatives de lutte.
De la politique, les salariés en lutte éprouvent le besoin d’autre chose que les combines politiciennes pour les élections. L’attente d’un parti d’avant-garde, porteur de propositions de rupture, d’une perspective de rupture avec le capitalisme est plus forte que depuis bien longtemps. La crise permanente et le discrédit du capitalisme, comme système susceptible de répondre aux besoins, sont au plus haut. Pensons à ce qui se passe ces jours-ci en Irlande.
En France, cette organisation historique a existé. C’est le PCF, auquel les travailleurs doivent principalement les acquis sociaux et démocratiques que le pouvoir s’applique maintenant à détruire. Dans le monde, la seule expérience moderne de victoire sur le capitalisme est le résultat de l’action des communistes.
Cette histoire est présente dans les mémoires, au moins dans l’inconscient collectif du pays, même chez nos adversaires.
Ce n’est pas qu’une anecdote, nos symboles, faucille et marteau sur des autocollants ou drapeaux rouges, ont véritablement été des points de ralliement pendant ce dernier mouvement.
Dans le même temps, nous sommes réalistes. L’avenir de notre parti reste incertain, même si une jeunesse, plus nombreuse, se tourne vers le communisme.
Il s’est structurellement et politiquement très affaibli, notamment depuis la fin des années 90. Le repère qu’il représente est devenu plus flou.
De « mutation », en « métamorphose », maintenant en « transformations », l’équipe dirigeante de notre parti a montré elle-même qu’elle doutait de la raison d’être du PCF. Suivant les exemples italiens ou espagnols, la ligne du Parti de la gauche européenne, elle est tentée de fondre notre parti dans un « ensemble de gauche », réformiste, à contre-courant des nécessités de notre époque, qui plus que jamais est celle du capitalisme et de la lutte des classes.
La section du PCF Paris 15ème a toujours refusé cette dérive. La période nous encourage à continuer.
Aujourd’hui, il ne s’agit pas de trinquer entre nous à l’anniversaire du parti (Nous le ferons, certes !).
Il ne s’agit surtout pas d’évoquer, la larme à l’œil, un passé qui serait révolu.
Il s’agit encore moins de célébrer dignement les obsèques du PCF pour mieux en faire le deuil en bon ordre comme le proposent notamment certains « ex »-communistes pour passer à autre chose.
Non ! Nous sommes toujours communistes ! Nous voulons, à cette occasion, souligner toute l’actualité des choix fondamentaux qui sont à l’origine de la transformation en 1920 de la SFIO social-démocrate en Parti communiste français, la nécessité de faire vivre et renforcer le PCF.
L’histoire du PCF est un enjeu de lutte en elle-même.
Comme le communisme, l’anticommunisme n’est pas mort. Le révisionnisme historique est toujours une de ses armes privilégiées.
Il se déploie toujours sous sa forme la plus virulente. La criminalisation du communisme est ainsi quasiment un fondement existentiel de l’Union européenne. À une immense majorité, il y a quelques mois, droite et « gauche » confondues, le Parlement européen faisait du 23 août la journée des victimes du fascisme, du nazisme et du communisme, assimilés.
Mais l’anticommunisme primaire ne marche plus si bien - l’échec patent des mises en scène du 20ème anniversaire de la chute du Mur de Berlin l’a montré – notamment dans les pays où les Partis communistes ont été puissants, ont eu un rôle reconnu par les masses.
Faute de pouvoir la criminaliser, l’idéologie dominante en France essaie récupérer, de « décommuniser » l’histoire du PCF et des communistes.
Cela vous a peut-être frappés le 22 octobre dernier, en pleine lutte pour les retraites. Les recteurs d’académie, les media n’ont pas relancé la lecture de la lettre de Guy Môquet prescrite par Sarkozy en 2007 ! Il faut dire que cela aurait coïncidé avec la superbe mobilisation de dizaines de milliers de lycéens, paraît-il immatures et manipulés, contre sa politique de casse des acquis de la Libération !
À « gauche », des intellectuels s’appliquent à décrire, même à célébrer, les parcours d’anciens militants communistes mais en les renvoyant vers des circonstances historiques, sociologiques dépassées. Ainsi, le PCF aurait été le moyen de leur émancipation individuelle, notamment pour les ouvriers, à un moment donné de l’histoire. Mais en fait, ils auraient été communistes comme ils seraient autre chose aujourd’hui que tout a changé, notamment qu’il n’y aurait plus d’ouvriers.
Des livres, des thèses pour montrer cela, il s’en compte des dizaines qui arrivent tous à la conclusion que la forme Parti communiste est dépassée, sinon la lutte des classes elle-même.
Et naturellement, en conséquence, le résultat du Congrès de Tours, l’existence du PCF n’aurait plus lieu d’être.
Alors un Congrès de Tours à l’envers ?
Une réunification du PCF et du PS n’est à l’ordre du jour pour presque personne, même si, dans les faits, la satellisation du PCF autour du PS n’a cessé de préciser.
Rappelons que le Congrès de Tours, ce n’est pas d’abord une scission, c’est le choix, de 3208 mandats de délégués, contre 1022 et 397 abstentions que le Parti socialiste adhère à l’internationale communiste et devienne le Parti communiste. Les minoritaires droitiers sont partis constituer un autre parti, reprenant le nom de l’ancienne SFIO. Aussi, un « Congrès de Tours à l’envers », ce ne serait pas directement la fusion avec le PS.
Le « Congrès de Tours à l’envers », ce serait le retour du PCF au réformisme, à la social-démocratie, le changement de nom, ou l’effacement de ce que signifie « PCF ».
Cette option a beaucoup de partisans au sein de l’équipe dirigeante du Parti. Nous le savons. Après la « Mutation », « Bouge l’Europe », la « gauche plurielle », les « collectifs antilibéraux », la « métamorphose », le « Front de gauche » et les « transformations du PCF » poursuivent l’entreprise de dilution du PCF, de ce qu’il représente, de ses fondements.
En juin 2008, Marie-George Buffet déclarait à Tours : « Nous sommes au 21ème siècle, le monde a changé, les modèles se sont écroulés. Aussi, dans cette belle ville de Tours, si nous ne retenions de son célèbre Congrès qu’une seule chose : le formidable espoir, cette énorme volonté politique de la part de nos camarades de construire une société meilleure. »
Et bien NON ! Du Congrès de Tours, de l’histoire souvent glorieuse du PCF qu’il a permis, nous devons, nous voulons retenir les acquis fondamentaux, toujours aussi essentiels face à la domination d’un capitalisme qui ne s’est pas « écroulé ». Aujourd’hui comme en 1920, nous approuvons le sens 21 conditions de l’adhésion à la IIIème internationale, prises dans leur ensemble, sinon leur lettre.
De Tours, nous voulons, nous devons retenir la rupture avec la social-démocratie, le réformisme et la collaboration de classe qui sont ses pratiques. (Condition n°7 : « Les partis désireux d’appartenir à l’Internationale communiste ont pour devoir de reconnaître la nécessité d’une rupture complète et définitive avec le réformisme … L’action communiste n’est possible qu’à ce prix »).
En 1920, les congressistes sortaient de la boucherie de 14/18 qu’avaient approuvée dans « l’Union sacrée » les principaux dirigeants de la SFIO jusqu’à rentrer au gouvernement. Aujourd’hui, la social-démocratie est à la tête du FMI qui coordonne la casse sociale et les conditions d’exploitation dans le monde…
En aucun cas, la nécessité de la rupture avec la social-démocratie, n’est contradictoire avec la recherche d’alliances, mais pour des objectifs précis et selon les conditions et les rapports de force.
Remarquons que la social-démocratie a toujours entretenu un courant plus « radical ». Mélenchon n’est vraiment pas un inédit historique !
À Tours, les congressistes avaient tiré les enseignements de la trahison de la plupart des élus et de la capacité de la démocratie bourgeoise à corrompre dans ses institutions.(Condition 11 : « Les partis désireux d’appartenir à l’Internationale communiste ont pour devoir de réviser la composition de leur fraction parlementaire, d’en écarter les éléments douteux, de les soumettre, non en paroles mais en fait, au comité central du Parti, d’exiger de tout député communiste la subordination de toute son activité aux intérêts véritables de la propagande révolutionnaire et de l’agitation ».) Après 1920, il ne se trouva que 10 députés socialistes sur plus de 70 à suivre la majorité des militants…
Le PCF doit être toujours, de nouveau, le parti qui refuse la « lutte des places » au nom de la lutte des classes, qui se démarque du spectacle lamentable des « primaires » pour les élections de 2012, qui refuse les compromissions électorales qui dégoûtent et démoralisent les travailleurs.
À Tours, les congressistes prenant la résolution d’agir en tant que communistes dans les syndicats (condition n°9) et de « combattre avec énergie et ténacité « l’Internationale » des syndicats jaunes fondée à Amsterdam ». Communistes, nous réaffirmons aujourd’hui la nécessité de l’action politique au centre de l’affrontement de classe, à l’entreprise. Elle ne s’arrête pas à la porte de nos syndicats, d’abord la CGT, menacés par les « jaunes » d’aujourd’hui, dans le respect de la fonction de chaque organisation. La Confédération européenne des syndicats, la CES, est l’héritière directe de l’Internationale jaune d’Amsterdam. Elle collabore avec les institutions européennes pour faire passer les traités et directives de l’UE du capital. Elle a fait campagne, pays par pays, pour la « Constitution » européenne et le traité de Lisbonne. Son président John Monks ne voulait pas voir en 2005 « remettre en cause les rêves de Monnet, Schumann, Mitterrand, Delors ». Il est inconcevable que l’équipe dirigeante du PCF et le Front de gauche fassent de la CES leur partenaire privilégié. Restons plutôt fidèles à Tours !
Le congrès de Tours a ouvert la voie au combat internationaliste et anticolonialiste du PCF qui est toujours le nôtre.
La 8ème condition indique notamment : « … Tout Parti appartenant à la IIIème Internationale a pour devoir de dévoiler impitoyablement les prouesses de « ses » impérialistes aux colonies, de soutenir, non en paroles mais en fait, tout mouvement d’émancipation dans les colonies… ». On se souvient de l’intervention d’Hô Chi Minh au congrès de Tours et de l’accueil enthousiaste qu’elle reçut. Cet engagement essentiel des communistes français s’est traduit en actes dès l’opposition à la guerre du Rif en 1923. Combattre le colonialisme, l’impérialisme, sous toutes leurs formes, d’où qu’ils viennent sont plus que jamais une priorité pour les communistes d’aujourd’hui. D’où qu’ils viennent, c'est-à-dire aussi de « nos » impérialistes qui se parent de plus en plus souvent aujourd’hui du couvert de l’Union européenne.
Le Congrès de Tours a ouvert la voie à la constitution d’un parti « de type nouveau », un parti de classe, toujours basé sur le marxisme, complété du léninisme, structuré plus rigoureusement selon les besoins de la lutte, impliquant l’intervention directe de ceux qui ont le plus intérêt à combattre le capitalisme. L’évolution a été progressive (constitution des cellules, des cellules d’entreprise…).
Elle a conduit à ce que le PCF soit réellement un parti de classe et de masse, permettant à des millions de travailleurs de s’approprier les armes du combat politique contre les capitalistes, à tous les niveaux, du local au national, à l’international. Cette réalité, inscrite dans l’affrontement de classe, issue de la forme d’organisation du parti communiste, a été d’un très grand apport démocratique, pour le parti, pour le pays (sans même revenir sur les pages de la résistance).
Elles peuvent et doivent l’être encore à l’heure où la sclérose de la démocratie bourgeoise ou les caricatures de « démocratie participative » pourraient préparer le terrain aux pires reculs des libertés politiques.
Comme sur tous les autres aspects que je n’ai pas mentionnés, on peut et il faut étudier de façon critique l’histoire du Parti, comment les principes de Tours ont été appliqués en France et dans le monde. Il n’est pas possible pour les communistes d’en faire l’impasse, sous peine de jeter le bébé avec l’eau du bain, voire de ne garder que l’eau du bain.
Le léninisme et la révolution russe ont permis au mouvement ouvrier français de passer à l’étape supérieure à laquelle il aspirait. L’expérience soviétique a ensuite marqué, accompagné le développement du PCF, souvent pour le meilleur, parfois non. La défaite du camp socialiste demande une analyse critique communiste qui n’est toujours pas réellement entreprise. Elle ne signifie en rien la fin de notre Parti.
Cette démarche est une nécessité justement parce que nous pensons que le PCF a toute sa raison d’être, de se renforcer aujourd’hui, dans la fidélité aux choix de Tours.
Je voudrais finir par la lecture de la condition n°17 : « Conformément à tout ce qui précède, tous les Partis adhérant à l'Internationale Communiste doivent modifier leur appellation. Tout Parti désireux d'adhérer à l'Internationale Communiste doit s'intituler Parti Communiste de... (section de la IIIème Internationale Communiste). Cette question d'appellation n'est pas une simple formalité ; elle a aussi une importance politique considérable. L'Internationale Communiste a déclaré une guerre sans merci au vieux monde bourgeois tout entier et à tous les vieux Partis social-démocrates jaunes. Il importe que la différence entre les Partis Communistes et les vieux Partis « social-démocrates » ou « socialistes » officiels qui ont vendu le drapeau de la classe ouvrière soit plus nette aux yeux de tout travailleur. »
Le nom de notre parti est indissociablement lié aux principes de sa création, comme à 90 ans d’histoire du communisme en France et dans le monde.
La 17ème condition est ainsi également toujours d’une grande actualité.
Les directions des partis communistes qui veulent se transformer en autre chose ont besoin de changer le nom. On l’a vu en Italie, en Suède, dans plusieurs pays de l’est.
En France, l’action des communistes, ce que représente le Parti dans le pays, l’ont rendu impossible jusqu’à présent. Il n’est pas question d’accepter maintenant que le nom du Parti soit dilué dans une « gauche », un « front de gauche » ou je ne sais quelle combinaison, ni qu’il soit dévalorisé.
Plus que jamais, face au capital, le peuple a besoin du PCF, d’un PCF fidèle à sa raison d’être, aux choix fondamentaux du Congrès de Tours.
Par PCF - Section Paris 15ème