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« LA PROBLÉMATIQUE DU FONCIER ET DU LOGEMENT EN CORSE : LE ROLE DES MAIRES »

Je ne saurais commencer mon intervention sans vous remercier de m’avoir invité à participer à vos travaux d’autant que ceux-ci concernent d’une part, une problématique centrale pour la Corse - la problématique du foncier et du logement - et d’autre part, le rôle des maires qui sera en effet essentiel, notamment, lors de la mise en œuvre opérationnelle de la politique concernée.

Qu’il me soit donc permis de rappeler, succinctement, à la fois l’importance et l’interaction de ces questions, avant de souligner les caractéristiques propres à chacune d’entre elles.

L’importance de ces questions se mesure, notamment, par leur prégnance au sein des différents espaces insulaires où les actions volontaristes des communes et des Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI) ne suffisent plus à endiguer la demande en matière de logement ainsi que l’augmentation tendancielle du prix du foncier, nourrie parfois par des actions spéculatives.

Ces problématiques doivent être en effet appréhendées dans le cadre de leur interaction : les collectivités locales ne peuvent stimuler la construction neuve, assurer une meilleure répartition territoriale de l’habitat social et favoriser une baisse significative des loyers, freiner la spéculation dans les zones littorales, lutter contre le mitage et le gaspillage de l’espace insulaire … sans la définition d’une stratégie claire et ambitieuse en matière de maîtrise du foncier accompagnée de la mise en place rapide des outils nécessaires.

C’est bien pour cela que la majorité territoriale en a fait un des axes prioritaires de l’actuelle mandature avec les « Assises du Foncier et du Logement » dont l’objectif est, comme l’avait rappelé Madame la Conseillère Exécutive en charge de ce dossier, « d’aboutir, d’ici le début 2011, à des propositions concrètes et à la mise en place d’une véritable stratégie politique en matière de logement et de foncier, cohérente avec le souci du développement économique et social de l’île ».

La question foncière - la question de la terre - est une donnée transversale à l’ensemble des politiques publiques dans les domaines de l’habitat, de l’agriculture, du tourisme ou de l’environnement.

La problématique du foncier se présente, bien sûr, en termes différents selon les types d’espaces considérés, très schématiquement, selon que l’on se trouve sur la côte ou à l’intérieur ; il est clair que notre littoral attire les convoitises et ce, au mépris de l’intérêt général et du respect de notre environnement.

La question foncière est une question d’importance pour le développement économique, en particulier pour l’agriculture. Elle est fondamentale aussi pour les aménagements urbains, gros consommateurs d’espaces, et enfin, pour la préservation du patrimoine naturel.

Dans un contexte de renchérissement du coût du foncier et de nécessité croissante d’économiser l’espace, la conduite d’une politique foncière est devenue le corollaire indispensable à toute politique de l’habitat. Ainsi, le problème foncier apparait de manière récurrente parmi les causes qui expliquent la situation tendue dans le domaine du logement : l’insuffisance de terrains constructibles cumulée avec des prix souvent prohibitifs, constituent pour les opérateurs, autant d’obstacles à la construction de logements.

En effet, la situation du logement en Corse, qui résulte de la conjugaison de plusieurs facteurs, génère des conséquences négatives telles qu’une offre locative à l’année très réduite dans le parc privé, un taux très faible de mobilité dans le parc social avec, en corollaire, une augmentation des prix, tant pour l’accession à la propriété que pour la location. Les loyers ayant eux-aussi augmenté plus vite que le coût de la vie, le poids de l’ensemble des dépenses de logement dans le budget des ménages s’est fortement accentué.

Selon l’INSEE, il manquerait plus de 6 000 logements sociaux, étant précisé qu’actuellement, 80% de l’offre se concentre dans les zones urbaines d’Ajaccio et de Bastia. Par ailleurs, un certain nombre de tendances se confirment, telles que la vacance de logements dans les espaces ruraux et la poursuite de la péri-urbanisation, 20 % de la population vivant en périphérie des villes.

Ainsi, l’augmentation de l’offre de logements dans le cadre d’un juste rééquilibrage en faveur du logement social, le soutien à l’activité économique aussi bien que la valorisation durable des espaces naturels et agricoles, passent par une politique de régulation foncière au bénéfice des collectivités locales.

Le projet de création d’un Etablissement Public Foncier (EPF) s’inscrit parfaitement dans cette stratégie dont l’efficience - eu égard aux enseignements que l’on peut tirer d’autres expériences conduites dans ce domaine - reposera nécessairement sur le respect de quelques principes de base, parmi lesquels :

  • Un principe de pérennité, sur le moyen et le long terme afin de pouvoir développer une véritable action régulatrice du marché foncier notamment sur les sites à enjeux qui ne manquent pas chez nous,
  • Un principe de sélectivité et de progressivité dans la mesure où les champs d’intervention peuvent être très coûteux,
  • Un principe de cohérence des interventions dans l’espace et dans le temps, les mutations foncières ayant toujours un impact sur le marché foncier environnant,
  • Un principe de partenariat intégré qui doit s’exprimer clairement, tant dans la composition et le rôle du conseil d’administration de l’EPF, qu’à travers les divers partenariats opérationnels à mettre en place avec certains opérateurs régionaux existants, tels que la Safer et le Conservatoire du Littoral.
Les démarches de définition puis de mise en œuvre de nos politiques foncières nécessitent que nous puissions disposer de projets de territoires à des échelles géographiques et de temps pertinentes, ces projets devant être déclinés dans des documents de planification adaptés (SCOT, PLU, …).

Ce qui m’amène tout naturellement à évoquer à nouveau le logement puisque la mise en œuvre d’une politique en ce domaine repose sur de nombreux acteurs, et en particulier, les collectivités territoriales ayant la maîtrise de leur urbanisme sur leur territoire.

Et ce n’est sans doute pas l’effet du hasard si « l’élaboration des documents d’urbanisme » est le premier point inscrit à l’ordre du jour de cette journée au cours de laquelle nous aurons, très certainement, des échanges fructueux qui nous permettront d’avancer sur ces questions de fond.