Convention tripartite d’application entre l’Etat, la CTC et l’Université de Corse pour la période 2009/2012
M. Dominique BUCCHINI
« Courbés sous le joug de l'autorité autant que vous le permet la flexibilité de votre échine, péniblement serrés dans une forme de pensée artistiquement imaginée, à force d’avoir plié sous les plans d’autrui, à force d’avoir obéi à tous les besoins du corps », c'est ainsi que FICHTE décrivait en 1793 les conservateurs allemands, à l’ombre des lumières, dans ses contributions pour rectifier le jugement du public sur la révolution française.
Mes chers collègues, il y a là quelques analogies avec le conservatisme ambiant de la Collectivité Territoriale et de ceux qui la dirigent. Parce que, que je sache, par-delà la personnalisation du propos et ce n'est pas à ce niveau que notre culture nous permet d’indiquer nos orientations, il y a eu sur la loi SARKOZY-PECRESSE un énorme débat au plan national. Je pense même qu’il y a eu quelques manifestations d'étudiants, je pense même qu’il y a eu un certain nombre de présidents d’universités qui ont pris position.
Il est pour le moins saugrenu, à moins que nous soyons amnésiques, d’entendre ici un certain nombre de propos déconnectés d'une réalité nationale, tout ce qui a trait au microcosme insulaire, tenant compte de notre spécificité, pour ne plus finir d’en parler, nous faire sortir de l'orbite nationale dont nous dépendons. Et je dis bien « par-delà les personnalisations outrancières » et ce n'est pas le fait de mon propos ; il y a un certain nombre de collègues qui oublient de préciser qu'un des traits de la convention, donc de la réforme en général (la convention étant une application au plan insulaire), et l'un de ses défauts majeurs est d'augmenter considérablement le pouvoir des présidents d’universités. Et honnêtement, moi je n’ai rien contre M. AÏELLO[président de l’Université de Corse.NDLR], j’allais même dire presque au contraire.
Véritables managers à la tête de conseils d’administration resserrés – mais je peux me permettre le terme peut-être – et affadis, ils pourront peut-être directement ou par l'intermédiaire de leur conseil d'administration embaucher des contractuels, disposer d'un droit de veto sur le recrutement des enseignants chercheurs statutaires (c’était le débat il y a 5 mois), moduler les services de ces enseignants chercheurs, traiter avec les pouvoirs locaux et –et je suis content que Jean-Christophe[Angelini :élu nationaliste.NDLR] l’ait souligné- traiter avec les entreprises. Il y a des gens dans notre assemblée qui ont oublié, alors que je crois qu'ils en sont imprégnés, qu'un minimum de distance critique, cher Jean-Martin[Mondoloni, élu UMP], à l’égard des appétits de pouvoir et des intérêts les plus étroits est peut-être à considérer.
Quand les grains de sable chemineaux font grincer la machine à contreréforme libérale, vous nous parlez avec emphase d’archaïsme corporatiste et quand –j’espère honnêtement et sincèrement que ce ne sera pas le cas– une infime couche –allez, je vais dire le terme- bureaucratique peut éventuellement promouvoir ses privilèges contre le reste des collectivités universitaires, alors vous nous parlez de modernité et d'intérêt général.
On nous parle et en définitive vous le savez bien, d'une réforme libérale, Michel[Stefani, élu communiste.NDLR] l’a dit et je suis content que notre groupe pose les problèmes politiques en ces termes pour ne pas être hypocrites et ne pas se cacher derrière le petit doigt, en capacité d’ouvrir des universités effectivement en crise. Mais on nous confectionne –vous le savez bien et un certain nombre d’entre vous j’en suis intimement persuadé- un monstre institutionnel fondé sur l’alliance peut-être de l'arbitraire démocratique et du marché en cumulant qu'on le veuille ou non les deux inconvénients qui sont des inconvénients respectifs.
La sagesse du libéralisme politique puisé dans Montesquieu, je cite et je suis heureux de citer Montesquieu dans cet hémicycle. On ne risque pas de voter ce rapport… « Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que par la disposition des choses le pouvoir arrête le pouvoir » - L’esprit des lois (1748). A tempu à Minana, mais c’est toujours d’actualité. Le pouvoir est balayé qu’on le veuille ou non et bon nombre de présidents d’universités l’ont dit, au profit de présidents qui deviennent omnipotents. Et comme nous sommes en Corse, que ce n’est bien sûr pas notre culture, clientélisme et localisme qui constituent selon nous déjà et en partie des maux quotidiens du fonctionnement de la société insulaire peuvent peut-être (je dis « peut-être » par euphémisme, je pense exactement le contraire) s’en trouver renforcés. Et je pense, Jean-Christophe l’a dit à sa manière, à nos étudiants.
L'acquisition par les étudiants de capacités critiques et de ressources polyvalentes outillant la préservation de leur dignité personnelle –je dis bien de leur dignité personnelle- face aux contraintes et aux aléas du marché du travail ira, si on ne fait pas attention, en déclinant au profit d’un ajustement de courte vue à des besoins économiques, j'ajoute, fortement instables.
C’est donc dans ce cadre-là qu'il était nécessaire de poser le problème de la convention. Je ne doute pas que techniquement l’Exécutif ait travaillé utilement et c’est bien qu’on ait travaillé de concert avec l'Université et la présidence pour en arriver à des points d'ancrage qui sont communs. C’est bien, il y va de l'intérêt de la Corse. Mais on ne peut pas ne pas avoir un regard périphérique sur les choses et en rester à une présentation qui est une présentation que nous pourrions considérer comme étant expertisée.
Je pense que la logique du service public, s'il faut la marier, même si vous êtes prudents, avec les prudences du libéralisme politique, implique nécessairement un débat et un débat ouvert avec la société corse et avec l’Université bien sûr, et après on tranche. C’est dans ce cadre-là, qui peut paraître pusillanime et hors concours, que nous posons le problème de la convention en essayant de regarder en amont ce qui aussi est important, parce que nous sommes pour une véritable réforme progressiste de l'université basée sur le service public. On n'en prend malheureusement pas la direction.»