Depuis l’inadmissible attentat contre Charlie Hebdo, on lit un peu partout dans la presse que « l’Islam interdit la représentation du prophète ». Et bien ce n’est pas le cas. Et si on veut éviter que les thèses extrémistes se généralisent, autant éviter de les présenter comme des vérités.
Dans le Coran, rien sur la représentation de Mahomet. Les seules lignes qui pourraient y faire allusion concernent idolâtrie, ce qui est pour le coup fortement condamné par l’Islam. Le Coran regarde avec mépris ces « païens » qui adorent des images ; « Que signifient ces statues que vous adorez avec tant d'ardeur ? […]Honte sur vous et sur ce que vous adorez à l'exclusion de Dieu ! » Avant d’appeler à brûler les idoles. Pour consulter le passage complet, se reporter aux versets 50 à 70 de la sourate 21 du Coran.
La destruction des idoles fut édictée en loi temporelle en 721 et respectée dans le cadre de l’Islam, principalement, car les musulmans sont restés globalement respectueux des images religieuses chrétiennes. Une règle que tente de durcir sérieusement au XIIIème siècle l’école Chaféite (une des quatre écoles de pensée du Sunnisme), en promulguant un texte très austère qui interdit l’utilisation et la création de toute représentation figurée. Sur n’importe quel support, pour n’importe quel usage, ni fleur, ni animal et encore moins d’être humain. Cette représentation est « interdite en toute circonstance, parce qu'elle implique une copie de l'activité créatrice de Dieu ». Loi qui a été, on s’en doute, globalement peu respectée avant de tomber en désuétude, mais qui en attendant a permis à de nombreux artistes d’exceller en calligraphie.
Ce qu’il en reste est qu’il ne faut pas « adorer » une représentation, et que l’image sert avant tout comme distraction ou décoration. Et donc qu’effectivement, on ne rigole pas au quotidien avec le prophète. Mais aujourd’hui, les écoles de pensée de l’Islam ne se sont toujours pas mises d’accord sur une règle concernant la représentation. Seules deux règles semblent plus ou moins unanimement respectées au fil des siècles et aujourd’hui encore : on ne dessine pas dans les mosquées, et on n’illustre pas le Coran. Et ce, on le répète, pour éviter l’idolâtrie et ne pas distraire les fidèles de la prière.
Mais sur l’image de Mahomet, rien n’est dit. On peut d’ailleurs trouver au cours de l’histoire plusieurs représentations du prophète, effectuées par des artistes musulmans du monde entier. En voici quelques exemples des XV, XVI et même XIXème siècle dans la collection du Metropolitan Museum de New York. Mahomet est ainsi représenté dans des histoires du monde, des biographies illustrées qui lui sont consacrées (comme ci-contre, une représentation de Mahomet arrivant à La Mecque, datée du XVIème siècle, issue d'une exposition de la BNF). On le retrouve aussi représenté dans de nombreuses histoires de Prophètes, dont les Perses (en Iran) et les Indiens étaient très friands.
Enfin notons que de nombreux Chiites ne se sont pas encombrés de tels interdits et utilisent au quotidien de très belles icônes, notamment d’Ali.
Il serait donc de bon ton qu’on arrête de donner comme vérité l’interprétation étrange des plus extrémistes, parce que vraiment là, de plus en plus de gens y croient…