La vie du Parti
Le rapport présenté par Pierre Laurent,
Secrétaire national du PCF, lors du Conseil national du PCF des 8 et 9 avril 2011.
Seul le prononcé fait foi
"Nous sommes réunis aujourd'hui pour un Conseil national de grande importance.
Les décisions que nous avons à prendre vont beaucoup compter comme nous le savons tous. Elles sont très souvent ramenées à la seule
question de notre choix de candidature pour l'élection présidentielle.
Ce choix essentiel sera au cœur de nos décisions puisque nous ouvrons
aujourd'hui le processus qui doit nous mener jusqu'à la conférence
nationale de juin. Je veux toutefois dire d'emblée, et je m'efforcerai
de le montrer dans le rapport, que l'enjeu déborde largement cette
question. Elles s'inscrivent en effet dans une situation politique à
proprement parler exceptionnelle.
Pour mener ce débat, soyons attentifs à ce que nous disent les
communistes. Leurs exigences sont claires. Ils souhaitent un débat
respectueux dont nous sortions unis, quelles que soient les décisions
prises. Ils souhaitent aussi disposer en connaissance de cause de tous
les éléments nécessaires à leur prise de position, y compris de l’avis
motivé de leur direction. Transparence et esprit de responsabilité,
voilà ce qui animera donc l’esprit de mon rapport.
LA SITUATION POLITIQUE A LA LUMIERE DES ELECTIONS CANTONALES
Au lendemain des élections cantonales, je veux commencer par adresser
toutes mes félicitations aux communistes, à tous les candidat-e-s qui
portaient les couleurs du Front de gauche, à tous nos élu-e-s,
singulièrement les nouveaux. L'abstention était orchestrée par le
pouvoir dans ces élections, nos militants ont sauvé l'honneur de la
démocratie, en menant une remarquable campagne de terrain à l'opposé
du boycott officiel. Cela a payé. Bravo à toutes et tous. Bravo à tous
nos camarades.
La signification de l'abstention
La moitié du pays était appelée aux urnes. C'est pourtant l'abstention
qui a constitué l’événement des premier et second tours de ces
cantonales. Nous sommes devant le niveau d’abstention le plus haut à
des cantonales depuis la Libération. Avec une progression de +19,59%
par rapport au scrutin 2004, nous sommes même confrontés au plus fort
accroissement de l’abstention entre deux élections strictement
comparables, de l’histoire de la Cinquième République.
J'ai souligné l'importance du travail de proximité des militants et
candidats du Front de gauche et des communistes en particulier. Les
résultats sont là : 78% des électeurs de Marie George Buffet au 1er
tour des présidentielles de 2007, selon les enquêtes sorties des
urnes, 68% de ceux du Front de gauche aux Régionales 2010 et 62% des
sympathisants communistes ont voté aux cantonales. C’est chez eux
qu’on trouve le moins d’abstentionnistes.
Autre fait notable, il n’y a pas eu de sursaut de participation au
second tour alors que se sont tenus plus de 400 duels Gauche/FN ou
Droite/FN. Le black-out du pouvoir et des médias a joué, mais à
l'évidence, le phénomène est plus profond. A l’exception des
présidentielles où la tendance est plutôt à la hausse de la
participation, tous les autres scrutins, y compris les élections
locales, sont affectés par une tendance lourde et accélérée à
l’accroissement de l’abstention.
Le fossé entre les attentes populaires et les réponses apportées par
les politiques mises en œuvre ne cesse de s'accroître. La confiance
des citoyens dans la capacité de leurs élus à régler leurs problèmes
concrets se dégrade, dans un contexte où beaucoup se sentent
abandonnés par l’Etat et les institutions. Ce reproche d’impuissance
se conjugue souvent avec une extension des pratiques clientélistes. Un
nombre croissant de nos concitoyens ne se reconnaît plus dans la vie
politique.
Ce fait majeur ne peut être interprété en même temps comme un
désintérêt massif pour la chose publique. Plus de sept millions de
personnes ont participé activement au mouvement des retraites, il y a
quelques mois seulement. Les évènements internationaux, de la Tunisie
à la catastrophe du Japon, suscitent de profonds débats populaires. Et
si les opérations du pouvoir sur l'identité nationale ou la laïcité
suscitent tant de remous et de rejet, c'est parce qu'une majorité du
pays n'y retrouve pas les valeurs du vivre ensemble auxquelles elle
reste attachée.
En vérité, nos concitoyens sont en recherche de nouveaux repères, d'un
nouveau récit collectif ou national dans lesquels se projeter. Les
frustrations politiques sont d'autant plus grandes que la crise avive
les urgences sociales, et que la puissance des résistances aiguise les
attentes de changement. Notre pays peut se désespérer. Il est aussi
disponible pour le meilleur. Cette contradiction, confirmée par le
reste des résultats, est un enjeu central pour les mois à venir.
Le rejet de l'UMP de Nicolas Sarkozy
L’UMP et les candidats divers droite ont dans ce contexte obtenu des
résultats en fort recul par rapport à 2004, respectivement 16,97% et
9,32% en 2011, alors qu'ils atteignaient en 2004, 20,95% pour l’UMP et
11,36% pour les divers droite. Bien qu’amorti en particulier en termes
de sièges par l’implantation de certains notables et par les duels
Droite/FN, ce recul est général. Dans les cantons les plus populaires,
il entraîne une marginalisation politique de l’UMP qui est éliminée
dès le 1er tour.
Ce reflux de la droite est d’autant plus significatif que les
cantonales de 2004 avaient déjà été catastrophiques pour l’UMP et ses
alliés. Il s’inscrit dans une tendance lourde amorcée aux municipales
de 2008, confirmée aux européennes de 2009 et aux régionales de 2010.
Derrière ces résultats des cantonales, se confirme le rejet massif de
la politique de Nicolas Sarkozy. Il est désormais profond et durable,
atteignant même une partie de l'électorat de la droite. Il confirme la
rupture entre Nicolas Sarkzoy et de larges couches du monde salarié
qu'a constitué, comme nous l'avions analysé, le mouvement des
retraites. « Sa première grande défaite politique depuis le début du
quinquennat » avions-nous dit. Il est d'autant plus significatif qu'il
se confirme au terme d’une séquence active du pouvoir pour reprendre
l'initiative. Qui se souvient aujourd'hui du choc que devait
constituer le remaniement de novembre? Quant à la tentative de
rééditer la captation des thèmes lepénistes comme en 2007, elle ne
nourrit cette fois que Marine Le Pen et le FN, et déchire le pouvoir
en son sein.
Il ne semble pourtant pas que le clan sarkozyste envisage de corriger
le tir. Jean-François Copé sur la laïcité, Claude Guéant sur les
musulmans poussent les feux de la provocation. Jusqu'où et pourquoi ?
Toutes les hypothèses sont à envisager: d'une stratégie d'apprentis
sorciers prêts à instrumentaliser le FN pour tenter de sortir gagnants
pour la présidentielle du chaos politique ainsi créé, jusqu'à la
tentation d'alliances à l'italienne avec une extrême-droite
banalisée. Les dangers sont multiples. La vigilance et la mobilisation
sont à coup sûr de mise. Nous ne devons rien laisser passer. C'est une
ligne de pente extrêmement dangereuse d'un pouvoir aux abois, mais
probablement prêt à tout pour sauver son pouvoir et les intérêts
nationaux et internationaux des puissants qu'il sert. Oui, tout,
jusqu'à la guerre comme on le voit avec l'engagement brutal de la
France en Libye et en Côte d'Ivoire.
La poussée du FN : inquiétante et résistible
Dans ces conditions, il convient évidemment de prendre au sérieux la
poussée du FN.
Au-delà de ces scores électoraux, tout se passe comme si un mouvement
de cristallisation s'était opéré en quelques mois sous le triple effet
d'une aggravation forte de la crise sociale, du contre-coup du vote de
la loi sur les retraites et de la banalisation du FN à la faveur de
l'élection de Marine Le Pen à sa tête. Dans ces élections cantonales,
le FN progresse de près de 3% passant de 12,13% en 2004 à 15,06% alors
qu’il se présentait dans 388 de moins qu’en 2004. S'il n'obtient que 2
élus, 35 départements ont accordé au FN plus de 20%, et il dépasse la
barre des 15% dans 67 départements.
Si le parti d’extrême droite garde sa géographie électorale
traditionnelle, il mord maintenant chez les ruraux et dans les zones
d’habitation des classes moyennes dans la grande périphérie des
métropoles urbaines. Il mord également de manière significative sur
l’électorat populaire de droite, et dans les zones de
désindustrialisation, il attire à lui dans des proportions non
négligeables des électeurs de faibles cultures partisanes ainsi que
certains anciens abstentionnistes, voire certains électeurs d’extrême
gauche en perdition.
Il serait illusoire et dangereux de ramener la progression du FN au
seul siphonnage, bien réel, des voix de l’UMP. Le FN puise de plus en
plus d’électeurs parmi le nombre croissant de Français qui ne se
réclament ni de la gauche, ni de la droite.
Comme en Italie, aux Pays-Bas et dans d’autres pays d’Europe, le parti
d’extrême droite a engagé sa mue populiste devenant capable d’attirer
les suffrages d’une classe moyenne inquiète pour son avenir face à la
mondialisation, en perte de repères politiques et étant ainsi de moins
en moins sensible aux arguments anti-fascistes traditionnels.
Plusieurs leçons doivent être tirées sans attendre.
Le combat des valeurs, pour l'égalité des droits et le refus des
xénophobies doit être mené avec une vigueur renouvelée car nous savons
qu'en période de crise bien des digues peuvent lâcher. Nous dirons
toujours non à la banalisation du racisme, partout et en toutes
circonstances. Cela ne peut toutefois suffire.
C'est d'abord à un travail de terrain, d'argumentation dans la
proximité, de solidarité concrète dans la lutte face à la violence du
système capitaliste que cette situation nous appelle. Dans les
entreprises, comme dans les quartiers. Le masque social dont fait mine
de s'affubler le Front national doit être arraché, argument contre
argument, en étant au plus près des salariés durement frappés par la
crise. Les promesses sociales vont fleurir comme jamais dans les
discours du FN. Mais qui doit payer ? La « préférence nationale »
répond systématiquement le FN de manière totalement illusoire et
démagogique, en montrant du doigt les immigrés pour exonérer la
responsabilité des prélèvements financiers capitalistes sur les
richesses créées par l'ensemble des salariés. C'est une énorme
supercherie. Ce que le FN cache aux travailleurs, ce sont les réels
profiteurs du système, les actionnaires, ce qui touche les dividendes,
et autres tireurs de ficelles patronaux du dumping social mondialisé.
Non, la richesse de notre travail ne s'envole pas vers l'île de la
misère de Lampedusa. Elle tombe dans les coffre-forts des îles Caïman,
et autres paradis et niches fiscales, tous taillés sur mesure pour le
capital. A nous de lever ce voile et de désigner les vrais
responsables de la crise.
Au fond, nous le savons, le seul moyen de faire reculer durablement le
FN est de construire les voies d'une alternative politique de gauche
crédible, et c'est évidemment là que le bât blesse encore très fort.
PS : des résultats satisfaisants sans élan
Le rapport global Gauche/Droite a évolué favorablement dans ces
élections cantonales par rapport au premier tour de 2004, la gauche
devient majoritaire avec 50,45% des exprimés contre 48,18 % pour la
droite.
Dans ce résultat global, le PS qui avait atteint en 2004 le score de
26,25% des suffrages exprimés, plafonne à 24,94%. Cette érosion
s’explique d’abord par le très haut niveau d’influence atteint en
2004, et aussi par une baisse de 2% du nombre de candidats y compris
du fait des accords PS-EELV. Dans certains cantons, une partie de
l’électorat du PS a été captée par EELV, ou par le Front de Gauche,
comme en Seine St Denis, dans les Hautes Pyrénées, dans la Haute
Garonne ou la Haute Vienne par exemple.
Au total, le PS, le PRG et les DVG passent de 1013 sortant à 1003
conseillers généraux soit un solde négatif de 10 conseillers
généraux. Le PS et la gauche gagnent les Conseils généraux des
Pyrénées Atlantiques, et le Jura. Il perd le Val d’Oise.
EELV : loin de leurs espérances
EEVL passe de 4,1% en 2004 à 8,22% des exprimés. Cette nette
progression s’explique en grande partie par une forte augmentation du
nombre de candidats par rapport à 2004. EELV couvre aujourd'hui 60%
des cantons métropolitains contre 36,51% en 2004. EELV voit son nombre
de conseillers généraux passer de 12 sortants à 27 élus au soir du 2e
tour.
Les candidatures uniques EEVL-PS ont certes permis de booster le score
des écologistes mais sans créer de dynamique électorale, le résultat
des candidats uniques EEVL-PS étant généralement égal ou inférieur à
l’addition des scores du PS et des Verts en 2004. De plus, cette
stratégie se traduit essentiellement par une perte sèche pour le PS et
n’apporte rien à la gauche : sur les 27 élus, 8 étaient sortants et 14
sont gagnés sur la gauche dont 11 sur le PS.
FDG et Parti communiste : des résultats convaincants et encourageants
Dans ce contexte difficile, après les européennes de 2009, et dans une
moindre mesure les régionales de 2010, le Front de gauche continue à
progresser. Ce progrès est notable dans les deux tours. Il a été très
largement apprécié par les communistes. Les candidats du Front de
gauche obtiennent nationalement quasiment 9%, 8,92% exactement, contre
7,79% pour le PCF et ses soutiens en 2004, soit une progression de
+1,13%. Cette progression touche 70 départements métropolitains sur 95
avec une très forte capacité de rassemblement des conseillers généraux
communistes sortants, même si les dynamiques sont inégales. Sur les
seuls cantons où il y avait un candidat du Front de Gauche, le score
atteint est de 11%. Sur les 1254 cantons où un communiste représentait
le FDG en 2011 et le PCF en 2004, les scores sont de 10,58% contre
9,44% soit une progression de +1,36% des exprimés.
Il faut évidemment souligner dans ce résultat global, les résultats de
nos camarades de l’Allier emmenés par le président communiste du
département Jean-Paul Dufregne, qui renforcent leur majorité
départementale, et évidemment ceux du Val-de-Marne, qui avec Christian
Favier, remportent une victoire d’autant plus nette et éclatante
qu’une opération concertée PS-EELV s’était clairement donnée
l’objectif d’un basculement de majorité. Il faut ajouter une mention
particulière pour nos résultats en Seine-Saint-Denis qui confirment
nos possibilités de reconquête. Nous pouvons tous, je crois, féliciter
les camarades de ces départements, dont l’écho des résultats a
évidemment une dimension nationale.
Dans l’ensemble, le Front de Gauche fait une percée relative chez les
18/24 ans avec 12% des votes, dans les professions intermédiaires avec
14% et dans une moindre mesure chez les ouvriers avec 11%.
Le Front de Gauche est dans ces élections la seconde force à gauche
devant Europe Ecologie Les Verts (EELV) et retrouve presque les scores
du PCF de 1998. Il obtient 118 élus en France métropolitaine, 113
communistes et apparentés et 5 PG. Sur les 37 duels de second tour
contre le FN, le Front Gauche en a gagné 36. C’est face au Front de
gauche qu’en moyenne les progressions du FN entre les deux tours ont
été les plus faibles.
Les communistes et apparentés ont gagné 17 élus et en ont perdu 8 soit
un solde positif de 9. C’est la première fois depuis 1998 que nous
progressons en nombre d’élus aux cantonales. Le Parti de Gauche, dans
des conditions difficiles puisque ses sortants avaient été élus comme
candidats PS en 2004, reste stable en sièges. Il en a perdu 3 mais en
a gagné 3.
L’analyse de ces bons résultats est à poursuivre dans chaque
fédération. Je fais juste trois remarques supplémentaires. Le travail
de terrain a été décisif. Il confirme que le militantisme de proximité
et l’ancrage territorial du PCF, pas seulement dans les cantons
sortants, sont des atouts de premier plan pour la dynamique générale
du Front de gauche. Deuxièmement, la tendance nationale de ces
résultats confirme l’effet Front de gauche qui crée une dynamique de
rassemblement indéniable. Enfin, les signes très clairs de
rassemblement que nous avons donnés au soir du premier tour ont
amplifié cette dynamique en faveur de nos candidats présents au second
tour. Le gain de certains élus, dans des rapports de force de
premier tour parfois improbables, est de ce point de vue
significatif, notamment face à des élus PS ou EELV qui s’étaient
maintenus contre nous.
L’ensemble de ces remarques détaillées nous donne des indications
précieuses sur les évolutions politiques en cours. Elles ne peuvent
toutefois, compte tenu du niveau de l’abstention, conduire à des
projections hâtives sur les futures échéances politiques. Elles
dressent un tableau des enjeux dont les grands traits sont clairs :
notre pays est plongé dans une crise et une instabilité politiques
inédites, qui appellent des réponses alternatives fortes à gauche.
Faute de cela, les risques de dérive droitière, voire
d’extrême-droite, sont sérieux.
En vérité, pour bien prendre la mesure des défis de la période, il
faut absolument élargir notre champ de vision et comprendre que nous
vivons à bien des égards une période politique à proprement parler
exceptionnelle.
UNE SITUATION POLITIQUE EXCEPTIONNELLE
La crise financière mondiale de 2008 a ouvert une période historique
nouvelle. Nous avions alors souligné le caractère global et systémique
de cette crise. Tout ce qui se passe depuis nous fait mesurer
l'ampleur des bouleversements en cours. La contradiction entre la
domination des logiques capitalistes sur la planète tout entière et la
nouveauté des besoins humains et écologiques qui s'affirment en butant
toujours plus sur le système s'aiguisent à vitesse accélérée. Le
monde change sous nos yeux. Pour le pire comme pour le meilleur. Et
dans notre pays aussi, tout est possible dans un sens comme dans
l'autre.
La France en danger: ça ne peut plus durer
En 2008, face à la crise, un an et demi après son élection, Nicolas
Sarkozy promettait de révolutionner le capitalisme. Depuis, sa
politique, monarchique et antisociale, n'a fait qu'enfoncer le pays
et fragiliser l'économie nationale en sacrifiant la production des
richesses aux intérêts du capitalisme financier. Le cynisme de
l'argent est aux commandes, indifférent aux drames humains et
écologiques qu'il engendre.
La vie sociale, l'investissement dans le travail de millions de nos
concitoyens sont bafoués. Ils voient leur existence basculer ou en
passe de l'être, vivent dans le stress, l'inquiétude de l'avenir ou du
chômage. L'emploi industriel est cassé - 700.000 emplois perdus en dix
ans - et l'emploi public est massacré, faisant craindre pour l'avenir
du pays lui-même et de sa jeunesse.
De la Fondation Abbé-Pierre aux études de l'INSEE, toutes les enquêtes
qualitatives confirment un sentiment de régression sociale devenu
massivement tangible. 2,9 à 3,5 millions de femmes et d'hommes vivent
dans des logements indignes ou sont sans-abris. Des salariés chaque
jour plus nombreux accumulent les emplois précaires et se tuent à la
tâche pour survivre. 25% de la population renoncent aux soins médicaux
dont ils ont besoin. Des millions ne pensent plus qu' à boucler la fin
du mois avec 750 euros mensuels quand des patrons licencieurs et
spéculateurs empochent 150 fois plus, quand actionnaires et traders se
partagent la plus grosse part du gâteau des 83 milliards d'euros de
profits du CAC 40. Près d'un tiers des revenus des foyers français, à
peine empochés, partent chaque mois directement dans le paiement du
loyer et des charges. Comment s'étonner alors devant l'envolée des
prix qu'un salarié écrive dans un de nos cahiers citoyens: ne parlez
plus de pouvoir d'achat mais de pouvoir « de vivre ».
Cette société de plus en plus insupportable, qui n'offre plus d'avenir
lisible, cette explosion des inégalités et de la mal-vie qui
s'accompagne d'une brutalité et d'un cynisme arrogant de la part du
président, de sa majorité et du Medef, provoquent des réactions de
plus en plus vives et aussi de plus en plus contradictoires .
La lutte des classes plus forte que jamais réapparaît dans les
consciences; la révolte cohabite avec le sentiment d'impuissance.
Qu'ils soient cadres ou jeunes travailleurs précaires, 87% des
Français déclarent dans une enquête que, pour éviter les destructions
d'emplois, il serait acceptable d'abaisser le niveau de rentabilité
des entreprises exigées par les actionnaires, mais seuls 38% estiment
cette perspective réaliste. Le système est mis en accusation, sans que
les responsabilités soient clairement identifiées.
La crise du système et la politique de Nicolas Sarkozy mettent à nu
dans les consciences les dangers encourus par le pays tout entier.
C'est la France, la République dans ses fondements qui semblent mises
en danger. La RGPP, l'asphyxie budgétaire et la réforme des
collectivités territoriales, les lois liberticides et anti-jeunes, la
déstabilisation de l'école, des services de santé, l'attaque contre la
laïcité ... rien de ce qui est stable ou susceptible de faire socle et
appui pour le peuple n'est épargné. Tout espoir individuel ou
collectif de progresser semble fragilisé.
Ce sentiment de déclin heurte de plein fouet les valeurs persistantes
du vivre ensemble, de la solidarité, de l'égalité que le pouvoir n'a
décidément pas réussi à extirper des tréfonds de notre société. Notre
peuple souffre mais n'a pas renoncé à l'espoir. Même le Front national
cherche à capter ces valeurs, pour tenter d'incarner un nouveau destin
collectif pour les « Français », qui n'est qu'un masque de la «
préférence nationale ».
Désormais, dans tous les sondages, Nicolas Sarkozy est donné battu en
2012. Ce n'était encore pas le cas, il faut le souligner, à l'automne
au sortir du mouvement sur les retraites. Aujourd'hui, c'est le « tout
sauf lui » qui domine.
Le pouvoir l'a compris. Il s'acharne pour cela à diviser, à opposer, à
cultiver la peur et le repli, à disqualifier toute résistance, à
étouffer dans l'œuf tout espoir de changement.
Face à lui, les résistances continuent d'être massives et multiformes.
Du mouvement social contre la réforme des retraites aux rassemblements
du 2 avril dernier pour la défense des hôpitaux publics, toutes les
luttes sociales et salariales qui ne cessent depuis janvier 2010 de
Dunkerque à Marseille en sont la manifestation.« Ça ne peut plus durer
ainsi » est l' idée qui grandit et qui s'impose progressivement à tous
qu'elle porte d'ailleurs en elle l'envie d'agir ou le poids du
désespoir.
Qu'adviendra-t-il de cette exaspération et de cette exigence populaire
de changement? Tel est exactement l'enjeu de l'année à venir.
Le Pacte pour l'Euro + : un coup de force qui accélère la crise
Dans l'Europe toute entière, le choc des aspirations populaires et des
politiques capitalistes de crise prend des proportions inégalées.
Après la Grèce, l'Islande, l'Irlande, c'est au tour du Portugal de
déclarer faillite, en vérité, de sombrer sous les coups des stratégies
libérales ultra-spéculatives.
Et quelle est la réponse apportée par les gouvernements de l'Union
sous l'impulsion d'Angela Merkel et Nicolas Sarkozy? Le pacte de
l'euro +, une machine de guerre contre les travailleurs, les services
publics et la souveraineté des Etats. Avec ce Pacte, un cap gravissime
a été franchi en catimini au dernier conseil européen des 24 et 25
mars derniers.
Ce pacte institutionnalise et étend les politiques d'hyper-austérité à
tous les pays membres. Il impose autoritairement à chaque État
européen d'engager des réformes calquées sur les politiques
d'ajustement structurel du FMI et d'en rendre compte annuellement. Au
nom de la compétitivité, il est ordonné à chaque Etat de baisser
encore les coûts salariaux dans le privé comme dans le public. Au nom
de l'emploi, il leur est ordonné de « favoriser la flexisécurité »,
autrement dit, la maxi-précarité qui touche déjà 40% des actifs en
Europe, et de transférer la fiscalité sur le capital vers la
consommation : c'est le retour de la TVA sociale. Il ordonne
d'augmenter l'âge du départ en retraite partout. Enfin, chaque Etat
doit inscrire dans sa loi fondamentale la règle d'or du « frein à
l'endettement », autrement dit la réduction drastique et programmée de
toutes les dépenses publiques.
Cette régression sociale généralisée à l'échelle européenne
s'accompagne d'un recul démocratique sans précédent: les parlements
nationaux et la souveraineté budgétaire des peuples sont bâillonnés,
tandis que consigne est donnée de réviser à la baisse droits
syndicaux et processus de négociation sociale.
En tant que Président du PGE, j'ai lancé un appel aux forces
démocratiques et sociales, le 12 mars dernier à Athènes, à la
construction de fronts de résistances contre ce pacte.
Dans ce cadre, et avec nos partenaires du Front de gauche, nous
proposons de tenir à Paris début mai un grand meeting de lutte et de
propositions – en même temps que le débat à l'Assemblée nationale sur
la réforme constitutionnelle – pour révéler et alerter – comme l'a
entrepris L'Humanité – sur le contenu de ce pacte et pour lancer un
appel à la mobilisation en France.
Compte tenu du rejet sans appel par le mouvement syndical et la CES de
ce Pacte, nous ne serons pas seuls dans ce combat. Les mobilisations
contre l'austérité se déploient partout en Grèce, en Espagne, au
Portugal, en Angleterre à nouveau où le 26 mars s'est déroulée une
manifestation d'une ampleur qui ne s'était pas vue depuis Thatcher, à
Budapest demain avec l'euro-manifestation syndicale.
Les impasses capitalistes éclatent partout
France, Europe... mais c'est partout le monde qui craque sous les
contradictions. Et chaque fois, les impasses du système capitaliste
révèlent son incapacité à prendre la mesure des changements qui
frappent à la porte du monde.
La crise monétaire et financière mondiale? Après la crise de 2008, on
allait voir ce qu'on allait voir au G8 et G20 sur la refonte du
système monétaire international. L'enfoncement est patent. Nous serons
donc des mobilisations et contre-sommets que la coalition nommée « Les
peuples d'abord, pas la finance » va organiser en France lors des
réunions des G8 et G20, dès le 21 mai prochain au Havre, et à Cannes
en novembre.
La catastrophe au Japon? Que devient le grand débat politique
énergétique agité dans l'urgence et dans l'émotion à des fins
électorales? A quand la mise à plat des choix énergétiques, nucléaire
et autres, le questionnement des stratégies de rentabilité et de
privatisation, le débat sur la maîtrise publique, la programmation de
la transition écologique énergétique mondiale? Le débat passionnant
que nous avons tenu le 29 mars dans ces murs reste à ce jour la
première et la seule initiative de confrontation publique. A nous donc
de poursuivre et de relever le défi.
Les révolutions arabes? Le gouvernement français s'est
particulièrement distingué et déshonoré. Le développement de
mouvements populaires et de luttes sociales dans un monde arabe en
révolution constitue un fait majeur. De la Tunisie au Yémen, de
l'Égypte à la Syrie en passant par Barheïn, dans des contextes
politiques et sociaux très différents, l'aspiration à l'exigence
démocratique, la demande de justice sociale et le besoin de
souveraineté s'affirment partout avec une grande force. Ces
bouleversements témoignent des limites atteintes par des régimes
complètement dépassés par les évolutions du monde, incapables de
répondre aux attentes des peuples et de la jeunesse, sinon par la
répression, la censure et la fermeture.
C'est une grande bataille qui s'est ainsi engagée. Après les
changements intervenus en Amérique latine, les bouleversements du
monde arabe - véritable basculement de l'histoire pour tous ces
peuples- indiquent à quel point le monde bouge, à quel point le mépris
des libertés, les politiques néo-libérales et les plans d'ajustement
structurels, les rapports néo-coloniaux, les dominations... tout cela
est contesté et peut mobiliser pour s'en libérer. Voilà ce que nous
disent ces peuples qui surmontent les peurs et qui se rassemblent dans
des luttes pour de vrais changements politiques et sociaux.
La Libye, la Côte d'Ivoire? L'hypocrisie de la politique française et
des puissances dites « occcidentales » éclate au grand jour. Leur
politique interventionniste et militaire à géométrie variable se pare
de déclarations sur le devoir de protection des peuples en danger mais
ne visent qu' à défendre leurs intérêts et ceux des multinationales.
On voit bien que l'Administration américaine a pesé de tout son poids
pour sauver l'essentiel des intérêts américains et occidentaux dans
une région stratégique comme la Libye.
On mesure bien ce que Nicolas Sarkozy voulait signifier en disant que
la France devait se réinsérer dans la « famille occidentale » :
réintégration complète dans l'OTAN; intégration dans les zones de
guerre américaines avec un renforcement des troupes françaises en
Afghanistan et installation d'une base militaire dans le Golfe
persique, en face de l'Iran.
Alors que notre pays pourrait jouer un rôle positif au plan
international en favorisant le traitement politique et diplomatique
des conflits, en faisant la promotion de la coopération et du
désarmement, Sarkozy fait de la France une nation guerrière présente
en Afghanistan, en Libye et, maintenant, en Côte d'Ivoire.
Voilà le monde dans lequel nous vivons et qui inquiète tant nos
concitoyens. Voilà le monde qui appelle tant de changements et qui
paraît à beaucoup d'entre eux qui ne le supportent plus si difficile à
changer. Voilà le monde dont pourtant tant d'hommes et de femmes dans
notre pays aspirent à s'émanciper.
LE DEFI DE L’ALTERNATIVE AU POUVOIR DE NICOLAS SARKOZY
Nous sommes bien là au cœur de la question politique du moment. Notre
pays est en souffrance, il aspire au changement pour vivre mieux,
vite, et pour retrouver le goût de l'avenir et d'un destin collectif.
Il est plus que jamais en équilibre instable: défiant à l'égard de la
politique mais pas résigné face aux inégalités; cherchant à avancer
mais doutant de lui-même et de sa force; enclin à combattre mais
enfermé dans un paysage politique qui ne lui donne pas envie.
Voyons les obstacles mais surtout ne perdons pas de vue l'essentiel :
la recherche persistante et multiforme d'une alternative de progrès
continue de mobiliser dans les formes les plus diverses, mais de
manière récurrente des millions et des millions de nos concitoyens.
Comment ouvrir le chemin de cette alternative avec nos concitoyens ?
C'est à cela qu'il convient de consacrer toute notre énergie et notre
créativité politique.
Pourquoi la gauche ne crée pas d'élan suffisant
A un an d'une élection présidentielle qui s'apprête à précipiter le
débat politique, pourquoi la gauche ne semble pas susciter l'élan que
le rejet du pouvoir sarkozyste pourrait nourrir à son égard?
Tout simplement parce que la gauche n'apparaît pas en mesure de
remplir deux conditions qui paraissent incontournables aux Français.
1) porter un projet de changement qui semble réellement capable de
changer la vie; 2) s'unir sur ce projet pour être suffisamment forts
et gagner. En somme, la gauche n'apparaît pas capable de s'unir sur la
politique de changement attendue par les Français qui la désirent.
Ainsi, la situation à gauche à l'issue du mouvement sur les retraites
a-t-elle laissé un goût amer à de nombreux salariés. Satisfaits de la
présence de la gauche dans les manifestations, beaucoup ont douté
jusqu'au bout de la fermeté des engagements du PS et entendu ses
ambiguités sur la portée effective du droit à la retraite à 60 ans.
La présentation par Martine Aubry du programme du PS le 5 avril
dernier est-elle en mesure de changer ce sentiment? « Le ton
d'ensemble des propositions socialistes est sans doute le plus à
gauche que le PS ait produit depuis 1981 », a-t-on entendu chez
certains commentateurs. Des mesures utiles figurent effectivement au
rang des priorités annoncées pour 2012, mais bien timides dans
l'ensemble. Et surtout la faiblesse structurelle demeure : aucune
remise en cause sérieuse sur l'Europe, rien de fort sur la répartition
des richesses, ni sur la fiscalité du capital, aucune inversion de
tendance sur le financement de la protection sociale, pas trace par
exemple de la cotisation des revenus financiers que nous proposons.
Des fragilités majeures qui risquent de réduire bien vite à peau de
chagrin les bonnes intentions affichées.
Si l'on ajoute à cela les incertitudes créées par l'issue de la
primaire socialiste, cela fait décidément beaucoup de doute à
dissiper. Quant à Europe-Ecologie Les Verts, là aussi l'incertitude
des primaires est totale, sans compter qu'entre Eva Joly et Nicolas
Hulot, on a effectivement bien à distinguer lequel des deux est le
plus à gauche, ou le moins comme l'on voudra.
L'espoir du Front de gauche
Pour qui souhaite ouvrir un nouvel espoir, le Front de gauche
apparaît bel et bien dans ces conditions comme la meilleure chance de
relancer la gauche. Car pour nous, la force du Front de gauche est
plus que jamais de lier indissociablement l'ambition d'un projet
alternatif et celle du rassemblement. Le Front de gauche,
disions-nous en janvier, « c'est pour nous l'espace de coopération de
toutes celles et ceux qui veulent construire le nouveau projet
alternatif que devrait porter la gauche ». Nous nous adressons, dit
le texte du 31 mars, « à tous les électeurs de gauche, mais aussi à
toutes celles et ceux qui s'abstiennent, celles et ceux qui ne croient
plus en l'action politique pour reconstruire avec nous un nouvel
espoir ».
Rien ne changera en 2012 sans qu'une dynamique politique ne se
construise, non pas autour d'une femme ou d'un homme, mais autour
d'objectifs, de propositions politiques qui permettent réellement le
changement et qui soient consciemment partagés par un maximum de nos
concitoyens. J'ai répondu à des journalistes qui me demandaient de
choisir un candidat « mon candidat, c'est le Front de gauche ». Ce
n'est pas qu'une boutade. Ce que nous construisons, c'est un
rassemblement unitaire, c'est une démarche partagée. Ce que nous
voulons faire grandir, ce dont nous voulons créer les conditions,
c'est un Front large d'idées et d'actions porté par une dynamique
sociale et populaire, et porté jusque dans les urnes, au point de
peser réellement sur les choix d'une future majorité de gauche.
Comment atteindre cet objectif dans la bataille qui nous attend? Je
veux dire à ce propos un mot de l'obstacle présidentiel qui se dresse
devant nous.
L'obstacle présidentiel
Pour atteindre nos objectifs politiques, l'élection présidentielle est
effectivement un obstacle à plusieurs titres. Certes, elle va
mobiliser le débat politique national, et l'effervescence qu'elle
suscite peut être un puissant levier de débat. Il serait donc stupide
de ne pas mener cette bataille et de ne pas affronter l'obstacle. Mais
autant réfléchir à la manière dont il se présente.
Conçue sur le principe du ralliement autour de deux pôles, avec une
personnalisation à l'extrême des enjeux, portée par un marketing
politique qui se renforce présidentielle après présidentielle, elle
favorise les candidatures présentées comme qualifiables pour le second
tour. Ainsi, toute la machine est biaisée d'entrée de jeu.
Alors que plus d'un an nous sépare du scrutin, tout est d'ores et déjà
fait en ce sens par la majorité présidentielle et par d'autres forces
politiques pour imposer aux Françaises et aux Français un scénario à
trois avec l'UMP et le PS en première ligne et le Front national en
épouvantail, voire en embuscade. Mesurons qu'alors qu'aucun candidat
ou presque n'est à l'heure actuelle officiellement désigné, tous les
enjeux sont déjà personnalisés à l'extrême. L'opération Borloo lancée
hier soir en est une nouvelle démonstration éclatante, et cela va
durer quelques semaines, tout comme sur la candidature de Nicolas
Hulot, alors que personne ne sait s'ils seront candidats au final.
Soyons certains que le feuilleton présidentiel sera entretenu avec
soin ces prochains mois.
La stratégie de Nicolas Sarkozy pour échapper à la sanction populaire
et conserver le pouvoir est limpide. Il consacre désormais tous ses
efforts à la conversion populiste et xénophobe de la droite pour
conserver une assisse électorale au cœur de la crise capitaliste et il
n'hésite pas à parier sur la capacité nouvelle de l'extrême droite à
avancer masquée sur le terrain social afin d'affaiblir une gauche dont
une partie des forces n'a pas le courage des transformations
nécessaires pour ouvrir une alternative.
En face, certains n'hésitent pas à relancer régulièrement le thème de
la candidature unique de la gauche pour faire face aux dangers, et
c'est une question qui comptera dans les prochains mois. Une fausse
solution qui loin de combattre le scénario conçu à droite risquerait
de l'alimenter encore. Si nous refusons cette voie, c'est justement
parce que nous considérons que la suivre produirait l'effet exactement
inverse de l'intention affichée en fermant la porte à toute
possibilité de changement à gauche du centre de gravité des réponses
politiques.
Mais se donner des chances de franchir l'obstacle implique d'en tirer
des conclusions sur la campagne à mener. Nous devons aller à
l'élection présidentielle avec comme premier objectif d'imposer un
débat politique sur le projet et de construire en permanence du
rassemblement pour faire gagner ce projet. C'est une immense bataille
politique qui nous attend. Je veux dire ici que nous ne pouvons pas
nous permettre dans cette situation de nous enfermer nous-mêmes dans
une logique présidentialiste en résumant l'enjeu à un choix de
candidatures, à un match entre André Chassaigne et Jean-Luc Mélenchon.
Nous ne pourrons desserrer l'étau présidentialiste que si nous
parvenons à créer une dynamique populaire de très grande ampleur comme
ce que nous avons su faire àd'autres moments, par exemple à l'image de
celle construite avec notre peuple en 2005. Le Front de gauche sera un
atout indispensable dans cette bataille pour ouvrir en grand le chemin
de l'espoir qu'il a initié et faire que des centaines de milliers de
Français-es décident de l'emprunter. Avec nos partenaires, nous devons
penser et déployer dans le pays une campagne qui rompe avec la
pratique du pouvoir politique et qui dans sa forme même renverse le
rapport institutionnel actuel : une campagne qui préfigure dans ses
formes une République de citoyens associés capables de penser ensemble
de nouvelles avancées sociales, économiques, écologiques et
démocratiques et qui contribue à la construction d'un projet de gauche
pour sortir de la crise.
NOS DECISIONS POUR 2012
Comment mettre en œuvre cette ambition politique dans le contexte des
échéances 2012 ? C'est là-dessus que doit porter l'essentiel de notre
débat car c'est moins, me semble-t-il, le choix du Front de gauche que
sa conception, les conditions de sa réussite ainsi que la place du PCF
en son sein à l'occasion de ces échéances qui font discussion chez
beaucoup de communistes.
Le débat se focalise très vite sur la seule question du choix de
candidature à l’élection présidentielle. Je vais donner mon avis sur
la façon d'aborder cette question. Mais je veux d’abord vous dire ce
que je considère aujourd'hui être les deux conditions de la réussite,
des conditions qui dépassent largement la question de la candidature à
la présidentielle.
La première est, et elle n’est pas acquise à cette heure, que se
conclut entre toutes les forces actuelles du Front de gauche un accord
à la hauteur des défis posés par la situation politique actuelle, un
accord de qualité qui permette à chacune, et toutes ensemble, de
s’engager pleinement dans la bataille, où chacun soit respecté et où
le Parti communiste tienne, sans esprit d'hégémonie, toute la place
qui lui est due.
Dès janvier, nous disposions d'un mandat clair en ce sens. Je pense
d'ailleurs que l'Adresse aux communistes adoptée lors de notre conseil
national de janvier doit être partie intégrante de la réflexion
qu'engagent les communistes aujourd'hui. Nous avions indiqué dans
cette déclaration que des candidatures communes à l’élection
présidentielle et législatives n'auraient de sens que si elles
s'inscrivaient dans un contrat politique commun qui porte tout à la
fois sur l'ambition politique que nous nous fixions en 2012, sur le
programme partagé, sur le dispositif collectif de campagne, sur
l'élection présidentielle comme sur les élections législatives. Nous y
avons travaillé depuis. Je veux vous dire clairement où nous en
sommes.
Le 31 mars, nous avons acté avec nos partenaires un texte portant sur
notre ambition politique. Ce texte est une des pièces de l'accord
global que nous recherchons. Il est conforme à notre mandat de
janvier, aux grandes exigences politiques qui sont les nôtres,
notamment sur les questions clés que constituent pour nous l'ambition
de rassemblement majoritaire sur une politique de changement, le rôle
de l'intervention populaire et la nécessité de l'élargissement citoyen
du Front de gauche, le double enjeu de transformation et de
rassemblement à gauche, la conception d'une campagne qui récuse le
présidentialisme à outrance, la nécessité de mener de front les
campagnes présidentielle et législatives. Il précise également ce que
pourrait être le cadre collectif de campagne, avec notamment des temps
de parole partagés à l'image du rassemblement qui est le nôtre.
Un travail est également engagé sur le programme partagé qui n'est pas
abouti à ce jour. La préparation et la tenue de nos forums nationaux,
ce qui nous remonte des forums et des cahiers citoyens, le travail de
nos commissions alimentent ce processus. Vous aurez, entre les mains,
à l'issue de mon rapport, le dernier document de travail que Francis
Parny, qui conduit pour nous ces discussions, a adressé mercredi à nos
partenaires. C'est une synthèse qui intègre les propositions de nos
partenaires avec lesquelles nous sommes d'accord. Mais les discussions
continuent, et chacun convient qu'il reste pas mal de travail.
Le document dont vous disposez doit permettre, en étant communiqué aux
adhérents dans vos fédérations, un large retour des communistes et de
nombreuses améliorations. Nous visons plus la pertinence, la force de
nos propositions que leur exhaustivité.
La discussion se poursuit également sur les législatives. Notre
ambition commune, réaffirmée au cours de nos rencontres, est d'aller
dans toutes les circonscriptions métropolitaines vers des candidatures
communes du Front de gauche, présentées et soutenues par nos trois
partis et par tous les soutiens que notre dynamique de rassemblement
permettra de fédérer dans les circonscriptions.
Nous conduisons ces discussions, sous la responsabilité de
Marie-George Buffet et de notre secteur Elections, en lien avec les
secrétaires fédéraux et les secrétaires des comités régionaux avec une
triple exigence. La première, partagée par nos deux partenaires, vise
à reconduire les circonscriptions sortantes dans l' équilibre actuel.
La seconde nous conduit à demander de conduire le combat comme
titulaires dans des circonscriptions où nous sommes en situation de
reconquête, ou les mieux placés pour les conquérir, compte tenu
notamment de fortes positions électives ou municipales au cœur de ces
circonscriptions. La troisième, enfin, concernant le reste des
circonscriptions, c'est-à-dire la plus grande partie d'entre elles,
porte sur les critères de désignation des candidatures. La diversité
de notre rassemblement doit être respectée, la force et l'implantation
des différentes forces aussi, ce qui vaut évidemment à nos yeux pour
le PCF, qui est dans de très nombreuses circonscriptions un atout
essentiel de conquête et de rassemblement. Chaque force aspire à
disposer d'élus et de moyens. C'est légitime. Mais cela ne sera
possible qu'à la condition de créer une dynamique de progrès sur le
terrain. Nos exigences n'ont rien d'exorbitantes, elles sont un gage
de dynamique collective. La discussion sur tous ces points est
actuellement en cours avec nos partenaires.
Elle doivent se poursuivre en intensifiant les échanges avec les
fédérations, avec les communistes dans les circonscriptions. La
discussion sur nos ambitions législatives est partie intégrante des
choix que nous voulons arrêter en juin sur les échéances 2012 . Le
débat sur les candidatures doit lui aussi être ouvert, en plaçant la
parité des candidatures titulaires ainsi que l'ouverture au monde du
travail et aux forces citoyennes engagées à nos côtés au cœur de nos
objectifs.
La deuxième condition de la réalisation de notre ambition politique
est que le Parti communiste investisse pleinement la démarche du Front
de gauche, encore plus qu'il ne l'a fait jusqu'à aujourd'hui, avec
toute l’énergie, l’esprit d’initiative et de rassemblement dont il est
capable, comme viennent encore de le montrer les cantonales, après la
bataille des retraites et bien d’autres avant.
Nous devons ambitionner une campagne du Front de gauche 2012 qui mette
au cœur du débat politique les choix de la future majorité législative
pour battre la droite et l'extrême droite et sortir la France de la
crise. Je veux affirmer qu'en aucun cas il s'agirait de «
présidentialiser » les législatives comme le craignent parfois des
camarades à juste titre, mais tout l'inverse. Nous pouvons mener une
campagne qui s'appuie sur des centaines de candidat-es qui portent
l'objectif d'ouvrir les portes du pouvoir au peuple pour en faire
l'acteur du changement : 1200 voix pour porter nos objectifs de
transformation sociale et exprimer la diversité et la force collective
de notre rassemblement et subvertir la présidentialisation de la vie
politique. Nous pourrons ainsi, comme nous venons de le faire aux
élections cantonales, ancrer une démarche populaire et citoyenne au
plus près des populations et des territoires, et ouvrir un chemin
concret d'alternative à l'échelle du pays quand tout va être fait pour
transformer les citoyens en supporters du spectacle présidentiel.
Des millions de nos concitoyens peuvent entendre cet appel si nous
déployons avec suffisamment d'énergie notre démarche. Nous pouvons
construire dès fronts d'une ampleur inédite autour des aspirations
populaires.
Je pense d'abord aux grandes urgences sociales, à la lutte contre la
précarité, pour le logement, l'école, la santé, et en particulier au
pouvoir d'achat.
Il est aujourd'hui crucial de faire grandir un front contre la vie
chère pour changer concrètement la vie du peuple français. L'envolée
des prix des matières premières et l'augmentation des tarifs de
l'essence, du gaz, de l'électricité ont des conséquences très graves
pour le quotidien des Françaises et des Français. Quand on a un revenu
de 750 euros mensuels comme c'est le cas de millions de personnes dans
notre pays, ces augmentations signifient le basculement de la
précarité à la pauvreté. Au regard des immenses richesses créées par
le travail de ces citoyens et aspirées par la finance, c'est
inacceptable et injuste. Multiplions les initiatives dans les semaines
et mois qui viennent pour rendre incontournable à gauche des
propositions pour changer cette situation. Portons la nécessite de
mesures immédiates. Pourquoi pas des marches contre la vie chère
exigeant le blocage des prix des produits de premières nécessité et de
l'énergie ou encore une augmentation générale des salaires financée
par l'argent aujourd'hui gaspillé sur les marchés financiers. Montrons
le besoin essentiel de changer l'utilisation de l'argent en créant un
pôle public bancaire qui place la création monétaire au service des
besoins humains.
Je pense aussi au besoin de grandes réformes sans lesquelles le
changement sera impossible, renouveau industriel et technologique,
réorientation européenne, construction d'une 6ème République,
planification écologique...
Il devient impératif pour atteindre ces objectifs politiques que le
Front de gauche trouve les moyens de mobiliser l'engagement citoyen
d'une part croissante des forces vives du pays à travers des
assemblées citoyennes ou sous toute autre forme : en construisant des
maintenant des dynamiques de débats, d'ateliers, d'actions, de
mobilisations au plus près des territoires.
Nous pourrions par exemple créer des ateliers législatifs pour
élaborer avec les citoyens dans les circonscriptions, à partir de
leurs préoccupations, des propositions de lois qui répondent aux
attentes populaires et bien évidemment mobiliser autour des
propositions déjà portées par nos députés, celle pour interdire les
licenciements boursiers, celle pour le financement du droit à la
retraite à 60 ans ou encore celle plus récente qui définit un
ambitieux programme d'urgence pour le logement.
Voilà quelques propositions qui pourraient être au cœur de notre
ambition pour les échéances de 2012. C'est avec cette ambition de
déploiement populaire du Front de gauche que je veux à présent aborder
la question de la candidature à l'élection présidentielle.
Quatre candidatures sont soumises à notre débat.
Deux, issues de notre parti, sont en désaccord affirmé avec le choix
d'une stratégie de Front de gauche. Celle d'André Gerin, député et
membre du Conseil national, défend le principe d'une candidature du
PCF à l'élection présidentielle sur la base du programme qu'il a
présenté dans une brochure intitulée « Redonnons ses couleurs à la
France ». Celle d'Emmanuel Dang Tran, également membre du CN,
revendique une candidature « contre l'alliance avec la
social-démocratie, l'adhésion à l'Union européenne du capital, et
l'effacement du PCF » . Tous deux, bien mieux que je ne pourrais le
faire, s'exprimeront au cours de nos travaux sur le sens de leur
candidature.
Deux autres candidatures, l'une issue de notre Parti, celle d'André
Chassaigne, député et membre de notre Conseil national, l'autre issue
du Parti de gauche, celle de Jean-Luc-Mélenchon, député européen et
co-président de ce parti, se sont déclarées disponibles pour
représenter la candidature du Front de gauche.
Toutes ces candidatures doivent être examinées par les communistes
d'ici le choix de la conférence nationale. Compte tenu de l'engagement
très majoritaire de nos adhérents dans la stratégie du Front de
gauche, l'essentiel de la discussion des communistes, comme j'ai pu
le constater dans les fédérations où je me suis rendu, porte déjà sur
le choix entre ces deux dernières candidatures.
André a répondu, depuis sa déclaration de candidature à la fête de
l'Humanité, à de très nombreuses invitations dans les fédérations. De
nombreux communistes ont apprécié la démarche qu'il porte. Je pense
qu'il s'exprimera lui aussi au cours de nos travaux. La candidature de
Jean-Luc Mélenchon, soutenue par la direction du PG et depuis dimanche
dernier celle de la Gauche unitaire, a été présentée au lendemain de
notre appel à candidatures fin janvier. Ces deux fortes personnalités
se sont imposées dans le débat national.
Mais je crois que chacun s'accordera à dire que notre choix ne peut
être guidé par le soutien à une personnalité. L'élection
présidentielle n'est pas au Parti communiste, au Front de gauche une
affaire d'aventure personnelle.
Notre choix doit être un choix politique. Nous voulons un accord
d'ensemble dont la candidature à la présidentielle est un élément.
Nous voulons que cet accord crée les meilleures conditions de
déploiement du Front de gauche. Nous savons qu'en l'état aucune de
ces deux candidatures à elle seule ne clôt l'accord d'ensemble. Chacun
a des pas à faire et tout le monde entend être respecté.
Qu'est-ce qui doit motiver dans ces conditions le choix des
communistes? Nos ambitions politiques dans la période, avec les enjeux
que j'ai exposés. A partir de là, selon moi deux critères doivent
prévaloir. D'abord, une volonté : aboutir à un accord qui permette à
la dynamique que nous avons initiée de franchir une étape décisive en
2012. Cela exigera, nous le savons, notre engagement total, mais cela
en vaut la peine pour les raisons que j'ai données précédemment.
Ensuite, une exigence claire: le choix d'une candidature sera pour
nous, a fortiori si elle n'est pas issue du PCF, conditionné à la
conclusion d'un accord d'ensemble satisfaisant nos objectifs
politiques et respectant la force et la qualité de l'implantation
territoriale législative du PCF. C'est essentiel pour obtenir demain
le maximum de député-es communistes dans l'intérêt des populations.
Les communistes demandent le temps nécessaire à l'évaluation de ce
choix et à la finalisation d'un tel accord. Ils ont raison et nous
avons huit semaines d'ici la conférence nationale pour le faire,
éléments du débat en main.
Ils ne souhaitent pas que le CN conclut ce débat qui ne fait que
commencer. Mais beaucoup demandent également que la direction
nationale donne son avis, non pas sous la forme d'un ultimatum, mais
par souci de transparence démocratique. Ils veulent décider en
connaissance de cause. C'est justifié.
J'estime donc de ma responsabilité de livrer aujourd'hui mon opinion.
Je me suis tenu au calendrier fixé en commun. J'ai progressivement
construit mon opinion à partir des avancées concrètes permises par le
Front de Gauche, de l'analyse des échéances électorales abordées dans
ce cadre et tous les échanges que j'ai eu avec les communistes et nos
partenaires. J'ai beaucoup évalué la situation contrai
j'entends ici ou là et je considère encore aujourd'hui que les
potentiels comme les risques de l'un ou l'autre de ces choix doivent
être pesés avec sérieux jusqu'à la conférence nationale.
En les ayant pesés, je pense que la candidature de Jean-Luc Mélenchon
peut être envisagée par notre parti dans le cadre d'un accord
d'ensemble avec nos partenaires, un accord qui garantisse le respect
d'engagements collectifs à la hauteur des enjeux de la situation
politique inédite que nous vivons, la diversité de notre rassemblement
et la place majeure de notre parti. L'investissement par les
communistes de la démarche engagée sera en tout état de cause selon
moi la clé de la réussite. Je crois que notre histoire militante
commune témoigne, jusque dans nos combats politiques récents, de notre
capacité à faire de la diversité d'un rassemblement sur des objectifs
politiques ambitieux une force pour déployer une dynamique populaire
de grande ampleur qui permette de faire avancer nos objectifs. Je veux
dire aussi à tous les communistes que cette décision mérite le débat.
Elle est, à l'étape actuelle de ma réflexion, celle qui me paraît être
la plus susceptible de nous permettre de franchir un cap dans nos
objectifs. Chacun, chacune d'entre nous ici et tous les communistes
devront donner leur opinion, instruire cet enjeu et prendre leur
propre décision. Et quand les communistes auront fait leur choix au
mois de juin prochain, nous devrons toutes et tous être rassemblés
dans l'action pour le porter.
Concernant la place et l'avenir du parti, je crois d'ailleurs
sincèrement que ceux qui espèrent et regardent du côté du PCF ne
comprendraient pas l'échec du rassemblement. A l'inverse, j'ai la
conviction que notre parti sortira gagnant d'une séquence où il aura
tout fait pour permettre l'essor du Front de gauche.
Des camarades, je le sais, craignent notre effacement. Je les
comprends et je prends au sérieux cette crainte. Certains ajoutent
qu'ils ont parfois été heurtés par certaines déclarations de Jean-Luc
Mélenchon. Cela doit être entendu car il en va de l'efficacité
collective du Front de gauche.
Je veux faire deux remarques à ce propos. La parole du PCF doit être
respectée, et c'est de notre responsabilité comme direction nationale.
Elle est utile au rayonnement d'un Front de gauche qui, nous le
savons, est et sera traversé de débats. Et, comme je l'ai déjà fait,
dans les derniers mois, sur le populisme, le débat énergétique,
l'appel au rassemblement entre les deux tours des cantonales, je
n'hésiterais pas à faire entendre la voix du PCF chaque fois que nous
le jugerons nécessaire. Mais je le ferais toujours avec l'esprit qui
nous anime: mettre notre liberté de parole au service du progrès de
notre rassemblement. Autonomie et unité sont les deux faces de notre
démarche.
La seconde remarque porte sur les médias. L'absence persistante de la
présence des dirigeants communistes, non pas dans tous les médias,
mais dans la plupart des émissions télévisuelles de grande audience et
dans la totalité des grandes émissions politiques radiophoniques du
week-end est une anomalie démocratique. L'invitation de Jean-Luc
Mélenchon, avancée par les chaînes en question pour justifier cette
discrimination, n'est pas une explication convaincante, elle n'est pas
recevable. Pourquoi le Front de gauche, rassemblement divers,
subirait-il un traitement univoque quand EELV, le PS, et que dire de
la droite, voient leurs représentants défiler les uns après les
autres? Comment justifier cette interdiction d'antenne de fait dans
ces grandes émissions au lendemain des résultats des élections
cantonales? La démocratie en souffre, et la dynamique collective du
Front de gauche aussi. Nous porterons donc avec force cette bataille
sur nos temps de parole.
Voilà, chers camarades, dans quel esprit nous devrions selon moi aller
au débat. Je le répète. Je n'assène pas une vérité. J'exprime un avis.
Le débat doit se poursuivre en examinant jusqu'au bout les
possibilités, en écoutant les arguments échangés, pour enrichir la
mise en pratique de la décision qui sera prise par la majorité.
Je suis convaincu que nous saurons conduire ensemble ce débat dans le
respect mutuel. C'est en tous cas ma volonté. Je livre mon opinion en
toute sincérité, en toute transparence, avec le souci de l'avenir de
notre pays et de notre parti. La décision que nous avons à prendre est
importante. Chacun-e devra en tout état de cause respecter la décision
finale prise par la conférence nationale.
Je veux terminer en disant un mot de sa préparation.
Le processus de décisions
Au lendemain de ce Conseil National, nous allons entrer dans la
période où le débat va se déployer dans tout le parti. Notre
responsabilité première de direction nationale est de veiller à ce que
tous les communistes puissent participer, soient informé-e-s des
questions à traiter, connaissent le calendrier que nous nous sommes
donné pour prendre nos décisions. Qu'ils - elles- aient tous les
éléments en main pour exercer leur souveraineté et faire leur choix.
Pour cela, les huit semaines disponibles, dix jusqu'à la consultation
finale, doivent être utilisées à plein.
Très vite des assemblées générales de communistes pourraient se tenir
pour rendre compte du Conseil National. Ces assemblées gagneront à se
tenir sous les formes et les dimensions qui permettront la
participation du maximum d'adhérent-e-s: assemblées de section, de
territoires, etc... Nous aurons sûrement intérêt à nous enrichir de
la réflexion avec d'autres, de croiser nos opinions avec celles d'amis
ou proches intéressés au développement et à la dynamique du Front de
Gauche, ou de concitoyens attentifs aux enjeux de 2012.
Une attention particulière sera portée aux camarades dont nous savons,
quelle qu'en soit la raison, qu'ils ne participent pas régulièrement –
voire pas du tout aux réunions du parti - . La priorité sera de les
rencontrer de discuter avec eux pour les inciter à participer à
l'échange collectif, ou en tout cas recueillir, d'une manière ou d'une
autre leur opinion.
Tout ce qui sera dit par les communistes devra être consigné dans des
procès verbaux transmis à la direction nationale. Les quinze jours qui
précéderont immédiatement la conférence nationale pourront être
consacrés à une mise en commun départementale des discussions dans les
sections ou les territoires. Chaque fédération décidera là aussi de la
forme la plus efficace que pourra prendre cette mise en commun:
certaines ont programmé des conférences ou congrès départementaux:
elles l'ont fait pour pouvoir prendre des décisions, comme le
renouvellement de leur direction, seules possibles dans le cadre d'un
congrès. Toutes les fédérations ne sont pas bien sûr dans ce cas et
attendront le prochain congrès du parti dont la conférence nationale
pourrait confirmer la tenue à la fin de l'année 2012.
Les fédérations devront veiller à envoyer des délégations à la
conférence nationale représentatives de la diversité de leurs débats,
sur la base d'une proposition de représentation conforme à nos statuts
que vous proposera dans la discussion Jacques Chabalier. Nous visons
800 délégué-e-s.
Je rappelle que la conférence nationale des 3, 4 et 5 juin, après
débat, élaborera le bulletin de vote comportant la proposition de
candidature pour l'élection présidentielle qui sera soumis au vote des
adhérents.
Les adhérents se prononceront en toute souveraineté les 16, 17 et 18
juin sur cette proposition.
Si l'un des camarades, dont nous avons enregistré la proposition de
candidature à l'issue de l'appel à candidatures que nous avons ouvert
en janvier et qui se clôt aujourd'hui, ne souhaitait pas se conformer
au choix majoritaire de la conférence nationale et maintenait sa
candidature pour qu'elle soit proposée aux suffrages des adhérents,
les communistes en seront saisis et pourront se prononcer en ayant
connaissance bien sûr du choix majoritaire de la conférence nationale
.
Voilà, chers camarades, nous avons devant nous dix semaines de débats
et d'actions intenses. Je crois qu'après la belle campagne des
élections cantonales que nous venons de vivre, nous pouvons les
aborder avec confiance."
Pierre Laurent, Secrétaire national du PCF,
Paris, le 8 avril 2011.
--
Frank Mouly
=========
Parti Communiste Français
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