La vie du Parti
Chers Camarades,
Chacun d’entre nous – j’en suis sûr – mesure la responsabilité qui est la sienne dans les choix que nous avons à faire. Une rupture historique est engagée.
Y aura-t-il un candidat communiste ou non à l’élection présidentielle ? Les communistes auront-ils le dernier mot ou allons-nous leur imposer une candidature non communiste qu’ils n’auront qu’à ratifier ?
Sous la Vème République, deux fois nous avons renoncé à présenter un candidat. En 1965, lors de la première élection au suffrage universel du Président de la République. Notre inexpérience pouvait être une excuse que nous avons rattrapée en 1969 avec le score historique de Jacques Duclos. En 1974, pour la seconde fois, nous avons choisi de soutenir le candidat socialiste dès le premier tour. Nous étions alors embarqués dans le programme commun de gouvernement, à propos duquel François Mitterrand disait qu’il était une arme pour affaiblir le Parti communiste. Les résultats ont dépassé son espérance.
Tirant les leçons de ces expériences, nous en avions conclu que plus jamais nous ne nous effacerions lors de ce scrutin, quand bien même la bipolarisation que les institutions nous imposent nous rende cette élection difficile.
Pour autant notre fourvoiement dans les accords de sommets avec le PS et les politiques de renoncement auxquels nous avons participé notamment avec le gouvernement Jospin, ont continué de saper notre crédibilité, tout particulièrement auprès de l’électorat populaire. Tout le monde se souvient du séisme de 2002, résultat de la désillusion et du désarroi que nous avons contribué à semer et qui explique, élection après élection, la montée massive de l’abstention, du vote FN, des forces xénophobes et nationalistes. Pourtant, il n’y avait pas de fatalité à la baisse de notre influence. Il suffit de se rappeler les 9 % aux présidentielles de 1995. Nous avons payé le prix fort de notre alignement sur le social libéralisme de la gauche plurielle.
Et alors que nous propose-t-on depuis ?
En 2007, ce fut les collectifs antilibéraux. Lorsque l’élection présidentielle est venue, nous étions à la recherche de l’oiseau rare qui incarnerait ce mirage politique. Le résultat, vous le connaissez. Nos concitoyens n’ont rien perçu de cette tentative de construction illusoire, de ce rassemblement de groupuscules fantomatiques. Et je n’aurai pas la cruauté de rappeler le score de Marie-George Buffet.
Aujourd’hui, il nous est proposé de poursuivre dans une voie qui a la même configuration. Franchement, ce Front de gauche est un OVNI politique. Pensons-nous un seul instant que nous allons redonner de l’espoir et impulser une dynamique en agglomérant le Parti communiste à des formations microscopiques, sans assise populaire et électorale, issues de la mouvance socialiste et trotskyste et en en confiant le flambeau à un ex-dirigeant socialiste ?
C’est ridicule et suicidaire !
Et d’ailleurs, on nous propose un marché de dupes. Si Mélenchon n’est pas le porte-drapeau de cette nébuleuse à la présidentielle, il n’y a plus de Front de gauche car tel est l’accord de départ qui a été scellé. Le préalable de l’accord dit « global » a toujours été la candidature de Jean-Luc Mélenchon. On se moque de nous et des communistes.
Il est aisé d’en juger à la lumière des impasses, des manques du prétendu programme partagé, héritier des choix de François Mitterrand et du PS en faveur de l’Europe ultralibérale : le marché unique, Maastricht, l’abandon industriel. Ce qui est le plus choquant encore, ce sont les silences sur les privatisations du gouvernement Jospin à propos desquelles nous nous sommes tues.
Si Mélenchon est le chef de cet orchestre de chambre, comme convenu, ses exigences pour les législatives seront à la mesure de son ego surdimensionné, du destin national auquel il se croit promis. Les dites exigences se manifestent d’ailleurs déjà dans les négociations sur les circonscriptions. Après nous avoir fait disparaître du paysage présidentiel, il s’efforcera de nous éloigner du paysage parlementaire. Et nous devrions mettre nos militants à son service, comme nous l’avons fait pour les européennes car c’est grâce à nous qu’il est député européen et que ses candidats aux régionales ont été élus.
Soyons lucides : le Front de gauche devenu propriété du parti de gauche, c’est l’effacement du PCF avant sa disparition. Mélenchon est là pour finir le travail de Mitterrand et pour l’heure, drainer les voix obtenues vers le candidat socialiste et obtenir quelques strapontins ministériels.
Le programme ripoliné qu’on nous présente, ne répond pas du tout aux dérives de la société française, aux enjeux face auxquels nous sommes, au combat de classes pour changer la société, nécessaire contre la grande bourgeoisie qui préfère la lutte ethnique à la lutte des classes.
C’est le laissez faire généralisé vis-à-vis des trafiquants de drogue, des mafias, des intégristes qui pourrissent la vie des quartiers aux plus grand profit du capitalisme prédateur.
Où est le cri d’alarme pour les ghettos de la République, contre ces élites qui ignorent les banlieues, abandonnées, méprisées, avec des habitants en dehors du système politique et en dehors de la République ?
Où est la promotion de la jeunesse, la politique de l’immigration, la place de l’Islam ? Je ne vois pas émerger le combat nécessaire pour refuser la décomposition sociale, économique et morale de la société.
Le Parti socialiste a choisi de servir le Front national en abandonnant les classes populaires. Il rêve d’un 2002 à l’envers. Allons-nous nous inscrire dans ce choix suicidaire avec Jean-Luc Mélenchon ? Ou bien aller à la reconquête des classes populaires, réduire le Front national et l’abstention. Le choix est clair : Ou changer la société, ou disparaître.
Ne laissons aucun espace, aucun thème au Front national. Engageons une lutte intellectuelle, culturelle, en donnant la primauté à l’engagement politique.
Quelle ambition affichons-nous pour la France avec une stratégie qui a montré ses limites en 2002 et 2007 ?
Quelle orientation nouvelle pour redonner à la France, aux yeux du monde, son image d’héritière de la Révolution de 1789 ?
Faire le choix d’un candidat communiste c’est affirmer notre volonté de transformation sociale. Mais c’est aussi exiger une refonte démocratique de nos institutions. Depuis le début de la Vème République, nous avons voulu nous fondre dans le piège institutionnel de l’élection du Président de la République au suffrage universel. C’est ainsi que trop souvent, nous nous sommes effacés. Il nous faut affronter l’obstacle autrement en nous mobilisant pour la suppression de l’élection du Président de la République au suffrage universel grâce à un référendum qui annulerait celui de 1962. La monarchie républicaine qui s’est instaurée est insupportable. Elle viole en permanence la souveraineté populaire.
Aujourd’hui, avec le pétainiste Sarkozy, hier avec François Mitterrand en habit de monarque.
Un candidat communiste pour un choix historique aura des répercussions à l’échelle internationale pour tous les partis communistes et progressistes.
Je refuse d’avoir les pieds et mains liés avec le PS. Je refuse de recommencer ce qui a échoué ces 30 dernières années.
Ouvrons les yeux. Il est encore temps. Un vaste champ s’ouvre au déploiement de l’activité communiste.
André GERIN