16 février 2012
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La vie du Parti
Nicolas MARCHAND Introduction de la réunion de la Commission nationale « entreprises-lieux de travail »-11/02/2012 La bataille du PCF dans les entreprises contre le FN Pourquoi consacrer une réunion de notre Commission à la question de la lutte face au Front National dans les entreprises et sur les lieux de travail, parmi les salariés? Tout simplement parce que beaucoup de camarades nous ont alertés sur leur perception d'un risque élevé de vote Le Pen parmi les salariés. Et cela converge avec des indications données par les sondages sur le vote des salariés. La question a aussi été perçue par la CGT, qui a engagé, sur le terrain qui est le sien, une riposte vigoureuse. Nous avons pensé que cela méritait d'en parler, d'analyser ce qui se passe, et d'essayer de réfléchir sur les axes de riposte. Cela ne concerne pas exclusivement les travailleurs, mais l'impact de Marine Le Pen sur les milieux populaires et sa prétention à représenter les ouvriers et au delà les salariés qu'elle range dans « les classes moyennes » ne peut nous renvoyer seulement vers les « quartiers populaires ». D'ailleurs leurs habitants ne sont pas vraiment la clientèle principale visée par le FN, mais plutôt ceux qu'elles stigmatise. Par contre il vise explicitement les salariés. Et l'entreprise concentre à la fois les facteurs qui peuvent être exploités pour une audience du FN, et les éléments et les forces antagoniques. Les lieux de travail et les entreprises, les collectifs de salariés sont des espaces, des ensembles où se vivent des expériences collectives, des situations qui opposent ou rapprochent les salariés, dans lesquels des choses peuvent bouger dans un sens ou un autre. Il ne s'y passera pas la même chose selon que les facteurs de division pourront prédominer sur les solidarités ou pas, selon que les idées de l'extrême droite pourront y circuler comme si elles étaient chez elles, ou si elles se trouvent contredites et combattues. Notre parti, qui veut amplifier et durcir son combat contre le FN, a donc de bonnes raisons de l'orienter résolument vers les entreprises,et de chercher à l'y ancrer en faisant de son organisation, de son implantation et de son renforcement un volet de sa bataille anti-FN, point sur lequel mon introduction se terminera. . Depuis de trop longues années, le Front National s'est installé dans la vie politique nationale sur laquelle il pèse dangereusement par ses idées et par son influence. Le vote FN, s'il a été pendant une période un vote principalement protestataire, est de plus en plus un vote structuré, durable, sur les éléments d'un projet. Il n'est pas simplement le résultat d'une instrumentalisation, ni de sa promotion par les médias, même si l'une et l'autre ont été réelles; et le sont toujours. Tous les sondages, avec des variations, prédisent pour sa candidate une influence élevée au premier tour, entre 15 et 20% et le spectre de sa présence au 2eme, même incertain, est présent, notamment dans l'esprit des électeurs de gauche. Ajoutons qu'on ne sait pas avec certitude s'il n'y a pas une sous-évaluation des intentions de vote réelles. Par contre on voit Sarkozy, en mauvaise posture, faire la course très à droite, chercher à rivaliser sur son terrain avec Marine Le Pen, ce qui contribue à légitimer et banaliser les idées les plus réactionnaires. Sarkozy fait savoir qu'il va chercher à déplacer le débat vers les sujets sociétaux, et cela coïncide avec l'annonce d'« une réorientation » de la campagne de Marine Le Pen sur « l'insécurité, l'immigration, la laïcité », son directeur de campagne précisant que « le débat est en train de s'enliser sur les questions économiques et sociales » et qu' « il est temps de parler des sujets qui intéressent les français ». En réalité il s'agirait plutôt d'un ré-équilibrage, dans une véritable course à droite, sur les thèmes de l'extrême droite tels la hiérarchisation et la guerre des civilisations, mais aussi, sur le social, la culpabilisation des chômeurs. Ce consensus pour rivaliser sur les idées les plus nauséabondes peut préparer le terrain, à une échéance proche ou moyenne, pour une dangereuse recomposition à droite, associant celle ci et l'extrême droite, jusqu'au pouvoir. Des exemples contemporains existent, comme en Italie. L'extrême droite participe au nouveau gouvernement grec imposé par les marchés financiers. Dans toute l'Europe, elle connait sous diverses formes, une progression inquiétante. La France n'est pas à l'abri, parce que, certes, elle a une tradition révolutionnaire et démocratique, mais elle aussi la tradition opposée: notre bourgeoisie a été et est capable du pire selon ses intérêts. On doit prendre au sérieux le fait que la crise actuelle, historique, réactive, du côté des forces du capital, des tentations autoritaires pour dissuader ou briser la résistance des peuples aux réponses capitalistes. Il faut prendre en compte un autre aspect, c'est que cette situation joue presque spontanément sur de nombreux électeurs en faveur d'un vote permettant d'éviter la présence du FN au 2eme tour. Alors que notre début de campagne révèle la possibilité d'un bon, voire très bon résultat pour notre parti et le Front de gauche aux présidentielles et aux législatives, cela peut être remis en cause si devait s'amplifier un réflexe de vote « utile ». On entend parfois qu'il vaudrait mieux ne pas trop parler du FN au risque d'attiser ce réflexe. Mais sans riposte, le FN et ses idées ont le champ libre pour progresser, alors qu'une riposte forte peut dissuader et remobiliser, elle peut aider des hommes et des femmes à se ressaisir, redonner courage et espoir à ceux qui aujourd'hui sont dans le doute et la résignation; son contenu peut aussi, s'il porte sur le fond, gagner au vote Front de gauche, au vote pour des propositions permettant un véritable changement. Les initiatives récentes montrant notre volonté, celle du parti communiste, celle de nos partenaires du Front de gauche, celle du candidat Jean-Luc Mélenchon, d'élever et durcir la bataille face au FN et à ses idées correspondent à ce besoin. Quelle influence du FN et de ses idées, parmi les salariés? Je voudrais juste donner quelques éléments relevés dans les récents sondages sur les présidentielles. Michel Simon nous donnera des informations plus approfondies et plus compétentes. Un premier point à souligner, c'est que le vote FN n'est pas issu du vote communiste. Toutes les analyses sérieuses en attestent. C'est logique puisqu'il y a une opposition radicale entre nos idées et valeurs et celles de l'extrême droite. Ce n'est pas dans les zones de plus forte influence communiste que le FN s'est le plus implanté. Le recul de l'influence du parti s'est surtout traduit en abstentions et en vote PS. Mais cela ne peut pas nous rendre indifférents au problème de l'influence du FN sur les salariés, et aussi au défi de la volonté du FN de représenter les salariés, de renforcer son influence parmi eux. Quand on analyse les intentions de vote FN par catégories sociales, on constate que c'est dans les catégories ouvriers et employés que les % sont les plus élevés. Par exemple: selon un sondage SOFRES du 11 janvier 2012: vote des ouvriers: Le Pen 30% ( pour une moyenne de 16%) – Sarkozy 20 (26) – Hollande 31 (31,5) – Mélenchon 7 (9) vote des employés: – Le Pen 22% – Sarkozy 20 – Hollande 33 - Mélenchon 8 Ce sondage signale une toute autre de force du vote Le Pen, la catégorie « commerçants, artisans, chefs d'entreprises »: Le Pen 20 - Sarkozy 37 - Hollande 19 Et c'est chez les policiers et militaires que Le Fn atteint son plus haut niveau: 37%, ce qui est à la fois significatif et pas spécialement rassurant ! « Les Echos » ont fait état le 1er février d'une étude du CEVIPOF sur le vote des fonctionnaires, qui signale un vote Le Pen très faible chez les enseignants et cadres, mais à 18% dans la fonction publique hospitalière, et 24% dans les entreprises publiques. L'Humanité a publié vendredi 3 février dernier un sondage IFOP sur les intentions de vote selon la proximité syndicale qui contient, à côté d'autres éléments plus positifs, des indications convergentes, jusqu'à signaler l'intention de vote Le Pen de 22% de ceux qui se déclarent sympathisants CGT. D'autres enquêtes situent jusqu'à 30% le potentiel théorique du vote FN, et au delà l'adhésion à certaines de ses propositions (cela étant à prendre avec précautions, parce que d'une part il y a des manipulations, d'autre part l'accord avec telle ou telle proposition n'implique pas une adhésion globale ou un vote; cela vaut aussi à l'opposé pour nous, quand des sondages signalent l'approbation de telle ou telle de nos propositions ). Ces données sur le vote des ouvriers et employés sont à moduler, certes, en tenant compte d'une part des étrangers, non électeurs, d'autre part de l'abstention; plus forte chez les ouvriers. On peut aussi considérer le fait qu'une part majoritaire de l'électorat lepeniste est un électorat de droite qui oscille entre droite et extrême-droite. Une partie cependant, environ un tiers, préférerait Hollande à Sarkozy au 2eme tour, et les sondages sur un premier tour sans Le Pen font apparaître un gain d'un point ou deux pour le vote Mélenchon. Mais surtout, il n'y a pas que les chiffres: on ne peut fermer les yeux sur une réalité perçue par les militants, ignorer ses conséquences négatives voire dangereuses. D'autant que: - le FN est actif et cherche à se renforcer dans le monde du travail, en se présentant comme le représentant des salariés; ainsi un tract national du FN est titré: « présidentielles 2012: 36% des ouvriers soutiennent déjà Marine Le Pen ». A noter ici que le FN insiste aussi beaucoup dans son programme sur son appui aux PME face aux grands groupes et à la finance «mondialisé», et que cela renvoie aussi aux salariés qu'elles emploient (auprès desquels ce patronat exerce souvent, en l'absence de syndicats, une influence active, que ce soit avec le paternalisme ou avec des pressions). - les idées que développe le FN sont des idées de division qui développent des obstacles au rassemblement, qui font obstacle aux luttes; et qui sont adossées aux dogmes économiques du « système »: baisse du coût du travail, exigence de réduction des déficit publics et de la dette - mais la logique qu'il développe, articulant une mise en cause verbale radicale du « système », la stigmatisation du « mondialisme », et une certaine prise en compte des attentes sociales, à la « préférence nationale », au protectionnisme aux frontières, à la sortie de l'euro et à la promesse de restauration d'un état fort peut bénéficier d'éléments du contexte pour trouver un écho, même s'il faut noter aussi ses difficultés de crédibilité au delà de sa zone d'influence. Ces éléments du contexte sont notamment: · La crise, et les explications qui en sont données mettant en avant notamment la concurrence d'autres pays · la crise de l'Europe et de l'euro dont les résultats sont à l'opposé des promesses de progrès social de leurs initiateurs, ce qui crée un terrain à des illusions sur leur rejet pur et simple comme solution · l'insécurité sociale accrue, et la mise en concurrence exacerbée des salariés, notamment devant l'emploi, avec la menace constante et aggravée que fait peser le chômage, le développement de la précarité, les fermetures d'entreprises et délocalisations. La crainte du déclassement est un vecteur important de l'attraction des idées du FN. · les échecs successifs et renoncements aux promesses électorales sur une longue période, depuis les années 80, des gouvernements de droite et de gauche, alimentant la thématique « ni droite, ni gauche », et la stigmatisation de l'«UMPS» (amalgame dangereux, typiquement fascisant, mais dont je signale que je l'ai vu repris par certains se réclamant de l'extrême gauche !). A ces éléments de la situation, il faut ajouter la recherche depuis sa promotion d'un effet Marine Le Pen: recherche d'un effet d'image, avec une personnalité moins marquée par une certaine histoire, pouvant paraître plus ouverte et plus fréquentable (même si l'héritage fascisant vient contredire de temps en temps cette tentative, comme sa participation récente à un bal de l'extrême droite autrichienne); mais il y a aussi certaines inflexions de contenu; sans effacer en rien les thèmes sociétaux d'ultra-droite, notamment la dimension xénophobe, la recherche de leur articulation au social; attention à l'idée que Marine Le Pen ne proposerait rien sur le social; elle serait inexacte; elle a accentué le contenu social du discours et elle formule des propositions; par exemple sur les salaires, il y a la mise en avant d'une promesse d'augmentation de 200 euros des plus petits salaires (financée non par les employeurs mais par une baisse de charges sociales); Les propositions sociales sont formulées d'une manière qui peut parfois paraître faire écho à nos idées ou celles de la CGT, mais elles sont toujours articulées à la logique xénophobe, de préférence nationale. Ainsi dans ce tract qui annonce « avec Marine Le Pen, une vraie politique sociale au service des Français! »: « priorité aux Français (en gras dans le tract) pour les emplois, les logements et les aides sociales; revalorisation des allocations familiales, rétablissement des services publics de proximité... ». Sur les retraites, la candidate FN, qui avait dénoncé le mouvement social contre la réforme, et pris position pour une retraite à 62 ans, se déclare maintenant pour une retraite à 60ans et son programme préconise le retour à 40 annuités de cotisation, et l'élargissement du financement aux revenus du capital, mais aussi la restriction des droits des étrangers... Notons aussi la recherche d'élargissement au delà des « milieux populaires » à ce qu'elle désigne comme les « classes moyennes », elles aussi atteintes par l'insécurité sociale et pouvant se sentir elles aussi menacées de déclassement. Je cite pour illustrer, et parce qu'il me paraît significatif du type de cohérence recherché, un extrait du discours de Marine Le Pen, le 8 janvier à Saint Denis: « Abandonnés depuis longtemps par les pouvoirs successifs, les Français des milieux populaires furent les premiers ... à comprendre ... qu’il n’y avait pas d’avenir prévu pour eux et pour leur descendance. Puis plus largement, ce sont l’ensemble des salariés aux revenus modestes, les retraités à la pension trop faible pour penser au lendemain sans angoisse, les parents gagnant trop pour pouvoir bénéficier des aides sociales mais pas assez pour élever leurs enfants sans faire de gros sacrifices…En somme, ce sont ceux qu’on appelle les classes moyennes qui comprirent aussi que le chemin que leur dessinaient les politiques de tout bord était en réalité une voie sans issue, une route piégée, les emmenant elles et les générations à venir vers la fin de la croyance autrefois fondée en de possibles lendemains meilleurs ... Ce terrible désespoir social qui touche maintenant une grande partie de notre peuple, sans doute majoritaire, il naît de la confrontation avec ce qu’est devenu le système français, celui d’un implacable descenseur social. » Le Front national, son influence, celle de ses idées, le risque de leur développement sont donc à la fois des problèmes graves, des dangers qu'il faut prendre au sérieux, et des obstacles à notre combat, au rassemblement populaire transformateur, qu'il faut absolument travailler à faire reculer. Cette bataille est un facteur de mobilisation électorale et pour les luttes. Le combat à mener contre le FN s'inscrit dans notre combat face à la droite, et pour rassembler à l'élection présidentielle et aux élections législatives. Mais il a une dimension spécifique parce qu'il y a un travail de vérité à faire sur le FN et son programme, et une bataille d'idées argumentée à mener. Cela s'inscrit pleinement aussi dans notre bataille pour crédibiliser une alternative radicale de progrès social, pour donner le plus grand poids électoral aux propositions et aux candidats du PCF et du Front de gauche aux élections présidentielles et législatives. Quels axes de bataille politique? Je pense qu'il faut développer une bataille d'idées, très importante, mais pas seulement une bataille d'idées, une bataille d'idées articulée à des actes. Je commence, peut-être un peu à l'envers, par les actes: oui je crois qu'il faut des actes qui fassent vivre notre détermination à ne pas laisser le champ libre au FN et à ses idées, des actes qui contribuent à un rapport de force dissuasif vis à vis de la présence du FN devant les entreprises. Je pense au camarade de Montbéliard portant devant les caméras de télé la contradiction à Marine Le Pen, comme aux manifestations qui viennent de l'accueillir à La Réunion à l'initiative des communistes réunionnais. Des actes anti-FN donc, mais aussi des actes de lutte, des actes cherchant à exprimer et faire vivre notre radicalité anticapitaliste face aux marchés financiers, notre radicalité sur l'emploi, des actes faisant vivre les solidarités de lutte et d'intérêt entre salariés. Mais bien sur les actes doivent exprimer des idées, faire vivre et prolonger une bataille d'idée, qui a une dimension de bataille de politisation, de développement de la conscience de classe. Ces questions de contenu sont essentielles. On peut considérer deux aspects complémentaires à articuler: 1- la bataille disons directement anti-FN: bataille sur les valeurs, bataille de vérité sur ce qu'est le FN, sur ses idées et contre ces idées. Je ne vais pas tout détailler, je vous renvoie à notre argumentaire, et à celui de la CGT. J'évoque juste deux points: - la bataille contre les idées xénophobes et de haine: - au nom des valeurs humaines (terrain peu apprécié par le FN si l'on en croit la stigmatisation par Le Pen du film « Intouchables ») - au nom de l'intérêt commun, de classe, des salariés de différentes origines comme de différentes catégories, genres et générations; c'est une bonne vieille idée et plus valable que jamais que « l'union fait la force » - et aussi en réfutant les mensonges sur le fait que l'immigration serait un coût, ou responsable du chômage. Ainsi comme l'indique une étude réalisée pour le compte du ministère des affaires sociales, en 2009, les immigrés ont reçu de l'État 47,9 milliards d'euros d'aide et prestations sociales dans le même temps qu'ils versaient au budget de l'État 60,3 milliards d'euros d'impôts, taxes et cotisations sociales, soit un solde positif de 12,4 milliards. - la bataille sur le libéralisme du FN, et sur le social est tout aussi indispensable (ce serait une erreur de penser que face au FN l'indispensable bataille anti-raciste soit suffisante). D'autant que derrière un discours stigmatisant le « système » et l'ultra-libéralisme, il y a un fond libéral, finalement très conformiste, du FN dont plusieurs aspects de son programme montrent qu'il a un véritable fil à la patte avec le patronat: ainsi il est partisan, lui aussi, de la baisse du coût du travail et de la baisse des dépenses publiques jusqu'à inscrire dans son programme la « règle d'or »: « la maîtrise dans la durée de l'endettement public sera inscrite dans une loi-cadre qui instaurera à terme l'obligation d'un déficit structurel égal à zéro »; dans la même gamme, il affiche sa volonté de mise en cause des syndicats de lutte: « Une grande réforme des syndicats sera mise en œuvre avec comme objectif principal d’assurer une meilleure représentation des salariés. Le monopole de représentativité institué après la Libération sera supprimé, et les modalités d’élections des représentants des salariés seront revues. Des syndicats plus représentatifs travailleront mieux à la réelle défense des intérêts des salariés : ils seront en effet plus à même d’entrer dans des logiques de concertation constructives et moins tentés de recourir à un rapport de forces (grève, manifestation) pour pallier leur manque de légitimité. » On croirait lire un patron! Mais d'une façon générale, la ligne de culpabilisation systématique des immigrés n'est-elle pas une manière de dé-responsabiliser le patronat et le système capitaliste (qualificatif que la candidate « anti-système » n'utilise jamais). De même avec son positionnement sur l'Europe, point central de son programme: le FN cherche à structurer un clivage dominant, excluant tout alternative de transformation anti-libérale, « pour ou contre » l'Europe telle qu'elle. Et de même sur l'euro, le FN cherche à imposer un choix fermé: soit vous êtes pour, soit vous êtes contre, soit le garder tel qu'il est, soit en sortir; à l'exclusion de toute hypothèse d'un autre euro et d'une BCE émancipée des marchés financiers. Dans la même veine, je signale, ce n'est sans doute pas sans signification, qu'il y a un absent de marque dans le discours anti-mondialiste et anti-euro du FN: c'est la puissance et la monnaie dominantes, les Etats-Unis et le dollar, quasiment jamais mis en cause. 2. inséparablement, il y a besoin de prolonger la critique du FN de la bataille de crédibilisation d'une politique alternative de progrès: la bataille contre les idées du FN a absolument besoin de s'adosser à une solide bataille de propositions précises et sur la cohérence des objectifs sociaux, des moyens financiers et des pouvoirs qui fait la force de notre programme, celui du PCF, largement reprise dans le programme partagé. C'est peut-être sur ce terrain que l'apport propre des communistes est le plus utile et indispensable, y compris pour contribuer à améliorer le contenu de la campagne. Il y a, avec la crise, la montée d'une demande de radicalité que le FN cherche et parvient en partie à capter, mais il lui répond de façon réactionnaire, parfois fascisante. Nous pouvons lui opposer une radicalité de progrès social, et montrer en traitant les enjeux de moyens financiers et de pouvoirs, dans les entreprises et sur l'argent en particulier, qu'il s'agit d'une radicalité réaliste. A sa dénonciation vague du « système », nous pouvons opposer des propositions de transformation radicale, de dépassement du système capitaliste Sur ce point là aussi je ne vais pas tout traiter mais évoquer quelques points pour illustrer. - Sécurisation de l'emploi, de la formation et des revenu: face à l'exploitation droitière de l'insécurité sociale et de la crainte du déclassement et notamment du chômage, la question de l'emploi, de la formation et des salaires mérite d'être prise à bras le corps. D'autant qu'on est aussi devant la tentative de Sarkozy de dévier le débat sur la stigmatisation des chômeurs, avec sa proposition de référendum sur l'indemnisation du chômage, cherchant à aiguiser l'opposition entre salariés dans l'emploi et chômeurs. Face à cela, nous devons absolument faire de la sécurisation de l'emploi, de la formation et des revenus, de l'avancée vers une nouvelle sécurité sociale, professionnelle et au delà, de tous les moments de la vie, un des grands thèmes identifiants de notre campagne. C'est un projet rassembleur, unificateur des chômeurs, des précaires, des salariés des différentes catégories, des retraités. Il nous donne les moyens de faire vivre la perspective et l'espoir d'une nouvelle sociale radicale et réaliste: l'éradication du chômage. Et d'avancer des propositions cohérentes dans cette direction. Le Parti, les communistes, familiers de ces propositions ont toutes les raisons de les mettre en avant, et cela aidera aussi notre candidat à s'en emparer et à en faire la pédagogie. - Moyens financiers: en liaison avec les enjeux de défense et d'avancée du modèle social, il y a une bataille indispensable, fondamentale, sur les moyens financiers, sur une nouvelle utilisation de l'argent; notamment face au consensus du FN sur le dogme patronal de la compétitivité conditionnée par la baisse du cout du travail et des charges sociales. Mettre en évidence ce que coute la rémunération du capital, et le crédit des banques, faire grandir l'exigence de réduire, plutôt que les charges sociales utiles, les charges financières bien plus couteuses, qui alimentent la spéculation et tuent l'emploi. Et promouvoir en grand ce qui est une des propositions clés du programme partagé: une nouvelle utilisation du crédit impulsée par un pôle public bancaire: un crédit sélectif, au taux abaissé jusqu'à être gratuit, quand l'argent sert à créer des emplois stables, à former, à développer la recherche, ou les services publics. Développer dans les régions la proposition de création de Fonds régionaux voués à la mise en œuvre de ce nouveau type de crédit C'est marquer des points de fond face aux idées du FN. - Nouveaux pouvoirs: de même sur la question des pouvoirs des salariés et des syndicats, dont le FN ne parle que pour mettre en cause les syndicats. Il est décisif de faire reculer la toute puissance patronale et des marchés financiers avec des pouvoirs d'intervention des salariés, avec le développement des droits et libertés syndicales; des pouvoirs sur la gestion des entreprises, sur l'utilisation de l'argent, des pouvoirs de contre-propositions avec un droit de véto suspensif. - Changer l'Europe et l'euro et non en sortir: sur l'Europe et l'euro: on doit affronter les positions anti-europe et anti-euro du FN, qui sont l'axe de sa thématique; le clivage entretenu sur le seul choix pour/contre l'Europe telle qu'elle est, est piégé: il exclut de fait la seule alternative positive possible à la situation actuelle, celle d'un changement de l'Europe et de l'euro (rappelons-nous qu'en 2005, s'il n'y avait pas eu le « non » de gauche « pour une autre Europe », s'il y avait eu seulement le non FN « contre l'Europe », le oui l'aurait emporté); nous devons faire monter ce débat pour lequel la crise ouvre des possibilités nouvelles: changer la BCE, ses missions, changer le rôle de l'euro; mettre la puissance de création monétaire de la BCE au service du développement social dans toute l'Europe, emploi, formation, salaires, services publics. Créer à cet effet un Fonds social et solidaire de développement européen. Développer ces propositions est étroitement lié à la bataille contre le projet de traité Sarkozy-Merkel. Cela concerne fortement le débat à gauche avec le PS, puisque Hollande s'est engagé à renégocier avec Merkel, c'est positif, mais il reste à voir sur quel contenu. - Un nouveau développement industriel: ces idées nous donnent les moyens d'être offensifs sur une question aussi importante que celle de l'industrie; le protectionnisme à nos frontières du FN est une illusion dangereuse. Il n'y pas d'avenir pour un nouveau développement industriel, sans coopérations et progrès sociaux, en Europe et au niveau mondial. Plutôt que la logique de guerre économique et de stigmatisation de la concurrence des pays émergents, mieux vaudrait pour la France et l'Europe, s'en rapprocher pour coopérer face à la domination des Etats-Unis et du dollar, jusqu'à une monnaie commune mondiale. Ce sur quoi il faut agir principalement face à la désindustrialisation et pour une nouvelle industrialisation, ce sont les choix des groupes, les critères de rentabilité financière, les pouvoirs sur les gestions; c'est sur l'orientation des financements et du crédit, et leur contrôle, sur l'Europe et l'euro; est posée aussi l'exigence d'avancer vers une appropriation sociale des groupes clés, avec des nationalisations et la constitution de pôles publics, et des réseaux européens d'entreprises publiques. Conclusion: s'organiser pour mener la bataille dans les entreprises Pour terminer, il reste un mot important à dire: cette bataille, ce sont principalement les salariés qu'elle concerne, c'est principalement parmi eux qu'il faut la développer. Si nous convenons qu'elle est importante, si nous convenons aussi que, tout en ayant évidemment une dimension électorale, elle ne concerne pas seulement un enjeu électoral de quelques semaines, elle est de plus longue haleine, cette bataille ne peut pas seulement être menée de l'extérieur par tracts et médias. Nous avons besoin de la mener au plus près des salariés, donc de nous organiser, de mieux organiser les communistes pour la mener de l'intérieur du monde du travail, donc le plus possible dans les entreprises et sur les lieux de travail. Elle peut justifier de travailler à une certaine réorganisation pour la constitution, en fonction de nos forces, en fonction de ce qui est efficace pour agir, de cellules, de sections, ou pour la mise en réseau de camarades de telle ou telle branche, ou bassin d'emploi. L'envie de participer à cette bataille peut contribuer à convaincre des militants qu'ils ont un rôle très utile à jouer là où ils travaillent. Elle devrait nous inciter , dans le cadre de la campagne électorale, à prendre des initiatives de renforcement du parti, à lancer des appels, notamment en direction des syndicalistes, à rejoindre le parti communiste. Cela pourrait être une décision de notre réunion.