Le Maire de Bastia n’est pas grec!
"Je me sens un peu grec, je l’avoue, j’en ai ras-le-bol de l’austérité". Cette phrase aurait pu être prononcée par le maire Gilles Simeoni à la lecture des prévisions financières 2014/2019 pour la ville de Bastia assombries par des pertes cumulées de 13,2 millions d’euros de dotations de l’Etat.
En réalité, ces mots sont ceux de François Bergoin, directeur artistique de la Fabrique de Théâtre, qui mesure les effets dévastateurs de l’austérité pour la culture et voit une lueur d’espoir pour toute l’Europe dans la victoire de Syriza et du peuple grec.
Au conseil municipal du 27 janvier, Gilles Simeoni n’a eu, lui, aucun mot pour dénoncer la politique du gouvernement Hollande/Valls dont le “pacte de compétitivité” amputera les collectivités locales de pertes cumulées de dotations de l’Etat de 28 milliards d’euros (dont 13,2millions pour Bastia). Face à cet enjeu financier, la réponse de la majorité municipale a été donnée par Michel Castellani: “Nous ne devons pas nous détourner des règles du jeu budgétaire qui s’impose à nous”. On croirait entendre Mme Merkel répondant à Alexis Tsipras: il n’y a pas d’autre politique que l’austérité.
Gilles Simeoni a dès lors esquivé le vrai débat et a fait ce qu’il sait faire le mieux : la COM, ou autrement dit “a pulitichella”.
Il a écrit un vrai scénario sur le thème “Bastia va subir un double choc budgétaire: celui de la perte des dotations budgétaires et celui de l’héritage de l’ancienne majorité”. Il a surtout consacré son intervention à ce dernier aspect. Le maire a jonglé avec les chiffres : 400 000 euros par-ci (rythmes scolaires), 200 000 euros par- là (dépenses de 2013 reportées), 97 000 euros ici (centre de formation), autant de mauvaises surprises grevant le budget 2014. Et enfin, le chiffre choc, l’estocade : un clou planté, une ardoise laissée par la précédente majorité: un emprunt de 4 millions d’euros réalisé en catimini un mois avant les élections municipales.
L’opposition avait pressentie que ce conseil serait une nouvelle opération de communication destinée à masquer l’absence de projet de la majorité municipale. Pour cela, rien de tel que d’attaquer la précédente majorité sur son bilan, de le “démystifier”. Gilles Simeoni est remonté à 1985 pour se “gausser de tout ce qui n’a pas été accompli”. Ses adjoints de droite, Jean-Louis Milan et Joseph Massoni ont multiplié les contre-vérités sur la fiscalité. Ils sont apparus en héritiers de ceux qui ont combattu les grandes réalisations de Bastia, comme le tunnel, et du marais de la droite bastiaise, la droite “faggianelliste” et libérale sortie par la gauche et les Bastiais en 1968, qui avait laissé la ville dans un triste état , avec un déficit de 800 millions de francs. La mémoire des Bastiais en porte encore un témoignage vivant.
La vérité des chiffres est tout autre. L’opposition l’a rétablie avec opiniâtreté durant les débats. Les dépenses de service supplémentaires de 2014, votées le 29 juillet par la nouvelle majorité, représentent une majoration de 2,37% seulement des dépenses de fonctionnement par rapport au budget prévisionnel adopté le 4 février par la précédente majorité. C’est le seul chiffre qui compte. Il démontre que la prévision budgétaire de février était très proche de la dépense finale de 2014. C’est, au contraire, un signe de bonne gestion! Mais, le maire a voulu aussi masquer dans la confusion les 300 000 mille euros de dépenses de personnel qu’il a engagées pour constituer son cabinet (3 attachés) et recruter 4 chargés de mission. En année pleine, il faudra doubler la dépense!
S’agissant de l’emprunt de 4 millions d’euros souscrit un mois avant les élections, l’indignation feinte de Gilles Simeoni traduit sa mauvaise foi. Car cet emprunt n’a pas été fait à la sauvette par la précédente majorité. Il était prévu dans le budget voté le 4 février par le précédent conseil municipal. Même si l’opposition municipale d’alors, Inseme per Bastia, avait voté contre, elle était parfaitement informée que la précédente majorité avait inscrit un montant prévisionnel d’emprunts de 11 millions d’euros pour financer, en partie, un montant de travaux de 36 millions d’euros concernant des programmes en cours, comme, par exemple, le centre culturel de Lupino, la voie douce, ou encore l’avenue Emile Sari.
La précédente majorité n’a pas laissé d’ardoise à la nouvelle, ni “planté un clou” avant de quitter la mairie. Tout a été fait dans la transparence et dans les règles.
L’opposition a fait front à l’offensive du maire nationaliste Gilles Simeoni et du leader de la droite Jean-Louis Milani, pendant que François Tatti, ex “cas d’or” des mandatures de 2001 à 2014, s’est tu. N’avait-il pas pourtant revendiqué, durant la campagne électorale, la meilleure part de cette gestion à laquelle il fut étroitement associé depuis 1993?
Quelques chiffres ont suffi pour faire litière des accusations ridicules de projets annoncés mais pas réalisés. Le programme pluriannuel des investissements établi en 2008 pour un volume de travaux de 185 millions d’euros a été exécuté à 65% fin 2013, plus de 120 millions. C’est un taux de réalisation exceptionnel qui situe Bastia largement en tête des communes comparables dans la France entière pour les investissements. De 2008 à 2013, la précédente majorité a investi une moyenne annuelle de 499 euros par habitant contre 357, plus 40%, pour ces mêmes communes. Si le produit fiscal a progressé de 25% de 2008 à 2013, cela s’est fait sans augmenter la pression fiscale (mêmes taux depuis 1989!). Les bastiais paient, en 2013, 395 euros par habitant d’impôts locaux contre 556 euros pour la moyenne des communes comparables ( 205 euros contre 239 pour la taxe d’habitation et pour la taxe foncière 189 euros contre 309). Enfin, Bastia est moins endettée que la moyenne: fin 2013, la dette s’élève à 31 millions d’euros, 713 euros par habitant contre 1092 pour la moyenne.
En outre, Gilles Simeoni a évoqué un déficit du fonds du roulement de 1 million d’euros. Le fonds de roulement constitue la “cagnotte” budgétaire, les réserves de la commune. Ce fonds varie constamment, selon le choix de financer les investissements par l’emprunt ou en puisant dans les réserves pour ne pas handicaper la capacité d’emprunt future de la commune. C’est ce qu’a fait la précédente majorité en 2013 en prélevant 4 millions d’euros sur les réserves pour financer une partie des 21 millions d’euros d’investissements réalisés. Autrement dit, un fonds de roulement temporairement en déficit n’est pas un signe de mauvaise gestion si la commune a beaucoup investi et s’est peu endettée. C’est le cas de Bastia!
Si l’opposition municipale a tenu tête au maire, ce ne fut pas du goût des partisans de Gilles Simeoni présents sur les bancs du public. Ils ne supportent pas le débat démocratique. “Chjodila” (ferme la), c’est cette apostrophe grossière qu’un ancien élu d’ “Inseme per Bastia” a lancé à l’élu communiste en train d’intervenir au sein du conseil municipal. Si cette agression caractérisée contre la liberté d’expression (une de plus dans ce conseil depuis les dernières élections) a suscité une légitime protestation de l’opposition, le maire n’a pas exclu de la salle l’auteur de cette agression verbale. Gilles Simeoni avait annoncé un débat public et transparent du conseil municipal sur les perspectives financières de la ville. Ce fut en réalité un débat sous pression permanente de ses amis et sa passivité a été révélatrice de sa manœuvre politicienne pour transformer un débat sur l’avenir de Bastia en un procès public de la gestion de la précédente majorité.
Ce conseil municipal a eu des allures de campagne électorale en raison de la dérobade du maire sur son projet. Dix mois après son installation, Gilles Simeoni peine toujours à présenter son projet pour Bastia. Quelqu’un a dit :”Ni Gilles Simeoni ni son équipe ne connaissent la gestion municipale ou intercommunale. D’ailleurs son programme en témoigne: des études, des concertations, mais aucun projet concret, encore moins des choix stratégiques”. C’est…. François Tatti, mais c’était avant. Malgré ses indéniables talents de metteur en scène, Gilles Simeoni a échoué dans sa tentative de réduire l’opposition à un rôle de tête de turc. Il est à présent au pied du mur. A la fin du mandat, les Bastiais le jugeront sur son bilan. N’est-ce pas la comparaison avec celui de la précédente majorité qu’il redoute? D’où, sans doute, cette hargne à ternir le passé, à stigmatiser l’image de la ville, uniquement présentée sous un jour peu attractif.
Oui, Bastia a de faibles ressources fiscales, oui nombreux sont les Bastiais à subir les difficultés sociales de la politique d’austérité et du libéralisme. Oui Bastia, comme la Corse, comme des millions de Français, est victime des inégalités. En dépit de cette dure réalité, la précédente majorité n’a pas baissé les bras, n’est pas restée passive. Au prix de volonté politique et d’efforts gigantesques, elle a donné à Bastia les allures d’une ville moderne et belle, d’une ville transformée, dotée de nombreux équipements, de grands services publics. Tout cela s’est fait sans exclure les foyers populaires des progrès, sans spéculation immobilière, par la construction de logements sociaux, avec une fiscalité relativement modérée et des prix des services attractifs: cantine scolaire, transports, sport, culture…Voilà le vrai bilan qui hante Gilles Simeoni!
Face à ses responsabilités, il ne s’est pas montré à la hauteur. Son attitude “petits bras”, manœuvrière, sa vision étriquée et comptable de l’avenir de Bastia renforcent le doute de nombreux Bastais sur sa capacité à présenter un vrai projet pour Bastia, fut-ce à la hauteur de l’héritage que bien d’autres maires nouvellement élus lui envieraient!
Pour les élus communistes, au-delà des désaccords sur le passé et sur les programmes, le choix est entre la poursuite ou l’arrêt de la politique d’austérité qui asphyxie les finances communales, étouffe la croissance et produit un chômage de masse. Dans notre région, en 2015, les collectivités locales vont perdre plus de 50 millions d’euros de dotations de l’Etat. La commande publique se tarie, l’économie est en panne et le chômage frappe plus de 21 000 corses. Toutes les options budgétaires proposées par l’étude financière présentée au conseil municipal s’inscrivent dans le carcan austéritaire. Aucune ne permettra à la ville et à ses habitants d’échapper aux difficultés de gestion et à leurs conséquences néfastes sur la vie quotidienne et sur l’avenir de Bastia. Pour inverser cette sombre perspective, il faut combattre l’austérité et rassembler les Bastiais dans l’action pour obtenir le maintien de la solidarité nationale au niveau nécessaire des besoins. Les élus et les militants communistes et du Front de Gauche sont disponibles pour construire un large rassemblement avec d’autres: élus, forces politiques, syndicats, acteurs associatifs, citoyens.
Un vent nouveau, un vent d’espoir souffle sur l’Europe depuis la victoire de Syriza et du peuple grec contre les tenants de l’austérité. Après le 25 janvier, soyons “tous grecs”.
Les élus communistes au conseil municipal
Le 02 février 2015