Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

CHANTS REVOLUTIONNAIRES

Archives

17 octobre 2010 7 17 /10 /octobre /2010 08:50

http://www.michelcollon.info/La-peste-brune-gangrene-l-Occident.html

Au Nord au Sud et d’Est en Ouest, l’Europe est à nouveau prise dans le tourment de la peste brune. Presqu’aucun pays du vieux continent n’est épargné.

 

Voilà que même en Suède, le parti d’extrême droite " Démocrates de Suède" dirigé par Jimmie Aakesson passe la barre des 4%, avec 5,7% des votes et obtient 20 sièges aux législatives. L’alliance de centre-droit sortante remporte les élections mais perd la majorité absolue avec 49,2 des sièges, ce qui permet à l’extrême droite d’occuper la position confortable d’arbitre au sein du parlement suédois. L’ autre surprise est la montée fulgurante de l’extrême droite dans un ancien pays communiste comme la Hongrie. En avril dernier, avec 16,7% des voix,le Mouvement pour une meilleure Hongrie (Jobbik) est, tout comme son homologue suédois, entré pour la première fois au Parlement avec 46 sièges. Si on peut expliquer la montée de l’extrême droite dans des pays comme la Bulgarie ou la Hongrie par l’augmentation de la pauvreté, cet argument perd tout son sens dans des pays comme la Hollande ou l’Autriche. Aux Pays-Bas, le 9 juin dernier, le PVV de Geert Wilders s’est installé comme troisième force dans le paysage politique néerlandais, avec 15,5 % des voix et 24 sièges au Parlement contre neuf auparavant. En Autriche, le Parti autrichien de la liberté (FPÖ) et l’ Alliance pour l’avenir de l’Autriche (BZÖ) cumulent 29 % des voix aux dernières législatives.

 

Conseils municipaux et parlements sont progressivement investis. Aux élections européennes de juin 2009, l’extrême droite a réalisé un score à deux chiffres dans des pays comme la Hollande, la Belgique, le Danemark, la Hongrie, l’Autriche, la Bulgarie et l’Italie. Maintenant, c’est au tour de l’exécutif de tomber entre les mains de ces formations fascisantes. Après que l’Autriche en ait fait l’expérience, c’est en Italie, l’un des six pays fondateurs de l’ UE, que le parti populiste de la Ligue du Nord participe au gouvernement de Silvio Berlusconi. A l’allure ou vont les choses, il est fort probable que plusieurs autres pays suivront.

 

La montée du fascisme en occident n’est nullement un accident de l’histoire. Cette vision du monde puise son sens dans la pensée colonialiste et raciste du 19ème siècle et continue de nos jours à faire moult émules en Europe et en Amérique du nord. En temps de vaches maigres, le vernis universaliste et démocratique se craquelle et fond comme neige au soleil mettant à nu les traits hideux de la modernité. Depuis le 19ème siècle, l’Europe balance entre deux mode de pensée : l’universalisme ambigu à la française et l’ethnocentrisme de type germanique. Le tiraillement entre universalisme et repli nationaliste trouve ses origines en France dans la pensée d’un Tocqueville et d’un Renan d’un coté et celle d’un Gobineau de l’autre. Bien que croyant à la hiérarchie des races, les deux premiers voyaient d’un bon oeil le rapprochement des races et des cultures, symbolisant ainsi l’optimisme libéral mais combien naïf du 19ème siècle. Gobineau, lui, confondant race et nation, pensait que la pureté raciale était la clef de la vitalité durable des nations, il assurait que les peuples élites, entendez par là les peuples de race blanche, en se mélangeant avec les autres, couraient à la dégénérescence raciale et sociale. C’est cette dernière lecture de la société qui semble actuellement envahir le mental d’une frange de plus en plus importante du monde occidental.

 

Paradoxalement, c’est toujours au moment ou à la veille d’un projet expansionniste que la grande bourgeoisie pousse la population vers le repli identitaire en la dressant contre un épouvantail choisi selon l’intérêt du moment. Des politologues de diverses tendances considèrent que l’extrême droite n’a pas d’avenir car xénophobe, antimondialiste , se situant à contre courant du néolibéralisme dominant. On oublie très vite que pendant les années vingt et trente, les partis populistes n’auraient jamais pu s’emparer du pouvoir en Europe, sans le soutien de la grande bourgeoisie financière et industrielle. En Allemagne, c’est grâce aux Krupp, Siemens, Thyssen, Messerschmitt, IG Farben, re­groupés en cartels que Hitler a pu accéder au pouvoir et que l’économie de guerre a pu se mettre en marche . En Italie, les fascistes ont été également subventionnés par les grands patrons italiens de l’industrie d’armement (Fiat, Ansaldo, Edison) et par l’ensemble des milieux industriels et financiers. L’émergence des régimes fascistes a été l’outil idéal d’embrigadement et de militarisation de la société en vue d’une nouvelle guerre mondiale. En France, la situation n’était guère différente. Une synarchie, composée de banquiers et d’industriels imposait depuis 1922 ses choix aux politiciens, à l’armée et aux intellectuels de service. Pendant les années trente, les différentes formations d’extrême droite, issues des classes moyenne et pauvre, vont se liguer pour former la Cagoule, une vraie armée de miliciens financée par la grande bourgeoisie. Après le coup d’état raté de 1937 visant le gouvernement du Front Populaire , le gros des troupes de la Cagoule collaboreront avec l’occupant sous le gouvernement de Vichy. Dans son ouvrage " Le choix de la défaite ", l’historienne Annie Lacroix-Riz défend la thèse selon laquelle l’arrivée des hommes de Vichy au pouvoir était préparée d’avance. La transformation des institutions passait par la défaite française, voulue et planifiée par la grande bourgeoisie nationale. Ainsi l’occupation a permis ce que les autres régimes fascistes voisins ont réussi : démanteler un régime parlementaire mou et museler définitivement les partis de gauche et les syndicats, repaires du péril bolchevique. Ce qui préoccupait le plus le monde libre à cette époque, ce n’était nullement les libertés bafouées mais l’élimination de la vermine rouge qu’Hitler s’est chargé d’éradiquer au profit de tous. Mais, ayant raté son coup, ce dernier a payé cher son échec.

 

Bien qu’arborant des slogans et des revendications en contradictions avec les politiques de la classe dominante, l’extrême droite avec sa conception raciologique de la nation a toujours été instrumentalisée pour répandre un sentiment d’insécurité et de haine. Pendant les années trente, la démonisation du juif et du bolchevique a permis de rallier la majorité au national-socialisme. Le délire paranoïaque rendait plus aisée l’adhésion des masses à une guerre d’expansion impérialiste.

 

La rhétorique de la démonisation est une constante dans l’imaginaire occidental. Elle a toujours servi à rationaliser l’agression qui se trame et à la justifier après coup. On a vite fait de dénier à une altérité jugée démoniaque son humanité et par conséquent sa légitimité. L’urgence de son éradication s’impose alors comme un impératif moral. C’est comme si la modernité inquiète par essence, en quête perpétuelle de sens, ne retrouve sa cohésion et sa consistance et ne construit son identité que face à une altérité maléfique qu’elle s’invente selon les les besoins du moment. Ce que nous vivons en ce moment n’est pas sans nous rappeler les années trente du siècle dernier. Je sais que beaucoup ne manqueront pas de m’accuser d’anachronisme mais les similitudes sont si frappantes et si inquiétantes.

 

Si la figure du juif persécuteur et assassin du Christ, bolchévique de surcroît a fait les beaux jours des fascistes de l’époque, aujourd’hui, c’est celle de l’islamiste-musulman-arabe (pas la peine d’être très regardant sur la nuance) qui fait le bonheur de l’extrême droite européenne, nord-américaine, australienne...Voila que ressurgit des tréfonds du passé le sarrasin sanguinaire, violent, violeur, voleur, obscurantiste, barbare, inculte, conquérant, sans foi ni loi pour s’acharner contre les valeurs chèrement acquises du monde civilisé. Curieuse cette subite diabolisation de l’islam alors qu’il n y a que quelques années l’occident qualifiait les terroristes actuels du nom gratifiant de moujahidines. Il faut dire qu’à cette époque les islamistes combattaient l’armée soviétique en Afghanistan. Ce qu’il faut dire aussi est que l’islam radical a été encouragé, financé et propagé dans le monde arabo-musulman par ceux-la même qui le démonisent aujourd’hui. L’effondrement de l’URSS a créé en occident un vide qu’on pourrait qualifier à la limite d’existentiel. Le monde capitaliste s’est rendu compte alors de sa fragilité et de son incapacité à assurer sa cohésion interne sans s’inventer une altérité démoniaque. On a alors vite fait de remplacer le démon communiste défaillant par un autre, le démon islamiste. Curieux, cependant, cet enchaînement des faits. Les États Unis, pays traditionnellement anti-islamique et pro-sioniste promouvant et finançant l’extrémisme islamiste au moment où l’union soviétique implosait d’elle-même !... Et si l’objectif étasunien n’était autre que d’éveiller les vieux démons de l’extrême droite européenne et occidentale !... Mettre deux extrémismes face à face et provoquer une belle réaction en chaine ! En un mot instaurer " le chaos créateur " si cher à Condoleezza Rice !

 

La manœuvre a si bien réussi que toute l’Europe s’est mise en branle, sonnant l’hallali. La meute fascisante a retrouvé subitement toute sa hargne alléchée par la nouvelle proie, confondant taliban afghan, savant iranien, élu palestinien, ouvrier turc, jeune des banlieues, etc...etc...A tous les niveaux de la société, une atmosphère de guerre froide s’installe. Une vision duale et réductrice du monde opposant l’Occident à l’Orient, la civilisation à la barbarie relègue en arrière-plan les identités sociales. Depuis plus de vingt ans déjà l’extrême droite occupe les devants de la scène sociale, politique et médiatique, brandissant sans répit l’épouvantail arabo-islamique, semant la peur et l’insécurité, remodelant les clivages sociaux en dressant les unes contres les autres les ethnies et les confessions. Une marche à rebours vers le tribalisme !

 

Le plus inquiétant est l’apparition des milices idéologiques. 127 milices extrémistes ont été dernièrement répertoriées aux États Unis. En Hongrie, la Magyar Garda, émanation du parti d’extrême droite, Jobbik ; organisation para-militaire raciste et potentiellement violente s’est donné pour tâche d’expulser les Roms du pays (une manie en Europe ces derniers temps). En Italie, la situation est bien plus grave. Une multitude de milices fascisantes se sont implantées à travers la péninsule. Elles font office de police parallèle, remplaçant souvent la police d’état. Parmi ces milices on peut citer les Chemises Vertes des Gardes du Pô, la Garde Nationale Padane (Guardia Nazionale Padana) de la Ligue du Nord, d’ Umberto Bossi, la Guardia Nazionale Italiana (GNI) dont l’uniforme paramilitaire est calqué sur celui des milices crypto-nazies des années 30. On y retrouve l’aigle impérial romain, et surtout ce logo, le Schwarze Sonne ( soleil noir) à 12 branches, symbole central du mysticisme nazi. Dans le sud de la France, la Ligue du Sud, réplique en quelque sorte de la ligue du nord italienne vient de créer des milices qui font la chasse à la délinquance, entendez par là la chasse aux non-blancs. En région parisienne les identitaires ont pris le nom emblématique de « Projet Apache ». Ils sont très actifs dans les beaux quartiers et très influents parmi les supporters du PSG (virage Boulogne). La droite traditionnelle se met elle aussi de la partie. Dans un discours prononcé le 24 novembre 2009, Sarkozy propose : « ... Des réservistes expérimentés seront recrutés comme délégués à la cohésion police-population. Ils s’appuieront sur des "volontaires citoyens de la police nationale", c’est à dire des habitants dont je veux engager le recrutement pour qu’ils s’impliquent dans la sécurité de leur propre quartier... » Il s’agit en un mot d’installer des milices de quartier à l’image de ce qui se passe dans l’Italie de Berlusconi.

 

La dérive islamophobe s’amplifie à un point tel qu’elle devient alarmante. Votation contre l’édification de minarets en Suisse, profanation de cimetières musulmans en France, menace d’autodafé du Coran aux États Unis, attitude provocatrice d’Angela Merkel, honorant le danois auteur des caricatures du prophète...Sommes-nous donc à la veille de la neuvième croisade ?! Le phénomène déborde l’extrême droite et s’empare de la droite traditionnelle. En France, slogans et revendications du FN sont systématiquement adoptés par le gouvernement. Le calcul électoral ne suffit pas à lui seul à expliquer une telle dérive. Il faut croire plutôt que nous assistons à une radicalisation de la droite qui tend à se fasciser entraînant derrière elle une partie de la gauche bien pensante.On a de plus en plus l’amère impression que c’est Le Pen qui légifère et le gouvernement qui exécute. Le spectacle insupportable de l’expulsion des Roms et la déchéance de la nationalité française d’immigrés évoquent les mesures infligées par le gouvernement de Vichy et des nazis à l’encontre des tziganes et des Juifs durant l’occupation. La loi sur les mineurs délinquants passe de la responsabilité pénale individuelle à la responsabilité collective. Il s’agit de punir les parents d’enfants délinquants, autrement dit, pratiquer les punitions collectives qui rappellent les pires moments des exactions coloniales. Il ne manque plus que l’étoile verte à épingler sur la poitrine des immigrés quoique facilement reconnaissables au faciès. Nostalgique de l’apartheid étasunien ou sud-africain ou ébloui par l’admirable modèle social israélien, l’état français rafle la première place à tous ses voisins qui ne manqueront pas de l’imiter.

 

Lorsque le régime démocratique devient incompatible avec les intérêts de la grande bourgeoisie, celle-ci commence par abandonner progressivement les positions modérées de la droite traditionnelle et se tourne vers les formations fascistes. Tel a été le cas en Europe pendant les années trente, la situation aujourd’hui ne semble guère différente. On commence par agiter une menace entraînant une réaction paranoïaque : "le juif bolchévique" à l’époque, "le terroriste islamiste" aujourd’hui. Inhibée par le sentiment d’insécurité, la société perd toute réactivité et le pouvoir ne manque pas d’en profiter. L’épouvantail du 11 septembre a permis à l’état US de prendre des mesures liberticides, connues sous le nom de Patriot Act. Imitant les Etats Unis, le Canada, l’Allemagne, l’Italie et bien d’autres pays ont profité de l’ « aubaine » pour faire passer des lois portant atteintes aux libertés fondamentales. La France, en bon élève, surpasse tout les autres . Il est vrai qu’en temps de crise, cet état de non-droit permet de tenir en laisse la société et d’imposer une politique drastique d’austérité, cependant, ce type d’interprétation me semble bien en deçà de la réalité. Les dictatures fascistes installées par le grand capital sont souvent annonciatrices de grandes invasions impérialistes. La démonisation de l’altérité a pour fonction de transformer les conquêtes en actes de légitime défense. Hitler a choisi de conquérir son "espace vital" à l’ Est se donnant pour mission d’éradiquer le mal bolchevique, les Etats Unis et leurs alliés ont choisi leur "espace vital" au Sud-Est avec pour mission d’écraser le mal islamiste et peut-être même islamique...qui sait...

 

A ceux qui ne s’en sont pas encore aperçu, nous sommes déjà en pleine guerre mondiale ! Après l’Afghanistan et l’Irak à qui le tour ?...

L’Iran probablement... Et ensuite ?...La Chine peut-être...

 

Boulimique... bien trop boulimique l’occident !

 

 

Fethi GHARBI

Partager cet article
Repost0

commentaires