source : The Morning Star (Royaume-Uni), 21 Mai 2012
traduit de l’anglais par Marc Harpon pour Changement de Société
Le Premier Ministre David Cameron n’a jamais manqué de culot et de sans-gêne.
Il l’a pleinement montré lundi quand il a pris la liberté de lancer un ultimatum au peuple grec.
Vivant dans un pays dévasté par les diktats de l’Union Européenne et du Fond Monétaire International, avec une économie en lambeaux et un futur très incertain, le peuple grec ira aux urnes le mois prochain.
Tandis que leurs concitoyens sont réduits massivement à la pauvreté, que le chômage dépasse les 22% et que les syndicats et partis politiques progressistes manifestent presque en permanence dans les rues de leurs villes, les électeurs grecs doivent aller aux bureaux de vote le 17 juin.
Et, après une élection sans majorité claire ce mois-ci, au cours de laquelle le parti Syriza, opposé à l’austérité, a énormément progressé, le verdict des électeurs devrait presque assurément être une condamnation des politiques monétaires spoliatrices qui ont conduit le pays au bord de la catastrophe.
Et c’est dans cette situation que notre Premier Ministre grossier et arrogant s’est cru autorisé à faire pression sur le peuple grec, pour qu’il soutienne ces politiques désastreuses, annonçant que les résultats du vote conduiraient à une prise de décision sur le maintien ou la sortie du pays de la zone euro.
Ceci dit, qu’il ait tort ou raison (il n’a pas raison) et que les politiques elles mêmes soient raisonnables ou non (elles ne sont pas raisonnables), le fait est que Cameron n’a absolument pas le droit d’essayer d’intervenir ainsi dans l’élection grecque.
Notez que c’est à peu près normal que les choses se passent ainsi dans l’Union Européenne. Personne ne peut oublier le référendum irlandais de 2008 dans lequel le peuple irlandais a rejeté le Traité de Lisbonne de l’UE, pour s’entendre dire de la façon la plus condescendante et moralisatrice qu’il avait tort et qu’il devrait voter à nouveau jusqu’à ce qu’il donne la bonne réponse.
Ce qu’il a bien sûr fait en 2009, en s’effondrant sous la pression d’un gouvernement national faible et d’une Bruxelles arrogante.
M. Cameron ne se cache même pas derrière la feuille de vigne du coût pour la Grande-Bretagne d’un quelconque sauvetage- il a clairement et abondamment affirmé que la Grande-Bretagne ne ferait participerait pas à un nouveau sauvetage.
Et son curriculum en économie politique est, en tout cas, assez maigre pour priver son conseil aux Grecs de toute valeur.
Un passé d’ancien conseiller spécial pour Norman Lamont et, plus tard, Michael Howard, n’est pas convaincant.
Sa description de la Chancelière allemande Angela Merkel comme animée d’une volonté de compromis- qu’elle n’a absolument pas- a trahi soit son ignorance soit sa duplicité.
Son Lord Chancelier, avec qui il entretient une relation d’amour-haine, Kenneth Clarke, n’a pas beaucoup d’autorité non plus, sa compréhension de l’économie semblant tout aussi maigre que celle de son patron.
Le commentaire de M. Clarke, d’après lequel les conséquences seraient « sérieuses » si le peuple grec élisait des « extrémistes loufoques » et choisissait en conséquence le défaut de paiement, était tout aussi agressif que celui de Cameron.
Il a ajouté que les électeurs grecs devaient « faire face à la réalité ».
« Ces épreuves leurs sont imposées par l’irresponsabilité de leurs anciens politiciens »
Mais il n’a pas réalisé ce qu’il disait quand il a fait remarquer que « nos banques sont lourdement exposées dans certains de ces pays ».
Car lourdement exposées signifie que « nos » banques ont arnaqué joyeusement l’État grec quand elles pouvaient empocher les plus-values de la dette et aggraver la situation du pays.
A propos, que voulez-vous dire par « nos banques », M. Clarke ? Elles sont peut-être les vôtres, mais certainement pas les nôtres.
A partir de Juin 2007, M. Clarke a été membre du Conseil Consultatif de Centaurus Capital, un hedge-fund basé à Londres.
Donc le message à faire passer à ces rabâcheurs conservateurs doit être : « gardez votre nez en dehors des affaires grecques ».
Le dirigeant du Syriza, Alexis Tsipras, a déjà remarqué qu’à chaque fois que Madame Merkel ouvre la bouche, c’est pour dire au peuple grec ce qu’il a à faire.
La dernière chose dont les grecs aient besoin, c’est de nouvelles Cassandre, surtout s’il s’agit de gars huppés et riches issus d’Oxford ou de Cambridge.