Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
Nous avions déjà souligné la colère des bases militantes d'Izquierda Unida face à l'accord signé entre les dirigeants d'IU et du PSOE pour gouverner en Andalousie, voire en Asturies. Les premières mesures annoncées par la Junte d'Andalousie ne vont pas faire diminuer la tension.
En effet, après une campagne axée sur le rejet des politiques libérales menées en alternance par le PP, la droite, ou le PSOE, Izquierda Unida a obtenu un bon score, 12% aux élections régionales d'Andalousie qui se tenaient le 25 mars dernier.
Après une campagne démagogique anti-PS, volte-face des dirigeants d'Izquierda Unidaqui négocient dès la fin mars un 'pacte de gouvernement' avec le PSOE, concrétisé le 18 avril en un « Accord pour l'Andalousie » fixant les « conditions d'un gouvernement stable »pour les quatre années à venir.
Comment faire accepter aux communistes et aux progressistes le reniement de leurs positions défendues dans la campagne?
La colère des bases d'Izquierda Unida est légitime. Elle conduit à une première consultation officieuse qui conduit au rejet le 5 mars, dans la banlieue de Séville, par 32 organisations de base d'IU à la participation à tout gouvernement régional mené par les socialistes.
Une consultation non-reconnue et bientôt supplantée par un référendum officiel, le 24 avril, contrôlé et verrouillé par les directions locales et régionales et où l'alternative se réduisait soit à un « pacte de gouvernement » soit à un « pacte de législature », en somme soit aller au gouvernement socialiste, soit le soutenir pendant quatre ans.
Nombre d'organisations de base ont refusé ce simulacre de référendum, les retours de militants dégoûtés et prêts à déchirer leur carte abondent mais force est de constater que la direction régionale d'IU, menée par Diego Valderas, et soutenue par les directions nationales d'IU et du PCE a atteint son but : réussir un virage à 180 degrés et participer à un gouvernement social-libéral en Andalousie.
Car l'Andalousie n'est pas une région comme les autres en Espagne. Région la plus peuplée d'Espagne avec 8 millions d'habitants, troisième région la plus productive du pays, elle représente 17% de la population espagnole et 14% de son PIB.
Elle représente aussi un enjeu pour Izquierda Unida puisqu'il s'agit de sa première fédération non seulement en termes d'adhérents mais aussi en termes d'élus.
Depuis trente-quatre ans, l'Andalousie est gouvernée par le Parti socialiste, suivant une politique en rien différente de celle menée nationalement par Felipe Gonzalez puis José Luis Zaptero. Une politique social-libérale de coupes et d'ajustements, qui ne s'en distingue que par un goût très local pour les combines et les arrangements, qui ont éclaté régulièrement en autant de scandales de corruption.
Au plus fort de la crise capitaliste en Espagne, au plus fort de la droitisation du Parti socialiste, le choix non plus seulement de soutenir un gouvernement socialiste en Andalousie, mais bien d'y participer pour la première fois en 34 ans est pour le moins surprenant.
Surtout que les socialistes n'avaient rien promis à IU dans leur « Accord pour l'Andalousie ».
Baisses de salaires des fonctionnaires, hausse des impôts locaux, augmentation du temps de travail: les masques tombent
L'investiture du président socialiste José Antonio Grinan a poussé le responsable régional d'Izquierda Unida à une déclaration de foi dans ce gouvernement unique PS-IU, pour Valderas il s'agira d'un « gouvernement pluriel mais avec une seule politique » destinée à trouver une « issue à la crise en partant d'une position sociale » et il a affirmé « avoir foi et espoir » dans les budgets régionaux de 2013 malgré des comptes qui s'annoncent « très difficiles ».
Un « gouvernement de gauche plurielle avec une seule politique ». Izquierda Unida va donc devoir annoncer à ses militants qu'il soutient un gouvernement qui baisse le salaire de ses fonctionnaires et augmente leurs impôts.
En effet, les premières mesures annoncées par Grinan est la baisse des salaires des fonctionnaires de l'administration locale et régionale, une hausse générale de l'Impôt sur le revenu (IRPF) et enfin l'augmentation du temps de travail de 35 à 37,5h.
L'union sacrée des syndicats CC.OO et UGT pour l'entrée au gouvernement d'Izquierda unida dans le gouvernement socialiste démontre bien l'ampleur de la connivence entre les appareils des syndicats réformistes, de la gauche réformiste radicale et de la social-démocratie au pouvoir.
Le nouveau président régional José Antonio Grinan avait vendu la mèche dans une rencontre récemment organisée avec le patronat d'Andalousie, celui-ci ayant manifesté ses inquiétudes après la signature d'un pacte « socialo-communiste » en Andalousie.
Grinan les avait rassuré par un simple : « C'est moi qui commande ».
Il avait ajouté : « Ces conseillers, je les ai entre mes mains, c'est moi le président de la Région et c'est mon gouvernement qui prend les décisions ».
Des voix discordantes se font entendre au sein des organisations communistes
Rares ont été ceux qui ont su garder leur dignité dans la période post-électorale, alors que les directions régionales et nationales d'Izquierda Unida et même du Parti communiste ont joué la collaboration pleine et entière avec le PSOE.
En première ligne des collaborateurs, le responsable régional d'Izquierda Unida, Diego Valderas, qui a dû après l'annonce des mesures d'austérité du gouvernement socialiste les a qualifié d'une « douloureuse nécessité » et a dit assumé la co-responsabilité de ces plans de rigueur.
C'est hélas du côté du député provincial nationaliste de gauche Juan Manuel Sanchez Gordillo qu'il faut trouver la position la plus conséquente, lui qui a refusé de soutenir ce gouvernement social-libéral et qui a été suspendu en cela par la direction d'Izquierda Unida. Le dirigeant historique d'IU, le communiste Julio Anguita, a également refusé de soutenir un tel gouvernement.
Dans les organisations communistes, le choix de la part de la direction régionale et nationale du Parti communiste de soutenir le projet de gouvernement socialiste en Andalousie est passé difficilement dans les sections. L'annonce des coupes dès la première semaine a suscité des réactions plus ouvertement virulentes.
Le Parti communiste de Séville a ainsi demandé l'ouverture d'un débat dans le Parti et dans Izquierda Unida sur les coupes et a demandé que les élus du Parti et d'IU votent contre ces mesures au Parlement andalou.
De son côté, la Jeunesse communiste d'Andalousie (JCA) s'est aussi désolidarisé de la politique de coupes dans la fonction publique territoriale réalisée par le gouvernement, soulignant le contexte national défavorable mais aussi-delà d'une « Europe du capital dominée par les grandes entreprises ».
Les masques sont tombés bien vite en Andalousie, en Espagne, sur les possibilités à partir d'un bon score électoral de tirer le PS vers la gauche. Au contraire, le PS a su renforcer son emprise, en tirant les communistes vers la droite, en les enfermant dans des solutions institutionnelles où les socialistes ont la main pour mener à bien leur politique anti-sociale.
Plus que jamais, les communistes espagnols ont besoin de rompre avec ce carcan politique que constitue Izquierda Unida, machine à canaliser la colère sociale vers des solutions compatibles avec la « rigueur de gauche » prônée par la social-démocratie !