25 avril à Rome: Fête de la Libération – faire vivre l'esprit de la Résistance anti-fasciste en défendant la démocratie et la Constitution face à un fascisme qui avance masqué
Compte-rendus et interviews d'AC, présent à Rome dans le cortège: http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
Le 25 avril, en Italie, est le jour de la fête nationale. Marquant le jour anniversaire de la libération de Milan et de Turin par les partisans anti-fascistes, sa commémoration est une occasion de rappeler le combat des partisans italiens, à majorité communistes, contre le régime fasciste et l'occupant nazi, pour une république démocratique basée sur le travail comme le proclame l'article premier de la Constitution Italienne. Pour ce 65ème anniversaire, l'atmosphère fut tendue.
Les jeunes communistes à l'offensive: « Rome, cette ville rebelle et jamais domptée! »
Ce 25 avril, ce sont plusieurs milliers de courageux qui se sont rassemblées à 9h30 du matin à Porta San Paolo devant l'estrade sur laquelle se préparaient les anciens partisans – résistants et parfois déportés – ainsi que plusieurs dirigeants de partis de gauche, de syndicats et d'associations partisanes.
Dans la préparation du rassemblement, les jeunes communistes ont surpassé les autres organisations présentes par leur activité et leur dynamisme: déploiement de banderoles avec le slogan offensif: Cette ville rebelle et jamais domptée! (Questa città ribelle e mai domata), camion hurlant la musique du groupe CCCP, tee-shirts avec le Colisée surplombé de la faucille et du marteau, tables politiques noires de monde.
25 avril: le jour de la résistance contre le révisionnisme historique et le néo-fascisme en action
Avant la prise de parole de la tribune, le coordinateur national de la FGCI (Jeunes communistes du PdCI) Flavio Alzarello a pu nous rappeler en interview l'importance de ce rassemblement: « Depuis quelques années, nous assistons à une montée du révisionnisme historique qui tend à minorer l'importance de la Résistance. Il est important de se rappeler de ceux qui ont combattu pour notre liberté et la démocratie » Un combat du passé? « Face aux réformes constitutionnelles qui ouvrent la voie au présidentialisme, à la démocratie populiste plébiscitaire – et à la fin de la démocratie parlementaire – il est plus que jamais nécessaire de défendre la Constitution née de la Résistance » Quelles attaques concrètes contre la Constitution? « La chasse aux immigrés, avec une véritable politique barbare d'expulsions. La remise en cause des droits des travailleurs, contraire à l'article premier de la constitution. La privatisation rampante de l'ensemble du système éducatif » Quel rôle a pu jouer la liquidation du PCI dans ce processus? « Ce n'est pas un hasard si la première grande réforme des retraites date de 1992, et que depuis les contre-réformes se sont succédées: la légalisation des licenciements arbitraires, contraires à l'article 18 de la Constitution, ou encore la Loi 30 qui généralise la précarité. Tout ne s'explique pas par l'omniprésence de Berlusconi. La voie du renoncement suivie par la gauche et les communistes – renoncement à être une force de classe, de lutte de classe – a pesé lourd dans la balance. » Que faire aujourd'hui? « Reconstruire, unir les communistes, sans se fermer aux autres composantes de la gauche anti-capitaliste. Mettre au centre de notre action la défense du monde du travail et comme objectif le dépassement du capitalisme ».
Même son de cloche pour la prochaine secrétaire des Jeunes de Refondation Communiste à Rome, Virginia de Cesare: « Ce jour est celui de la Résistance, résistance contre le révisionnisme historique et le néo-fascisme en action. Le 7 mai prochain se déroule une manifestation de l'extrême-droite à Rome, 'la nouvelle marche sur Rome', sous la bénédiction de la mairie néo-fasciste, et nous devons faire vivre ce combat anti-fasciste, ce que le PD ne fera jamais, car ce n'est pas une force anti-fasciste »
Provocation de la présidente néo-fasciste de la région, apologie d'Israel : colère et confusion générale
A la tribune, à l'émotion qu'a pu susciter les interventions de partisans dont un petit bout de femme énergique de 98 ans, et le message des résistants déportés dans les camps nazis a succédé la colère et la confusion générale.
En effet, la nouvelle présidente de la région du Latium, Renata Polverini, ancienne leader du parti fasciste Alleanza Nazionale qui a fêté son accession à la tête de la région par un 'salut romain', a fait son apparition à la tribune. Sifflée, victime même de lancers d'œufs et de fumigènes, elle a du quitter la place alors que les jeunes communistes scandaient des chants de partisans dont Bella Ciao et Bandiera Rossa. C'est cette provocation qui a mis le feu aux poudres, et qui a fourni l'occasion aux médias, le soir même, d'insister sur la supposée violence de la manifestation et 'l'agression' imaginaire dont aurait été victime Polverini.
Puis, ce fut au tour du message de la Brigata Ebraica – combattants juifs ayant combattu aux côtés des partisans – de susciter la controverse. Devant une poignée de drapeaux israéliens, leur leader d'une quarantaine d'années en a profité pour faire l'apologie de l'État d'Israël, lier la lutte des combattants anti-fascistes de 1943 avec celle de l'État d'Israël contre le régime Iranien. Sifflets de la foule, des cris de « Palestine Libre! » répétés, et c'est, ô surprise, le parti de Vendola – ex-liquidateur de Refondation Communiste – Gauche, Ecologie et Liberté, qui fait la police. Quelques uns de leurs militants insultent les défenseurs de la cause palestinienne, et leur leader invité à la tribune en profite pour lâcher un mot d'ordre faussement courageux et démagogique « On est ici pour dire oui à la contestation, mais non à l'agression »
Puis se sont succédés les interventions des dirigeants des partis « républicains » de centre-gauche: l'Italie des Valeurs et l'historique Parti d'Action, celle du parti de Vendola et enfin pour conclure celle du représentant de la Fédération de Gauche, Fabio Nobile du PdCI. Sont aussi intervenus une dirigeante de la CGIL ainsi que le jeune secrétaire de la fédération de Rome de l'ANPI (Anciens combattants partisans italiens) qui a crié son mot d'ordre face à l'état désastreux de la démocratie en Italie: « Ne jamais lâcher! »
Les difficultés de combattre un fascisme masqué
Vers 11h30, le cortège part, direction Piazza Vittoriano, au centre de Rome. Plusieurs milliers de manifestants, des drapeaux rouges et des faucille et marteau omniprésents. Sous l'étroite surveillance d'un imposant dispositif de carabiniers déployés à l'occasion, les manifestants ont défilé dans le calme, mêlant chants anti-fascistes traditionnels scandés en choeur et musique diffusées depuis les haut-parleurs. Malgré la chaleur intense, les manifestants ont supporté les deux heures de marche grâce aux fontanelle romaines et au splendide décor offert par le Colisée, l'Arc de Constantin, la Porta Pia ou encore les parcs de Néron et Trajan.
Dans le cortège, les discussions se sont ouvertes notamment avec le camarade responsable de la Fédération du Latium de Rome du FGCI sur la privatisation du système éducatif. Ces échanges feront sans doute l'occasion d'un prochain article. Comme l'a rappelé le camarade Matteo Gigante, responsable aux droits civils du FGCI, « tout est lié, ce climat de racisme, de xénophobie, d'homophobie avec cette politique de casse de l'école publique. On veut abrutir les gens, et fonder un néo-fascisme sur une masse désabusée vis-à-vis de la vie publique et politique. Il est terrifiant de devoir lutter contre ce 'fascisme masqué' ».
La seule vraie opposition, c'est celle des communistes, la gauche parlementaire est complice
Soumis aux sollicitations des médias, Fabio Nobile – secrétaire du PdCI à Rome et conseiller municipal – a néanmoins pu nous lâcher quelques mots. Pour lui aussi, il est question « de faire vivre les valeurs anti-fascistes, de défendre ces valeurs y compris les plus fondamentales – la démocratie et la Constitution, face aux tendances autoritaires du gouvernement et la présence de néo-fascistes dans les postes importants, y compris à Rome. Le 25 avril est donc l'occasion pour s'opposer à cette double remise en cause de la démocratie: institutionnelle avec le renforcement de l'exécutif et l'évidement du Parlement, et sociale avec les lois de libéralisation des licenciements par exemple » Mais où est l'opposition en Italie? « Certainement pas parmi les forces de la gauche parlementaire, PD en tête. Ils critiquent Berlusconi sur son style, sur des questions de personne, mais sont d'accord sur le fond de sa politique économique et sociale. Ils cherchent le dialogue et les réformes concertées. La vraie opposition se trouve hors du Parlement, ce sont les communistes notamment qui tente désormais de se réunir tout en s'ouvrant au reste de la 'gauche de classe'. Nous devons reconstruire sur le moyen-terme un parti actif dans les luttes sociales, tout en ménageant à court-terme les susceptibilités et les hésitations de ceux qui freinent sur la reconstruction d'un vrai parti communiste. »
13h30, arrivée à Piazza Vittoriano, le cortège se disperse. Commencé dans un climat des plus houleux, il se termine dans le calme et dans la bonne humeur, en chants toujours.
Plus que jamais, un Parti Communiste est nécessaire pour défendre la démocratie italienne en péril
Concrètement, c'est une situation peu encourageante que présente celle d'une gauche parsemée de contradictions fondamentales, de communistes présents mais divisés et relativement affaiblis.
Sous la menace d'un néo-fascisme rampant incarné ici par Renata Polverini, la véritable opposition, pour reprendre les termes de Nobile, ne peut être que celle des communistes. Mais minés par les scissions et projets liquidateurs successifs, en pleine crise existentielle, le processus de reconstruction communiste qui s'enclenche désormais – non sans fortes contradictions – arrive au pire moment mais il est indispensable.
Ce fut par la détermination et l'organisation des résistants communistes qu'il fut possible de vaincre le fascisme et de construire la « démocratie progressive » théorisée par Togliatti: démocratie politique et sociale, excluant les fascistes et reposant sur le garde-fou représenté par le PCI. Aujourd'hui, plus que jamais, c'est d'un Parti Communiste Italien que le peuple a besoin pour défendre sa constitution, sa république et sa démocratie. Pour faire vivre l'esprit de la Résistance et continuer le combat des partisans.