Eva Bartlett suit le développement inouï des cultures sur les toits de Gaza. Comme disent les Anglais, « La nécessité est la mère de l’invention. »
Un jardin sur le toit (Emad Badwan)
« Nous cultivons sur nos toits
Beit Hanoun, Gaza , 2 décembre 2010
‘Nous cultivons sur le toit maintenant parce que nous sommes paysans mais n’avons plus de terre,’ dit Moatassan Hamad, 21 ans, de Beit Hanoun au nord de la bande de Gaza. ‘Notre famille est nombreuse et nous avons la chance d’arriver à nous nourrir avec ce que nous cultivons,’ dit-il. Ils produisent des légumes courants : ‘Choux et aubergines en hiver, et endochriyya (une plante qui est une base de potage) ainsi que du paprika fort, ail et oignons en été. Nous cultivons aussi d’autres choses que nous pouvons vendre – par exemple, des fleurs et des pousses de palmier.’
La maison est faite de parpaing, typique de ces camps de réfugiés palestiniens surpeuplés. ‘Il n’y a pas d’espace dans les camps – pas d’arbres, pas de jardins publics,’ dit Hamad.
La verdure et les couleurs de son jardin contrastent avec le gris brut de leur maison et de celles alentour. Dans de grands bacs en plastique, il y a des pousses de dattier, d’oranger et de palmier ; du persil, des cactus et des poivrons qui poussent bien dans ce jardin sur le toit.
‘Voisins et amis ont du plaisir à venir nous rendre visite un moment puisqu’ils n’ont rien de semblable chez eux’, ajoute Hamad.
Hussein Shabat, directeur du Centre palestinien pour le développement des jeunes, conseille les familles qui travaillent sur des projets de jardins sur le toit de leurs maisons. Il reçoit parfois de l’aide de la part de donateurs étrangers.
Selon Shabat, ‘Beit Hanoun est un endroit stratégique pour de tels jardins. Il se trouve près de la frontière avec Israël et beaucoup de ses terres agricoles ont été détruites à multiples reprises par l’armée israélienne.’ Le Comité palestinien pour l’aide agricole (PARC) estime que pas moins de 75'000 dunams (un dunam égale 1'000 mètres carrés) de terrain agricole de première qualité a été détruit par des bulldozers et des bombardements israéliens.
‘Un bon nombre de paysans qui ont encore des terres cultivables n’osent pas y aller à cause des israéliens,’ dit Shabat. L’imposition d’une zone tampon le long des frontières de Gaza par Israël réduit d’un tiers le terrain agricole accessible aux paysans : quiconque essaie d’y aller risque sa vie. Autrefois, ces terres faisaient partie de la bande de Gaza qui produisaient du blé, de l’orge et une grande variété de fruits, de noix et d’amandes.
‘Beaucoup ont quitté leurs maisons et leurs terres près de la frontière par peur des tirs israéliens et des attaques d’obus,’ dit Shabat. Beit Hanoun est maintenant un paysage dépourvu d’eau et d’arbres.
A Beit Hanoun, sur un autre toit en ciment carré et plat, Ahed Shabat, 42 ans, cultive des plantes et des légumes dans des bacs, faits de métal ou de ciment, au milieu de la lessive qui pend et les citernes d’eau. ‘Nous cultivons des produits dont nous avons besoin toute l’année, tels l’ail et les oignons,’ dit-il, ‘mais aussi des légumes de saison : des épinards, du persil, des radis, des aubergines, du maïs, des gombos et du paprika fort.
de l'aïl
‘Il y a également des fleurs, de la sauge, de la menthe que nous rajoutons au thé et du zaatar [le thym qui pousse en Palestine, utilisé comme condiment, notamment avec de l’huile d’olive sur le pain ndlt],’ dit Shabat…. Il arrive à nourrir six bouches grâce à cette île tranquille sur son toit. ‘Le jardin est principalement destiné à notre consommation familiale et nous épargne des dépenses,’ dit-il. ‘Ma famille aime venir ici parmi les plantations étant donné que la plupart de la végétation de Beit Hanoun est détruite.’
Des projets similaires qui comprennent aussi l’élevage des lapins et des poules sur les toits de maisons, aident à combattre la grave pauvreté de la population de Gaza, dont 80% dépend de l’aide pour la nourriture. Pour les habitants de villes ou de camps de réfugiés surpeuplés ayant accès à un toit, un jardin est la solution pour éviter la malnutrition et pour gagner un peu d’argent.
‘J’aime élever les oiseaux,’ dit Abu Jehad, 17 ans, qui gère une coopérative sur un toit au centre de la bande de Gaza. Il a environ 100 poules et une vingtaine de pigeons. ‘Au début, j’ai appris comment faire avec un ami qui possède une autre coopérative. Le seul endroit disponible pour les poules était notre toit.’
Abu Jehad avec un pigeon sur le toit de sa maison
Les poules sont dans un enclos 1,5 par 3 mètres fait de toute pièce : bois, métal et fil de fer. Abu Jehad l’ouvre une fois par jour pour permettre les poules de se promener et picoter partout sur le toit. ‘J’ai commencé avec neuf poussins qu’un ami m’a donnés, puis j’en ai acheté dix autres avec le l’argent que j’avais mis de côté. J’ai pu acheter encore 30 autres avec les contributions de ma famille.’
Les débuts de l’élevage n’étaient pas faciles. ‘Ce printemps, le vent était frais le matin. Je n’avais que du matériel limité pour une seule cage qui était exposée. J’ai perdu des poussins faute de pouvoir les protéger du vent et du soleil.’ Il y avait aussi la maladie. ‘Les médicaments sont très chers à cause du blocus. Déjà, c’était difficile d’avoir assez de nourriture. Mais sans dépenser pour les médicaments, ils auraient été tous morts – j’ai dû en acheter.’
Ayant survécu au démarrage du projet, ses oiseaux se sont multipliés et se portent bien. ‘Maintenant, j’ai environ 50 couples et différents types de poules,’ dit Abu Jehad.
un coq sur le toit – un réveille-matin !
Les œufs et la viande sont de meilleure qualité que les élevages en usine selon Abu Jehad, puisqu’il nourrit de façon naturelle. ‘Je ne leur donne aucun stéroïde ou produit chimique, juste les peaux de légumes et du pain sec et des graines, et je les laisse en liberté sur le toit tous les jours.’
Abu Jehad a commencé son projet sans l’aide d’une organisation non-gouvernementale [ONG ndlt], quoique plusieurs ONG soutiennent de tels projets. ‘J’ai dû investir considérablement au début et les oiseaux ne me rapportaient rien pendant un long moment. Puis, avec plus de poules et une plus grande variété, j’ai commencé à voir de petits profits. Si ma famille n’avait pas besoin de cet argent, j’utiliserais les profits de la vente des œufs pour acheter de la nourriture spécialement pour les oiseaux.’
Ce projet qui a commencé comme défi a progressé jusqu’à devenir un moyen relativement lucratif permettant la subsistance de cette famille."
Toutes les photos sont d’Emad Badwan, chroniquer de la vie quotidienne dans sa bande de Gaza natale. Auteur de centaines de photos de Gaza, Badwan a aussi tourné plusieurs vidéos.
Pour plus d’informations, contacter l’auteur de ce blog.