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La "dignité retrouvée" de la Grèce, face à des créanciers internationaux lui dictant sa politique depuis quatre ans, a été l'un des grands thèmes de la campagne d'Alexis Tsipras, trouvant un large écho parmi une population accablée par les conséquences de la crise.
"La Grèce quitte cinq années d'humiliation et de souffrances pour avancer avec optimisme, espoir, dignité et résolution dans une Europe qui change", avait lancé M. Tsipras dimanche soir à ses partisans en liesse.
Son premier geste de Premier ministre, lundi, a été de déposer une gerbe de roses au mémorial de la résistance nationale, un geste à haute portée symbolique.
Près du mur des fusillés, qui rend hommage aux 200 résistants communistes grecs exécutés par les nazis en 1944, et sous un ciel orageux, la foule s'est empressée de saluer le nouveau dirigeant et de lui souhaiter: "force et courage".
"Hier comme aujourd'hui, le peuple grec résiste aux ingérences étrangères", déclarait Kostas Gavrilakis, retraité et habitant du quartier.
Pendant la campagne, Nikos Xydakis, un responsable de Syriza, déclarait à l'AFP : "Ce que je sens, c'est le sentiment d'humiliation des gens, le besoin de dignité, de justice, de retrouver une identité. On ne peut pas humilier les gens pendant aussi longtemps, ils finissent par réagir".
"Nous ne sommes pas une colonie. Nous retrouverons notre liberté et notre dignité!" assurait lundi devant le mur des fusillés Maria, 46 ans, venue avec ses enfants pour l'événement.
Pour cela, l'enseignante tient également beaucoup à la question des réparations de guerre allemandes, un sujet souvent évoqué durant la campagne.
M. Tsipras souhaite en effet s'appuyer, pour faire alléger la dette du pays, sur ce précédent historique, et pas anodin puisque c'est à l'Allemagne, devenue la bête noire en Grèce à force de leçons sur la rigueur budgétaire, qu'il avait profité.
En 1941, le régime nazi impose à la Banque centrale grecque un prêt de 476 millions de Reichsmark au titre des contributions à l'effort de guerre. Lors des accords de Londres en 1953, il est décidé que cet "emprunt" ne sera pas remboursé afin de ne pas affaiblir l'Allemagne.
Il s'agissait à l'époque de ne pas répéter les erreurs du traité de Versailles (1919), qui avait lourdement pénalisé l'Allemagne et par voie de conséquence sa population après la première guerre mondiale, faisant le lit du nazisme.
"Pourquoi ne pas accorder à la Grèce la même clémence qu'à l'Allemagne?", s'exclame Maria.
Muni d'un appareil photo, Georges, ingénieur de 59 ans, a fait spécialement le déplacement pour voir Alexis Tsipras : "Nous sommes un peuple très fier, et avec la crise nous avons été rabaissés. Notre nouveau Premier ministre va nous rendre notre dignité et ne va pas courber l'échine devant les créanciers!", affirme-t-il à son tour.
A ses côtés, Eleni, 41 ans, acquiesce: "Si l'homme n'a plus de dignité, il n'est plus rien!".
"Nous demandons juste de vivre comme tout citoyen européen. Actuellement, quand tu vas à l'hôpital public en Grèce, tu as l'impression d'être dans un pays en guerre. Le remboursement de la dette ne justifie pas de soumettre un peuple à tant de souffrances", ajoute cette avocate, poings serrés.
Syriza, le parti de la gauche radicale qui a obtenu 149 sièges sur les 300 du Parlement, est le premier parti au pouvoir en Europe à contester ouvertement les politiques de rigueur prônées notamment par l'Allemagne.
Il a fait alliance avec un parti clairement marqué à droite, les Grecs indépendants, mais qui partage cette opinion.
M. Tsipras a également l'intention de lutter contre "la crise humanitaire". En Grèce, 30% de la population n'a plus de sécurité sociale et 25% est au chômage.
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Le nouveau Premier ministre grec de gauche radicale Alexis Tsipras, dont l'alliance avec un parti de droite souverainiste laisse augurer des négociations difficiles avec l'UE, devait annoncer dès mardi la composition de son gouvernement de coalition, un processus éclair. Les adversaires de l'austérité ont pris lundi les commandes en Grèce sous la houlette de M. Tsipras, 40 ans, et l'Europe l'a déjà prévenu qu'elle n'était pas prête à effacer la dette du pays dont Syriza réclame la restructuration. Or, c'est la ligne la plus ferme vis-à-vis des créanciers UE et FMI qui semble l'avoir emporté avec l'annonce d'un accord de gouvernement entre Syriza et le petit parti de droite souverainiste des Grecs indépendants (Anel). Les deux formations vont cumuler une majorité de 162 sièges (149 + 13) sur les 300 du Parlement.
Scène inédite : le chef de la gauche grecque s'est dispensé d'une prestation de serment religieuse, comme le veut la tradition, optant pour une cérémonie civile. Son nouvel allié souverainiste, en rupture depuis 2011 avec la droite classique Nouvelle Démocratie, jugée trop favorable à l'austérité, est lui réputé proche de l'Église orthodoxe, non séparée de l'État, et défend des positions conservatrices sur le plan des moeurs, à l'opposé de Syriza. "Les Grecs avancent unis dans le respect de la souveraineté nationale", a déclaré le chef d'Anel, Panos Kammenos, désignant ainsi la principale valeur commune des deux partis.
Autre symbole : pour sa première sortie officielle, le nouveau Premier ministre est allé se recueillir devant le mur des fusillés d'Athènes, où 200 communistes ont été exécutés en 1944 par les nazis, monument emblématique de la résistance grecque face à l'armée allemande. Et c'est justement d'Allemagne, dont la position sera déterminante, que sont venues les réactions les plus réservées face à la nouvelle donne politique en Grèce. Pour la chancelière Angela Merkel, le nouveau gouvernement grec doit "respecter les engagements pris" par son prédécesseur. Une réduction de dette est exclue, a averti le ministère allemand des Finances, précisant juste qu'un prolongement du programme d'aide à la Grèce pourrait être discuté au niveau européen si Athènes "en fait la demande".
La Grèce, même si elle est parvenue à stabiliser ses finances après avoir frôlé la faillite, est toujours sous perfusion de l'UE et du FMI qui lui ont octroyé 240 milliards d'euros de prêts depuis 2010 en échange d'un catalogue de réformes structurelles et d'une stricte politique de rigueur. "Faire partie de la zone euro signifie qu'il faut respecter l'ensemble des accords déjà passés", a renchéri le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, alors que les ministres des Finances de la zone euro se sont réunis lundi à Bruxelles.
Le nouvel homme fort de la Grèce a douché les espoirs des partenaires européens du pays de voir la gauche radicale assouplir ses positions sur la dette et l'austérité, comme cela aurait été le cas s'il s'était allié avec une formation pro-européenne plus conciliante comme To Potami ("La rivière") arrivée en quatrième position avec 17 sièges. Panos Skourletis, porte-parole de Syriza, optait pour un ton léger et rassurant, notamment face au chiffon rouge d'une panique bancaire : "Le soleil brille, les guichets automatiques des banques fonctionnent, les gens sont au travail", a-t-il lancé.
L'enjeu pour le nouveau Premier ministre grec sera de trouver des alliés parmi les membres de la zone euro pour faire bouger les lignes. Dès dimanche, Alexis Tsipras a averti que l'austérité était du passé, assurant cependant qu'il était disposé à négocier une solution "bénéficiant à tous". Les regards de Syriza sont tournés vers l'Italie, dont le ministre des Affaires étrangères, Paolo Gentiloni, a estimé que "le résultat grec, s'il est géré politiquement par la Grèce et l'Union européenne avec des négociations flexibles et réalistes, favorisera la demande de mettre un terme à la rigidité que nous, Italiens, avons toujours réclamée". Côté français, le président François Hollande a été parmi les premiers à féliciter M. Tsipras avec bienveillance, tout en le rappelant à "l'esprit de responsabilité". Puis il l'a invité à "se rendre rapidement à Paris". Enfin, il a durci un peu plus le ton en remarquant que "des engagements ont été pris et ils doivent être tenus". Le FMI, au contraire, s'est montré le plus détendu des bailleurs de fonds du pays. "Nous nous tenons prêts à continuer de soutenir la Grèce et nous espérons entamer des discussions avec le nouveau gouvernement", selon le Fonds.
Lundi soir, Syriza a annoncé que le président du Parlement européen Martin Schulz rencontrerait M. Tsipras à Athènes jeudi. Le Premier ministre britannique David Cameron, qui s'était inquiété dimanche sur Twitter d'une élection "qui accroîtra l'incertitude économique en Europe", s'est radouci lundi, appelant Alexis Tsipras pour le féliciter.
(27-01-2015 - Avec les agences de presse)
source:"Assawra",