Alors que les experts du FMI et de la BCE ont débarqué à Athènes, de nouvelles manifestations ont eu lieu hier et la mobilisation contre les mesures antisociales du gouvernement grec continue de s’étendre.
Athènes, envoyé spécial.
Sur le port du Pirée, le soleil resplendissant révèle les couleurs chatoyantes des bateaux. Habituellement, ils scintillent en pleine mer. Mais ce 22 avril, les navires marchands et de voyageurs sont tous à quai. Sous l’impulsion du Pame (branche syndicale proche du PC grec), les marins inquiets de l’avenir ont déclenché une grève de 48 heures et bloquent le port depuis la veille. Le 21, ils ont aussi appris que le Premier ministre, Georges Papandreou, allait annoncer la levée du cabotage. « En organisant la libéralisation et la casse du cabotage, il applique la politique européenne, quels que soient les effets sur les travailleurs », critique Savas Tsiboglou, secrétaire du syndicat Pemene (Union panhellénique des mécaniciens de la marine marchande). Triste journée pour la Grèce, d’ailleurs, que ce 21 avril. Le pays se souvenait de l’arrivée au pouvoir des colonels, en 1967, qui allaient plonger le pays dans la dictature, et la casse sociale. Et le gouvernement a publié ce même jour les chiffres du chômage, résolument en hausse (11,3 % en janvier 2010, contre 9,4 % un an plus tôt et 10,2 % en décembre). Triste coïncidence, c’est aussi ce jour-là que les experts du FMI, de la Commission européenne et de la BCE sont arrivés sur le sol hellénique pour définir les modalités d’application du plan dit de soutien européen, décidé le 25 mars à Bruxelles par les Vingt-Sept.
Les marins et les dockers comme la population ne sont pas dupes. Ils connaissent les ingrédients de la mixture antisociale conditionnée à « l’aide » : plan d’austérité, coupes dans les dépenses publiques, réduction de salaires et des retraites, hausse de la TVA… sont déjà au programme.
Pour dénoncer ces mesures, l’Adedy (la confédération syndicale du secteur public), le syndicat des employés territoriaux, et le Pame avaient appelé à faire grève hier. Même les petits commerçants étaient là. « Je suis très inquiet. En général, mon salaire varie entre 1 000 et 1 500 euros mais parfois, je ne gagne même pas 1 000 euros », explique M. Simos, fabricant de meubles. « Comme je ne pourrai pas répercuter la hausse de la TVA sur mes clients, mon salaire va encore baisser », poursuit-il.
Des rassemblements ont à nouveau eu lieu dans 69 villes de province. Et dans Athènes, ils étaient environ 25 000 à manifester, en deux cortèges. « Le mécontentement et la colère grimpent, explique Despina Spanou, vice-présidente de l’Adedy. C’est maintenant que nous sentons les effets de la crise, et les reculs qui vont avec. » Elle prévoit un regain des manifestations début mai, quand le gouvernement présentera le projet de loi sur la Sécurité sociale, dont il a retardé le dépôt à l’Assemblée nationale. Cette fois, la GSEE (syndicats du secteur privé), dont la direction est proche du Pasok, devrait participer, poussée par sa base qui subit au quotidien les attaques antisociales.
Fabien Perrier