Tollé en Tunisie : le gouvernement 'laic' nomme un ami des islamistes, ex-collabo de Ben Ali, Ministre de l'Intérieur !
Article AC pour http://www.solidarite-internationale-pcf.fr/
La période de grâce n'aura pas duré longtemps pour le nouveau gouvernement tunisien « laïc ». A forte coloration technocratique, libérale, il abrite à un poste clé un symbole de ses compromissions : à la fois réputé proche des islamistes et ancien de la dictature de Ben Ali.
Les élections tunisiennes ont été présentées dans les médias occidentaux comme un test réussi pour la démocratie. Elles ont pourtant reposé sur des enjeux déplacés : autour d'un clivage entre bloc laïc et islamiste, masquant bien le consensus socio-économique entre les deux forces.
La réalité d'un danger islamiste réactionnaire présent dans les quartiers, dans les campagnes a poussé des millions de Tunisiens à voter, sans illusions, pour Nidaa Tounes et BCE (Beji Caid Essebsi). Aujourd’hui, la pilule est amère.
Un gouvernement libéral, sans les islamistes ?
Le nouveau gouvernement, qui devra faire passer l'orage austéritaire du BCE, a une forte teinte libérale, à deux têtes, entre Nidaa Tounes – soutenue par une bonne partie du patronat dont la famille Elloumi – et l'UPL (Union patriotique libre) de l'affairiste Slim Riahi.
L'UPL, combinant néo-libéralisme et populisme, obtient deux postes non-négligeables : la jeunesse et les sports (Slim Riahi est propriétaire d'un grand club tunisien, le Club Africain) et surtout la Coopération et les investissements extérieurs, ministère clé pour l'attribution des gros contrats.
Concernant Ennahdha, le parti islamiste a envoyé tous les signaux pour participer au gouvernement, se disant prêts à livrer une liste de noms de personnalités non-membres mais adoubées par les islamistes. La réponse était longue pour Nidaa Tounes, elle est officiellement négative. En contrepartie, Ennahdha n'a pas accordé la confiance au gouvernement, déjà en crise.
En effet, le scénario est périlleux, entre un électorat qui n'accepterait pas l'entrée des islamistes au gouvernement après avoir fait de leur rejet leur principale motivation électorale, et les pouvoirs économiques, inquiets d'une Union nationale intégrale laissant la rue échapper à tout contrôle.
Gharsalli à l'intérieur … pour étouffer les assassinats politiques ?
Mais un poste semble avoir été laissé aux restes de « compromis historique ». Et pas n'importe lequel. Le ministère de l'Intérieur dévolu à Najem Gharsalli.
La nomination a suscité un tollé. Le député du Front populaire (gauche marxiste), Monji Rahoui a dénoncé ce qui résulte d'un « accord entre Ennahdha et Nidaa Tounes », ce qui est « le point noir du gouvernement ».
Pour lui, il s'agit tout simplement d'étouffer les affaires des assassinats des figures de la gauche révolutionnaire Chokri Belaid et Mohammed Brahmi.
Un pro-islamiste à un poste clé
Gharsalli, « compagnon de route » des islamistes ? L'intéressé a démenti tout lien avec des formations politiques, même s'il a rappelé qu'en tant que gouverneur de Mahdia, il a coopéré avec toutes les forces politiques et de la société civile. Sans préférences.
Or, une vidéo publiée par le parti Ennahdha le montre lors d'un meeting du parti Ennahdha aux côtés du « Conseiller du Prince », Lofti Zitoun, le plus proche collaborateur du leader Rachid Ghannouchi. Gharsalli écoute religieusement Zitoun, appréciant visiblement sa diatribe à la tribune.
Un relais de la dictature pour infiltrer les juges démocratiques
Un autre point souligné par ses détracteurs, ses relations avec l'ancienne dictature de Ben Ali, son inscription dans les réseaux de l'Ancien Régime. L'ancien juge et président du tribunal de Kasserine a laissé un souvenir exécrable chez certains de ses anciens collègues.
Le secrétaire général du parti Courant démocratique (social-démocrate), Mohamed Abbou, rappelle que Gharsalli devrait plutôt « passer devant la justice, que passer à l'Intérieur ». Selon lui, sa nomination « est une insulte à la Révolution et aux magistrats, cet homme était le bourreau des juges sous la dictature ».
La magistrate Kalthoum Kannou a eu des mots plus que durs insistant sur « le rôle qu'il a joué sous la dictature dans le harcèlement des juges honnêtes ». Elle ajoute que « c'est un des plus grands arrivistes à la solde de la dictature ».
L'Association des magistrats tunisiens (AMT) a refusé fermement cette décision d'installer Gharsalli à l'Intérieur. Elle en garde le souvenir d'un magistrat qui participait aux réunions de l'AMT pour l'infiltrer, récolter des informations sur ses plans, ses membres pour les harceler.
Pour l'AMT, « la nomination de collaborateurs de la dictature qui ont harcelé les magistrats honnêtes est contraire à la volonté de réformer la magistrature et de concrétiser les objectifs de la Révolution ».
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L'Observatoire de l'indépendance de la magistrature (OTIM) a qualifié ces preuves d « irréfutables », celles sur les « rapports discriminants et injustes » écrits contre certains magistrats, sa contribution à la tentative de dissolution de l'AMT en 2004.
Aux toutes dernières nouvelles, le Premier ministre tunisien, Habib Essid envisagerait de changer la composition de son gouvernement et d'écarter l’embarrassant M.Gharsalli. Mais les manœuvres du nouveau gouvernement restent pour une « Union nationale », avec les anciens de la dictature, avec les politiciens islamistes. Contre la volonté du peuple tunisien.