22 octobre 2011
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Tunisie : « La révolution continue, la contre-révolution aussi »
Ce 23 octobre prochain, les Tunisiens se sont rendus aux urnes pour la première fois depuis la chute de Ben Ali.
Le 19, est paru un article de Hamma Hammami, porte-parole du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT):
Un scrutin dans un climat tendu, vu le soutien de l'Occident au courant de l'islam politique. Une manière d'occulter le réel débat sur les enjeux socio-économiques, selon Hamma Hammami, porte-parole du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT).
Rafik Rassaa - Hebdo du PTB "Solidaire"
Rafik Rassaa - Hebdo du PTB "Solidaire"
Après les mobilisations de la Kasbah 1 et 2, trois gouvernements de « transition » et de fortes mobilisations sociales, les Tunisiens ont arraché l’organisation de leurs premières élections libres. Néanmoins, le contexte politique dans lequel se déroule cette campagne reste incertain et très tendu. La police politique, malgré une dissolution officielle, reste toujours active.
La direction des médias est partagée entre des proches de l’ancien régime et des proches d’intérêts économiques étrangers déterminés à influer sur le résultat des élections. Les ex-membres du RCD (parti de Ben Ali aujourd’hui dissout) ont bien essayé d’imposer l’idée d’un référendum pour prolonger la validité de l’actuel gouvernement transitoire après les élections, mais ils ont échoué.
Le paysage politique de la Tunisie a été recomposé. Et cette recomposition est grandement liée au financement des partis. D’un côté, ceux dont les budgets électoraux ont explosé. Parmi ceux-là, il existe trois catégories. Une première regroupe les partis recomposés à partir du RCD et ceux liés au milieu mafieux des affaires, tel l’UPL (Union patriotique libre). Une seconde regroupe les partis islamistes, et en particulier Ennadha, qui reçoit des financements du Qatar et d’un réseau organisé de confréries.
Enfin, les partis se revendiquant de la gauche qui reçoivent le soutien financier de l’Internationale socialiste pour certains, le FDTL (Front démocratique pour le travail et les libertés), et pour d’autres le soutien d’hommes d’affaires liés aux intérêts français et américains en Tunisie, tel le PDP (Parti démocrate progressiste).
À l’opposé de ce bloc existent des partis qui s’appuient uniquement sur l’apport de leurs forces militantes, principalement le PCOT (Parti communiste des ouvriers de Tunisie) et dans une certaine mesure le CPR (Congrès pour la république).
Vrais problèmes VS identité religieuse
La polarisation du débat sur l’islamisme et l’identité arabo-musulmane est une tentative d’occulter le réel débat sur les enjeux socio-économiques de la nouvelle démocratie tunisienne.
Les partis soutenus financièrement veulent perpétuer la dépendance de la Tunisie. Il est fort probable que cette polarisation soit téléguidée pour imposer le courant de l’islam politique en Tunisie — comme en Égypte. Ce courant semble devenir le choix privilégié de l'occident pour que les fruits du printemps arabe ne leur échappent pas, selon Samir Amin, professeur et directeur du Forum du Tiers-Monde.
Pour les partis indépendants, par contre, le débat socio-économique est le plus important. Ils sont pratiquement les seuls à avoir une vision d’avenir pour une Tunisie réellement indépendante. « Aujourd’hui, des débats agitent le microcosme tunisien sur l’identité arabo-musulmane de la Tunisie, la question de la religion... Mais les gens veulent des réponses à leurs vrais problèmes : le chômage, la question agraire, l’accès aux services publics, les salaires », rappelle Hamma Hammami, porte-parole du PCOT, fondé en 1986 et légalisé depuis la chute du régime Ben Ali le 14 janvier.
Le taux de chômage est de 19 % en Tunisie (contre 14 % en 2010) et l’économie en récession, avec -3 % au premier semestre. « Dans les régions défavorisées, les gens nous disent : « c’est nous qui avons fait la révolution, et c’est un petit groupe de La Marsa (banlieue chic de Tunis, NdlR) qui en profite », raconte M. Hammami, dont le parti vise « au moins 10 % des voix ».
Le PCOT a présenté des listes dans les 27 circonscriptions de Tunisie et dans cinq des six circonscriptions à l’étranger pour l’élection de l’Assemblée Constituante le 23 octobre, premier scrutin dans la Tunisie post-Ben Ali.
« Notre parti jouit d’une grande estime, due à notre passé d’opposant, et à notre programme économique et social, concret, en faveur des pauvres, en faveur de ceux qui ont fait la révolution », affirme M. Hammami, qui n’est pas lui-même candidat, préférant « se mettre au service de toutes les listes ».
« Il faut absolument relativiser le fait religieux et travailler sur les vraies questions. Si vous arrivez en disant à un peuple croyant que vous êtes laïques, ou si vous donnez l’impression que vous êtes contre la religion, c’est foutu. Il faut faire de la pédagogie, si l’on ne veut pas que les islamistes gagnent », poursuit-il.
Garantie des libertés individuelles
Le parti islamiste Ennadha est, selon les sondages, la première force politique du pays. « S’ils gagnent, nous nous inclinerons. C’est le jeu de la démocratie. Mais en attendant, nous faisons un profond travail de terrain, des meetings, du porte-à-porte, et notre message passe », assure M. Hammami.
Le PCOT veut voir inscrits dans la future constitution tunisienne la garantie des libertés fondamentales, le droit à l’éducation et à la santé gratuite, le droit au logement, l’égalité complète entre hommes et femmes. En matière économique, « nous sommes pour la nationalisation des secteurs essentiels : mines, gaz, électricité. Nous ne sommes pas contre le secteur privé, mais pour un secteur privé qui sert l’emploi et respecte les droits des travailleurs », continue le porte-parole.
En matière institutionnelle, le PCOT défend un régime parlementaire et une réelle décentralisation « qui passe par l’élection dans les régions de conseils populaires ayant un pouvoir exécutif réel, poursuit M. Hammami. Nous voulons également la réorganisation et l’assainissement des corps sécuritaire et judiciaire. Aujourd’hui, la Tunisie est à un carrefour : le processus révolutionnaire continue, mais la contre-révolution aussi, et elle gagne du terrain. On ne réussira pas la transition avec les mêmes hommes, les mêmes appareils. »
La direction des médias est partagée entre des proches de l’ancien régime et des proches d’intérêts économiques étrangers déterminés à influer sur le résultat des élections. Les ex-membres du RCD (parti de Ben Ali aujourd’hui dissout) ont bien essayé d’imposer l’idée d’un référendum pour prolonger la validité de l’actuel gouvernement transitoire après les élections, mais ils ont échoué.
Le paysage politique de la Tunisie a été recomposé. Et cette recomposition est grandement liée au financement des partis. D’un côté, ceux dont les budgets électoraux ont explosé. Parmi ceux-là, il existe trois catégories. Une première regroupe les partis recomposés à partir du RCD et ceux liés au milieu mafieux des affaires, tel l’UPL (Union patriotique libre). Une seconde regroupe les partis islamistes, et en particulier Ennadha, qui reçoit des financements du Qatar et d’un réseau organisé de confréries.
Enfin, les partis se revendiquant de la gauche qui reçoivent le soutien financier de l’Internationale socialiste pour certains, le FDTL (Front démocratique pour le travail et les libertés), et pour d’autres le soutien d’hommes d’affaires liés aux intérêts français et américains en Tunisie, tel le PDP (Parti démocrate progressiste).
À l’opposé de ce bloc existent des partis qui s’appuient uniquement sur l’apport de leurs forces militantes, principalement le PCOT (Parti communiste des ouvriers de Tunisie) et dans une certaine mesure le CPR (Congrès pour la république).
Vrais problèmes VS identité religieuse
La polarisation du débat sur l’islamisme et l’identité arabo-musulmane est une tentative d’occulter le réel débat sur les enjeux socio-économiques de la nouvelle démocratie tunisienne.
Les partis soutenus financièrement veulent perpétuer la dépendance de la Tunisie. Il est fort probable que cette polarisation soit téléguidée pour imposer le courant de l’islam politique en Tunisie — comme en Égypte. Ce courant semble devenir le choix privilégié de l'occident pour que les fruits du printemps arabe ne leur échappent pas, selon Samir Amin, professeur et directeur du Forum du Tiers-Monde.
Pour les partis indépendants, par contre, le débat socio-économique est le plus important. Ils sont pratiquement les seuls à avoir une vision d’avenir pour une Tunisie réellement indépendante. « Aujourd’hui, des débats agitent le microcosme tunisien sur l’identité arabo-musulmane de la Tunisie, la question de la religion... Mais les gens veulent des réponses à leurs vrais problèmes : le chômage, la question agraire, l’accès aux services publics, les salaires », rappelle Hamma Hammami, porte-parole du PCOT, fondé en 1986 et légalisé depuis la chute du régime Ben Ali le 14 janvier.
Le taux de chômage est de 19 % en Tunisie (contre 14 % en 2010) et l’économie en récession, avec -3 % au premier semestre. « Dans les régions défavorisées, les gens nous disent : « c’est nous qui avons fait la révolution, et c’est un petit groupe de La Marsa (banlieue chic de Tunis, NdlR) qui en profite », raconte M. Hammami, dont le parti vise « au moins 10 % des voix ».
Le PCOT a présenté des listes dans les 27 circonscriptions de Tunisie et dans cinq des six circonscriptions à l’étranger pour l’élection de l’Assemblée Constituante le 23 octobre, premier scrutin dans la Tunisie post-Ben Ali.
« Notre parti jouit d’une grande estime, due à notre passé d’opposant, et à notre programme économique et social, concret, en faveur des pauvres, en faveur de ceux qui ont fait la révolution », affirme M. Hammami, qui n’est pas lui-même candidat, préférant « se mettre au service de toutes les listes ».
« Il faut absolument relativiser le fait religieux et travailler sur les vraies questions. Si vous arrivez en disant à un peuple croyant que vous êtes laïques, ou si vous donnez l’impression que vous êtes contre la religion, c’est foutu. Il faut faire de la pédagogie, si l’on ne veut pas que les islamistes gagnent », poursuit-il.
Garantie des libertés individuelles
Le parti islamiste Ennadha est, selon les sondages, la première force politique du pays. « S’ils gagnent, nous nous inclinerons. C’est le jeu de la démocratie. Mais en attendant, nous faisons un profond travail de terrain, des meetings, du porte-à-porte, et notre message passe », assure M. Hammami.
Le PCOT veut voir inscrits dans la future constitution tunisienne la garantie des libertés fondamentales, le droit à l’éducation et à la santé gratuite, le droit au logement, l’égalité complète entre hommes et femmes. En matière économique, « nous sommes pour la nationalisation des secteurs essentiels : mines, gaz, électricité. Nous ne sommes pas contre le secteur privé, mais pour un secteur privé qui sert l’emploi et respecte les droits des travailleurs », continue le porte-parole.
En matière institutionnelle, le PCOT défend un régime parlementaire et une réelle décentralisation « qui passe par l’élection dans les régions de conseils populaires ayant un pouvoir exécutif réel, poursuit M. Hammami. Nous voulons également la réorganisation et l’assainissement des corps sécuritaire et judiciaire. Aujourd’hui, la Tunisie est à un carrefour : le processus révolutionnaire continue, mais la contre-révolution aussi, et elle gagne du terrain. On ne réussira pas la transition avec les mêmes hommes, les mêmes appareils. »