Afrique : la balkanisation par la guerre.
Sarkozy accédant au pouvoir claironnait que la France en Afrique ne serait plus comme auparavant interventionniste, exploiteuse, donneuse de leçons. La réalité actuelle montre à quel niveau caricatural l’impérialisme colonial français persiste dans ses anciennes pratiques : prétextes hypocrites (droits de l’homme, ou des femmes, ou des « civils »), valises de billets par l’entremise des barbouzes, main mise sur les marchés publics africains (ports d’Abidjan, de Konakry, pétrole, etc…), interventions armées pour imposer les poulains de l’Elysée (intégristes et affairistes baptisés démocrates…). La démonstration n’est plus à faire,cet impérialisme français est d’autant plus virulent et hargneux qu’il est en déclin par rapport à son ami-concurrent des USA, et menacé par les nouveaux venus de Chine, Inde, Brésil…
Mais on n’a pas assez souligné une constante de sa stratégie, depuis plus d’un demi-siècle, le désir incessant d’opposer les peuples et les ethnies les uns aux autres, de briser les nations africaines en petits états concurrents et faciles à soumettre par la puissance impérialiste, de « balkaniser » le continent. Dès les années 1960, la France a empêché par la diplomatie, la corruption, la subversion, l’union des peuples africains indépendants, rêvée par Modibo Keita ou Ruben Um Nyobe. Quelques années plus tard, la France de De Gaulle a financé, armé les séparatistes du Biafra contre le Nigeria, état pétrolier trop puissant à son goût. Elle ne parvint pas à le dépecer, malgré près d’un million de morts.
Un demi-siècle après, les armes sarkoziennes, dirigées par un palais de l’Elysée qui se veut le fer de lance de l’OTAN, le meneur de la meute impérialiste, ont imposé à Abidjan , à Tripoli, par la force et les bombardements, les prétendants choisis depuis Paris. Dans les deux cas, les larbins de l’Occident au pouvoir seront à la tête de pays ravagés par les luttes civiles, à l’issue d’une victoire (assurée par la France) d’une partie du pays sur l’autre. En Côte d’Ivoire, le régime de Ouattara consacre la conquête militaire du sud du pays par les guerriers venus du nord, qui se disaient il y a quelques années « Forces nouvelles ». En Libye, après le soulèvement des séparatistes de Benghazi à l’est du pays contre le pouvoir central, la capitale Tripoli, après avoir été écrasée par les bombes françaises, a été conquise et occupée par les combattants berbères venus du nord désertique. Le pays est encore en partie insoumis, malgré la terreur imposée aux villes par les bombes occidentales, et les nouvelles autorités n’ont guère en commun que leur soumission aux sponsors occidentaux. Mais surtout les infrastructures du pays sont détruites (ah, les beaux marchés de reconstruction que voilà pour les affairistes occidentaux !) et l’unité nationale embryonnaire a fait place aux haines tribales, aux intégrismes ravageurs : après l’invasion US, l’Irak ruiné et dépeuplé s’épuise en conflits meurtriers entre Kurdes, Chiites, Sunnites, etc… La Libye et, pour une part, la Côte d’Ivoire, ont exactement le même avenir prévisible. Mais Sarkozy, Juppé, Bernard-Henry Levy et Cameron peuvent pavoiser à Tripoli : la liberté des actionnaires occidentaux de piller les richesses du Golfe de Guinée, de Libye et du Sahara est assurée.
Francis Arzalier