Des révoltes confisquées
En Tunisie, en Egypte et au Maroc, d’origine populaires, les révoltes portaient essentiellement sur des revendications d’ordre économique et social, l’emploi, les salaires, la gratuité des services publics… Mais elles comptaient aussi dans leurs rangs certaines franges de la grande bourgeoisie qui veulent la libéralisation des économies afin d’augmenter leur part du gâteau. Elles ont détourné à leur profit le mouvement populaire en utilisant la petite bourgeoisie rêvant d’un destin plus important et d’un mode de vie à l’occidentale. Ces forces conjuguées ont réussi à substituer aux revendications initiales un mot d’ordre sans danger pour l’impérialisme, que l’on peut résumer par la démocratie politique (celle du capitalisme, bien sûr).
La liberté religieuse
De ce mot d’ordre de démocratie politique est sorti celui de la liberté de religion. Il faut dire qu’en France aussi, une entreprise de réhabilitation de la religion est à l’œuvre. Il est aujourd’hui tenu pour acquis que la religion, serait une liberté fondamentale, l’expression d’une spiritualité. Mais les principales victimes, dans l’histoire, furent et sont encore les laïques et les athées, et non les religieux. Une liberté qu’il est nécessaire de revendiquer, dans les pays arabes opprimés au moyen de l’islam, c’est la liberté de ne pas avoir de religion. Souvenons-nous des mots de Marx, dans sa "Critique du programme de Gotha" : « Pour la bourgeoise "liberté de conscience" n’est rien de plus que la tolérance de toutes les sortes possibles de liberté de conscience religieuse, tandis que le parti ouvrier s’efforce de libérer les consciences de la
fantasmagorie religieuse. »
C’est pourquoi les franges de la grande bourgeoisie qui ont gagné la maîtrise apparente de la Tunisie et de l’Egypte (apparente, car ce sont les impérialistes qui continuent de dominer) ont choisi comme expression politique essentielle les organisations obscurantistes, que ce soit Ennahda, parti dirigé par des capitalistes et recrutant principalement dans les milieux populaires les plus pauvres, ou les Frères Musulmans, parti de la petite bourgeoisie intellectuelle. Ces organisations politiques islamiques, véhiculent les mêmes idées réactionnaires que les féroces salafistes de Libye, auxquelles d’ailleurs les Frères Musulmans se sont alliés.
Les puissances impérialistes ne sont pas dupes
Derrière le héraut états-unien, les Etats impérialistes ont abusé tout le monde depuis dix ans en faisant croire que les intégristes étaient leurs ennemis. Cette opération d’intoxication à grande échelle avait un double but : enrôler leurs propres opinions publiques au service du choc des civilisations et enrôler celles des pays arabo-musulmans derrière les seuls islamistes. La mort de Ben Laden (qu’elle soit réelle ou fabriquée), a été mise en scène afin de changer la donne et de recycler les combattants salafistes, dont les impérialistes avaient besoin au Moyen Orient. Ceux qui dirigent et paient ces salafistes (les mercenaires les moins chers du monde) sont à la fois des féodaux et des grands capitalistes, tous favorables à la liberté économique totale (la libre concurrence non faussée). C’est donc tout à fait sciemment que les agents de la CIA et de la "special branch" britannique présents en Cyrénaïque ont armé et formé ces miliciens, comme l’avaient fait leurs prédécesseurs avec les moudjahidines afghans dans les années 80. C’est tout à fait sciemment que l’OTAN a servi de logistique de soutien à ces bandes armées, consacrant une nouvelle façon de faire la guerre impérialiste en mettant aux premières loges des mercenaires amis.
Voilà ce que personne dans le monde politico-médiatique français, et surtout pas à gauche, ne veut reconnaître...
La gauche française a choisi le camp de l’impérialisme
Certains dans cette gauche viennent de s’apercevoir que les femmes pourraient bien pâtir du pouvoir des rebelles libyens. L’annonce de la future abrogation de la loi autorisant le divorce et interdisant la polygamie a ému des trotskystes, lesquels ne vont pas jusqu’à condamner les adeptes de la loi de Lynch, les émules du Ku-Klux-Klan, qui assassinent les Libyens du sud ou les subsahariens simplement parce qu’ils sont noirs : Pas de condamnation des spadassins aux gages, payés par le Qatar, qui ont torturé, violé, massacré. La gauche en France comme dans la plupart des pays de l’Union européenne a choisi le camp de l’impérialisme. Tous les partis de gauche française, ont objectivement approuvé l’intervention. Ils ont pris pour argent comptant les "informations" diffusées en boucle dans nos media au service de l’impérialisme. A l’exception de quelques articles inquiets et de bon sens de « l’Humanité », jamais aucun parti de gauche ne s’est préoccupé de la question centrale de l’information. Aucun ne s’est départi de la grille de lecture officielle, la dictature et la démocratie. Aucun n’a voulu chercher les intérêts des uns et des autres dans le monde arabe, ni s’intéresser à la mouvance fasciste intégriste, omniprésente en Libye, ni même entendre que les impérialistes avaient préparé leur coup bien avant la soi-disant révolte populaire de Benghazi. Ils ont fait comme si les désirs des multinationales de faire main basse sur le pétrole étaient des éléments mineurs, comme si le problème était ailleurs.
Quel manque total de lucidité politique et d’analyse de classe ! Car enfin, il n’y a pas de différence de classe entre Benali, Moubarak, Kadhafi, Obama et Sarkozy, mis à part que les deux premiers étaient des valets des deux derniers. Obama et Sarkozy ne sont-ils pas des présidents bénéficiant de pouvoirs exorbitants ?
Une régression sans précédent
Ceux qui s’émeuvent de la charia et du sort promis aux femmes ont raison. Mais ils seraient plus crédibles s’ils rappelaient ce qu’était la situation de ces mêmes femmes dans la Libye de Kadhafi. Ils nous ont fait le même coup avec les femmes afghanes, sans un mot pour expliquer quelle était le statut de la femme en Afghanistan lorsque les Communistes étaient au pouvoir. Ils seraient plus crédibles aussi s’ils dénonçaient intégralement ce qui va arriver, maintenant que, grâce à l’OTAN, le nord de l’Afrique est entièrement recolonisé. Ce qui attend les uns et les autres, s’ils ne se battent pas, ne concerne pas seulement le droit des femmes, il s’agit de régressions sans précédent. Est-il possible de croire que les compradores libyens revenus au pouvoir après plus de quarante ans vont continuer à permettre aux libyens de continuer de se soigner gratuitement dans les dispensaires ? Qu’ils vont garder 20 % des revenus du pétrole pour permettre à chaque Libyen de 25 ans d’avoir de nouveau un logement ? Peut-on raisonnablement penser qu’Ennahda ne va pas un jour ou l’autre interdire le divorce, ou, comme veulent le faire les Frères Musulmans en Egypte, chasser de la fonction publique les non croyants et emprisonner les blasphémateurs ? Le modèle de ces gens-là c’est le Qatar et l’Arabie, des pays où ce que les capitalistes appellent la liberté économique sont très développée, où les riches ont tous les droits et les pauvres seulement celui de prier.
La démocratie ?
La colonisation a toujours trouvé un vernis idéologique en guise de justification. Nous ne développerons pas ce point, nous avons déjà eu l’occasion de le faire par ailleurs sur le site. Nous essaierons de nous poser cette question faussement naïve, mais quelle est donc cette démocratie que nos bonnes âmes de gauche, avec leur sens judéo-chrétien de la charité, voulaient apporter en paquet cadeau aux peuples de Libye, d’Egypte, de Tunisie. La démocratie que défendent Sarkozy, le PS et la gauche de la gauche, celle d’être au chômage, de payer ses soins, et surtout, celle, essentielle, d’exploiter son prochain, de vivre de la sueur d’autres hommes.
Avec les peuples de Libye et de Tunisie
Nous l’avons dit à plusieurs reprises, « Communistes », comme tous les partis marxistes-léninistes, n’était pas dans le camp de Kadhafi. Il y avait du sang entre lui et le mouvement communiste depuis 40 ans, depuis qu’il avait livré en 1971, nos camarades soudanais, au réactionnaire sanglant Nemeiry. Si la révolution de 1969, qu’il conduisit, était incontestablement anticolonialiste, il l’avait abandonnée, niant la lutte des classes et refusant de donner le pouvoir au peuple. Mais, malgré le déluge médiatique, cent fois supérieur et cent fois mieux organisé que lors de l’invasion de l’Irak, nous savons aussi que le peuple libyen avait des acquis qu’une partie de ce peuple a défendu et défend encore au prix de son sang. Nous savons aussi qui est maintenant au pouvoir en Libye. Mouatassim Kadhafi, le fils, a eu la main coupée avant d’être assassiné. C’est exactement ce que faisaient le GIA algérien et les moudjahidines afghans, talibans ou non, aux communistes. Il n’y a rien à attendre des multinationales pétrolières et de leurs valets fascistes, qu’ils soient armés comme en Libye ou apparemment pacifiques comme en Egypte et en Tunisie.
Nous assurons de notre solidarité les travailleurs de Libye, de Tunisie et d’Egypte qui continuent et continueront, par la lutte, de revendiquer un emploi et des salaires décents.
Source : « site communistes »