Capture d'écran d'une vidéo du 3 septembre 2014 montrant des Algériens et Marocains, menacés d'expulsion, qui se battent pour garder leur chambre dans un hôtel meublé de l'Est parisien
Neuf mètres carrés, deux lits simples, pas d'eau chaude, de toilettes ou de douche : malgré la vétusté des lieux, de vieux Algériens et Marocains, menacés d'expulsion, se battent pour garder leur chambre dans un hôtel meublé de l'est parisien.
"On ne voudrait pas finir SDF, ou bien en errance, comme des Roms, des gitans... des métèques", confie avec un demi-sourire Mohamed Amrouni, 65 ans, qui avec une trentaine de chibanis (cheveux blancs en arabe) se retrouve prisonnier d'un conflit entre le propriétaire des lieux et le gérant.
Le premier, la Compagnie des immeubles de la Seine (Cise), tentait depuis des années d'obtenir le départ du second, arrivé en fin de bail commercial. En juillet 2013, la justice a ordonné l'expulsion des occupants mais la gérante de l'hôtel a omis d'en informer ses pensionnaires.
Près d'un an - et douze loyers - plus tard, l'un d'eux a appris de manière fortuite qu'ils devaient quitter les lieux. Et quelques jours après, des policiers ont débarqué avec un huissier.
Un courrier officiel a suivi: "à défaut de départ spontané, vous vous exposez à être expulsés sous quelques semaines".
Sonnés, les résidents n'ont pas baissé les bras. "La visite de la police, ça nous a choqués. Mais on s'est dit qu'on n'allait pas se laisser faire", raconte M. Amrouni.
Avec ses camarades d'infortune âgés de 65, 70 et même 81 ans, il a contacté un avocat puis frappé à une permanence de l'association Droit au logement (DAL) qui connaît bien ce type de dossier.
"C'est un problème qu'on rencontre souvent, détaille son porte-parole, Jean-Baptiste Eyraud. On a un hôtel meublé ancien, pas cher, pas loin du logement indigne, mais tout le monde s'y retrouve car les habitants ne peuvent pas se loger ailleurs. Là-dessus arrive un spéculateur, qui veut gagner de l'argent en virant les locataires."
- Fuites et cafards -
Vider le 73 rue du Faubourg Saint-Antoine, près de la place de la Bastille, multiplierait "par deux ou trois" le prix de l'immeuble. "Un jackpot", résume le militant.
"Oui, on veut gagner un peu d'argent, reconnaît une responsable de la Cise. Mais depuis des années, on ne touche pas un euro de loyer et on doit payer des procédures entamées par les voisins à cause de la vétusté des lieux."
Car, l'"Hôtel Voltaire", qui facture 250 à 480 euros par mois, n'a d'hôtel que le nom. Ici pas de room service ni de réceptionniste: à chaque locataire de se battre contre les fuites d'eau et les cafards. Sur les murs extérieurs, des fils électriques sont à nu.
"Je ne pensais pas du tout qu'au 21e siècle, en plein coeur de Paris, on pouvait encore habiter dans des logements aussi indécents", commente Chafia Mentalecheta, députée de la communauté algérienne établie en France, qui soutient les résidents.
- "Retraite en paix" -
Et les lieux, étroits et sans ascenseur, ne sont pas faits pour des hommes âgés. Le doyen doit ainsi être accompagné par ses voisins pour aller aux bains douches à deux kilomètres de là.
"Il faut que la France leur donne un logement décent, estime Mme Mentalecheta. Ce ne sont pas des clandestins, ils sont venus dans les années 60 pour travailler, pour participer à l'enrichissement de la France."
Le message semble avoir été reçu. "On a pris contact avec la Préfecture de police pour qu'elle sursoit à l'évacuation", a déclaré à l'AFP Ian Brossat, adjoint au logement à la mairie de Paris, qui envisage ensuite de proposer au propriétaire de leur acheter l'immeuble pour le transformer en résidence sociale.
La préfecture, qui a bien été saisie d'une demande de "concours de la force publique" souligne pour sa part ne pas l'avoir accordée "à ce stade". "Le dossier fait l'objet d'une instruction très attentive", ajoute-t-elle.
Achour, 70 ans, espère donc une issue favorable. "On cherche seulement un logement décent, pour qu'on finisse notre retraite en paix, c'est tout!"