SOURCE:PATRICK LE HYARIC
Le nouveau Premier ministre Manuel Valls vient de prononcer son discours de politique générale devant l’Assemblée Nationale où il aura alterné le ton « d’un chanteur lyrique » en nous parlant de la grandeur de la France et celui « d’un chef comptable » pour nous vendre l’austérité.
Il a fait semblant, dans le début de sa déclaration de politique générale, de porter une analyse lucide sur la grave crise sociale et démocratique qui secoue notre pays, au sortir de la séquence électorale qui vient de s’achever. Mais le MEDEF fut vite rassuré, car Manuel Valls n’allait répondre ni aux attentes, ni aux besoins des citoyens qui ont, chacun à leur façon, exprimé leur refus de l’austérité. Son discours était construit pour nous faire accepter ou tenter de nous convaincre que les sacrifices d’ aujourd’hui seront récompensés demain.
Autrement dit, la déception envers les dirigeants politiques, le désenchantement envers la politique et la colère due aux souffrances des classes travailleuses, des retraités, des chômeurs, des femmes et des jeunes ne seraient qu’une histoire de communication et de pédagogie concernant la politique pratiquée par ce gouvernement.
Jamais dans son monologue de 45 minutes, il n’a évoqué le coût du capital, représenté par les milliards de dividendes et d’actions qui partent dans la poche des actionnaires, ou encore la fuite des capitaux dans les paradis fiscaux.
Tout son exposé a consisté à faire accepter à nos concitoyens l’idée que la France doit s’insérer dans la guerre économique que se livrent les marchés financiers et les entreprises à l’échelle mondiale. Et surtout il enferme son action dans l’étau « austéritaire » et l’inscrit dans le programme de stabilité européen et la trajectoire budgétaire conduisant à la règle d’or.
Il a demandé à chacune et chacun qui souffre déjà beaucoup de faire plus de sacrifices car il justifie les résultats aux élections municipales par le fait que ses prédécesseurs n’ont pas donné « assez de sens aux sacrifices ». C’est du Clemenceau dans le texte.
Il défend le pacte de responsabilité qui est en fait un pacte de connivence avec les puissances de l’argent puisque 30 milliards d’euros seront pris directement dans le portefeuille des salariés et des assurés sociaux pour aller remplir la tirelire déjà bien pleine du grand patronat. De surcroît, le Premierr ministre enfonce le clou, en proposant d’exonérer de toutes cotisations patronales, les salaires au niveau du SMIC au 1er janvier 2015. Autrement dit, il vient de niveler les salaires par le bas en décourageant toute embauche au-delà du SMIC, tuant également tout espoir d’augmentation pour l’ensemble des salariés payés au salaire minimum.
Continuant sur sa lancée, Manuel Valls ajoute la suppression des impôts sur la production c’est-à-dire la baisse de la fiscalité sur les plus values et sur les profits, contrairement aux impôts sur la consommation, c’est-à-dire la TVA et la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), qui ont augmenté et qui touchent le plus grand nombre.
Le pacte de solidarité est donc un trompe l’œil puisque la baisse des cotisations patronales est une perte sèche pour les salariés, car c’est une partie de leur salaire -même différé- qui leur est enlevée, ce qui menace grandement la protection sociale, l’assurance chômage et même des retraites.
Avec la même logique et le même cynisme, il vient de porter un coup de grâce à notre architecture territoriale en exigeant pour 2017 la création d’euro-régions qui seront branchées sur les institutions européennes, tout comme les nouvelles intercommunalités prévues pour 2018. Et le risque est grand de voir disparaître nos départements qui sont un des socles et un des leviers des politiques de solidarité en France.
Il y a donc urgence à réussir la marche de samedi prochain, 12 avril, contre l’austérité avec les forces du Front de Gauche et les 200 personnalités mobilisées pour modifier le rapport de force et construire une véritable alternative à gauche, porteuse d’un changement radical, qui place l’Humain au cœur de son action.
Après la débâcle électorale des élections municipales et l'expression, par le vote ou l'abstention, d'un rejet de la politique gouvernementale menée depuis le début du quinquennat, pour toute réponse, Manuel Valls propose de ne rien changer à ce qui vient d'etre sanctionné. Il le fait avec brutalité, en enfilant des gants de boxe pour trahir la gauche et les promesses de changement.
Les femmes et les hommes qui se reconnaissent dans les valeurs de gauche auront en effet face à eux un premier ministre de combat qui entend, dans la continuité des politiques menées par la droite puis par le gouvernement Ayrault, poursuivre la destruction de notre modèle social et républicain.
La déclaration de politique générale de Manuel Valls est le programme rêvé par la droite et le Medef. Le patronat réalise un carton plein avec le pacte de responsabilité et l'évolution sur la fiscalité des entreprises sans la moindre contre-partie. Toutes ses revendications sont reprises avec une gigantesque trappe à bas salaires avec l’exonération totale des charges pour un SMIC. Au nom de la « solidarité », la baisse des cotisations sociales salariales, qui avait été proposée en son temps par Laurence Parisot, vient compléter la feuille de route d'un premier ministre dont le monde du travail, la jeunesse et les territoires ont tout à craindre.
Dans cette déferlante d'upercuts, Valls a retenu ses coups en un seul moment, en ne donnant pas le détail des 50 milliards d'euros prélevés dans les caisses de l'Etat, de la sécurité sociale et des collectivités territoriales. Les députés socialistes auraient-ils, ce jour, pu en supporter davantage. Cette véritable bombe a retardement est programmée dans les prochains jours. Hollande et Valls sont minoritaires à gauche et dans le pays sur leurs intentions réelles. La crise politique et démocratique va donc se durcir et la situation sociale s'aggraver. Jusqu'où tout cela peut aller ?
La question de la restructuration de la refondation de la gauche, en terme de projet et de rassemblement, est plus que jamais d'actualité. Elle se donne rendez-vous le 12 avril à Paris avec la manifestation contre l'austérité.
Méditerranée, Une histoire à partager est un manuel d’histoire rédigé par un collectif d’historiens de plusieurs nationalités, sous la direction de Mostafa Hassani Idrissi, professeur de didactique de l’histoire à l’université Mohammed V de Rabat. Richement illustré, il devrait plaire à un large public amoureux de la Méditerranée, même s’il est destiné en priorité à l’enseignement.
L’ouvrage, collectif est coordonné par le professeur Mostafa Hassani-Idrissi. Il donne à voir l’émergence d’un monde à nul autre pareil, la Méditerranée, tout en proposant d’autres perspectives. Notes, références, cartes, lexiques, fiches, extraits de documents historiques sont agrémentés d’une riche iconographie qui illumine les cinq chapitres allant de la préhistoire de la Méditerranée jusqu’à l’époque contemporaine.
Quinze historiens ont contribué à sa réalisation1. Il devrait être l’un des vade-mecum des amoureux et des curieux de la Méditerranée, ceux qui la vivent comme ceux qui la rêvent en chambre, ou plutôt dans les classes puisque l’ouvrage est, à priori, destiné aux pédagogues. En réalité, il ne manquera pas de séduire un public plus large tant sa lecture est facile, faite de rencontres et de découvertes où le plaisir le dispute à la curiosité. Une édition en arabe sortira en 2014. D’autres traductions sont prévues.
Ce manuel satisfera ceux qui veulent en savoir un peu plus sur le passé méditerranéen, ceux que les certitudes accablent, que les clichés nationaux, nationalistes, arabo-islamiques ou européocentrés irritent ou laissent sur leur faim parce qu’ils savent, ou soupçonnent, qu’un même événement historique est interprété différemment par deux ou plusieurs nations quand il n’est pas reconstruit à des fins idéologiques. Vérité en deçà de la frontière, erreur au-delà ? Encore faut-il pouvoir disposer des versions nationales des uns et des autres pour juger et comprendre. Ce qui n’est quasiment jamais le cas. Ce sont ces dissonances nationales que l’ouvrage rassemble et offre comme outil de compréhension et, peut-être, comme instrument de justice.
Toute démarche comparatiste, même partielle ou imparfaite, est une nécessité. Cette sensibilité aux différences, les historiens de l’ouvrage en ont fait leur posture scientifique. Ils ont largement fait usage des regards croisés entre pays de la rive nord et pays du sud. Ils rappellent, par exemple, l’existence de ce manuel scolaire, Histoire de l’autre2, rédigé par des Israéliens et des Palestiniens dans la foulée des accords d’Oslo (1994). La croyance à l’époque était que la réconciliation entre les deux peuples était envisageable. Le manuel scolaire était destiné aux élèves des deux pays en offrant, dans un même livre, les deux versions nationales d’événements communs vécus dans la confrontation, comme la guerre de 1948 ou celle des Six jours. Deux narrations distinctes étaient offertes sur une même page, l’une israélienne, l’autre palestinienne, fondatrices pour chacun des deux peuples, structurant deux lectures différentes d’un même événement et légitimant deux attitudes devant l’histoire. L’expérience n’a pas pu aller à son terme. En Israël comme en Palestine, les mentalités continuent de se nourrir de leurs différences et de leur affrontement. Mais la démarche reste valable.
Aux non-spécialistes, une lecture vagabonde s’impose. Les extraits de documents historiques sont ceux qui excitent le plus la curiosité. Il ne faudra pas hésiter à passer des gravures rupestres à l’évocation du film de Carmine Gallone, Scipion l’Africain, travail de propagande qui visait à assimiler le glorieux passé romain au fascisme de l’époque (1937). Butiner dans les écrits d’Ibn Khaldûn évoquant la conquête arabe du Maghreb ou découvrir comment le Calabrais Gian Dionigi Galeni devint l’un des plus glorieux corsaires musulmans du XVIe siècle sont quelques-uns des plaisirs offerts par l’ouvrage. On s’amusera de la page web d’un restaurant traditionnel d’Istanbul vantant la permanence de l’art culinaire ottoman dans l’Europe et le Proche-Orient d’aujourd’hui. On lira avec profit les écrits d’El-Jabarti, Cheikh Abd-El-Rahman, commentant l’une des conséquences sociales et politiques de l’expédition de Bonaparte en Égypte (1798) :
Dans le courant de cette année, la licence commença à entrer dans les mœurs indigènes. Les femmes françaises arrivées avec l’armée se promenaient dans le village le visage découvert […]. Elles montaient à cheval […], elles galopaient par les rues en riant et en plaisantant avec les conducteurs de leurs montures et les indigènes de la plus basse classe […].
Du grand angle au plan serré
Le temps de l’histoire est un phénomène de perspectives. L’ouvrage en privilégie deux. Un plan large permet d’appréhender les grandes périodes historiques : « la longue histoire des brassages culturels, la Méditerranée antique, la Méditerranée médiévale, la Méditerranée moderne, la Méditerranée contemporaine ». Cette périodisation est classique. Elle ne peut surprendre sauf qu’elle est interrogée ici ou là. Est-ce que la notion d’époque moderne est valable pour chacun des pays méditerranéens au même moment ? C’est affaire d’interprétation. Il appartient aux historiens de faire des choix puis de les remettre en cause.
La deuxième perspective est constituée par un plan serré qui donne à voir les détails que n’autorisent pas les vues de haut. Les auteurs ont nommé « focus » cette deuxième approche qui s’appuie sur des explications brèves et des extraits de documents. On y trouve des informations inattendues, originales, rafraichissantes. Elles font souvent un sort aux clichés et aux stéréotypes. Poitiers, 732 ? Une vraie bataille qui opposa Charles Martel à Abd al-Rahman. Un affrontement qui marqua le coup d’arrêt des incursions musulmanes ? Pas vraiment, puisque les incursions durèrent jusqu’au XIe siècle. Alors, pourquoi cette affirmation qui continue de forger l’une des identités des Français ? Une histoire, réussie, de propagande carolingienne qui utilisa la bataille pour justifier son usurpation du pouvoir au détriment de la légitime dynastie des Mérovingiens.
Au final, cinq cents pages qui se lisent ou se regardent comme un roman des origines utile en cette période où la notion de « choc des civilisations »3 sert à justifier les attentats du 11-Septembre, la diplomatie néoconservatrice américaine qui les a suivis, la difficulté, voire l’impossibilité, faite à ceux qui souhaitent émigrer, s’intégrer, étudier ou même simplement voyager, le développement de la xénophobie et des racismes, la violence terroriste, le renforcement des communautarismes. Toutefois, quitte à inciter les pédagogues à revisiter l’enseignement de l’Histoire, les auteurs auraient pu interroger le concept de « Méditerranée », largement occidental. Est-il toujours pertinent ? Serait-il appelé à disparaître ?
1Abdeljalil Bouzouggar (Maroc), Antonio Brusa (Italie), Luigi Cajani (Italie), Didier Cariou (France), Theodora Cavoura-Sissoura (Grèce), Edmond Chidiac (Liban), Gérard Claude (France), Jacques Collina-Girard (France), Gilles Dorival (France), Stephane Douillot (France), Laurent Escande (France), Mona Haggag (Egypte), Mostafa Hassani-Idrissi (Maroc), Maria Helena Trindad Lopez (Portugal), Samia Zeghal Yazidi (Tunisie).
2Ouvrage collectif, traduit de l’arabe par Rachid Akel et de l’hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech, « Piccolo » n °55, Liana Levi, 2008. - 160 p.
3Samuel Huntington, 1993.
Le Front de Gauche entre en campagne pour les élections européennes. Il a adopté son programme « Rompre, et refonder l’Europe ». Il a conclu un accord sur les premières places de chaque liste.
Les têtes de liste se retrouveront le 11 avril au soir dans une rencontre avec Alexis Tsipras, notre candidat à la présidence de la commission européenne. Le lendemain, 12 avril le Front de Gauche appelle à participer massivement à la grande marche unitaire « Maintenant ça suffit ! Contre l’austérité, pour le partage des richesses et pour l’égalité ».
Les deux premières places de chacune des listes ont été réparties ainsi :
Sud Est
1 une candidate présentée par PCF
2 un candidat présenté par le PG
Île-de-France
1 un candidat présenté par le PCF
2 une candidate présentée par le PG
Nord Ouest
1 un candidat présenté par le PCF
2 une candidate présentée par la GU
Ouest
1 une candidate présentée par Ensemble
2 un candidat présenté par le PCF
Est
1 un candidat présenté par le PG
2 une candidate présentée par le PCF
Sud Ouest
1 un candidat présenté par le PG
2 une candidate présentée par le PCF
Centre
1 une candidate présentée par le PG
2 un candidat présenté par le PCF
7 avril par Renaud Duterme
Depuis 1994, le génocide au Rwanda est fréquemment invoqué pour justifier des interventions militaro-humanitaires, la plupart du temps par les puissances occidentales |1|. S’il est clair que le pays fut abandonné par la Communauté Internationale, encourageant les génocidaires à poursuivre les tueries, la mise en œuvre de cette entreprise de mort doit se replacer dans un contexte d’ingérences étrangères, débuté dès l’époque coloniale.
C’est en effet le colonisateur, allemand puis belge, qui va simplifier la distinction entre Hutu et Tutsi. Lors de leur arrivée sur le territoire du Ruanda-Urundi, les colons vont y découvrir une société très organisée, laquelle ne reflétait pas leurs stéréotypes sur les Africains. Il fallait de la sorte trouver une explication « raciale », celle d’Européens à peau noire (l’aristocratie Tutsie) régnant sur une majorité de « nègres » |2|. C’est le début du mythe hamitique qui considère les Tutsi comme une race d’envahisseurs étrangers ayant conquis le pays plusieurs siècles auparavant |3|. Ce mythe, imprégné de schémas raciaux dans l’Europe de l’époque, sera enseigné et intégré dans l’imaginaire de l’ensemble des Rwandais, notamment par l’Eglise catholique à travers l’école. Parallèlement à cela, le pouvoir colonial va gouverner de façon indirecte par l’intermédiaire d’une minorité tutsie, canalisant les contraintes liées à la colonisation vers cette minorité |4|. L’émergence de cette haine anti-tutsi va donner naissance au parti Parmehutu, qui, sous couvert de révolution sociale et avec le revirement des autorités coloniales et religieuses, prendra le pouvoir au moment de l’indépendance du pays. L’instauration de la mention de l’ethnie sur la carte d’identité par la politique belge sera le dernier maillon d’une chaîne entérinant une discrimination anti-tutsie (massacres, quotas ethniques, expulsion des Tutsi de l’appareil militaire…) qui va se mettre en place à l’époque des indépendances pour atteindre son paroxysme en 1994.
Malgré l’application de cette politique raciste, les régimes successifs seront soutenus politiquement et financièrement par de nombreux pays occidentaux, Belgique et France en tête, ainsi que par des institutions internationales telles que le FMI et la Banque Mondiale. Suite à la chute des prix des exportations rwandaises, celles-ci vont ainsi prêter au régime Habyarimana des millions de dollars, sommes qui serviront pour une grande partie à acheter des armes et du matériel militaire |5| qui sera non seulement utilisé par le régime pour combattre les rebelles du FPR |6| mais également pour mettre en place une logique de massacres toujours plus organisés. À noter que l’augmentation des prêts sera assortie de conditionnalités structurelles qui vont faire exploser les inégalités et augmenter la misère d’une grande partie de la population. Cela aura des conséquences désastreuses puisque ces politiques vont rendre plus réceptifs une population désœuvrée aux messages de haine pointant le bouc émissaire Tutsi comme responsable de tous les malheurs |7|. L’Organisation de l’Unité Africaine va dans le même sens puisque dans son rapport sur le génocide, elle écrit : « l’appauvrissement accru du peuple à la fin des années 80 eut des conséquences énormes et fit le jeu des manipulateurs » |8|.
Par ailleurs, dès le début de la guerre contre le FPR, et alors que la dérive génocidaire se faisait de plus en plus sentir (massacres de plus en plus organisés, référence à l’extermination dans les médias de masse, recensements…), les ventes d’armes au gouvernement extrémiste se poursuivirent, principalement en provenance de Chine, des Etats-Unis, d’Egypte et de France. Ainsi, si plusieurs pays européens ont retiré leurs troupes, excepté pour évacuer leurs ressortissants, d’autres ont eu un rôle nettement plus déterminant dans l’exécution du génocide. La France va en effet, au nom de la défense de la francophonie, soutenir activement le régime rwandais avant, pendant et jusqu’à la fin du génocide |9|, permettant à de nombreux tueurs de fuir vers le Zaïre voisin, déstabilisant la région jusqu’à aujourd’hui.
Cette implication des plus hautes sphères de l’Etat n’est toujours pas officiellement reconnue en Hexagone et, contrairement à d’autres pays, aucunes excuses officielles n’ont été présentées par les gouvernements en place après 1994. Par ailleurs, et malgré le mea culpa de certains membres de la Communauté Internationale, aucune réparation digne de ce nom n’a été versée au peuple rwandais. Pire, l’injustice se poursuivit au-delà de l’après-génocide puisque le nouveau régime dut s’acquitter de la dette ayant servi à financer cette entreprise de mort. Or, cette dette rentre parfaitement dans la notion juridique de dette odieuse selon laquelle elle doit être déclarée nulle s’il est prouvé qu’elle n’a pas servi à la population. Plus généralement, le génocide au Rwanda doit être considéré comme un cas d’école illustrant la primauté des intérêts politiques et économiques extérieurs sur la défense de droits humains fondamentaux. Ainsi, contrairement à la vision répandue qui ne voit le génocide que comme un événement « africain » |10|, il ne peut se comprendre que replacé dans un contexte mondialisé. Alors que l’on commémore les vingt ans de cette tragédie, il ne faut pas oublier la responsabilité des acteurs internationaux dans le dernier génocide du XXème siècle.
|1| Les Etats-Unis dans le cas de la Libye, la France pour le Mali et la Centrafrique.
|2| Selon la Revue Nationale Belge de 1950, « les Tutsi sont élancés, possèdent le nez droit, le front haut, les lèvres minces (…), sont réservés, polis, fins » alors que les Hutu sont « des nègres qui en possèdent toutes les caractéristiques : nez épaté, lèvres épaisses, front bas, crâne brachycéphale, qui conservent un caractère d’enfant, à la fois timide et paresseux, et le plus souvent d’une saleté invétérée ».
|3| Voir à ce sujet les ouvrages de Dominique Franche, Généalogie d’un génocide, éditions Tribord, Bruxelles, 2004 et de Chrétien Jean-Pierre et Kabanda Marcel, Racisme et génocide, éditions Belin, Paris, 2013.
|4| Soulignons tout de même les abus de cette élite contre la population, laquelle va encourager l’émergence de forces populaires anti-tutsis. Voir Colette Braeckman, Histoire d’un génocide, Fayard, Paris, 1994.
|5| Michel Chossudovsky et Pierre Galand, L’usage de la dette extérieure du Rwanda (1990-1994). La responsabilité des bailleurs de fonds, Bruxelles-Ottawa, 1996.
|6| Le Front Patriotique Rwandais regroupait des réfugiés, essentiellement Tutsi, désirant rentrer au pays.
|7| Lire l’ouvrage de Duterme Renaud, Rwanda – Une histoire volée, éditions Tribord, Mons, 2013.
|8| Organisation de l’Unité Africaine, Rapport sur le génocide au Rwanda, 2000, p46.
|9| Sur l’implication de la France, voir les travaux de l’association Survie (www.survie.org)
|10| La phrase de Mitterrand est emblématique à cet égard, pour lequel « un génocide dans ces pays là, ça n’était pas très important ».
http://mondafrique.com et www.renenaba.com ont le plaisir d’offrir à leurs lecteurs, en avril 2014, un dossier spécial sur la Libye à l’occasion du 3 me anniversaire de l’instauration de «la démocratie du tomahawk» dans l’ancienne populacratie. Un pays au bord de la sécession avec un premier ministre Ali Zeidan, démissionné, en fuite en Europe, de sanglants règlements de compte, sur fond de supputations sur une nouvelle opération de police occidentale dans le corridor du Salvador, carrefour stratégique à la frontière de la Libye, du Niger et de l’Algérie, devenu un véritable repère de trafiquants et de djihadistes au cœur du désert, à l’arrière-plan d’arraisonnement de la marine américaine des flibustiers de l’or noir. …….Un OK Corral à l’échelle de tout un pays. L’aube d’une nouvelle ère de démocratie tarde à se lever. L’avenir radieux que promettait le tandem Nicolas Sarkozy et BHL n’a pas tenu ses promesses. Retour sur cette séquence.
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En point de Mire – Actualité et Flashback