Nouvelle organisation territoriale de la République : article 12
Par Christian Favier, sénateur communiste / 19 janvier 2015
Dans ce projet de loi, le transfert des collèges aux régions est sans doute l’une des mesures les plus négatives et l’une de celles qui inquiètent le plus nos concitoyens. En tout cas, elle inquiète énormément la communauté éducative.
Les collèges sont avant tout des établissements de proximité. L’éloignement qu’engendrerait leur transfert, demain, aux grandes régions préoccupe beaucoup les enseignants, les parents d’élèves et les élus locaux. Dans un collège, on a souvent besoin d’être réactif : il faut trouver des remplaçants du jour au lendemain pour les personnels absents, décider travaux urgents, etc. Les départements se sont organisés pour répondre rapidement.
Nous avons hérité des personnels techniques, qui avaient été laissés dans un incroyable état d’abandon par l’État. Il faut se rappeler le niveau de formation, souvent très faible, de ces personnels, les problèmes de santé auxquels ils étaient parfois confrontés, et les différenciations extrêmement préoccupantes en matière de régime indemnitaire ! Ce travail a été pris à bras-le-corps par les conseils généraux. Les départements ont fait de la politique qu’ils menaient à l’égard des collèges leur cœur de métier, avec des résultats tout à fait remarquables, quelles que soient d’ailleurs les majorités politiques.
Des investissements considérables ont été consentis pour la modernisation des collèges existants, qu’il fallait parfois quasiment reconstruire, et pour la construction de collèges. Aujourd’hui, on veut revenir sur tout cela : c’est évidemment un recul.
Il s’agit aussi d’un recul de la démocratie. Si l’on confie demain les collèges aux régions, il est clair que les élus seront très rarement en mesure de siéger effectivement aux conseils d’établissement.
En Île-de-France, il faudrait gérer 1 300 établissements avec 200 élus ! Et cette région présente en outre cette particularité de ne faire siéger dans les conseils d’établissement que les élus de la majorité, et non tous les élus, comme c’est le cas dans mon conseil général. Il n’y aura donc plus d’élus de la collectivité responsable dans les conseils des collèges. Nous finirons par le payer, car cette distance avec l’institution finira par engendrer du mécontentement.
Je souhaite également aborder la question du lien avec les politiques départementales.
Notre collègue Collombat a déjà évoqué la mutualisation des équipements abrités par les collèges. En effet, les collèges construits maintenant incluent une salle de sport, qui est utilisée le soir par les clubs sportifs locaux. C’est la proximité avec la vie associative locale qui permet cela. Si, demain, tout est géré à l’échelon des très grandes régions, on perdra cette proximité.
Mais il y a plus important encore, et je pense là aux jeunes qui, dans nos quartiers, sont en difficulté. Par exemple, les départements gèrent les équipes d’éducateurs de rue, les clubs de prévention. Ainsi, nous essayons de faire en sorte qu’il y ait un lien étroit entre les éducateurs et les établissements scolaires, notamment pour lutter contre l’absentéisme scolaire et être attentifs aux jeunes qui décrochent. On sait combien il est très important que ces jeunes puissent rester dans le milieu scolaire ; les événements que nous venons de vivre nous le rappellent, malheureusement. Cela nécessite une intervention des enseignants et des parents, mais aussi, parfois, des travailleurs sociaux – éducateurs et assistantes sociales –, qui sont gérés par les départements.
Il serait néfaste de déstabiliser cette organisation, qui fonctionne plutôt bien. C’est la raison pour laquelle il faut soutenir la proposition de la commission, et conserver cette compétence aux départements.