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CHANTS REVOLUTIONNAIRES

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11 décembre 2013 3 11 /12 /décembre /2013 19:16

 

                                                                                              cerveau animé

 

                                                        Avec Aragon, comment « défendre l’infini »

                                                                            (par Roland Gori*)

  

184842_108293239250714_100002101145523_78375_6416795_n[1] quand je me sens devenir un fantôme à force de n’avoir plus de parenté qu’avec des morts, je sais aussi que ces morts sont pour moi plus vivant que toute cette médiocrité qui étouffe et donne envie de fuir.C’est cette « noyade sans exaltation », comme il la nomme, qui fait aujourd’hui de l’homme un « capital humain, voilà le grand dogme qui somnole au fond de toutes ces cervelles. On ne s’en rend pas compte, mais cela revient à cela. » (note de Danielle Bleitrach)
31 mars 2013 | Par Nicolas DUTENT

De nos jours, le premier service que l’industrie apporte au client est de tout schématiser pour lui. À partir de ce moment-là une nouvelle colonisation des esprits, par l’extension du langage de la technique et de l’économie à l’humain menace son humanité même.

L’humain se transforme en « capital » que l’on doit exploiter comme « ressources », et auquel on apprend à « gérer » ses émotions, son deuil, ses « habiletés sociales », ses « compétences cognitives », au prétexte d’accroître ses « performances » et sa « compétitivité ». La vie devient un champ de courses avec ses « handicaps », ses départs, ses « deuxièmes chances » et son arrivée. Si la vie devient un champ de course, alors à la manière d’Aragon on peut dire que « vivre n’est plus qu’un stratagème », que « l’avenir ne sera plus qu’un recommencement » et que l’homme tombe malade, malade de la logique et de la raison instrumentale, fonctionnelle. Le divertissement lui-même prolonge le travail, reproduit sa fragmentation, son automatisation, son aliénation, dans les dispositifs de la marchandise et du spectacle. C’est ce profond désarroi, subjectif autant que social, qui fabrique aujourd’hui un nouveau malaise de la civilisation, pétri de peurs, de désespoirs et d’ennui, qu’annonçait déjà Aragon lorsqu’il écrivait dans Le Cahier noir : « voici précisément venir le temps de la grande résignation humaine. Le travail-dieu trouve à son insu des prêtres. La paresse est punie de mort. À l’orient mystique, on institue le culte des machines. Les madones d’aujourd’hui sont des motobatteuses. À l’horizon, dans les panaches laborieux des cités ouvrières, le miracle nimbé s’en va en fumée. Personne ne laissera plus à personne une chance unique de salut. Elle sonne, l’heure du grand contrôle universel. […] Je vois grandir autour de moi des enfants qui me méprisent. Ils connaissent déjà le prix d’une automobile. Ils ne jouent jamais aux voleurs. »

C’est cette « noyade sans exaltation », comme il la nomme, qui fait aujourd’hui de l’homme un « capital humain, voilà le grand dogme qui somnole au fond de toutes ces cervelles. On ne s’en rend pas compte, mais cela revient à cela. » Ces lignes écrites au cours des années 1920 n’ont pas pris une ride. Il suffit de changer le mot « motobatteuse » par « algorithme », « automobile » par « I-Pad » et tout y est. Les universitaires n’ont plus d’autre choix que d’être comme l’exigeait Madame Pécresse des « produisants » Nous sommes bien ici dans cette société de la marchandise et du spectacle analysée par Guy Debord écrivant : « là où le monde réel se change en simples images, les simples images deviennent des êtres réels, et les motivations efficientes d’un comportement hypnotique ». Dans cette civilisation des mœurs « le vrai est un moment du faux. » Dans cette mythologie de la raison instrumentale, Aragon dévoile ce qu’il nomme « un tragique moderne », c’est-à-dire « une espèce de grand volant qui tourne et qui n’est pas dirigé par la main. » Et si le volant n’est pas dirigé par la main, c’est, et je cite encore l’Aragon du Paysan de Paris, parce que : « L’homme a délégué son activité aux machines. Il s’est départi pour elles de la faculté de penser. » Dans une telle société de l’ennui et de la résignation, on est tous prisonniers, prisonniers de l’argent qu’on a ou de celui qui manque, et la totalité de la vie sociale et intime se trouve occupée, confisquée, par le spectre de la finance. À la misère matérielle du peuple à laquelle Aragon fut toujours sensible, s’ajoute la misère affective de la bourgeoisie. Il écrit à Denise en 1924 : « Les gens occupés sont drôles. Ils ne savent pas combien les journées sont longues. Ils ne savent pas ce que c’est que vieillir doucement devant un morceau de verre, un cendrier. Il m’arrive de ne plus souhaiter d’être interrompu dans cet ennui. »

Nous voilà amené aux lisières d’Aurélien, hanté par ce vers de Racine « je demeurai longtemps errant dans Césarée », plongé dans un état de déréliction, depuis que la Première Guerre mondiale a disloqué son monde réel. Cette Première Guerre mondiale dont le philosophe Walter Benjamin a montré dans un article exceptionnel, « le conteur » publié en 1936, combien elle avait constitué un tel traumatisme que les hommes ne pouvaient plus raconter et transmettre leur expérience sensible et sociale. Walter Benjamin rappelait en 1936 : « L’art de conter est en train de se perdre. Il est de plus en plus rare de rencontrer des gens qui sachent raconter une histoire. Et s’il advient qu’en société quelqu’un réclame une histoire, une gêne de plus en plus manifeste se fait sentir dans l’assistance. C’est comme si nous avions été privés d’une faculté qui nous semblait inaliénable, la plus assurée entre toutes : la faculté d’échanger des expériences. »

Les traumatismes des deux Guerres mondiales

Walter Benjamin rappelait que cette « expérience transmise de bouche à bouche » à la source de laquelle tous les conteurs ont puisé a été compromise par les effets de sidération et de trauma de la « boucherie » de la Première Guerre mondiale qui a « découvert un paysage où plus rien n’était reconnaissable » de ce qui avait été transmis par la culture des anciens. Comme le note également Daniel Bougnoux, dans son introduction à l’édition de la Pléiade des œuvres complètes d’Aragon c’est aussi avec la Première Guerre mondiale que celui-ci « put observer l’anéantissement des esprits autant que des corps, la soumission des hommes brutalement réduits à l’esclavage, enchaînés à une technique meurtrière et à une peur universelle. » Cette Première Guerre mondiale infligea un cruel démenti à l’essor intellectuel et artistique du début du XXe siècle et constitua un énorme traumatisme mettant en crise les fabriques du sensible placées sous le signe du progrès civilisateur et de l’émancipation sociale. Après ce traumatisme dans et de la civilisation, le monde réel de l’expérience sensible et rationnelle a été disloqué produisant un sentiment d’errance et d’irréalité des sujets modernes.

Comment alors ne pas chercher dans la jouissance érotique, dans l’engagement politique et dans le pouvoir métaphorique des mots, « qui font l’amour avec le monde », les germes d’une nouvelle émancipation, une émancipation où le poète « parle un langage de décombres où voisinent les soleils et les plâtras » ? D’ailleurs, il n’est pas vrai que c’est le poète seul qui tente seul, face au désordre infini du monde moderne, de rassembler les débris et les soleils car, au contraire de Breton, Aragon joua de la « confusion des genres ». Cette confusion des genres où se mêlent roman, poésie, politique, philosophie et journalisme, est déjà en soi une façon de faire entrer l’infini pour ne pas se résigner. Et à ce titre sans nul doute Aragon fut comme Pasolini un martyr, martyr des idéologies politiques autant que de lui-même et de son histoire. Ce rapprochement d’Aragon et de Pasolini que je propose ici, se trouve rapporté par Jean Ristat rappelant qu’Antoine Vitez déclarait à propos de la haine que mobilisait Aragon : « quelqu’un d’autre a suscité une haine comparable à celle d’Aragon : c’est Pasolini qui jetait son corps même dans la lutte. Pasolini l’a fait : et, d’une certaine manière, Aragon aussi. » Comme Pasolini, Aragon a pourfendu le conformisme social, le calcul égoïste de nos sociétés bourgeoises et la « disparition des lucioles ». Comme Pasolini, c’est dans la vie et l’écriture qu’Aragon recueille cet infini de la jouissance de vivre qui est tout autant celle des sens que de la pensée et qui permet cette « transubstantiation de chaque chose en miracle » qu’évoque son Traité du style.

Réhabiliter le pouvoir des mots et des métaphores

Face à la crise de la rationalité utilitaire et pragmatique, que cette langue technique qui plus que jamais est « une langue de caissier, précise et inhumaine », il convient de réhabiliter le pouvoir des mots et des métaphores. Il faut bâtir le monde réel et celui des actions sur les rêves. Il faut « mentir vrai » pour bousculer les certitudes, les évidences et continuer à s’inventer.
Aujourd’hui plus que jamais il nous faut réfléchir à la place de la culture, à la fonction de la parole, du récit et de l’écriture, dans la fabrique des subjectivités et du lien social. Au moment où l’on ne parvient pas à imaginer que l’on ne saurait faire autrement que se soumettre à la tyrannie des chiffres et au pilotage de l’économie, puissions-nous nous rappeler que « la poésie est la mathématique de toutes les écritures », et qu’une société se construit comme un individu dans un « mentir vrai ».

La Shoah et la barbarie nazie n’ont pu que redoubler ce traumatisme amplifié par l’industrialisation massive des horreurs de la Première Guerre mondiale. C’est toujours de la mort et de son mystère que le récit détient son autorité, depuis Shéhérazade jusqu’aux paroles de l’agonisant saisissant dans son dernier souffle le sens rétrospectif de son existence. Sauf que face à certains traumatismes, la sidération est trop forte pour pouvoir encore penser les événements qui la provoquent. Ce fut le cas des deux Guerres mondiales, c’est peut-être aujourd’hui le cas de cette « guerre totale », insidieuse de la mondialisation néolibérale. Qui le sait ?

Dernier ouvrage paru de Roland Gori chez Les liens qui libèrent
Dernier ouvrage paru de Roland Gori chez Les liens qui libèrent
Une chose est sûre si nous laissions sombrer l’art du récit et le goût de la parole il n’y aura bientôt plus personne pour défendre la démocratie. Parce qu’il n’y aura plus de culture véritable où se fondent subliminalement le singulier et le collectif, le politique et la subjectivité. Laurent Terzieff l’a merveilleusement formulé : « Dans une époque informatisée au paroxysme, où le consommateur d’images ressemble de plus en plus à une foule solitaire, où les maîtres de la technologie n’ont jamais autant parlé de communication, je crois que le théâtre reste une des dernières expériences qui soit encore proposée à l’homme pour être vécue collectivement ». Et si l’art du récit tend à se perdre, si la figure épique de la vérité tend à disparaître, si les vertus dépérissent dans les formes gangrenées de nos « démocraties d’expertise et d’opinion », c’est parce que nous n’avons pas véritablement su préserver la niche écologique de « l’oiseau de rêve qui couve l’œuf de l’expérience » comme dit Benjamin, parce que nous n’avons pas totalement admis que si les « braves gens » laissent faire les « monstres » et les « barbares » c’est parce qu’ils préfèrent ne pas imaginer ce qui était en train de se produire. Et si les « braves gens » préfèrent ne pas imaginer ce qui était en train de se produire c’est parce qu’ils ne croient pas au pouvoir de la culture. C’est-à-dire au pouvoir de l’infini qui conduit au dérèglement de tous les sens, à cette peur de l’inconnu que détient la liberté, qui fait de l’action politique « une sœur du rêve » et nourrit la « voix poétique de la révolte » (Patrick Chamoiseau). Et je terminerai avec Julia Kristeva, Kristeva qui a magnifiquement su évoquer ce « sens et ce non-sens de la révolte » chez Aragon lorsqu’elle écrit : « Force est de constater que la révolte apparemment formelle et passionnelle de l’écriture dans La Défense de l’infini, […], survient dans un monde dominé par l’infinie violence de la raison technique, pour y opposer la résistance de l’infini sensible. »
C’est peut-être ce qui fait qu’aujourd’hui encore, pour reprendre la formule de Philippe Forest, « on n’en a jamais fini avec Aragon » et qu’au-delà des célébrations anniversaires, ce « retour d’Aragon » a aussi une signification politique.
*Roland Gori est psychanalyste. Il est professeur émérite de psychopathologie à l’Université de Marseille.

La Revue du projet, n° 24

Aragon
                                                                           Roland Gori

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11 décembre 2013 3 11 /12 /décembre /2013 15:40

 

 

 

 

                                                           

S'indigner c'est bien, voter c est mieux (Pascal Esposito)
Photo : S'indigner c'est bien, voter c est mieux
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11 décembre 2013 3 11 /12 /décembre /2013 15:31

                                          MANDELA ET LES HYPOCRITES

 

 

 

Au premier rang de la cérémonie funèbre pour Nelson Mandela, symbole de la lutte contre l'apartheid, il y aura le président et deux ex-présidents des Etats-Unis et le Premier ministre de la Grande-Bretagne, c'est-à-dire les représentants des Etats qui soutinrent le plus le régime de l'apartheid, surtout pendant la présidence de Reagan (qui définissait comme terroriste l'organisation anti-apartheid de Mandela) et le gouvernement Thatcher. David Cameron ,qui en habit de premier ministre britannique exprime aujourd'hui une « extraordinaire tristesse pour la disparition du héros de la lutte anti-apartheid »- quand Mandela était encore en prison, et qu'il était, lui, une étoile montante des conservateurs, effectua en 1989 un voyage en Afrique du Sud, organisé et financé par la société Strategy Network International, un puissant lobby qui s'opposait aux sanctions contre le régime d'apartheid.

Le démocrate Bill Clinton, qui ira en Afrique du Sud pleurer la mort d' « un vrai ami », essaya de toutes les manières, quand il était président, d'empêcher que Mandela (devenu président d'Afrique du Sud en 1994) se rendit en 1997 en Libye, alors sous embargo, et qu'il invitât Khadafi en Afrique du Sud en 1999. Mandela répondit ainsi : « Aucun pays ne peut prétendre être le policier du monde et aucun Etat ne peut dicter à un autre ce qu'il doit faire. Ceux qui hier étaient des amis de nos ennemis ont aujourd'hui l'impudence de me dire de ne pas aller rendre visite à mon frère Khadafi », ils veulent « nous faire tourner le dos à la Libye qui nous a aidés à obtenir la démocratie ».

Le républicain Georges Bush, qui ira en Afrique du Sud pleurer la mort de Mandela « grand combattant pour la liberté », a été l'artisan en tant que président de la création du Commandement Africa, l'instrument militaire et politique d'une nouvelle conquête de l'Afrique.

Le président démocrate Barack Obama, qui à la cérémonie funèbre répètera « je ne peux pas imaginer ma vie sans l'exemple donné par Mandela », est celui qui a détruit par la guerre la Libye qui avait aidé Mandela dans les moments les plus durs, et a potentialisé le Commandement Africa pour amener le plus de pays possibles dans l'orbite de Washington, en s'appuyant sur les élites militaires africaines (que le Pentagone recrute en leur offrant une formation, des armes et des dollars).

Aux funérailles de Mandela il y aura aussi Hillary Clinton, qui comme secrétaire d’Etat et aspirante président, a été particulièrement active dans la « promotion de la croissance économique » de l'Afrique. Comme ont fait Cameron, Merkel et d'autres, elle a visité divers pays africains, dont l'Afrique du Sud, accompagnée par les exécutifs des plus grandes multinationales. Celles qui s'accaparent la moitié du pétrole nigérian, pour plus de 30 milliards de dollars annuels, en laissant plus de la moitié des Nigérians sous le seuil de pauvreté. Celles qui s'accaparent des terres fertiles en Afrique, en expulsant des populations entières, avec une augmentation consécutive de la pauvreté et de la faim.

Le président français François Hollande, qui a fait mettre les drapeaux en berne en signe de deuil, avant d'aller en Afrique du Sud a célébré Mandela à la réunion de 40 leaders africains, convoquée à Paris. Il y a annoncé que, en plus d'envoyer de nouvelles troupes en Afrique, la France entraînera 20mille soldats africains par an. Renaissent ainsi les troupes coloniales.

Ces « grands leaders » -et quelques autres- de l'Occident seront aux funérailles de Mandela, en exhibant en mondovision leur douleur pour la disparition de celui qui a dédié sa vie à la lutte contre le colonialisme et l'apartheid. Alors qu'ils cherchent à imposer à l'Afrique un nouveau colonialisme et un nouveau grand apartheid.

 Manlio Dinucci

Edition de mardi 10 décembre 2013 de il manifesto

http://ilmanifesto.it/login

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio

 

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11 décembre 2013 3 11 /12 /décembre /2013 15:09

                                                                         MARE NOSTRUM-copie-1

 

 

 

 

obama-liar.jpg Syrie : Obama savait, longtemps avant août, que des groupes « rebelles » disposaient de l’arme chimique.

Article EDT pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/ (origine : http://vivelepcf.fr/)


Un journaliste américain, et pas des moindres, établit dans un article qui commence à faire parler qu’Obama savait qu’un groupe rebelle islamiste, « Al-Nousra », maîtrisait la fabrication et l’utilisation d’armes chimiques au gaz sarin. Seymour Hersh, lauréat du prix « Pulitzer » a déjà été à l’origine des révélations sur les exactions américaines à Mi Lay au Vietnam en 1969 ou sur les tortures infligées aux prisonniers iraquiens à Abu Grahib en 2004.


En recoupant les déclarations et les informations officielles, des rapports et des  interviews d’éléments des services de renseignements, Seymour Hersh arrive à sa conclusion implacable : Obama et son secrétaire d’Etat Kerry ont menti.


On s’en doutait – la fable des armements de destruction massive de l’Irak est encore récente – mais l’intervention impérialiste avortée en Syrie permet de mieux décortiquer et dénoncer l’appareil de propagande de l’impérialisme américain et de ses alliés.


Fin août, le monde a frôlé une extension internationale de la guerre en Syrie.


Après le bombardement chimique d’une banlieue de Damas, l’appareil de propagande US s’est mis en marche, singé notamment par les gesticulations de Fabius et de Hollande en France.


La suite simpliste s’écrivait ainsi : 1° L’arme chimique est intolérable. 2° Obama avait prévenu que l’utiliser serait « franchir la ligne rouge ». 3° Seul le pouvoir syrien en dispose. 4° Il faut le punir.


En frappant directement le régime syrien, les Etats-Unis auraient rééquilibré les forces en présence, prolongé la guerre, anéanti un peu plus le pays et son unité. C’est leur but de guerre et celui d’Israël.


Mais la complexité de la situation syrienne, la diversité des « rebelles », les contradictions dans les intérêts impérialistes en jeu ont coupé court à ce schéma. Peu d’alliés des Américains ont montré autant d’enthousiasme pour la guerre que le gouvernement français. La Russie a trouvé une porte de sortie avec la résolution de l’ONU sur le désarmement chimique du régime de Damas.


Du coup, la propagande et ses mensonges peut laisser la place aux faits et aux analyses.


Ce qui est avéré par toutes les parties en présence, dont les experts de l’ONU, c’est qu’il y a bien eu usage d’armes chimiques sur le faubourg de Ghouta, que l’agent toxique est le gaz Sarin, et qu’il y a eu des morts. L’estimation des victimes tuées varie de 300 (Médecins sans frontières) à 1.400 (USA)…


En revanche, les experts de l’ONU n’ont jamais attribué l’attaque à une partie ou une autre. La résolution du 26 septembre stipule d’ailleurs qu’ « aucune partie en Syrie ne devra utiliser, développer, produire, stocker ou transférer des armements chimiques ». Elle ne cite aucun groupe.


Le pouvoir syrien a formellement démenti être à l’origine de l’attaque sur Ghuta. Il a mis en avant ses propres images et preuves, fait valoir combien un tel acte politique était absurde dans sa situation stratégique.


Obama, son secrétaire d’Etat Kerry, Hollande, Ayrault ou Fabius, au contraire ont affirmé formellement qu’Assad était coupable parce que seul son régime maîtriserait l’arme chimique.


Seymour Hersh montre que ce dernier point ne tient pas. La CIA, entre autres, avait averti les plus hautes autorités américaines que la milice islamiste Al Nousra, affiliée à Al Qaida, maîtrisait la fabrication en quantité de gaz Sarin et de fusées. Après de premiers bombardements chimiques en mars et avril, les enquêtes des services US l’ont confirmé.


Ne soyons pas naïfs! Seymour Hersh est certainement le relai de tout ou partie des services américains, préparant une réorientation stratégique. Son travail d’investigation n’en est pas moins appréciable et imparable.


Accessoirement, Seymour Hersh prouve sans difficulté que rien ne colle dans l’attribution à l’armée syrienne des ogives retrouvées, dans l’estimation des trajectoires des bombes etc.


Ce serait presque ironique, sans la réalité du drame : les autorités américaines ont affirmé savoir que le régime syrien avait commencé à préparer des munitions chimiques trois jours avant l’attaque. Les bombes au gaz sarin en effet ne restent pas efficaces plus de trois jours et doivent être confectionnées avant chaque utilisation. Cette affirmation a soulevé la colère logique et légitime de certains groupes de la rébellion : « Si vous le saviez, comment avez-vous pu laisser faire ! ».


En fixant sa « ligne rouge », en cachant sa connaissance de l’armement des islamistes, Obama les a incités à passer au crime.


Ironie et cynisme toujours, avec le désarmement unilatéral en cours de l’arsenal chimique du régime Assad, les islamistes, les seuls qui sont (très probablement) déjà passés à l’acte, se retrouveront les seuls à disposer de l’arme chimique en Syrie…


La fin de toute ingérence impérialiste en Syrie est la condition du retour à la paix, à un développement démocratique dans un pays qui ne sera plus jamais comme avant.


En lien l’article de Seymour Hersh, « Whose Sarin ? » sur le journal britannique en ligne 3London Review of Books ».

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11 décembre 2013 3 11 /12 /décembre /2013 14:59

 

                                                                      mandela

 

« L’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui, depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles… Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès. »

Il s'agit du passage le plus connu et le plus répugnant du discours de Sarkozy à Dakar le 26 juillet 2007; en voici un autre extrait : «  La colonisation n'est pas responsable de toutes les difficultés actuelles de l'Afrique. Elle n'est pas responsable des guerres sanglantes que se font les Africains entre eux. Elle n'est pas responsable des génocides. Elle n'est pas responsable des dictateurs. Elle n'est pas responsable du fanatisme. Elle n'est pas responsable de la corruption, de la prévarication. Elle n'est pas responsable des gaspillages et de la pollution…. »

Sarkozy qui a prononcé ces phrases méprisantes et méprisables, a participé  aux obsèques de Nelson Mandela, en tant qu'invité de François Hollande.

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11 décembre 2013 3 11 /12 /décembre /2013 12:35

 

 

 

 

 
UneHQ7dec2013.jpg
LE HORS-SÉRIE MANDELA
 

Un hors-série exceptionnel consacré à Nelson Mandela, accompagné du poster d'un portrait original de Nelson Mandela par Ernest Pignon-Ernest. 84 pages qui retracent le combat d'une vie de Nelson Mandela, le combat de l'Humanité contre l'apartheid, la portée universelle de la "pensée Mandela". Acheter

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10 décembre 2013 2 10 /12 /décembre /2013 16:34

Comment l'Union européenne

organise la légalité du dumping social

Comment faire baisser "le coût du travail"

en organisant la concurrence avec les salariés "low cost"

 

Ce que ne dit pas

 

Travailleurs détachés :
La Commission et le Parlement vont devoir réformer...
les règles d'emploi

Il y aurait au sein de l'UE 1,5 million de travailleurs détachés, dont 350 000 en France
   Flickr/y Philharmonie de Paris
 

Le commentaire de "canempechepasnicolas"

Un dumping social organisé par Bruxelles

Faute de contrôle réel,  nombre d'employeurs - en particulier les multinationales"

du bâtiment, de la construction navale -  en profitent massivement, à travers le recours à divers sous-traitants, pour faire embaucher au noir les travailleurs et leur verser un salaire inférieur au salaire minimumen vigueur dans le pays d'emploi. 

Les 28 ministres du Travail de l'Union n'ont entériné que la réduction des seuls abus. Encore qu'il faudrait, pour mener à bien cette tâche, disposer du nombre d'inspecteurs du Travail en nombre suffisant...Or, il est ridicule et, aujourd'hui la politique gouvernementale  tend à le réduire encore plus !

De toutes façons, cet "accord" légalise le "dumping social" du fait que les "charges sociales", comme disent les patrons,  seront alignés sur celles payées dans le pays d'origine, c'est-à-dire beaucoup moins qu'en France...D'où tout bénéfice pour les sociétés françaises... et au détriment, non seulement des salariés, mais de la Sécurité sociale qui voit ainsi son fameux trou se creuser..."légalement" du fait de l'accord signé par le ministre "socialiste" Michel Sapin...

C'est le fameux "plombier polonais" généralisé dans toute l'Union européenne...

Quand on vous dit que leur fameuse Europe, c'est celle du business, celle du Capital qui règne sur 28 Etats qui ont largué leur souveraineté !


 

 

Et si cette Europe des 28 s'ouvrait à l'Ukraine et à ses millions de travailleurs, quel surplus de maind'oeuvre low-cost à mettre en concurrence avec les salariés encore mieux protégés par ce qui reste des acquis sociaux fruits des luttes ouvrières, ce que les patrons nomment le "coût du travail" que ceux-ci voudraient réduire au minimum...


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10 décembre 2013 2 10 /12 /décembre /2013 16:29

                                                            cerveau animé

 

 

 

 

Jusqu’à quand ? Mandela considéré comme terroriste par les Etats-Unis jusqu’en 2008…

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Les États-Unis ont retiré Nelson Mandela de leur liste noire des terroristes seulement en 2008 et ils n’ont pas encore retiré Cuba de cette liste… Mieux ils poursuivent seuls (ou presque ils sont flanqué de leur avorton israélien) leur blocus immonde… et inondent de leur propagande toute notre presse aux ordres pour continuer à étrangler un petit peuple qui ne leur a jamais causé le moindre tort, si ce n’est d’être un exemple de dignité et de souveraineté. Ils s’acharnent contre Fidel Castro salué dans toute l’Afrique, l’Amérique latine, L’Asie comme un libérateur et un homme de paix…

Battez vous entre autres contre le sort injuste, le viol de la légalité internationale subi par Cuba, battez-vous pour libérer Mohamed Barghouti et vous agirez comme on aurait tous dû agir pendant 27 ans pour Nelson Mandela.


                                      Danielle Bleitrach

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10 décembre 2013 2 10 /12 /décembre /2013 15:13

 

                                                                               cerveau animé                                                    

                                                                       HUMA.fr

 

Aussitôt décédé, aussitôt ressuscité. Nelson Mandela, l’homme d’Etat, n’est plus depuis jeudi soir. Il est aussitôt réapparu, sur nos écrans télés et dans les tombereaux de communiqués, comme une « icône pop ». Quelle œuvre ! Quel talent ! Et quelle simplicité, en plus ! Toute l’Afrique du Sud ne devait qu’à cet homme, lui seul, quasi-béni des Dieux, en mission sur Terre pour le Bien.

On caricature un peu, car toutes les interventions ne furent pas de cette acabit mais la tonalité générale relevait presque de la béatification en mondiovision. Ce ne serait finalement pas gênant si le fond du « bruit médiatique » n’était grandement construit sur de dangereuses approximations. Il en va des idées comme des fusées : un défaut de trajectoire d’un millimètre se solde à l’arrivée par un écart abyssal. Voici donc quelques phrases entendues, à contester en toutes occasions.
 
« Nelson Mandela, le premier président noir de l’Afrique du Sud ».

Personne ne peut contester que Mandela soit un homme noir. Pourtant, lorsqu’il prête serment le 10 mai 1994, ce n’est pas sa « qualité » première. Il est, ce jour-là, le premier président démocratiquement élu. Les autres présidents étaient blancs mais ce n’était, en définitive, qu’un élément accessoire : le principal problème était qu’ils furent élus par un corps électoral exclusivement blanc dans un pays où les Noirs, Métis et Indiens représentaient 90% de la population. La nature du système prime sur la couleur de la peau de son représentant.
En revanche, on peut parler de Barack Obama comme du premier président noir de l’Histoire des Etats-Unis puisque le système politique repose sur le suffrage universel (même s’il n’a été réellement universel qu’à partir de la loi sur les droits civiques de 1964-65) depuis des décennies, voire des siècles.

« Mandela a été élu suite aux premières élections multiraciales de l’Histoire du pays ».

Si l’on prenait pour argent comptant cette assertion, cela signifierait : soit que des hommes, des légumes et bœufs ont voté le 27 avril 1994, soit, encore plus stupide, que l’on considère que, parmi les Hommes, il y a plusieurs races. Pour nous, l’unicité de la race humaine est un principe inattaquable et incontournable. Ces élections furent démocratiques et, selon l’expression désormais retenue, « non-raciales », dans le sens où elles ne reposaient pas sur le principe erroné d’une appartenance à la catégorie fantasmée des « races ». On vous l’assure, pour l’avoir vu de nos propres yeux : ce jour-là, seuls des citoyens de la race humaine ont voté.

« Nelson Mandela a libéré les Noirs ».

Voici maintenant Mandela en Moïse des temps modernes. La reconnaissance du rôle de « Madiba » dans le statut d’égalité et de liberté devant la loi dont jouissent aujourd’hui tous les habitants du pays ne peut nous exonérer de deux remarques :

  • Les Noirs se sont libérés eux-mêmes. Par leur lutte. Par leur résistance. Avec les organisations politiques (ANC, parti communiste) et syndicales (COSATU) dont ils se sont dotés et avec les dirigeants, dont Mandela, que celles-ci ont désigné.
  • Comme le faisait remarquer Mandela lui-même le soir de l’annonce de la victoire de l’ANC, la fin de l’apartheid et l’avènement d’une démocratie ont libéré « les blancs du poids de leur oppression ». Cette réflexion sur la double libération est essentielle dans la « pensée Mandela » : celui qui oppresse n’est pas libre. Ce qui signifie aussi : si nous oppressons ceux qui nous ont oppressés, nous ne serons pas libres. On ne peut comprendre la stratégie de l’ANC pendant la transition si l’on n’a pas à l’esprit

« Mandela dirigeait l’ANC, le parti des Noirs ».

L’ANC était le parti de la libération… Il était donc le mouvement dans lequel se reconnaissaient, en effet, l’écrasante majorité des Noirs mais également des Indiens et des Métis ainsi que des Blancs. Dès les années 50, responsables politiques, syndicaux ou religeux, Noirs, Indiens, Blancs, Métis élaborent la Charte de la Liberté qui proclame que « l’Afrique du Sud appartient à tous ceux qui y vivent ». Préfiguration d’un pays où la couleur de peau n’est pas un statut juridique.

« Mandela, un adepte de la non-violence »

Drôle d’affirmation concernant celui qui fut en charge de la mise en place de la branche armée de l’ANC, Umkhonto we Sizwe (la lance de la Nation). Mandela n’était pas un adepte en soi de la violence mais il a estimé, avec les autres membres du noyau dirigeant de mouvement anti-apartheid, que l’attitude du régime d’apartheid ne laissait d’autres solutions que le passage à la lutte armée devant prendre pour cible les attributs du pouvoir non des personnes civiles. Au moment de la transition entre la fin juridique de l’apartheid, en 1990, et le début de la démocratie, en 1993, la direction collective du mouvement, Mandela en premier lieu, ont estimé qu’une tactique de violence s’avérerait contre-productive.

 

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10 décembre 2013 2 10 /12 /décembre /2013 14:52

 

 

 

 

Hommage à Nelson Mandela : discours de Pierre Laurent (PCF)

Hommage à Nelson Mandela

Paris le 9 décembre 2013

Discours de Pierre Laurent, secrétaire national du Parti communiste français.

 

Madame l'ambassadrice d'Afrique du Sud en France,

Messieurs les ambassadeurs de Palestine en France et auprès de l'Unesco,

Madame Jacqueline Dérens, fondatrice de la Rencontre nationale avec le peuple d'Afrique du Sud,

Mesdames, messieurs,

Chers amis, chers camarades,

 

Le 7 juin 1990, quatre mois à peine après sa libération, le 11 février 1990, Nelson Mandela se trouvait ici même au siège du Parti communiste, accueilli par Georges Marchais. Âgé alors de 72 ans, celui qui n'était pas encore Président de la nation « arc en ciel » était venu en frère pour témoigner de sa reconnaissance à notre parti, et à toutes celles et ceux qui, à ses côtés, avaient embrassé le combat contre l'apartheid et celui pour sa libération, 27 années d'un combat inlassable, finalement victorieux, et 42 ans depuis l'instauration de l'apartheid en 1948.

Aujourd'hui, Madiba n'est plus, il est « rentré à la maison », endeuillant une nation dont les frontières débordent la seule Afrique du Sud. Nelson Mandela n'a jamais voulu être une icône,  lui, dont les premiers mots à sa sortie de prison, furent : « Je suis ici devant vous, non comme un prophète, mais comme votre humble serviteur. » C'est pour honorer cette leçon de combat et d'humilité au service de l'émancipation humaine, que nous portons à nouveau ce soir à la boutonnière le badge à l'effigie de Mandela, que nous portions si fidèlement lors des longues années de lutte pour sa libération.

Ce soir, nous saluons le combat d’une vie, qui fut le symbole de la lutte collective de tout un peuple. Celle d’un jeune sud-africain avocat noir, celle du militant de la Charte de la liberté  adoptée par le Congrès du Peuple en 1955, à Soweto, celle d’un révolutionnaire qui fait le choix de la lutte armée, quand la tyrannie de l'apartheid ferma toutes les portes de la non violence, celle d’un responsable politique qui traverse avec courage et sans haine 27 années de bagne et de prison, celle du premier Président sud-africain élu au suffrage démocratique non racial, symbole de l'union d'un peuple dans sa lutte pour la liberté, la paix et une nouvelle Afrique du Sud. Telle fut l’existence de Nelson Mandela, tumultueuse, faite des peines les plus profondes comme des joies les plus grandes.

L'hommage le plus sincère que nous pouvons rendre à Nelson Mandela est d'éviter les artifices d'une canonisation vidée de sens, portant au pinacle l'homme de la réconciliation et masquant volontairement l'homme de combat. Nelson Mandela ne fut qu'un. La dureté de sa lutte est indissociable de son ambition de réunification, fondée sur l'égalité de tous les Sud-Africains. Il n’y a pas eu d’abord Mandela le révolutionnaire, puis Mandela le réconciliateur. Il a toujours été les deux. La lutte contre l’apartheid et la volonté de réconciliation ont été les objectifs fondateurs de l’ANC qui se battait pour une Afrique du Sud non raciale rassemblée autour de la justice et des droits démocratiques pour tous. Mandela est devenu la figure de proue de ce combat. Mais derrière lui, il y avait une cause, une organisation, la triple alliance de l'ANC, du Parti communiste sud-africain et de la Cosatu, et des milliers de combattants. Derrière le nom de Mandela raisonnent ceux de Walter Sisulu, d'Olivier Tambo, de Joë Slovo, de Chris Hani, le secrétaire général du PC Sud Africain, sauvagement tué un an avant l'élection de Mandela, de Desmond Tutu, de Dulcie September, représentante de l'ANC, lâchement assassinée en plein Paris, et tant d'autres.... Le sourire de Mandela est une constellation de sourires, de ces sœurs et frères sud-africains, de ces combattants, de ces camarades. Nelson Mandela est universel, il est le visage réconfortant, familier de ceux qui n'abdiquent pas face à la ségrégation, la discrimination, l'exploitation, l'oppression, de ceux qui tendent la main, qui rassemblent autour de causes justes qui font l'essence de l'humanité. Pour tous ces combattants, j’ai ce soir une pensée très émue.

Rendre hommage à Mandela, c'est parler d'un peuple et de sa lutte contre le régime de l'apartheid, déclaré crime contre l'Humanité. Prolongement des politiques et des pratiques coloniales, l'apartheid (séparation en afrikaans) fut la pierre angulaire du nationalisme afrikaner et le pilier du développement d'un capitalisme brutal en Afrique du Sud. Il fut, durant de longues décennies, le cœur de la société ségrégationniste sud-africaine, contingentant tous les secteurs de la vie du pays, condamnant des millions d'hommes et de femmes « non blancs » à la misère et l'exploitation. C'est contre ce système de haine que Mandela et les siens se sont battus. Des bancs de l'université à l'ANC, du bagne à la présidence, la vie de Nelson Mandela est à l’image de tous ces combattants qui risquèrent leur vie, choisissant l’espoir contre la résignation. La Charte de la liberté adoptée le 26 juin 1955, que le magnifique numéro spécial de l'Humanité, paru samedi, vient de republier, est l’expression de cet engagement politique du peuple sud-africain rassemblé. Elle est le terreau, la synthèse des revendications sous-tendues par la lutte pour l’égalité et la démocratie. Relisez-là, et vous vous rendrez compte du chemin parcouru mais aussi du chemin qui reste à parcourir…

Le mouvement émancipateur dont Nelson Mandela fut l’un des acteurs est éminemment politique. Il dépasse le seul parcours individuel d’un homme aussi exceptionnel soit-il. Il fut ce que la force collective, le combat commun, le rassemblement peuvent produire de meilleur.

Rendre hommage à Mandela, c'est aussi prendre la mesure de l'immense mouvement de solidarité internationale qui permit sa libération, et dont nous sommes fiers d'avoir été les fers de lance en France. Le Parti communiste français et les jeunes communistes ont joué un grand  rôle dans la médiatisation du sort et du combat du matricule 446-64 de la prison de Robben Island. Le PCF lança son action de soutien dès sa condamnation au procès de Rivonia en 1964, et il faut relire l’intervention à l’Assemblée nationale de Marie-Claude Vaillant Couturier, dès cette année là. Pendant des années nous avons dû combattre la chape de plomb qui condamnait Nelson Mandela au silence et à l'indifférence. Cette indifférence servait le régime d'apartheid. Et quand elle fut brisée, il fallut alors combattre ceux qui justifiaient encore la collaboration économique des gouvernements et des groupes français avec le régime. Rendez-vous compte, au début des années 80, un sondage réalisé attestait que seuls 2% de la population française connaissaient le nom de Mandela. Il en a fallu, des combats et des mobilisations. Des manifestations de soutien aux occupations d’ambassade en passant par les concerts et les tags sauvages « libérez Mandela », nous avons, tous ensemble, mené une lutte exemplaire de solidarité. Je garde, pour ma part, et comme beaucoup d'entre vous, tant de souvenirs au cœur. En septembre 1984, nous avions, avec 400 jeunes  communistes, envahi l'ambassade d'Afrique du Sud pour la recouvrir de peinture noire. Nous en étions si fiers. A la mobilisation citoyenne, aux campagnes de sensibilisation, nous avons ajouté la campagne économique en appelant au boycott. Nous voulions frapper au cœur le système d’apartheid, et cela a payé. Notre combat a, peu à peu, sorti de l’ombre Nelson Mandela et ses camarades. Les maires communistes ont baptisé de son vivant, quand il était par certains traité de « sioniste » des dizaines de rues, de places, de gymnases, de collèges du nom de Nelson Mandela. Peut-être serait-il utile d'y lire aujourd'hui la Charte de la Liberté de 1955, tant elle résonne face au retour abject des discours racistes. Oui, mesdames et messieurs qui célébrez tous Nelson Mandela, et c'est tant mieux, nous avons envie de vous dire : un peu moins de poncifs et un peu plus de sens ! Sa libération, le 11 février 1990, fut pour nous une grande explosion de joie. J'étais ce jour-là, à l'Humanité, qui a tant fait dans ce combat. Nous étions agglutinés devant la télé, et nous pleurions devant son sourire et son poing levé.

Alors, aujourd’hui, alors que Madiba n’est plus, que l'Afrique du Sud poursuit son combat vers l'émancipation humaine, que le combat fait rage en Afrique et partout dans le monde pour continuer à faire avancer la justice et l'égalité, nous ne saurions mieux lui rendre hommage qu’en perpétuant son héritage de lutte, et son esprit de rassemblement. Continuons nos combats pour l’émancipation humaine, continuons nos campagnes de solidarité internationale qui confèrent aux luttes pour la libération des peuples une dimension universelle. Je pense évidemment aux luttes qui continuent du peuple sud-africain. Je pense au peuple palestinien, sahraoui, kurde qui se battent pour leurs droits et qui ont besoin de notre soutien. Je pense à la campagne internationale pour la libération des prisonniers politiques palestiniens, pour qu'à leur tour, Marwan Bargouthi, et les siens, ne passent pas 27 années derrière les barreaux ! Il est déjà incarcéré depuis 11 ans ! Je pense aux peuples d'Afrique, et en ces heures tragiques, aux peuples du Mali et de Centrafrique, qui subissent la guerre auxquels, seuls la paix et le développement et non les armes, pourront ouvrir les voies de la liberté et de l'avenir. Je pense enfin évidemment très fort à notre combat, ici en France, contre les forces brunes, les forces racistes et xénophobes qui cherchent à gagner du terrain. Portons toujours plus haut le combat anti-raciste. Il est inexorablement lié à notre lutte pour l’égalité entre tous les hommes, entre les hommes et les femmes et pour l’émancipation du genre humain.

Je conclurai cet hommage en citant un passage du message que Nelson Mandela avait adressé aux participants de l’édition 1996 de la fête de l’Humanité :

« Ma génération laisse la jeune génération avec quelques exemples héroïques de tâches accomplies. Mais nous vous laissons aussi avec d'énormes défis, avec des problèmes anciens et nouveaux. (…)  les jeunes peuvent refuser de succomber au désespoir. Vous pouvez dire non à l'intolérance. Vous pouvez, et vous devez, prendre en charge la responsabilité de changer le monde et d'améliorer le sort de tous les peuples ».

Oui, avec Mandela, avec son peuple, avec ses camarades d'hier, d'aujourd'hui et de demain, nous continuons à clamer la victoire, celle qui donne au peuple le pouvoir.

Avec Mandela, nous crions « Amandla » !

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