À la crise économique que nous traversons depuis plusieurs années, s’ajoute une crise de la démocratie représentative sans précédent. Le sentiment de défiance des citoyens envers leurs élus n’a jamais été aussi prégnant. A cela s’ajoute un sentiment d’éloignement voire d’abandon. Ce rejet s’accompagne d’un profond questionnement sur l’efficacité de nos institutions et sur notre rôle de parlementaires.
Pour contrer ce ressentiment il nous faut répondre aux aspirations légitimes de nos concitoyens pour plus de transparence, de représentativité et d’égalité.
En premier lieu, je peux dire sans me tromper que nos assemblées sont loin de ressembler à la société qu’elles représentent et, plus grave encore, nous apprenons que 80% des français estiment que nous formons une caste qui s’arc-boute sur ses privilèges.
Ce projet de loi donnera un souffle nouveau à notre démocratie en permettant, n’en doutons pas, l’entrée de plus de femmes encore trop largement minoritaire, l’entrée de jeunes, d’ouvriers, d’employés ou de français issus de l’immigration, tous magistralement absents de nos hémicycles.
A cet égard, et c’est un fait reconnu par tous aujourd’hui, la loi sur la parité est très bénéfique là où elle s’applique. Que n’a-t-on pourtant pas entendu alors ! Ce projet de loi conduira à diversifier la classe politique : est ce cela qui inquiète ? Je pense au contraire que la diversité des parcours passés, personnels, professionnels ou électifs des uns et des autres enrichira nos débats, apportera des idées neuves. Pour les sénateurs de mon groupe la démocratie implique non un super-professionnalisme des élus mais une hétérogénéité d’expériences qui fonde leur légitimité et leur force.
Sans cela, c’est la démocratie que l’on continue de blesser au mépris du peuple souverain.
Doit-on considérer qu’un parlementaire sans mandat exécutif local serait moins bon qu’un autre qui ne se dédie qu’à sa mission législative nationale ? Ce serait faire insulte à certains de nos éminents collègues ! 23% des sénateurs n’exercent pas d’autres mandats et 40 % pas de fonctions exécutives locales. Pourquoi serions nous déconnectés des réalités locales ? Une bonne connaissance du terrain s’est déjà construite avant d’accéder au mandat national. Cette expérience nécessaire d’élu local ne peut, bien évidemment, être contestée pour les sénateurs.
Toutefois, selon le principe de subsidiarité, point n’est besoin d’un mandat national pour répondre aux particularités du terrain. En effet, et nous le savons bien, deux autorités de niveaux différents n’ont pas à prendre en considération les mêmes problèmes. Les questions de politiques nationales ne sont pas de la compétence des collectivités locales.
Si nous devenons tous des élus nationaux sans mandat exécutif local, nous allons devoir réfléchir à comment mieux affirmer notre présence dans nos départements et mieux relayer notre travail parlementaire.
Nous pourrons également réfléchir à créer des passerelles nouvelles par exemple avec le CESE dont la fonction a évoluée et qui se prononce de plus en plus sur les sujets qui intéressent les parlementaires.
Nos concitoyens, mais aussi le monde syndical, associatif, les élus locaux attendent plus de proximité et plus d’échanges avec les parlementaires. Ce texte ouvrira des pistes nouvelles de réflexions qui conduirons, j’en suis sure, à revaloriser le rôle du parlementaire.
Nous devons aussi répondre à l’aspiration pour plus d’égalité de nos concitoyens. Pour les sénateurs de mon groupe faire le choix du cumul des mandats c’est maintenir un système profondément inégalitaire.
En effet, les maires de villes comparables n’ont pas le même pouvoir ni les mêmes moyens d’ailleurs, si l’un est parlementaire et l’autre non. D’ autre part, cette inégalité se poursuit sur un autre terrain : celui de la représentation égale des citoyens. Par le biais du cumul des mandats, certains citoyens sont mieux représentés que d’autres. Or nous sommes élus pour participer à la détermination de la politique nationale, à la formation de la volonté générale et non pour nous transformer en VRP de tels ou tels territoires.
A cet égard le débat sur la décentralisation a été une illustration regrettable de cette logique poussée à l’extrême où les territoires étaient mis en concurrence, où chacun défendait sa ville, sa métropole. Où le regard national a été biaisé par la confusion des genres.
Répondre à cette exigence forte de rénovation de la démocratie implique également que les parlementaires aient du temps pour s’occuper de la chose publique. Notre mission première, voter la loi, contrôler l’action du gouvernement et aujourd’hui évaluer les politiques publiques, requiert du temps. Les sujets dont nous avons à connaître sont variés, complexes et techniques, ils ne sont que le reflet de notre société. Le reflet aussi de la multiplication des sources du droit, qu’elles soient européennes voire internationales, et autres contraintes dans lesquelles notre action est enserrée.
Alors que notre société est celle de la vitesse, que le temps se monnaye, nous devons prendre la mesure de la chance qui nous sera offerte par ce texte. Les hommes et femmes politiques ont besoin de leur temps, de tout leur temps ! Cette remarque vaut aussi pour les élus locaux, en effet les lois successives de décentralisation ont changé la morphologie de notre pays et la mission de ces élus. Le mandat local exige des arbitrages constants et une présence à plein temps. Les mandats locaux d’aujourd’hui ne laissent que peu de temps aux parlementaires. Cette question du temps n’est pas anodine, car c’est seulement avec du temps à disposition que les parlementaires pourront faire du Parlement un véritable pouvoir au sens où l’entendait Montesquieu. Un pouvoir qui arrête le pouvoir, un pouvoir qui éclaire et conseille les autres pouvoirs.
Ce projet est pour nous le renouveau dont le Parlement et la classe politique tout entière ont besoin. C’est aussi la condition du contrat social. Si nous comprenons les inquiétudes des uns, car ce texte aura un impact dès les prochaines élections municipales, aucunes fausses bonnes raisons n’est aujourd’hui acceptables.
Aucunes fausses bonnes raisons ne seraient compréhensibles par nos citoyens. La pétition contre le cumul qui circule depuis le rejet du texte par notre commission des lois a déjà recueillis plus de 100 000 signatures. Il ne s’agit pas de convaincre mais de faire preuve de volonté et de courage. Pour nous aucune hésitation n’est permise.
La mise en application de ce texte est l’opportunité de repenser notre action, ici au Sénat et dans nos départements, de privilégier le travail en équipe et en réseau. Nous gagnerons en efficacité et en lisibilité et le travail parlementaire en sortira grandit.
Cet acte politique majeur est, je le souhaite, la première étape indispensable pour redonner du sens à notre démocratie. Redonner du sens et de la noblesse au politique. Restaurer la confiance de nos concitoyens...
Bien- sûr il appelle d’autre disposition telle la limitation du cumul des mandats dans le temps. Mais il est attendu par nos concitoyens et nous leur devons une réponse claire et unanime. L’inverse aurait un effet dévastateur dans l’opinion publique. C’ est pourquoi nous appelons de nos vœux l’adoption de ce texte à l’unanimité. Ce sera le cas pour notre groupe Communiste.