Vers la fin du mois de mai dernier, une école Arabe a reçu une réponse négative suite à sa demande de réservation formulée auprès de Superland, un très grand parc d’attractions près de Tel Aviv. Toutefois, lorsqu’un membre du personnel a rappelé le parc en se faisant passer pour un Juif qui désire réserver pour la même date choisie et refusée, Superland a immédiatement accepté la requête.
L’histoire s’est tout de suite répandue sur la toile à travers les médias sociaux. Informés, les responsables du parc ont précipitamment trouvé une excuse : le parc propose des journées distinctes pour les enfants Juifs et leurs semblables Palestiniens afin de les garder séparés et éviter d’éventuelles tensions et frictions.
Les ministres du gouvernement Netanyahu ont réagi par un torrent de répulsion et d’indignation. La ministre de la justice Tzipi Livni a qualifié l’incident de « symptôme d’une démocratie malade. » Le ministre de la défense, Moshe Yaalon s’est dit « scandalisé. » Quant au premier ministre Benyamin Netanyahu, il a demandé à ce que cette politique « raciste » cesse immédiatement.
Cette sensibilité semble être une réaction à l’escalade du racisme populaire qui a éclaté au cours des derniers mois contre un israélien sur cinq qui appartient à la minorité Arabe Palestinienne du pays. Certains Juifs israéliens trouvent que l’interminable parade de fanatisme devient de plus en plus inquiétante.
Dernièrement, la télévision israélienne a donné l’exemple d’un groupe d’enfants cancéreux qui devaient passer leur journée libre dans la piscine mais qui étaient éconduits à l’entrée lorsque les responsables des lieux ont découvert que ces enfants étaient des Bédouins.
D’après une autre enquête de la télévision, les banques israéliennes appliquent une politique secrète de rejet envers les clients arabes désireux de transférer leurs comptes vers une agence dans un quartier juif, bien que cela transgresse les opérations et les régulations bancaires.
Les colons dont la violence était autrefois limitée à mettre le feu aux récoltes Palestiniennes ou à envahir les villages de la Cisjordanie et tout saccager sur leur passage, ont à présent tendance à s’attaquer aux communautés arabes au cœur-même d’Israël. Des mosquées incendiées, des graffitis injurieux sur les murs des églises et des voitures incendiées dans ce qui est appelé « le prix à payer » sont devenus monnaie courante.
De même, des rapports sur des attaques sournoises et odieuses contre des citoyens arabes ont vite fait la une de l’actualité. Récemment, plusieurs incidents ont eu lieu, dont le passage à tabac d’un balayeur de rue et qui a failli lui être fatal, ainsi qu’un chauffeur de bus qui a pointé son arme contre un passager arabe, le menaçant de tirer dans la tête, à moins que l’homme ne montre sa pièce d’identité.
La fièvre de la dénonciation via les réseaux sociaux a également mis à nu une agression abjecte d’une dame arabe voilée. En effet, des photos prises par des téléphones mobiles ont vite fait le tour du réseau et suscité l’indignation. La dame en question attendait le train lorsqu’une foule composée de personnes à l’allure respectable, en partance pour le travail ou allant faire les courses, l’a attaquée et lui a arraché son foulard (hijab). Cette scène n’a pas fait bouger un cheveu des gardes de la station.
Quelles que soient les dénonciations officielles de ces évènements, les airs scandalisés du gouvernement n’ont aucune valeur.
Pendant que Netanyahu et ses alliés de l’extrême droite critiquaient le racisme de Superland, ils soutenaient une loi fondamentale extrêmement discriminatoire que le quotidien Ha’aretz a qualifié de « l’une des mesures les plus dangereuses » jamais présentées au Parlement.
Le projet de loi attribuera aux israéliens ayant servi dans l’armée toute une série de droits supplémentaires en matière de terres, de logements, d’emploi, de salaires et de prestations des services publics et privés. Le hic est que la quasi-totalité des Palestiniens citoyens du pays, estimés à 1.5 millions, sont exclus du service national. En pratique, seuls les Juifs jouiront de ces avantages et bénéfices.
En prenant conscience de ces pratiques, il apparait clairement que l’offense de Superland reste insignifiante, comme elle l’est par rapport à des décennies d’une discrimination officiellement autorisée et planifiée par l’état contre la minorité palestinienne du pays.
Un éditorial paru dans Haaretz ce mois observait qu’Israël était vraiment composé de « deux états distincts, l’un arabe et l’autre juif. ... C’est l’écart entre l’État juif d’Israël, qui est un pays occidental développé, et l’État arabe d’Israël, qui n’est plus qu’un pays du Tiers-Monde ».
La ségrégation est appliquée dans tous les principaux domaines de la vie : l’attribution des terres et du logement, le droit à la citoyenneté, l’éducation et l’emploi.
Rien de tout cela n’est accidentel. Cela a été conçu pour garantir l’avenir d’Israël en tant qu’État juif. Les groupes de défense des droits de l’homme ont identifié 57 lois qui établissent ouvertement des discriminations entre les citoyens juifs et palestiniens, avec une dizaine d’autres concernant les questions de statut.
Moins visible mais tout aussi dommageable est la discrimination masquée à laquelle les citoyens palestiniens sont confrontés tous les jours lorsqu’ils traitent avec les institutions étatiques, dont les pratiques administratives trouvent leur justification dans l’enracinement des privilèges accordés aux juifs.
Cette semaine, un rapport a identifié avec précision ce genre de racisme institutionnel quand il a mis en évidence que les élèves de la minorité palestinienne du pays ont été confrontés à une liste de 14 obstacles que ne connaissent pas leurs compatriotes juifs, et qui ont contribué à leur refuser l’accès à l’enseignement supérieur.
La vague de préjugés populaires et les violences racistes ne sont pas un hasard non plus. Et justement, cela a été déclenché par la rhétorique inflammatoire de plus en plus réactionnaire de politiciens comme Netanyahu, qui tienentt constamment des propos alarmistes qui présentent les citoyens palestiniens comme déloyaux, une cinquième colonne et une menace démographique pour la judéité de l’État.
Puisque l’État est si déterminé à asservir et à exclure des citoyens palestiniens, et Netanyahou et ses ministres aussi déterminés à alourdir encore le poids d’une législation discriminatoire, pourquoi alors dénoncent-ils le racisme de Superland ?
Pour trouver une explication à cela, il faut comprendre comment Israël cherche désespérément à se distinguer de l’apartheid qui sévissait en Afrique du Sud.
Israël cultive, comme l’Afrique du Sud l’a fait en son temps, ce que les spécialistes qualifie de « grand apartheid ». C’est la ségrégation, en grande partie masquée et souvent prétextée par des raisons de sécurité ou de culture, afin de s’assurer que le contrôle des ressources demeure exclusivement dans les mains de la communauté privilégiée.
Dans le même temps, Israël a longtemps répugné au modèle que certains appellent « le petit apartheid » de l’Afrique du Sud - la ségrégation au grand jour, symbolique, mais beaucoup moins importante des bancs dans les parcs, des bus et des toilettes.
Avoir su un peu limiter le petit apartheid a été la clé du succès d’Israël pour réussir à occulter à la vue du monde la profondeur de l’apartheid, le plus évident dans les territoires occupés mais aussi à l’intérieur même d’Israël.
Ce mois-ci, à l’occasion de son départ d’Israël,de l’ambassadeur d’Afrique du Sud, Ismail Coovadia, a averti qu’Israël était un « réplique de l’apartheid ». L’idée que le monde pourrait bientôt réaliser la vérité de cette comparaison énerve profondément Netanyahu et toute la droite, d’autant plus qu’ils risquent d’être catalogués comme la partie qui refuse de faire des concessions pour la paix.
La menace posée par ce qui est arrivé à Superland, c’est que de tels incidents produits par un racisme officieux et spontané pourraient, un jour faire apparaître la campagne beaucoup plus sinistre et méthodique de « grand apartheid » que les dirigeants d’Israël ont piloté depuis des décennies.
Jonathan Cook
Jonathan Cook a remporté le Prix Spécial de journalisme Martha Gellhorn. Ses derniers livres sont Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the to Remake the Middle East (Pluto Press) et Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human Despair (Zed Books). Voici l’adresse de son site : http://www.jkcook.net.
22 juin 2013 - the Palestine Chronicle - Vous pouvez consulter cet article à :
http://palestinechronicle.com/big-racists-vs-little-racists-how-israel...
Traduction : Info-Palestine.eu - CZ & Niha