La présidente du Front national, Marine Le Pen, pourra être poursuivie par la justice française pour ses propos assimilant les prières de rue des musulmans à une "occupation", le Parlement européen ayant voté mardi la levée de son immunité
Les élus européens, réunis en session plénière à Strasbourg, ont approuvé à main levée la fin de l'immunité de Mme Le Pen, eurodéputée depuis 2004.
L'intéressée avait elle-même anticipé cette décision, en affirmant dès lundi qu'elle ne la craignait pas, qu'elle maintenait ses propos controversés et qu'elle estimait être incriminée pour un "délit d'opinion".
"Oui, ça va arriver parce que je suis une dissidente", mais "je ne le crains absolument pas" et "je m'en moque", avait-elle affirmé sur LCI.
Le Front national a réagi mardi en estimant que cette levée d'immunité était "contraire à toute la jurisprudence de cette assemblée". Elle "traduit la terrible anxiété de la caste face à une responsable politique (...) dont la dynamique électorale fait trembler le pouvoir", a affirmé le parti d'extrême droite dans un communiqué.
Au moment du vote, la présidente du FN, installée à sa place dans l'hémicycle aux côtés de son père Jean-Marie et de Bruno Gollnisch, n'a pas pris la parole et n'a manifesté aucune réaction particulière.
Seul M. Gollnisch s'est exprimé, s'indignant que Mme Le Pen n'ait pas pu s'exprimer sur le fond devant ses pairs. Une telle procédure est digne du "Soviet suprême de l'Union soviétique", a-t-il fustigé, sous les huées de l'assemblée.
Le président de séance, Gianni Pittella, lui a répondu que Mme Le Pen ne s'était vu appliquer "aucune procédure spéciale", et que les débats au fond avaient eu lieu, comme c'est la règle, devant la commission des affaires juridiques du Parlement.
Selon une source parlementaire, Mme Le Pen a été invitée à trois reprises devant cette commission, en mars, avril et mai, pour défendre son cas, mais elle n'a jamais souhaité répondre à cette invitation.
La présidente du FN est visée par une information judiciaire ouverte à Lyon pour "provocation à la discrimination, à la violence et à la haine envers un groupe de personnes en raison de leur religion".
En décembre 2010, lors d'une réunion publique devant des militants frontistes, elle avait dénoncé dans un discours les "prières de rue" de musulmans, les qualifiant "d'occupation", sans "blindés (ni) soldats", mais d'"occupation tout de même".
La juge d'instruction lyonnaise chargée du dossier, constatant que Mme Le Pen refusait de répondre aux convocations en vue de sa mise en examen en invoquant le bénéfice de son immunité parlementaire, avait alors demandé au Parlement la levée de cette protection.
Pour le chef de file des élus conservateurs au Parlement, le Français Joseph Daul (UMP), cette procédure devait être considérée comme purement "technique". "Il n'y a rien de politique. Si je réagissais sur le plan politique, je ne voterais pas la levée de l'immunité, car ça va lui donner 1 à 2% de plus" dans les intentions de vote, a-t-il souligné avant le vote.
Pour l'élu vert français Jean-Paul Besset, cette procédure constituait de toute façon un "piège" pour le Parlement européen, car elle offre "un boulevard de victimisation" à Mme Le Pen.
Son collègue José Bové a quant à lui remarqué que Mme Le Pen aurait pu renoncer elle-même, devant la justice, au bénéfice de son immunité d'eurodéputée, comme lui-même l'a fait en 2009 lorsqu'il était poursuivi devant les tribunaux français pour des actions de destruction d'OGM.
"Elle va crier au scandale, mais si elle avait été cohérente avec elle-même, elle aurait dit +je refuse d'emblée d'être protégée par l'immunité européenne+, et le débat n'aurait même pas eu lieu dans cette enceinte", a souligné M. Bové.
Avant Mme Le Pen, Bruno Gollnisch a été privé à deux reprises de son immunité parlementaire après des propos qui avaient donné lieu à des poursuites en France. En 1998, Jean-Marie Le Pen a également été visé par la même procédure après avoir déclaré que les chambres à gaz nazies étaient "un détail de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale".