Dans une période marquée par le scepticisme à l’égard de la politique gouvernementale et des hommes politiques en général, Michel Stefani aborde sans détour plusieurs sujets en débat aux plans régional et national.

L’actualité politique renvoie une image désastreuse des politiques ?

C’est extrêmement grave parce que les 45 000 élus que compte notre pays assument de manière désintéressée et bénévole l’action publique. Seuls quelques-uns ont des pratiques condamnables. Le « tous pourris » est donc un piège et l’affaire Cahuzac, plus qu’une dérive hautement condamnable d’un ministre, le révélateur des logiques pesantes de la finance.

François Hollande en paie le prix fort ?

Vous avez un ministre du budget qui préconise l’austérité et réclame des efforts à tous les contribuables alors qu’il fait partie des évadés fiscaux. Ce mélange des genres renforce le sentiment que l’élite dirigeante se passe le pouvoir d’un bord à l’autre sans changer de politique ni de pratiques. Le désaveu populaire en devient massif.

Vous n’allez pas déclarer votre patrimoine ?

C’est déjà fait en tant que président de SEM, mais il faut aller plus loin et interdire le cumul de fonction élective, séparer action publique et économique, s’attaquer aux paradis fiscaux, lever le secret bancaire. En France, l’essentiel des 50 à 60 milliards soustraits au fisc, serait à l’avantage des grandes entreprises et des plus fortunés. Il y aurait 2000 comptes français en Suisse. C’est de ce côté qu’il faut regarder.

Le ministre Michel Sapin dit que vous faites le jeu du FN ?

Cet argument peut lui être retourné. La soumission aux politiques d’austérité européennes, l’explosion du chômage, les cadeaux fiscaux aux entreprises, la transcription de l’ANI dans la loi… cette politique amplifie la crise et nourrit l’écœurement sur lequel la démagogie lepeniste prospère. Pour toutes ces raisons il faut mettre la barre à gauche.

Ce contexte politique semble peu propice à une réforme institutionnelle pour la Corse. L’échec du référendum en Alsace tend à le confirmer ?

Vouloir interroger le peuple sur des questions qu’il ne se pose pas vraiment présente ce risque. Le système démocratique dans notre pays est sclérosé par le présidentialisme. La constitution en est la colonne vertébrale, le bipartisme et l’alternance le fruit, avec un maître mot l’austérité au nom de laquelle l’avenir des collectivités locales et le pacte social républicain sont en cause. La Corse n’est pas la seule à en souffrir.

L’originalité reconnue à la Corse par ses statuts disparaît dans votre analyse ?

Non, nous inscrivons l’avenir de la Corse dans celui de la France, d’une République solidaire et éthique, unie et ouverte à la spécificité. En ce sens nous organisons le 5 mai une marche citoyenne pour une alternative à l’austérité et un processus constituant d’une 6ème République.

Dans l’immédiat c’est le statu quo pour la Corse ?

Si par statu quo vous entendez chômage, cherté de la vie, difficultés pour se loger se soigner, la réforme institutionnelle en elle même n’est pas la réponse. Les trois précédentes l’auraient montré. Ce que nous recherchons en priorité, y compris dans le droit actuel, ce sont les moyens de maitriser le foncier, de construire des logements sociaux, de préserver le potentiel agricole, de lutter contre la spéculation et les dérives affairistes et mafieuses qui en découlent.

Sur quoi la réforme institutionnelle se justifie-t-elle selon vous ?

A propos de la co-officialité fondée sur un bilinguisme assumé et non discriminatoire et d’un transfert de la fiscalité sur les patrimoines sans exonération pour les plus importants. Au delà nous nous opposons à une citoyenneté corse et un statut d’autonomie fiscal en rupture avec les principes de solidarité et de péréquation nationales.

Cela ne va pas dans le sens des travaux de l’assemblée de Corse ?

Indépendamment du flou qui entoure ces revendications, il y a l’incertitude d’une révision constitutionnelle dont nous n’avons pas la maîtrise. Ajouter une mention à l’article 72, en spécifiant que la Corse serait mieux ancrée dans la République, n’explique pas en quoi cette référence est indispensable, au regard des objectifs poursuivis s’agissant du pouvoir normatif, comme de l’histoire en cette année du 70ème anniversaire de la Libération de la Corse.

Sur les municipales on vous entend peu ?

Nous ne voulons pas personnaliser les enjeux. Pour ce qui est du Front de gauche, nous en avons une vision large et offensive. Nous proposons au PS et au PRG de travailler à l’élaboration de programmes et de listes de gauche pour faire obstacle aux ambitions de la droite et résister aux politiques d’austérité.

Pour Bastia qui est sous le feu des projecteurs ?

32 communes dans le département sont désormais concernées par le scrutin de liste proportionnel paritaire. Nous raisonnons dans ce cadre pour conserver les municipalités de gauche, Bastia en est, et en reprendre à la droite ou siéger dans l’opposition. C’est le sens de l’invitation que nous lançons pour une rencontre des partis de gauche.

Propos recueillis par Noël GRAZIANI