À Tel-Aviv, le menu, c’est quelques heures à la plage, un tour dans un musée, un bon repas sur un toit surplombant toute la ville et, pourquoi pas, un peu plus tard dans l’après-midi, une séance chez le coiffeur ou dans un salon de beauté. À Jérusalem, c’est plutôt un pique-nique dans un parc ou bien une excursion au zoo. Depuis trois ans, Nous n’obéissons pas, une association regroupant exclusivement des femmes israéliennes, viole la loi en faisant sortir des Palestiniennes et leurs enfants de Cisjordanie pour les emmener en Israël passer une journée, loin de leur quotidien, celui de l’occupation, du mari au chômage, d’un jeune en prison... Une vie à l’horizon bouché, à l’ombre du mur de séparation.
Tout a commencé au printemps 2010, lorsque l’écrivain et traductrice Ilana Hammerman décide de se rendre en Cisjordanie pour y rencontrer trois jeunes Palestiniennes. Après les avoir fait monter à bord de sa voiture, elle leur fait franchir clandestinement les barrages militaires. Direction : Tel-Aviv pour une journée de détente. Dans la soirée, c’est le retour au village, avec, là encore, la traversée en sens inverse du check-point. Quelques semaines plus tard, les lecteurs du quotidien Haaretz découvriront toute l’affaire dans un article intitulé "S’il y a un paradis", signé... Ilana Hammerman. Pour elle, ce n’est pas seulement le récit d’une belle journée, mais le début des ennuis avec les autorités. En effet, en moins de douze heures, elle est devenue une criminelle. Elle a enfreint la loi ! Elle sera d’ailleurs convoquée dans les locaux de la police pour y être interrogée. Une plainte est déposée contre elle. Mais il en faut plus pour la dissuader ! Car, pour elle, "il ne s’agit pas d’une provocation inconsidérée, mais de la nécessité de plus en plus pressante de soulever certaines questions essentielles afin d’ouvrir un débat public de fond au sein de la société israélienne".
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la mission est réussie. Avec, d’un côté, la création de ce collectif des Désobéissantes, qui au fil des mois ont rejoint Ilana Hammerman pour organiser et participer à ces actions conjointes avec des Palestiniennes qu’elles font rentrer clandestinement en Israël. Et, de l’autre, des organisations de la droite nationaliste comme le Forum juridique pour la Terre d’Israël, qui a fait pression sur le gouvernement pour qu’une enquête soit diligentée contre Ilana Hammerman. Début 2012, des colons sont allés distribuer des tracts aux soldats de certains barrages pour les mettre en garde contre l’action de ce "groupe de femmes de la gauche radicale". Sur ces tracts, les portraits de certaines des militantes, avec en légende : " Soldats ! Ne vous y trompez pas ! Les membres de cette organisation violent la loi et mettent en danger la sécurité de notre pays"... Jusqu’à présent, elles sont près d’une quarantaine d’Israéliennes à s’être retrouvées pour interrogatoire dans les locaux de la police.
(08-03-2013 - Danièle Kriegel)
"Assawra"