Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

CHANTS REVOLUTIONNAIRES

Archives

15 juin 2012 5 15 /06 /juin /2012 12:10

                                                                     CERVEAU.gif

 

 

 

 

Quel altermondialisme ?

jeudi 14 juin 2012, par Samir Amin

La forme actuelle de la mondialisation a peu à offrir à la grande majorité des peuples du Sud : profitable pour une minorité de personnes, elle exige en contrepartie la paupérisation des autres, en particulier des sociétés paysannes, qui rassemblent près de la moitié de l’humanité. A l’échelle globale, la logique du profit entraîne la progressive destruction des bases naturelles de la reproduction de la vie sur la planète. Avec la privatisation des services publics, elle réduit aussi les droits sociaux des classes populaires. Au vu de cette réalité, le capitalisme, dont la mondialisation est l’expression contemporaine, devrait être considéré comme un système obsolète.

Cependant, la majorité des mouvements qui luttent contre ses effets remettent de moins en moins en question ses principes fondamentaux, ce qui hypothèque leur capacité de proposer des solutions alternatives pourtant à la fois nécessaires et possibles. Celles-ci devraient associer, et non dissocier, la démocratisation de la gestion de tous les aspects de la vie – politique, économique, sociale, écologique et familiale – à des progrès bénéficiant à tous les citoyens, en commençant par les plus démunis. Ces solutions de rechange devraient aussi impliquer le respect de la souveraineté des Etats, des nations et des peuples, et la construction d’un système international polycentrique afin de substituer aux rapports de forces l’obligation de la négociation.

Dans cette perspective, il faudrait proposer la création d’autres institutions internationales que celles actuellement en place, et qui sont fort souvent au service exclusif du capital financier : l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale, l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) et même l’Union européenne (UE) telle qu’elle fonctionne actuellement. Sans parler de projets régionaux tels que la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA, Alca en espagnol) et les accords entre l’UE et les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique).

Cette remise en cause n’a de sens que si elle vise également l’ambition des Etats-Unis, soutenus par leurs alliés, d’établir leur hégémonie militaire sur l’ensemble de la planète. A cet égard, le Proche-Orient apparaît comme une région de « première frappe » américaine pour quatre raisons :

. il recèle les ressources pétrolières les plus abondantes, et son contrôle donnerait à Washington une position privilégiée, plaçant aussi bien ses alliés (l’Europe et le Japon) que ses rivaux éventuels (la Chine) dans une position inconfortable de dépendance énergétique ;

. il est situé au cœur de l’Ancien Monde et facilite l’exercice de la menace militaire contre la Chine, l’Inde et la Russie ;

. il vit une période d’affaiblissement et de confusion qui permet à l’agresseur de s’assurer d’une victoire facile, au moins dans l’immédiat ;

. les Etats-Unis y disposent d’un allié sûr, Israël, qui possède l’arme nucléaire.

La mise en œuvre de ce projet est avancée : la Palestine, l’Irak, l’Afghanistan sont occupés, et la Syrie et l’Iran menacés après le Liban. Toutefois, en dehors même de l’Irak et de l’Afghanistan, où l’échec d’une telle ambition est patent, sa faillite est également visible ailleurs : ainsi, au Liban, la résistance du Hezbollah a donné du fil à retordre à une armée israélienne pourtant aguerrie et suréquipée grâce au pont aérien établi à partir de la base américaine de Diego Garcia, dans l’océan Indien. Tous les efforts des Etats-Unis et de l’Europe visent donc à imposer le désarmement de cette force de résistance que constitue le Hezbollah libanais, afin de permettre à une éventuelle nouvelle invasion menée par Israël de déboucher sur une victoire facile.

Dans ce cadre également, il faut en finir avec l’hypocrite invocation, à l’endroit exclusif de l’Iran, du traité de non-prolifération nucléaire (TNP). L’indispensable dénucléarisation doit s’appliquer à tous, en commençant par les pays suréquipés, Etats-Unis et Russie en tête, sans oublier l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord et Israël (non signataires du traité).

Dans ce contexte explosif, à l’heure où se tient, du 20 au 25 janvier à Nairobi (Kenya), le Forum social mondial, la radicalisation des luttes n’est cependant pas l’option choisie par de nombreux mouvements sociaux. Cela au nom du nécessaire réalisme et du souci de ne pas s’isoler dans une chapelle d’extrême gauche. D’autant que, une fois de plus, de petites minorités radicales risquent d’être tentées de s’autoproclamer « avant-gardes », de refuser toute critique et de fermer les yeux devant les transformations rapides qui affectent les sociétés contemporaines.

L’échec de la première vague historique d’expériences conduites au nom du « socialisme » étant avéré, le capitalisme apparaît à beaucoup, et par défaut, comme un horizon indépassable. Les mouvements populaires se résignent donc souvent à donner à leurs luttes des objectifs modestes : faire reculer le néolibéralisme certes, mais pour promouvoir seulement des alternatives s’apparentant à la gestion d’un capitalisme « à visage humain ».

Nombre de militants – surtout en Europe et aux Etats-Unis – ne croient pas non plus que les luttes puissent s’inscrire dans le système des nations, cadre qui, selon eux, aurait perdu toute pertinence. Et comme nation et Etat sont largement indissociables, ils développent des stratégies qui ignorent délibérément la question du pouvoir d’Etat, pour la remplacer par le combat au sein de la « société civile » et le dénigrement de la « politique des partis ». Cette attitude est particulièrement répandue sur le Vieux Continent, où beaucoup se donnent comme priorité de « sauver l’Europe ». Comme si, même à moyen terme, l’Europe pouvait être autre chose que ce qu’elle est.

Face à ces défis, l’altermondialisme, c’est-à-dire le projet de construire « un autre monde possible », se décline au pluriel. Il existe un altermondialisme qu’on pourrait qualifier de « mou », qui inspire des prises de position que l’on retrouve aussi bien dans les sociétés opulentes (un certain « écologisme radical ») que dans celles de pays pauvres aux abois (avec les fondamentalismes parareligieux ou paraethniques). Un altermondialisme progressiste ne saurait, lui, s’engager dans de telles voies. Même s’il lui faut procéder à une indispensable lecture critique des limites des expériences des gauches contemporaines.

Entre les deux se situerait un altermondialisme dont les partisans se recrutent dans les classes moyennes des pays riches, sont critiques du mode d’existence que propose le capitalisme, parfois un peu nostalgiques du passé lointain, mais peu intéressés par les préoccupations réelles des classes populaires, celles de leur propre pays, et encore plus celles du Sud, où leur altermondialisme « modéré » est souvent incompris. Mais, paradoxalement, et ne serait-ce que par leur accès plus facile aux moyens financiers, ils semblent surreprésentés au sein des Forums sociaux mondiaux ou régionaux, et parfois perçus comme des freins au renforcement des luttes populaires.

Malgré ces différences, qui après tout constituent l’une des grandes richesses de la galaxie altermondialiste, et face au danger principal que représente la possibilité de nouvelles guerres préventives menées par les Etats-Unis, tout l’éventail de l’altermondialisme, du plus radical au plus modéré, devrait unir ses efforts. C’est l’unique moyen de construire enfin cet autre monde possible que chacun réclame de ses vœux.

Samir Amin
Economiste, président du Forum mondial des alternatives. (Le Monde diplomatique - Janvier 2007)

 

                                      site: Assawra

 

Partager cet article
Repost0
15 juin 2012 5 15 /06 /juin /2012 12:02

                                                                           MARE NOSTRUM-copie-1

 

 

 

Appel des associations démocratiques et organisations politiques tunisiennes

jeudi 14 juin 2012, par La Rédaction

Appel des associations démocratiques et organisations politiques tunisiennes
Pour l’arrêt des exactions des salafistes et des nervis et
Contre les menaces exercées sur les libertés en Tunisie
Pour le défense des libertés individuelles
Contre la guerre de religion imposée par les salafiste

(Paris le 13 juin 2012)

**

Les associations et organisations politiques démocratiques tunisiennes en France, appellent à un rassemblement, prés de l’Ambassade de Tunisie pour condamner les violences perpétrées simultanément, ces deux derniers jours, par des nervis et des groupes extrémistes religieux.

Après avoir sévi ces derniers temps, entre autres, contre les journalistes, les intellectuels, syndicalistes, les enseignants, les militants démocrates et les artistes, les salafistes et les nervis ont détruit et lacéré des œuvres d’art, jugées blasphématoires, lors d’une exposition intitulée « le Printemps des Arts » au palais d’Abdellia, à la Marsa.

Les violences se sont ensuite propagées, dans les quartiers populaires de la ville de Tunis : Intilaka, Ettadhamen et Essijoumi, ainsi que dans les villes de la banlieue nord : La Marsa, Carthage et le Kram, semant la panique et le désarroi durant la nuit. Elles ont également atteint les gouvernorats de Jendouba, Sousse, Monastir et Tatouine. Suite à quoi, un couvre-feu nocturne a été institué à Tunis et dans quatre régions.

Ces groupes se sont aussi attaqués au Tribunal de Tunis à Essejoumi, où ils ont incendié le bureau du procureur. A Jendouba, ville du nord-ouest tunisien, des groupes salafistes ont incendié le siège régional du syndicat U.G.T.T. (Union Générale Tunisienne du Travail) et les sièges de trois partis politiques : le parti communiste des ouvriers de Tunisie, le mouvement des patriotes démocrates et le parti républicain. Il faut rappeler que les groupes salafistes accompagnés de casseurs, ont déjà attaqué à Jendouba plusieurs locaux de la police et des débits de boissons alcoolisées. Ces groupes bénéficient depuis plusieurs mois, d’une réelle impunité, et ce malgré la gravité de leurs actes.

Les signataires de cet appel dénoncent ces actes graves, attentatoires aux libertés et à la démocratie qui surviennent après l’appel, relayé par des chefs salafistes tunisiens, du chef d’Al-Qaïda, Aymen Adhawahiri, au soulèvement des Tunisiens pour l’instauration de la Charia en Tunisie.

Ils condamnent ceux qui appellent à l’affrontement religieux et qui utilisent illégalement les mosquées comme bases arrière, pour propager leurs discours haineux.

Les signataires exigent du gouvernement, la prise de mesures urgentes, pour neutraliser ces semeurs de troubles, violents et intolérants, qu’ils soient d’ailleurs, salafistes ou casseurs au service des contre-révolutionnaires, et qui s’attaquent à tous ce qui ne partagent pas leurs convictions fascistes.

Nous mettons en garde le gouvernement contre la poursuite de ces violences organisées par des salafistes et des nervis, et lui rappelons qu’il est le garant de la sécurité de toutes les personnes et les biens.

Les signataires refusent que la Tunisie devienne un champ de bataille, ce qui aurait des conséquences désastreuses pour le développement économique et réaffirment la nécessaire ouverture de notre pays, au reste du monde.

Les signataires appellent les démocrates et les défenseurs des droits de l’homme tunisiens de Tunisie ou à l’Étranger, ainsi que nos amis Maghrébins et Machrequins, Français et Européens qui se sont mobilisés avec nous pour chasser le dictateur Ben Ali, à se mobiliser encore une fois, pour la défense de la tolérance, des libertés et de la démocratie en Tunisie.

Cette mobilisation est urgente, pour contrecarrer les violences des salafistes, des casseurs et de leurs commanditaires et pour défendre les libertés ; de création, de croyance et d’expression, de presse, syndicale et associative.

POUR L’ARRET DE LA VIOLENCE DES SALAFISTES ET DES NERVIS EN TUNISIE
POUR LE RESPECT DES LIBERTÉS ET DES DROITS DE L’HOMME EN TUNISIE
POUR LES OBJECTIFS DE LA RÉVOLUTION : DIGNITÉ, TRAVAIL ET LIBERTÉ

**

Premiers signataires : A.D.T.F. ; A.I.D.D.A. ; A.T.N.F. ; Collectif 3C ; C.R.L.D.H.T. ; Ettakatol / France ; F.T.C.R. ; Filigrane ; M.C.T.F. ; P.C.O.T. ; Parti Républicain ; R.E.M.C.C. ; U.T.A.C. ; U.T.I.T. ; Vérité pour Farhat Hached

Et le soutien des Associations : A.C.O.R.T. ; A.M.F. ; C.E.D.E.T.I.M. ; E.M.C.E.M.O. / Pays Bas ; F.C.M.A. ; Le Manifeste des Libertés ; Na’oura / Bruxelles ; R.E.M.D.H. ; SOS Migrants / Bruxelles

Syndicats : C.F.D.T. ; Force Ouvrière ; Union syndicale Solidaires.

Partis : E.E.L.V. ; F.A.S.E. ; N.P.A. ; P.C.F. ; P.G.

 

Partager cet article
Repost0
15 juin 2012 5 15 /06 /juin /2012 10:24

 

     ELECTIONS LEGISLATIVES   17 JUIN       2012 

              deuxième tour

 

 

        PCF/Front de Gauche, LeParti Socialiste, Le Parti Radical de Gauche,   JEAN ZUCCARELLI et François Orlandi

 

             REUNION PUBLIQUE

 

       VENDREDI 15 JUIN 2O12   18 H.

 

            Salle polyvalente de Lupino

 

               Avec Paul Giacobbi

                         et

            DOMINIQUE BUCCHINI

 

 

Partager cet article
Repost0
15 juin 2012 5 15 /06 /juin /2012 07:54

                                                                   CERVEAU.gif

 

 

 

 

 

L’EXTREME DROITE, UNE NEBULEUSE MULTIFORME QUI S’ORGANISE
mardi 5 juin 2012
par  Michel Rogalski

À l’échelle du monde, l’extrême droite prend ses marques et s’enracine au travers d’une nébuleuse multiforme. Ses singularités diffèrent d’un continent à l’autre et reflètent l’histoire et la spécificité des sociétés. Quel que soit son visage, l’extrême droite, presque toujours xénophobe, se nourrit des peurs, des frustrations et des précarités générées et alimentées par la crise. Elle progresse sur des sociétés fragilisées dont les repères et les valeurs sont heurtés. Les gros bataillons ne viennent plus en Europe des groupuscules violents ou paramilitaires et souvent nostalgiques du nazisme qui, tolérés ou non, perdurent encore de façon marginale et folklorique dans la vie politique. Certes, des filiations idéologiques avec cette famille politique peuvent être objectivées pour quelques dirigeants, mais pour l’essentiel le discours, les formes d’action, les milieux influencés se sont tellement modifiés qu’ils inclinent plutôt à penser en termes de ruptures que de continuités.

Le monde arabo-musulman, du Sénégal au Pakistan, soit largement plus d’un milliard d’hommes, a vu se développer en une trentaine d’années des formes d’intégrisme religieux qui s’apparentent à un fascisme vert prenant partout violemment pour cible les forces progressistes et démocratiques et ayant le projet d’imposer la prééminence de principes théocratiques sur l’espace social et politique. En Afrique noire, les sectes évangélistes prospèrent et véhiculent des valeurs rétrogradent, tandis qu’en Amérique latine elles ont toujours été associées aux formes extrêmes des dictatures militaires.

Partout, ces mouvements, surfant sur l’air du temps, ont su tout à la fois faire coaguler des aspirations diverses, utiliser les techniques les plus modernes de la communication de masse et se retrouver à l’aise dans une mondialisation qu’ils leur arrivent parfois de pourfendre. Selon les pays et les situations, les thèmes seront simplifiés et caricaturés par des leaders qui ne s’embarrasseront pas de complexité et chercheront avant tout à déstabiliser le système politique en présentant ses élites comme incompétentes, corrompues, complices de forces obscures menaçant l’intérêt national et insensibles aux besoins du peuple. Les boucs émissaires seront vite trouvés. Ici l’immigré, là le profiteur de l’État-providence ou le fonctionnaire, sauf s’il est policier, douanier ou soldat, car l’ordre musclé n’est jamais rejeté. Ou encore, la région pauvre et paresseuse parasitant la région riche et besogneuse sera montrée du doigt et invitée à se séparer. L’anti-fiscalisme et le rejet de l’Etat-providence seront mis en avant, notamment dans un continent comme l’Europe où l’Etat a toujours été affirmé et tenu pour responsable des solidarités nécessaires. Ailleurs, la présence d’une forte immigration habilement associée à une montée de l’insécurité, vraie ou fantasmée, sera un effet d’aubaine. On assiste même aujourd’hui à des tentatives de réhabilitation de la colonisation en exaltant ses soi-disant bienfaits, suggérant par là qu’il ne s’agissait que de civiliser des « barbares » qui devraient nous en être reconnaissants. Des sentiments identitaires caractériseront souvent cette mouvance. Flattés à l’échelon national, ils nourriront une forme nationaliste d’opposition à l’Europe et à la mondialisation ainsi qu’à l’idéologie qui l’accompagne, le mondialisme. Mais déclinés sur un mode régionaliste voire séparatiste, ils remettront en cause le modèle national en se jouant de l’Europe flattant les régions.

À l’évidence, ce fonds de commerce prospère. Mais centré sur des identités et des particularismes, il peine à se constituer en internationale effective à l’échelle du monde et arrive difficilement à tisser des réseaux de relations efficaces au-delà de l’horizon continental, comme c’est le cas au Parlement européen. On imagine en effet mal des intégrismes religieux se mettre à coopérer, même s’ils s’alimentent l’un l’autre.

L’idéologie de l’extrême droite est finalement assez simple : il faut préserver. Qu’il s’agisse de la race, de la nation ou de la civilisation face au « barbare » qui est aux portes ou déjà à demeure ; ou bien des valeurs ancestrales menacées - travail, famille, religion -, de l’ordre établi bousculé par toute évolution de société. Il faut défendre tout cela parce qu’on s’est persuadé que c’était ce qu’il y avait de meilleur, donc de supérieur aux autres. Il faudra même lutter contre la science si elle en vient à contredire nos convictions profondes, notamment religieuses. Au cœur de cette idéologie se niche la haine de l’autre et la conviction que l’homme est un loup pour l’homme. Le recours à l’affrontement, à la tension, voire à la guerre, ou la construction de dangers, de menaces ou d’ennemis, seront systématiquement recherchés pour entretenir une cohésion sociale ou communautaire contre « les autres ». On comprend combien ces « idées », ces phobies ou ces croyances rentrent en totale opposition avec toute avancée progressiste porteuse de valeurs de solidarité et de progrès. Le choc ne peut être que frontal et sans concessions.

Les stratégies seront diverses. Pour certains une posture d’alliance avec la droite conservatrice sera privilégiée et permettra une participation au pouvoir (Autriche, Italie, Pays-Bas, Portugal). Pour d’autres, faute d’avoir réussi à se rendre fréquentable, la perspective tracée sera celle de la déstabilisation du système politique perçu comme obstacle à toute avancée vers le pouvoir. Mais, dans tous les cas de figure, posture d’affrontement ou participation, l’effet sera le même, celui d’une droitisation de la société et du recul des valeurs progressistes. Montée des égoïsmes, repli individuel, abandon des acquis sociaux, recul des solidarités, refus des différences, recherche de boucs émissaires, traduiront le déplacement du curseur idéologique.

C’est dans la violence que la mondialisation a imposée aux peuples et aux Etats que réside probablement la cause principale de ce bouleversement du paysage politique. Ses effets délétères ont ravagé les souverainetés nationales garantes des protections que l’Etat devait à ses populations, et de la préservation des identités de chaque pays. Le spectacle de gouvernements successifs incapables d’agir efficacement sur des problèmes considérés comme essentiels et se retranchant derrière la contrainte externe pour se disculper de leur inaction ou de leur incapacité à obtenir des résultats, a créé le terreau sur lequel a germé ces postures xénophobes et identitaires. La précarité et le chômage se sont développés sur une grande échelle touchant d’abord les plus démunis et les plus exposés et affolant des classes moyennes craignant d’être happées dans le désastre. Ces dernières catégories constituent le socle le plus fidèle de cette droite extrême car elles reprochent à ceux d’en haut de donner à ceux d’en bas avec leur argent, au risque de les déstabiliser. C’est pourquoi toute solidarité et assistance sont bannies de leur horizon mental.

Bien qu’embarrassant à la fois la droite traditionnelle et la gauche, cette montée identitaire et xénophobe lance un défi particulier à cette dernière qui n’a pas su offrir une alternative crédible à ces bataillons ouvriers et populaires qui l’ont abandonnée. L’absence de vraies réponses de la part de la gauche, au programme peu audible car insuffisamment différencié de celui de la droite et suggérant un consensus mou sur la mondialisation, la construction européenne, le social, la réponse à la crise, ont favorisé l’illusion d’un système pipé dont il fallait sortir par l’extrême droite. Celle-ci a su accueillir ces ruisseaux de mécontents et transformer leur démarche protestataire en vote de conviction et d’adhésion par définition moins versatile. Regagner ces voix, voire arrêter l’hémorragie, ne sera donc pas tâche facile. Redonner sens au clivage gauche/droite, ne pas confondre social avec sociétal, être clair sur les couches dont on défend les intérêts et intransigeants sur toute dérive xénophobe deviendront très vite des postures incontournables pour les forces politiques se réclamant de la transformation sociale.

Michel Rogalski est économiste (CNRS) et Directeur de la revue Recherches internationales http://www.recherches-internationales.fr


Partager cet article
Repost0
15 juin 2012 5 15 /06 /juin /2012 07:40

                                                                      CERVEAU.gif

 

 

Aller voir Gramsci dans le texte !
Mardi 12 juin 2012

Antonio GRAMSCI, Guerre de mouvement et guerre de position, Textes choisis et présentés par Razmig Keucheyan, La fabrique éditions, 344 pages, 17 €, février 2012. 
Les premières traductions en français de Gramsci datent des années 1950, suivies d’anthologies aujourd’hui épuisées et des Cahiers de prison en 5 volumes. C’est dire que l’accès direct aux textes est peu répandu parmi les militants qui pourtant savent l’importance de ce théoricien. Un ouvrage accessible, composé d’extraits des Cahiers, est non seulement un pari éditorial à saluer mais surtout l’occasion d’inviter le plus grand nombre à « aller voir »…
Les références à l’hégémonie, aux intellectuels organiques, à la forme-parti, au césarisme, au bloc historique…. parsèment les discours, à commencer par ceux de votre journal ! Il est temps, pour ceux qui en éprouvent le besoin mais pourraient se sentir « intimidés » ou se contenter de lire Alain Badiou, de se plonger dans ces textes. Il restera quelques difficultés pour le lecteur français, dues au fait que les références immédiates de Gramsci sont mal connues, qu’il s’agisse de la pensée de Croce, en particulier, ou de l’histoire de la péninsule italienne depuis Rome. Il faudra compter avec l’aide de la présentation et des notes de R. Keucheyan (maître de conférences à Paris IV) et d’un index thématique indispensable pour faire le lien entre des notions reprises d’un cahier à l’autre à des stades différents (on se souvient que Gramsci a fait sortir les feuilles de sa geôle au coup par coup, de 1928 à sa mort en 1937).
En revanche, les prolongements de ces textes sont innombrables pour stimuler notre analyse de la situation présente. Pour l’illustrer, je me bornerai à faire trois citations correspondant à trois moments des « Cahiers ».

Sur les crises du capitalisme dans un contexte de division internationale du travail, après avoir considéré que le développement du capitalisme constitue une « crise continuelle » ponctuée d’événements traduisant des déséquilibres plus ou moins graves, il écrit avec prescience : « Mais le problème fondamental est celui de la production ; et, dans la production, le déséquilibre entre industries en expansion (dans lesquelles le capital constant est allé en augmentant) et industries stationnaires (où la main-d’œuvre immédiate a beaucoup d’importance). Une stratification entre industries en expansion et industries stationnaires se produisant aussi au niveau international, on comprend que les pays où les industries en expansion surabondent aient davantage ressenti la crise, etc. De là, diverses illusions dues au fait qu’on ne comprend pas que le monde est, qu’on le veuille ou non, une unité, et que tous les pays, vivant sur un certain type de structure, passeront par certaines ”crises”. » (p. 251)

Sur les rapports de la théorie et de la pratique : « Si se pose le problème d’identifier théorie et pratique, il se pose en ce sens : construire, sur une pratique déterminée, une théorie qui, coïncidant et s’identifiant avec les éléments décisifs de la pratique elle-même, accélère le processus historique en acte, en rendant la pratique plus homogène, plus cohérente, plus efficace dans tous ses éléments, c’est-à dire en la renforçant au maximum ; ou bien, étant donné une certaine position théorique, organiser l’élément pratique indispensable à sa mise en œuvre? L’identification de la théorie et de la pratique est un acte critique, par lequel on démontre que la pratique est rationnelle et nécessaire ou la théorie réaliste et rationnelle. Voilà pourquoi le problème de l’identité et de la pratique se pose surtout dans certaines périodes historiques, dites de transition, c’est-à-dire au mouvement de transformation plus rapide […] » (p. 258)

Sur la « nouvelle culture » que peuvent diffuser les intellectuels, c’est-à-dire précisément sur le rôle d’éducation populaire tel que nous l’entendons ici : « Créer une nouvelle culture ne signifie pas seulement faire individuellement des découvertes ”originales”, cela signifie aussi, et spécialement, répandre de façon critique les découvertes déjà faites, les ”socialiser” pour ainsi dire, et par conséquent faire qu’elles deviennent autant de bases pour des actions vitales, en faire un élément de coordination et d’ordre intellectuel et moral.. Qu’une masse d’hommes soit conduite à penser de façon cohérente et sur un mode unitaire le réel présent, c’est un fait ”philosophique” bien plus important et ”original” que ne peut l’être la trouvaille, de la part d’un ”génie” philosophique, d’une vérité nouvelle et qui reste le patrimoine des petits groupes intellectuels. » (p. 102)

Partager cet article
Repost0
15 juin 2012 5 15 /06 /juin /2012 07:35

                                                                     

  CERVEAU.gif

 

 

 

 

L’immigration en France : de la rhétorique xénophobe à la réalité des chiffres
 
Par Salim Lamrani
Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris Sorbonne-Paris IV, Salim Lamrani est enseignant chargé de cours à l’Université Paris Sorbonne-Paris IV, et l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée, et journaliste, spécialiste des relations entre Cuba et les Etats-Unis.
 
En France, l’instrumentalisation de la question migratoire a historiquement été le fait de l’extrême droite. Désormais, la digue républicaine a été rompue par la droite traditionnelle qui n’hésite plus à reprendre cette thématique et à stigmatiser les immigrés. Face à ce discours de conviction ou de circonstance destiné à désigner un bouc émissaire à la crise économique et sociale qui ravage l’Europe, il est intéressant de confronter la rhétorique à la réalité des chiffres.
En France, en pleine campagne électorale pour les législatives du 10 et 17 juin 2012, la droite et l’extrême droite ont axé leur discours sur le thème de l’immigration et la peur de l’étranger. Marine le Pen, présidente du Front National (FN - extrême droite) et l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP - droite) sont unanimes à ce sujet : le principal problème de la France serait l’immigré, responsable des difficultés économiques et sociales du pays, à savoir le déficit public et le chômage.
De façon classique, Marine le Pen accuse l’immigration, officiellement évaluée à 200 000 entrées par an, d’être responsable de tous les maux : « L’immigration représente un coût important pour la communauté nationale[1] ». Elle s’est donc engagée à la réduire de 95%, c’est-à-dire à la limiter à 10 000 entrées par an[2].
Lors de la campagne présidentielle, le candidat de l’UMP, Nicolas Sarkozy, dont le conseiller privilégié Patrick Buisson est un transfuge de l’extrême droite, n’avait pas hésité à reprendre le discours de l’extrême droite et à dénoncer l’invasion migratoire en provenance d’Afrique : « Si les frontières extérieures de l’Europe ne sont pas protégées contre une immigration incontrôlée, contre les concurrences déloyales, contre les dumpings, il n’y aura pas de nouveau modèle français et il n’y aura plus de civilisation européenne. Si nous avons fait l’Europe, c’est pour être protégés, pas pour laisser détruire notre identité et notre civilisation[3] ».
Pour l’UMP, les problèmes de la France s’expliqueraient par la présence trop nombreuse de la population étrangère en France. Le président-candidat Sarkozy avait insisté à ce sujet : « Nous subissons les conséquences de cinquante années d’immigration[4] ». Selon l’UMP, qui s’est engagé à diminuer par deux le chiffre de l’immigration légale[5], « il y a trop d’immigrés en France[6] ».
Les chiffres de l’immigration
Ainsi, selon les thuriféraires de « l’identité nationale », le chômage et les déficits publics seraient dus au nombre trop élevé d’immigrés en France. Il convient à présent d’analyser les chiffres de l’immigration légale afin d’évaluer la validité de cette assertion.
Tout d’abord, contrairement à ce qu’affirme Marine le Pen, la France n’est pas la première destination des immigrants en Europe mais la cinquième, derrière le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne[7].
Par ailleurs, l’immigration européenne, le regroupement familial et les étudiants étrangers représentent 80% de l’immigration totale en France. Il est ainsi impossible pour l’Etat français d’agir sur les deux premiers groupes sans contrevenir aux conventions internationales et notamment à la Convention européenne des droits de l’homme pour ce qui est du regroupement familial. La seule marge de manœuvre possible concerne le nombre d’étudiants. Or il est difficile d’imaginer la nation française fermer ses portes à cette catégorie et à se priver ainsi de ce qui fait son rayonnement international, à savoir l’attractivité de ses universités. En effet, 41% des doctorants en France sont des étudiants étrangers[8].
Selon les chiffres de l’Office français pour l’immigration et l’intégration, parmi les 203 017 étrangers (hors Union européenne) accueillis en 2010, se trouvaient 84 126 personnes concernées par le regroupement familial (41,4%), 65 842 étudiants (32,4%) et 31 152 immigrés économiques (26,2%). On découvre ainsi que l’immigration économique n’arrive qu’en troisième position[9].
 En réalité, l’immigration est une nécessité économique pour la France. En effet, les allégations concernant l’impact négatif des flux migratoires sur l’économie française (chômage et déficit) sont contredites par la réalité des statistiques. Une étude du Ministère des Affaires sociales portant sur le coût de l’immigration sur l’économie nationale révèle que les immigrés, loin de plomber le budget des prestations sociales, rapportent chaque année aux finances publiques la somme de 12,4 milliards d’euros, contribuant ainsi à l’équilibre du budget national et au paiement des retraites. Ainsi, ces derniers reçoivent de l’Etat 47,9 milliards d’euros (retraites, aides au logement, RMI, allocations chômage, allocations familiales, prestations de santé, éducation) et versent 60,3 milliards (cotisations sociales, impôts et taxes à la consommation, impôts sur le revenus, impôts sur le patrimoine, impôts locaux, contribution au remboursement de la dette sociale – CRDS et contribution sociale généralisée – CSG). Ce solde amplement positif détruit l’argumentaire du FN et de l’UMP au sujet de l’immigration[10].
Les professeurs Xavier Chojnicki et Lionel Ragot, auteurs de l’étude, se montrent même favorables à une « politique migratoire plus ambitieuse » laquelle « contribuerait à une réduction du fardeau fiscal du vieillissement démographique » :
L’immigration a bien des effets sur les finances de la protection sociale en France. Ceux-ci sont globalement positifs. […] L’immigration, telle qu’elle est projetée dans les prévisions officielles, réduit le fardeau fiscal du vieillissement démographique. En son absence, le besoin de financement de la protection sociale à l’horizon du siècle augmente de 2 points de PIB, passant de 3% à environ 5% du PIB[11].
En outre, selon cette étude, il convient d’ajouter à ce solde positif net de 12 milliards d’euros par an d’autres revenus non monétaires d’une grande importance économique et sociale. Ainsi, les 5,3 millions de résidents étrangers établis en France (11% de la population) occupent dans leur immense majorité des emplois dont les Français ne veulent pas. Par ailleurs, 90% des autoroutes ont été construites et sont entretenues avec de la main-d’œuvre étrangère. Enfin, les prix à la consommation pour les produits agricoles, par exemple, seraient bien plus élevés sans les immigrés, ces derniers recevant souvent un salaire inférieur à celui des citoyens français[12].
De la même manière, dans le domaine de la santé, plus de la moitié des médecins hospitaliers présents dans les banlieues françaises sont d’origine étrangère. Il en est de même dans d’autres secteurs. Ainsi, 42% du personnel des entreprises de nettoyage est issu de l’immigration et 60% des ateliers de mécanique automobile de la région parisienne appartiennent à des entrepreneurs étrangers[13].
Le Comité d’orientation des retraites note, au contraire, que « l’entrée de 50 000 nouveaux immigrés par an permettrait de réduire de 0,5 point de PIB le déficit des retraites[14] ». L’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), qui regroupe les 34 pays les plus développés, estime de son côté que les immigrés jouent un « rôle décisif dans la croissance économique à long terme[15] ».
Ainsi, la rhétorique xénophobe visant à stigmatiser les populations issues de la diversité ethnique de la planète ne résiste pas un seul instant à l’analyse scientifique. L’immigration, loin d’être un fléau pour la société française, est au contraire une nécessité économique vitale.
Le Front de Gauche contre le Front National
Le Front de Gauche (FDG), qui est devenu en l’espace de trois ans la quatrième force politique du pays, dénonce ouvertement la stigmatisation des populations immigrées et affronte le FN et l’UMP sur ce terrain. Jean-Luc Mélenchon, porte-parole du FDG, a condamné les positions de la droite et de l’extrême droite : « Le problème de la France, ce n’est pas l’immigré, c’est le financier. Ce n’est pas l’immigré qui ferme l’usine. Ce n’est pas l’immigré qui condamne les autres à la pauvreté. C’est le capital financier et ses chiens de garde du Front national[16] ».
Dans son rapport annuel, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, organe du Conseil de l’Europe, a dénoncé la banalisation du discours hostile aux immigrés de la part des hommes politiques. « La réduction des prestations sociales, la diminution des offres d’emploi et l’augmentation conséquente de l’intolérance à l’égard des groupes d’immigrés et des minorités historiques » constituent des « tendances inquiétantes[17] ».
Au lieu d’aborder les questions fondamentales du partage des richesses et de la réduction des inégalités économiques et sociales, l’extrême droite française – désormais rejointe par la droite – préfère surfer sur la haine de l’étranger. En se basant sur des convictions racistes, elles stigmatisent ainsi une population, nommément celle originaire d’Afrique du nord et d’Afrique subsaharienne, et la rendent – à tort – responsable des ravages engendrés par l’application dogmatique de la doctrine ultralibérale.

 
Article original en portugais : http://operamundi.uol.com.br/conteudo/opiniao/22276/imigracao+na+franca+da+retorica+xenofoba+a+realidade+dos+numeros+.shtml

Notes

[1] Front national, « Immigration : stopper l’immigration, renforcer l’identité française ». http://www.frontnational.com/le-projet-de-marine-le-pen/autorite-de-letat/immigration/  (site consulté le 1er juin 2012).
[2] Samuel Laurent, « Sarkozy-Le Pen : ce que rapproche leurs programmes, ce qui les sépare », Le Monde, 26 avril 2012.
[3] Nicolas Sarkozy, « Discours de Nicolas Sarkozy, Place de la Concorde », 15 avril 2012. http://www.lafranceforte.fr/medias/presse/discours-de-nicolas-sarkozy-place-de-la-concorde-dimanche-15-avril-2012  (site consulté le 2 juin 2012).
[4] Nicolas Sarkozy, « Discours de Grenoble », 30 juillet 2010. http://videos.tf1.fr/infos/2010/le-discours-de-nicolas-sarkozy-a-grenoble-dans-son-integralite-5953237.html  (site consulté le 2 juin 2012)
[5] Le Point, « Sarkozy répète qu’il y a ‘trop’ d’immigrés en France », 1er mai 2012.
[6] Le Monde, « ‘Il y a trop d’immigrés en France’, a déclaré Sarkozy sur RMC/BFMTV », 1er mai 2012.
[7] Cédric Mathiot, « Non, la France n’est pas le pays d’Europe qui accueille le plus d’immigration », Libération, 28 mars 2012.
[8] Le Monde, « Les étudiants étrangers constituent 41% des doctorants en France », 31 mai 2012.
[9] Office Français de l’immigration et de l’Intégration, « Rapport d’activité 2010 », juin 2011, p. 50. http://www.ofii.fr/IMG/pdf/OFII-RapportActivites_2010-Client-150DPI-FeuilleAF.pdf  (site consulté le 2 juin 2012).
[10] Juan Pedro Quiñonero, « Les très bons comptes de l’immigration », Courrier International, 2 décembre 2010. http://www.courrierinternational.com/article/2010/12/02/les-tres-bons-comptes-de-l-immigration  (site consulté le 26 avril 2012).
[11] Xavier Chojnicki et Lionel Ragot, « Immigration, vieillissement démographique et financement de la protection sociale : une évaluation par l’équilibre général calculable appliqué à la France », Centre d’études prospectives et d’informations internationales, mai 2011, n° 2011-13, p. 41. http://www.cepii.fr/francgraph/doctravail/pdf/2011/dt2011-13.pdf  (site consulté le 2 juin 2012)
[12] Juan Pedro Quiñonero, « Les très bons comptes de l’immigration », op. cit
[13] Ibid.
[14] Ibid.
[15] Organisation de coopération et de développement économique, « Perspectives des migrations internationales », 2010. http://www.oecd.org/document/42/0,3746,fr_2649_201185_45626986_1_1_1_1,00.html  (site consulté le 2 juin 2012).
[16] Jean-Luc Mélenchon, « Discours de Strasbourg », 22 mai 2012. http://www.dailymotion.com/video/xr0h1l_j-l-melenchon-discours-de-strasbourg_news  (site consulté le 2 juin 2012).
[17] Le Monde, « Le Conseil de l’Europe s’alarme de la montée des discours xénophobes », 3 mai 2012.
Partager cet article
Repost0
15 juin 2012 5 15 /06 /juin /2012 07:24

 

                                                                 MARE NOSTRUM-copie-1

 

 

Contrecoups imprévus de la guerre livrée aux Palestiniens
David et Goliath ou le mythe historique inversé

mardi 12 juin 2012, par Shlomo Sand

Depuis l’origine de son entreprise de colonisation, il y a à peu près un siècle, le mouvement sioniste, et l’Etat d’Israël par la suite, s’est vu comme une minorité persécutée et faible, aspirant à se faire une place au soleil. Brandissant la Bible comme droit de propriété et portant en bandoulière le terrible capital de souffrance des pogroms et des massacres nazis, le projet sioniste a réussi au-delà de tout pronostic : il a fondé un « petit Etat juif » au cœur et aux dépens d’une population arabe infiniment supérieure en nombre.

De nos jours, les historiens savent que, dès la guerre de 1948, le rapport des forces militaires penchait déjà en faveur du jeune Etat, bien au-delà de la représentation que s’en firent les premiers Israéliens. Lors des trois guerres suivantes : 1956, 1967 et 1973, la puissance des forces armées israéliennes s’était encore notablement accrue et, à l’aide d’armements fournis par la France puis par les Etats-Unis, elle s’imposa face aux forces arabes qui lui étaient opposées.

Toutefois, depuis la guerre de Kippour, en 1973, l’armée israélienne n’est manifestement plus confrontée à une menace militaire sérieuse ; et de même, depuis lors, l’existence d’Israël ne s’est plus trouvée en danger. Les pilotes de l’armée israélienne ont cessé, depuis longtemps, d’accomplir des missions de combat ; à l’instar de la majorité des soldats, ils effectuent essentiellement des tâches de police. Force est de reconnaître que les principales missions dévolues à l’armée d’Israël, dotée des armes américaines les plus sophistiquées (chasseurs-bombardiers, drones, fusées guidées, tanks, gilets pare balles…) consistent à réprimer la population des territoires occupés qui de temps à autre tente, de façon désespérée et violente, de se révolter contre son triste sort.

« Tout Etat normal a le droit de défendre ses frontières et de répliquer lorsqu’il subit des bombardements de roquettes », affirment les porte-parole d’Israël dans leurs vibrantes justifications de l’agression brutale contre Gaza. « Certes », pourrait répondre le premier contradicteur venu, « mais tout Etat normal sait aussi où sont ses frontières ! ». Or, Israël ne satisfait pas à ce critère de logique politique de base. Depuis 1967, il n’a pas cessé d’implanter des colonies dans des territoires qui ne sont pas reconnus comme lui appartenant, tout en se gardant, par ailleurs, de les annexer juridiquement afin de ne pas devoir accorder l’égalité civique à leurs habitants.

Si, jusqu’en 2002, Israël a pu justifier l’occupation de ces territoires au motif que le monde arabe n’est pas disposé à reconnaître son existence, cette ligne de défense rhétorique est tombée lorsque la Ligue arabe, incluant l’Organisation de la libération de la Palestine (OLP), a déclaré reconnaître Israël dans les frontières de 1967. L’Etat d’Israël n’a aucunement relevé ce défi diplomatique que tous ses dirigeants ont superbement ignoré. Il s’est retranché derrière une haute muraille de béton, tout en continuant de mordre dans les terres palestiniennes, d’élargir ses colonies et de maintenir son contrôle et sa présence militaires sur toute la Cisjordanie

« Nous sommes sortis de Gaza », affirme Israël. « Alors, pourquoi les Palestiniens continuent-ils de nous attaquer à partir de là ? ». En fait, le retrait israélien de Gaza n’a constitué ni un geste envers les Palestiniens ni un premier pas vers la paix. Bien au contraire ! Tout comme M. Ehoud Barak a effectué le retrait du Liban sans accord afin de se soustraire à toute discussion sur l’évacuation du plateau du Golan, M. Ariel Sharon est sorti de la bande de Gaza pour ne pas avoir à conclure avec les Palestiniens un accord de paix qui aurait également comporté l’évacuation complète de la Cisjordanie et la renonciation à la partie arabe de Jérusalem. En fin de compte, les habitants du sud d’Israël qui subissent les bombardements de roquettes paient le prix fort pour préserver l’intégralité et la tranquillité des colonies.

En vérité, Israël n’a jamais réellement quitté Gaza et n’a jamais accordé aux Palestiniens qui y résident ne serait-ce qu’un semblant de souveraineté. Dès l’origine, l’intention était de créer une vaste « réserve indienne » enclose, préfigurant l’instauration d’autres « réserves » similaires en Cisjordanie ; au cœur d’Eretz Israël. Si les Palestiniens disposaient au moins d’une authentique poignée de souveraineté sur une parcelle de territoire, ils ne se verraient pas accusés d’introduire en contrebande des armes dans une zone relevant officiellement de leur autorité ; ils le feraient en pleine légalité et Israël serait obligé de reconnaître la légitimité de leur Etat. En fait, Israël récuse toute notion d’égalité, même fictive, entre elle-même et les Palestiniens : elle leur dénie tout droit de se défendre. Le droit de se défendre doit demeurer un privilège israélien exclusif. C’est ainsi qu’Israël a catégoriquement rejeté la proposition faite par le Hamas d’une accalmie générale, incluant la Cisjordanie, où l’Etat hébreu continuait de pratiquer sans retenue les « assassinats ciblés » de Palestiniens armés. Il est donc reconnu et admis que le droit d’Israël « de se défendre » implique la neutralisation totale de toute force de résistance palestinienne.

Ce fut pour Israël une véritable aubaine de voir le Hamas remporter à Gaza les élections dont le caractère légal et régulier a été reconnu. Le refus de l’OLP d’accepter le verdict des urnes entraîna la scission du camp national palestinien et la création de deux zones d’influences distinctes. Gaza s’en trouva plus isolée, plus étranglée, plus violente et, surtout, plus ostracisée aux yeux du monde occidental. En Cisjordanie, où l’on souriait encore à Israël, des pourparlers de paix s’ouvrirent avec les Palestiniens « modérés ». L’humiliation et l’absence de contenu effectif des interminables discussions avec l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas ne suscitèrent pas la moindre tendance au compromis et eurent pour seul effet de conforter le Hamas intransigeant. Tout Palestinien raisonnable est à nouveau porté à se dire qu’Israël n’a cessé de duper l’Autorité palestinienne, administrant la preuve que le seul langage qu’il entende est bien celui de la force.

« Le pouvoir corrompt, et le pouvoir absolu corrompt absolument », a déclaré, en son temps, Lord Acton. Israël dispose d’un pouvoir absolu comme vient de l’illustrer sa récente agression contre Gaza. Israël a également montré que, pour économiser la vie des « soldats juifs », elle est prête à sacrifier plusieurs centaines de civils « non juifs ». La majorité des victimes à Gaza ont été des femmes, des enfants, des vieillards. La plupart des combattants Palestiniens ont été tués dans les bombardements aériens, par des tirs d’hélicoptères ou d’artillerie effectués depuis les tanks ou les navires de guerre, bien avant l’entrée en lice des forces d’infanterie terrestres. Ce type d’affrontement n’a pas empêché les communicants israéliens de magnifier avec fierté la « victoire sans précédent ! ».

Non loin des lieux mêmes où la mythologie biblique en avait fait le récit, le géant Goliath est revenu, équipé, cette fois-ci, d’une énorme panoplie militaire. Mais les rôles sont désormais inversés : Goliath est devenu « juif » et il est le « vainqueur ». Le petit David est maintenant un « musulman », réprouvé et piétiné lors d’affrontements interminables. Il faut bien, hélas, le reconnaître : c’est précisément cet énorme déséquilibre des forces entre Israël et les Palestiniens qui perpétue l’occupation de la Cisjordanie et rend la paix impossible.

Le dernier massacre à Gaza, qui répondait, entre autres, à des objectifs électoraux, n’aura aucunement fait évoluer la situation dans le bon sens et, a fortiori, n’aura pas conforté le droit d’existence d’Israël au Moyen-Orient. Tant que les Israéliens ne voudront pas se souvenir que les tireurs de roquettes artisanales sur la ville d’Ashkélon sont aussi les fils et les petits-fils de ceux qui en furent expulsés vers Gaza en 1950, il n’y aura pas d’avancée dans la solution du conflit. Celle-ci implique, en effet, de mieux comprendre la profonde colère de ceux qui subissent l’occupation, depuis au moins quarante et un ans !

Peut-on au moins espérer que ce massacre obligera enfin les Etats-Unis et l’Europe à se départir de leur indifférence afin d’obliger les réfractaires à la paix, héritiers des victimes juives d’hier, à un compromis plus équitable avec les victimes de la tragédie palestinienne qui dure encore aujourd’hui ?

Shlomo Sand
Historien, professeur à l’université de Tel-Aviv, auteur de Comment le peuple juif fut inventé, Fayard, Paris, 2008.
(Le Monde diplomatique - Février 2009)

Traduit de l’hébreu par Michel Bilis.

site:  "Assawra"

Partager cet article
Repost0
15 juin 2012 5 15 /06 /juin /2012 07:20

                                                                         MARE NOSTRUM-copie-1

 

 

L’unité retrouvée des peuples arabes

mercredi 13 juin 2012, par Georges Corm

Depuis le 18 décembre 2010, date à laquelle Mohammed Bouazizi s’est immolé par le feu dans une petite ville de l’intérieur tunisien, un acteur qui semblait s’être volatilisé de la scène politique arabe depuis des décennies a refait son apparition : les pancartes brandies par des centaines de milliers de manifestants, à Tunis, au Caire, à Bagdad, Manama, Benghazi, Sanaa, Rabat, Alger et ailleurs, font étalage de la volonté du « peuple ». Ce que l’on dénommait jusqu’ici avec dédain « la rue arabe » s’est transformé en « peuple », toutes classes sociales et toutes tranches d’âge confondues. Les revendications sont simples et claires, loin de tout jargon idéologique et de toute tentation démagogique, religieuse ou particulariste. Dans une langue dépouillée et directe, les slogans lapidaires font mouche partout : d’un côté, la revendication de la liberté politique, de l’alternance au pouvoir, de la fin de la corruption, du démantèlement des appareils de sécurité ; de l’autre, la demande de dignité sociale et donc de possibilités de travail et de salaires décents.

Est-ce un nouveau « printemps arabe », trop longtemps attendu depuis celui des victoires sur les forces coloniales britanniques et françaises qui s’étaient déchaînées, de concert avec Israël, contre le symbole de la résistance qu’était alors, en 1956, l’Egypte de Gamal Abdel Nasser, anti-impérialiste et tiers-mondiste ? Cette période avait brutalement pris fin avec la défaite des armées de l’Egypte, de la Syrie et de la Jordanie en 1967 face à Israël, puis la mort prématurée de Nasser, le chef charismatique, en septembre 1970. Entre 1975 et 1990, le Liban, livré au chaos et à la violence, était devenu un premier pays repoussoir, avec la profusion de milices armées et d’armées étrangères ainsi que l’occupation israélienne. Devaient suivre d’autres situations sanglantes, en Algérie et en Irak notamment. Ce qui permit aux régimes en place de se montrer de plus en plus autoritaires, en se posant en garants de la stabilité politique. Le spectre de la « libanisation », et par la suite de l’« irakisation », devint omniprésent.

D’autres événements majeurs ont fait peser une chape de plomb sur les sociétés arabes. Les idéologies identitaires basées sur l’islam ont remplacé le nationalisme anti-impérialiste et laïque. Leur source est à rechercher dans la promotion très active du salafisme par les monarchies pétrolières du Golfe et plus particulièrement le wahhabisme saoudien. Le nationalisme arabe a été accusé de tous les maux et la solidarité panislamique promue comme l’unique solution. C’est ce que tentera de réaliser, au cours des années 1970, l’Organisation de la conférence islamique (OCI), créée sous la houlette de l’Arabie saoudite et du Pakistan et qui éclipsera le Mouvement des non-alignés, ainsi que la Ligue des Etats arabes, paralysée par les querelles. A la fin de la décennie, Riyad et Islamabad parviennent à mobiliser des pans de la jeunesse dans le djihadisme contre les troupes soviétiques en Afghanistan. Ce djihadisme sera ensuite transféré en Bosnie, puis en Tchétchénie et enfin au Caucase. Une partie de ce mouvement devient takfiriste : il va s’exercer à l’encontre d’autres musulmans jugés impies. Son héros intellectuel sera Sayyed Qotb (1) ; son héros militaire et guerrier, M. Oussama Ben Laden.

Une autre idéologie identitaire, celle de la révolution iranienne, influera, elle aussi, sur le monde arabe. Bien différente du wahhabisme par sa coloration chiite et par l’adoption de certains principes constitutionnels modernes, elle se veut l’héritière de l’anti-impérialisme et du socialisme de la période précédente, mais dans un langage islamisé. Elle se caractérise aussi par un antisionisme virulent. La guerre déclenchée par Saddam Hussein contre l’Iran en 1980 pour tenter de réduire la nouvelle influence de Téhéran au Proche-Orient devient alors une autre diversion majeure, qui dure jusqu’à aujourd’hui. Elle mène en effet à l’invasion du Koweït par l’Irak en 1990, à sa libération par une coalition militaire occidentale, puis, douze ans plus tard, en 2003, à l’invasion américaine de l’Irak. La société irakienne bascule alors dans un communautarisme exaspéré, une corruption multiforme et une déstructuration violente.

L’involution dans l’identitaire religieux crée aussi des tensions fortes dans divers pays arabes. Le cas extrême sera celui de l’Algérie, entre 1991 et 2000. Partout dans le monde arabe, l’épouvantail islamiste consolide les pouvoirs en place et la toute-puissance de leur police. Les Etats européens et les Etats-Unis s’en accommodent fort bien. Les attentats spectaculaires et sanglants à New York et Washington, attribués à M. Ben Laden et à son organisation Al-Qaida, en septembre 2001, créent une diversion encore plus grande. Ils renforcent des régimes qualifiés de « modérés » du fait que leur politique extérieure se coule dans le moule des peurs et des souhaits européens comme américains et qu’ils s’abstiennent de toute critique des violences israéliennes contre les Palestiniens et les Libanais. Le seul objectif des diplomaties occidentales devient l’axe irano-syrien, rebelle aux yeux de Washington et soutien des deux résistances à Israël : celles du Hezbollah au Liban et du Hamas en Palestine. Dans ce paysage sombre et figé, comment aurait-on pu prévoir des révoltes populaires d’une telle ampleur ?

L’aveuglement des observateurs, dans le monde arabe comme en Europe et aux Etats-Unis, a été total sur les questions économiques et sociales. Tant que les grandes sociétés multinationales pouvaient continuer de réaliser des affaires juteuses dans le cadre de la libéralisation progressive des économies arabes en cours depuis trois décennies, et tant que les gouvernants locaux et leurs affidés pouvaient continuer d’amasser des fortunes géantes profitant aux industries du luxe en Europe ou ailleurs, ainsi qu’au marché du foncier dans les grandes capitales, de quoi pouvait-on se plaindre ? Les dogmes néolibéraux satisfaits, les nouveaux hommes d’affaires arabes, milliardaires issus du gaspillage de la rente pétrolière, couvés dans les sérails gouvernementaux, étaient considérés comme le meilleur signe de la « modernisation » des économies arabes. D’anciens militants nationalistes ou marxisants se reconvertissent au néolibéralisme et au néoconservatisme à l’américaine. L’argent du pétrole domine les médias arabes.

Tout le reste a été ignoré : taux de chômage alarmant, bien au-delà de la moyenne mondiale, en particulier chez les jeunes, fuite des cerveaux, flux migratoires croissants, maintien de larges poches d’analphabétisme, bidonvilles géants, pouvoir d’achat plus que faible dans de très larges couches de la population ne bénéficiant d’aucune couverture sociale, corruption généralisée et démoralisation, dégoût des classes moyennes, et gestion anarchique du secteur privé, lui-même grand corrupteur et souvent victime, comme en Tunisie, de la prédation des plus hauts dignitaires du pouvoir. Derrière des taux de croissance relativement élevés ces dernières années et des réformes destinées à obtenir de bonnes notes auprès des institutions financières internationales et de l’Union européenne, la réalité sociale et économique est tout autre (2).

Les investissements privés locaux comme ceux des milliardaires de la rente pétrolière se ruent sur les secteurs du foncier de luxe ou du tourisme, ainsi que sur la distribution commerciale, voire sur la banque et les télécommunications, où de nombreuses privatisations interviennent (lire « Abattre le pouvoir pour libérer l’Etat »). Les Bourses et les prix de l’immobilier flambent, enrichissant encore plus les groupes privés de nature familiale et clientéliste. Les fortunes qui se développent sont hors de proportion avec la faible productivité des économies, dont le potentiel est peu ou pas du tout exploité. L’investissement dans l’agriculture, l’industrie ou les services à haute valeur ajoutée (informatique, électronique, recherche et industrie médicales, énergie solaire, déchets, environnement, gestion de l’eau, etc.) est très insuffisant. Les laboratoires de recherche et développement sont quasi inexistants dans le secteur privé, qui n’investit que dans des activités à faible valeur ajoutée mais à très haut taux de profit, et sans risque financier.

La qualité de l’évolution de l’économie réelle n’a jamais intéressé les gouvernements locaux ou les pays et institutions qui leur apportent leur aide (3). L’émigration est encouragée comme solution à la croissance démographique et au chômage. Elle est vantée par toute la littérature des organismes internationaux comme la solution miracle au problème de la pauvreté, en dépit de l’absence de preuves de l’impact positif de ces migrations sur les pays exportateurs de main-d’œuvre (4). On se contentera de mettre en place des microcrédits, certes utiles comme atténuateurs de pauvreté, mais qui n’ont jamais réussi à la faire reculer sérieusement.

La question est de savoir comment les mouvements actuels pourront résister aux récupérations de toutes sortes, voire aux contre-révolutions. La route du monde arabe vers la liberté et la dignité retrouvée, dans l’ordre interne comme sur le plan international, sera longue et ardue. Les répressions pourront se faire féroces et les interférences extérieures risquent de se multiplier, comme c’est déjà le cas en Libye et à Bahreïn, faisant apparaître le spectre de la guerre civile. Le printemps arabe s’arrêtera-t-il à la Tunisie et à l’Egypte ? Trente ans après le Liban, la Libye deviendra-t-elle un nouveau repoussoir faisant craindre des guerres civiles prolongées et des interventions étrangères massives ?

Le premier danger qui guette ces débuts de révolutions est celui du désir, fortement exprimé par les Etats-Unis et l’Europe, d’« accompagner » les réformes démocratiques qui s’esquissent. Entendre : se gagner une clientèle nouvelle à coups de dollars et d’euros. Or n’est-il pas temps que des peuples qui se sont mis en marche puissent prendre en main leur destin sans qu’on leur montre la voie et que l’on s’immisce dans leurs affaires (lire l’article de Serge Halimi, « Les pièges d’une guerre ») ? Les principes républicains et de citoyenneté, issus de la Révolution française, ont été popularisés dès les années 1820 au sein des élites du monde arabe par différents écrits d’intellectuels, d’hommes de religion éclairés, de militants de la première heure des droits humains. Tous les penseurs de cette Nahda (« renaissance ») ont contribué à faire connaître les progrès de la liberté réalisés en Europe. Sous la monarchie, l’Egypte a connu une vie parlementaire animée, l’Irak aussi, de même que la Syrie républicaine avant la prise de pouvoir des officiers baasistes. Et que dire de la Tunisie, dont l’intelligentsia a fortement contribué, dès le XIXe siècle, à faire connaître les principes constitutionnels modernes ? Il est donc urgent de remercier Européens et Américains pour leur sollicitude.

Le deuxième danger réside dans la faiblesse des économies locales et dans leur dépendance multiforme en matière de produits alimentaires ou de première nécessité. Le paradoxe ici est qu’aucune de ces économies ne manque de liquidités pour investir dans une dynamique économique nouvelle ; en revanche, la mise en place de cette dynamique exige de s’attaquer aux racines de l’économie de rente à très faible valeur ajoutée qui domine partout, pour passer à une économie pleinement productive, tirant avantage des ressources existantes, tant naturelles qu’humaines. Plutôt que de solliciter de l’aide extérieure, il faudrait parvenir à attirer les nombreux talents installés à l’étranger qui, dans un commun effort avec ceux restés sur place, pourraient imprimer une direction nouvelle aux politiques publiques, s’inspirant de celles des « tigres » asiatiques et non point conditionnée par les aides étrangères (5).

Le troisième danger est celui de l’apparition d’antagonismes sociaux entre les classes moyennes urbaines d’une part et les couches populaires et pauvres, rurales et urbaines, de l’autre, dont l’unité a fait jusqu’ici le succès des mouvements revendicatifs. Une coalition d’intérêts entre groupes économiques privés et les classes moyennes pour diminuer les prétentions des classes les plus pauvres, y compris les salariés, pourrait s’avérer particulièrement dangereuse. En complicité avec les intérêts politiques et économiques externes, elle pourrait faire perdre petit à petit tous les gains obtenus jusqu’ici par le retour des peuples sur la scène politique. Les justes revendications salariales devront certes être satisfaites, mais elles pourront l’être d’autant mieux que l’appareil de production sortira rapidement de l’économie rentière, peu productive et à faible valeur ajoutée, et que l’investissement étatique et privé sera dirigé vers les secteurs innovants, la recherche et le développement, la diversification de l’économie hors du foncier, du financier et du commerce de distribution. Une révision drastique des systèmes fiscaux devra être menée, non seulement pour réaliser l’équité fiscale, mais surtout pour égaliser les taux de profit entre les secteurs sans risque et à faible valeur ajoutée et les secteurs demandant de la prise de risque et des capacités de recherche et développement.

Un dernier danger, enfin, est celui sur lequel tous les chefs d’Etat en déroute ont voulu jouer jusqu’ici : les régionalismes et les tribalismes, voire les divisions entre sunnites et chiites ou chrétiens et musulmans. Ces tendances centrifuges s’expliquent plus par des malaises dus à un développement économique et social inégal que par des oppositions identitaires irréductibles de nature anthropologique et essentialiste. Dans ce domaine aussi, seule la mise en route d’un nouveau dynamisme économique pourra faire avorter toute tentative de les exploiter.

Georges Corm
Economiste et historien du Proche-Orient, auteur, notamment, du Proche-Orient éclaté, 1956-2010, Gallimard, coll. « Folio histoire », Paris, 2010, et du Nouveau Gouvernement du monde. Idéologies, structures, contre-pouvoirs, La Découverte, Paris, 2010.
(Le Monde diplomatique - Avril 2011)

(1) Dirigeant des Frères musulmans égyptiens, exécuté sur ordre de Nasser en 1966.

(2) Lire « L’aggravation des déséquilibres et des injustices au Proche-Orient », Le Monde diplomatique, septembre 1993.

(3) Cf. « L’ajustement structurel du secteur privé dans le monde arabe : taxation, justice sociale et efficacité économique », dans Louis Blin et Philippe Fargues (sous la dir. de), L’Economie de la paix au Proche-Orient, tome II, Maisonneuve et Larose - Cedej, Paris, 1995.

(4) Cf. Le Nouveau Gouvernement du monde, La Découverte, Paris, 2010.

(5) Pour la période 1970-2000, l’argent envoyé par les résidents à l’étranger a représenté 359 milliards de dollars pour les seuls pays arabes en bordure de la Méditerranée, et les aides (y compris militaires), environ 100 milliards de dollars. Sources : base de données de la Banque mondiale sur les migrations et celle du Comité d’aide au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (CAD-OCDE).

site:  "Assawra"

 

Partager cet article
Repost0
15 juin 2012 5 15 /06 /juin /2012 07:10

                                                                          MARE NOSTRUM-copie-1

 

                                                                            

 

 

Les limites d’une posture anti-impérialiste
Fatal aveuglement de la famille Al-Assad en Syrie

lundi 11 juin 2012, par Patrick Seale

site: As assawra

Alors que la Tunisie doit organiser son avenir après la chute du dictateur Zine El-Abidine Ben Ali, une clameur de liberté s’élève depuis le début du mois d’avril dans nombre de villes de Syrie, avec des appels de plus en plus déterminés à la chute du pouvoir. Le président Bachar Al-Assad se bat pour sa survie politique et pour celle du régime instauré par son père en 1970. L’heure a-t-elle sonné pour la dynastie Al-Assad ? L’intervention militaire contre les opposants, à Deraa et dans d’autres villes, indique que le régime a fait le choix de la violence.

**

Absorbé par sa lutte contre les menaces extérieures et par les crises régionales, le président syrien Bachar Al-Assad pensait son pays à l’abri de la vague qui submergeait les autres Etats arabes. Il allait jusqu’à déclarer dans un entretien au Wall Street Journal, le 31 janvier, en réponse à une question sur les similitudes entre l’Egypte et la Syrie : « Vous devez changer de point de vue et vous demander pourquoi la Syrie est stable, alors même que nous nous trouvons dans un contexte plus difficile. L’Egypte a été soutenue financièrement par les Etats-Unis alors que nous subissons un embargo de la plupart des pays du monde. (...) Malgré tout cela, notre peuple ne se soulève pas. Il ne s’agit pas seulement des besoins de base ou de la réforme. Il s’agit d’idéologie, de vos convictions, de la cause que vous défendez. Il existe une grande différence entre le fait de défendre une cause et un vide idéologique. »

On ne pouvait se tromper davantage : les Syriens, à leur tour, ont demandé la fin des arrestations arbitraires et des brutalités policières, la libération des prisonniers politiques, une presse libre, l’abolition de l’article 8 de la Constitution qui affirme que le parti Baas « dirige l’Etat et la société » et la levée de l’état d’urgence, en vigueur depuis que le Baas s’est emparé du pouvoir, en 1963.

Tout a commencé à Deraa, cette ville du Sud, à la frontière avec la Jordanie. Les troubles ont éclaté quand, en mars, une douzaine d’enfants ont été arrêtés pour des graffitis hostiles au régime. Indignés, les habitants sont descendus dans la rue. Comme le notait Joshua Landis, un des meilleurs observateurs étrangers de ce pays, « Deraa est très pauvre et musulmane [sunnite]. Elle réunit tout ce qui pose problème en Syrie : une économie en faillite, une explosion démographique, un mauvais gouverneur et des forces de sécurité autoritaires (1). » L’erreur — peut-être fatale — des services de sécurité a été de tirer sur la foule à balles réelles.

Avant l’éclatement de la crise, M. Al-Assad n’avait pourtant pas les manières d’un dictateur arabe traditionnel. A 45 ans, il semblait modeste et ne manifestait pas l’arrogance de ceux qui sont nés pour le pouvoir. En 1994, alors qu’il étudiait l’ophtalmologie à Londres, le décès accidentel de son frère aîné Bassel, successeur désigné de leur père Hafez Al-Assad, a projeté dans l’arène politique un Bachar réticent. Jusqu’à la récente vague de tueries, de nombreux Syriens continuaient à le soutenir, voyant en lui un homme éduqué, moderne, un dirigeant enclin à la réforme, mieux placé que d’autres pour mener à bien les changements nécessaires.

En 2000, quand il succéda à son père, la Syrie était en retard, en rupture avec un monde de plus en plus globalisé et technologiquement avancé. Ses premières réformes furent donc financières et commerciales : les banques et les compagnies d’assurances privées furent pour la première fois autorisées en 2004 ; cinq ans plus tard, en mars 2009, on assistait à l’ouverture de la Bourse ; et le pays négocie actuellement son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le pouvoir introduisit les téléphones portables et Internet. Ecoles et universités privées se multiplièrent.

Le président noua avec la Turquie une alliance politique et économique — les visas furent supprimés entre les deux pays —, ce qui favorisa le commerce entre les régions frontalières et profita notamment à Alep. La vieille ville de Damas fut revitalisée, des maisons anciennes furent restaurées et de nombreux restaurants et hôtels ouverts pour accueillir un flot grandissant de touristes.

Ces réformes favorisèrent néanmoins l’aggravation des inégalités et l’augmentation du chômage (2), sans parler d’un niveau de corruption élevé, largement plus important qu’en Tunisie ou en Egypte. Un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté. Dans le même temps, les recettes pétrolières déjà limitées s’épuisent et le pays, victime de plusieurs années de sécheresse et de mauvaise gestion, redevient importateur de blé.

Les manifestants ne sont pas structurés politiquement et aucun dirigeant n’a émergé. Comme dans les autres pays arabes, les gens se sont organisés spontanément, la répression des dernières décennies n’ayant laissé que peu de structures en place. Enfin, les divisions d’un pays à majorité arabe sunnite, mais qui comprend d’importantes minorités alaouite (3) (entre 12 % et 15 %) — dont sont issues la famille Al-Assad et la majorité des cadres militaires et politiques —, chrétienne (10 %), sans parler des Druzes et des Kurdes (4), ne facilitent pas l’identification des groupes. Il est sûr que les courants islamistes sont influents, et le président lui-même l’a reconnu à sa manière : une des premières réformes adoptées après une rencontre avec les religieux sunnites fut de permettre le retour au travail de mille institutrices exclues pour port du niqab et... la fermeture de l’unique casino du pays. Affaiblis, les Frères musulmans exercent néanmoins une influence et on a entendu dans les manifestations quelques slogans contre les Alaouites et certaines minorités, notamment les chrétiens. Le régime n’hésite pas à manipuler ces tensions.

Comme un nuage sombre au-dessus de cette scène plane la mémoire des massacres de Hama, en 1982, quand Hafez Al-Assad écrasa dans le sang une insurrection armée des Frères musulmans. Ce groupe islamiste avait lancé en 1977 une série d’attaques terroristes contre le régime, tuant ses partisans. Il prit le contrôle de la ville de Hama, au centre du pays, où il assassina les membres du parti Baas et les fonctionnaires du gouvernement, surtout les Alouites. Le pouvoir riposta sans pitié. En représailles, la ville fut bombardée par l’armée, et de nombreux habitants tués. On ne connaît pas le chiffre exact des morts, mais il se situerait entre dix mille et vingt mille. Trente ans plus tard, certains islamistes rêvent de revanche, tandis que le régime joue sur la peur des Alaouites et des autres minorités.

Certes, dans son discours du 16 avril, le président Al-Assad a annoncé une série de réformes (nouvelle loi sur les partis, sur la presse, etc.), dont la levée de l’état d’urgence honni. Mais l’impact de ces mesures a été oblitéré quand il est apparu que les forces de sécurité continuaient à tirer sur des civils. L’entrée de l’armée à Deraa et les informations partielles sur les massacres commis dans cette ville semblent tourner une page.

Les années de pouvoir ont endurci le président Al-Assad ; il est devenu plus autoritaire. Il a développé un goût du contrôle sur toute la société, aussi bien sur les médias que sur l’université ou l’économie, à travers sa famille — notamment son cousin Rami Makhlouf qui contrôle, entre autres, une des compagnies de téléphonie mobile — ou ses affidés. Au lieu d’être un système de participation populaire faisant remonter l’avis de la base à la direction, le parti Baas est devenu un simple instrument de mobilisation, un moyen de récompenser la loyauté et de punir la dissidence. Toute expression libre est impossible ; les décisions politiques demeurent l’apanage d’un petit groupe gravitant autour du président et des services de sécurité (5). En outre, M. Al-Assad, comme son père, déteste être bousculé et ne veut pas avoir l’air de céder à la pression.

Pour mener de vraies réformes, à condition qu’il effectue ce choix, il lui faudrait trahir les intérêts de sa famille élargie, ceux des chefs de ses services et de l’armée — notamment son frère Maher, commandant de la garde présidentielle et l’un des éléments les plus durs du régime —, des figures puissantes de la communauté alaouite, de riches marchands sunnites de Damas proches du pouvoir. La nouvelle bourgeoisie, numériquement peu importante mais puissante, s’est enrichie au cours de la transition entre économie étatique et économie de marché ; elle compte également sur lui. A-t-il la volonté de mettre un terme aux méthodes brutales — qu’il a lui même avalisées — de la police et des services de sécurité ? On peut en douter, sachant qu’elles sont pratiquées depuis plus d’un demi-siècle, voire plus — car l’autocratie dans la région comme en Syrie a des racines profondes.

Mais le régime doit également tenir compte de ses ennemis au Liban, en Jordanie, en Irak et en Arabie saoudite, sans oublier Israël, et au sein des réseaux d’exilés syriens à Londres, Paris et Washington. Certains disposent de soutiens aux Etats-Unis. Selon des câbles diplomatiques révélés par WikiLeaks et publiés le 17 avril 2011 par le Washington Post, le département d’Etat a secrètement financé l’opposition syrienne — en particulier des réseaux londoniens — pour un montant de 12 millions de dollars entre 2005 et 2010.

Le régime du fils s’inscrit dans la continuité de celui du père. En choisissant Bachar — plutôt que le vice-président Abdel Halim Khaddam ou un autre dignitaire qui l’avait servi loyalement —, Hafez Al-Assad lui a légué un système autocratique centralisé, reposant sur une présidence toute-puissante, ainsi que toute une série d’alliés et d’ennemis sur la scène régionale et internationale, qui, ensemble, ont déterminé la politique syrienne sur le long terme. Concevoir et mettre en œuvre d’importantes réformes intérieures, comme l’exige la situation actuelle, nécessiterait un changement radical de priorités, la politique étrangère ayant été pour les Al-Assad, au cours des dernières décennies, une question vitale qui a accaparé l’essentiel de leur énergie.

La carrière de Hafez puis celle de son fils ont été structurées par le conflit avec Israël. La Syrie a dû survivre et se battre dans un environnement proche-oriental hostile, façonné par la victoire éclatante de Tel-Aviv lors de la guerre de juin 1967, par son occupation de vastes territoires, dont le plateau syrien du Golan, et par son alliance étroite avec les Etats-Unis. Ainsi s’est affirmée une forme d’hégémonie israélo-américaine dont la Syrie, depuis, tente de se dégager. Lancée par Le Caire et Damas dans le but d’aboutir à une paix globale, la guerre de 1973 a débouché sur quelques succès initiaux. Mais l’Egypte s’est retirée du combat et, en 1979, a signé une paix séparée avec Israël, laissant la région encore plus exposée à la domination de l’Etat hébreu.

Face à ces menaces, la Syrie établit un partenariat avec la nouvelle République islamique d’Iran. Et, après l’invasion du Liban par Israël, en 1982, dont le but était de détruire l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et d’entraîner le pays du Cèdre dans son orbite, Damas s’allia avec la résistance chiite du Sud. Menant une lutte de guérilla, disposant de l’appui logistique et militaire de l’Iran et de la Syrie, le Hezbollah réussit en mai 2000 à expulser les forces israéliennes et à libérer le pays. Ainsi s’est renforcé l’axe Damas-Téhéran-Hezbollah-Hamas, principal rival régional des Etats-Unis et d’Israël.

Les Etats-Unis comme Israël n’ont pas ménagé leurs efforts pour détruire cet axe et l’empêcher d’acquérir une capacité de dissuasion. L’Iran a dû faire face à des sanctions et à des menaces militaires en raison de son programme nucléaire. Le Hezbollah a dû résister aux menaces israéliennes, y compris à la guerre menée contre lui en juillet-août 2006. La Syrie a été soumise à l’intimidation, à l’isolement, aux sanctions américaines et à une attaque israélienne, en septembre 2007, sur un site supposé abriter des équipements nucléaires.

Ce fut un apprentissage difficile pour le président Bachar Al-Assad. Il a dû, comme son père avant lui, résoudre une série de crises potentiellement mortelles. Il a pu s’enorgueillir d’avoir procuré au pays une certaine forme de stabilité et de sécurité. Au regard des souffrances des Libanais et des Irakiens, qui ont connu leur lot de guerres destructrices, les citoyens syriens ne devraient-ils pas se contenter de leur sort ? « La plus sublime forme de liberté, écrit le 25 avril le quotidien officiel Tishrin, est la sécurité de la patrie. »

Mais ces déclarations ne suffisent plus. Comme le souligne dans son éditorial du 27 mars Abdelbari Atwan, le rédacteur en chef du quotidien arabe Al-Quds (Londres) — un titre connu pour son franc-parler, son soutien aux Palestiniens et son opposition aux ingérences des Etats-Unis —, « la solidarité avec la résistance libanaise [le Hezbollah], l’accueil des secrétaires généraux des organisations palestiniennes [notamment le Hamas] alors que toutes les capitales arabes leur avaient fermé la porte au nez, sont des positions respectables pour lesquelles nous sommes gré au régime syrien et pour lesquelles il a payé un prix élevé. Mais nous ne voyons aucune contradiction entre ces positions et la satisfaction des demandes du peuple syrien et, s’il existe une contradiction, nous préférons que le régime suspende son soutien au peuple palestinien et à sa cause et qu’il réponde aux demandes de son peuple d’étendre les libertés et de combattre la corruption. (...) Car les peuples opprimés ne sont pas capables de libérer les territoires occupés, et les armées des dictatures ne sont pas capables de mener une guerre victorieuse ».

Patrick Seale
Journaliste. Auteur de La Lutte pour l’indépendance arabe, Fayard, Paris, 2010.
(Le Monde diplomatique - Mai 2011)

(1) Sur son blog Syria Comment, « Deraa. The government takes off its gloves : 15 killed », 23 mars 2011.

(2) Cf. Samir Aita, Les Travailleurs arabes hors-la-loi, L’Harmattan, Paris, 2011.

(3) Secte musulmane souvent classée comme chiite.

(4) Plusieurs centaines de milliers de Kurdes ont été privés de leur nationalité. En 2004, le président avait promis de la leur rendre. Cet engagement n’a pas été tenu. Il a été renouvelé durant la crise actuelle.

(5) Lire Judith Cahen, « Les déboires du “printemps de Damas” », Le Monde diplomatique, novembre 2002.

Partager cet article
Repost0
14 juin 2012 4 14 /06 /juin /2012 16:25

                                                                         MARE NOSTRUM-copie-1

                                                                               PC ISRAELjpg

 

liban82.jpgIl y a 30 ans, la première guerre du Liban

 

Les communistes israéliens rappellent pourquoi et comment ils ont été les seuls à condamner cette sale guerre coloniale



Traduction JC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/





Le 6 juin marque le 30ème anniversaire de l'opération « Paix pour la Galilée », soit de la Première guerre libanaise. Selon l'historien respecté Avi Shlaim, le véritable penseur de l'invasion Israélienne au Liban était le ministre de la Défense Ariel Sharon. Un de ses objectifs était la destruction de l'infrastructure militaire de l'OLP au Liban et de la briser en tant qu'organisation politique, afin de faciliter l'occupation de la Cisjordanie et de Gaza par Israël. Le second objectif était l'installation d'un gouvernement de droite au Liban en harmonie avec les intérêts de l'impérialisme américain au Moyen-Orient, le troisième était l'expulsion de l'armée Syrienne du Liban. Toujours selon Shlaim, avec la réalisation du retrait Israélien du Sinai occupé en mars 1982, selon les conditions du traité de paix Israélo-Egyptien, le gouvernement israélien dirigé par Likud a durci son attitude vis-à-vis du monde Arabe et est devenu plus agressif.



Lors du vote à la Knesset, seul le Hadash (Front démocratique pour la paix et l'égalité/Parti communiste d’Israël) s'est opposé à la guerre et a même émis une motion de défiance contre le gouvernement israélien. Le député du Hadash et secrétaire général du Parti communiste d'Israel, Meir Vilner, a déclaré lors de la session parlementaire : « Le gouvernement est en train de plonger le pays dans l'abîme. Ses décisions vont, au fil du temps, conduire à des larmes pour des générations. » En réactions, on a été dénoncé, et des appels ont été lancés, entre autres par le rédacteur du quotidien Yediot Aharonoth, à poursuivre les communistes pour « trahison ». Des députés sionistes de gauche, dont Shulamit Aloni et Yossi Sarid, étaient absents de la session du vote. Même le groupe travailliste a voté pour le soutien à cette guerre coloniale.



Les lourdes pertes israéliennes, la désinformation dont furent victimes les membres du gouvernement et le peuple israéliens de la part de l'état-major de l'armée Israélienne, les motivations politiques de la campagne ainsi que l'absence d'objectifs clairs ont conduit à une inquiétude croissante parmi la population israélienne. Cela a culminé sur une grande manifestation à Tel-Aviv, avec à sa tête le mouvement « Peace Now », à la suite des massacres des camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Shatila, en 1982. Les organisateurs ont annoncé 400 000 participants à cette manifestation, à tel point qu'elle est restée dans l'histoire comme la « manifestation des 400 000 », avec parmi eux des milliers de réservistes de retour du Liban.



Voici le récit de l'écrivain Itzhak Laor (dans « Haaretz » du 5 juin 2012) et militant anti-guerre, révélant l'impact direct et diffus de notre action :



« Beyrouth a été réduite en cendres, et il n'y avait pas encore d'opposition en Israël à la guerre, excepté au sein de la gauche radicale, qui comprenait dès le départ, sous la protection du Hadash, Campus, un groupe étudiant de gauche Juif-Arabe, et le Comité de solidarité avec l'Université Bir Zeit. Au troisième jour de la guerre, ces groupes se sont fondus dans le 'Comité contre la guerre au Liban', qui a mené la lutte, tout d'abord avec des pétitions signés par plusieurs centaines de personnes, et une série de manifestations, avec certaines personnes blessées et arrêtés. La revendication, c'était 'le retrait, maintenant', car il était important de présenter la guerre comme étant illégitime dès le départ. En regardant en arrière, c'était l'événement le plus important dans l'histoire de ces politiques de protestation en Israël.



La guerre, ces centaines de militants le comprenaient, visait à détruire l'OLP et empêcher l'instauration d'un État palestinien, et donc il fallait s'y opposer. Et cela a marché. 'Peace Now' n'aurait sans doute pas commencé ses manifestations si il n'avait pas été préoccupé par l'idée qu'il pourrait 'perdre la rue'. Le journal sioniste de gauche Al Hamishmar l'affirmait précisément : Ne laissez pas 'Rakach et Matti Peled' - une référence pour la première au Parti communiste d'Israel, pour le second à cet ancien général et militant pacifiste radical, ne les laissez pas faire main basse sur le camp de la paix. Mais les 150 membres du groupe pacifiste Israélien Yesh Gvul qui ont refusé le service militaire et sont allés en prison, le refus de servir dans la réserve, les affiches, les graffiti et les manifestations ont joué un rôle fondamental dans l'opposition à cette guerre.



Jusqu'en 1985, ce mouvement important, sans lequel le mouvement anti-guerre ne pouvait se concevoir, n'a pas osé remettre en cause la légitimité de la guerre ou demander le 'retrait maintenant', une question qui commençait à travailler l'opinion publique. Ce n'étaient plus seulement une poignée de communistes dans les rues chantant, 'Nous ne tuerons personne ni ne serons tués pour servir les Etats-unis' ; la transformation par Yesh Gvul des vers d'une fameuse chanson enfantine en une version mentionnant la mort de soldats Israéliens a été repris en masse par tous les soldats. Pour la première fois dans l'histoire Israélienne, l'armée a compris qu'elle n'avait pas un chèque en blanc pour faire la guerre. »

 

Légende de la photo: manifestation israélienne contre la guerre du Liban, en juin 1982

 

Partager cet article
Repost0