Les directions utilisent les bons scores des régionales pour conclure des pactes de gouvernement avec le PSOE!
Article AC pour http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/
La colère monte au sein des bases d'Izquierda Unida (IU), au vu des derniers événements en Andalousie et en Asturies.
Aux illusions d'une gauche indépendante du PS succèdent les tractations de couloirs entre directions d'IU et du PSOE pour conclure des « pacte de gouvernement » qui donneront leur blanc-seing à une nouvelle législature de la gauche social-libérale dans ces deux régions
Le 25 mars dernier, IU parvenait à s'imposer comme troisième force avec 11,98% lors des élections régionales partielles en Andalousie, et 13,78% en Asturies, sur un discours fustigeant le système « PPSOE », c'est-à-dire le consensus libéral droite-PS.
Dans la foulée, les directions locales d'IU annonçaient en Andalousie leur souhait de parvenir à un accord de gouvernement avec le PS et les négociations commençaient.
Rupture entre les bases militantes et les directions d'Izquierda Unida sur l'indépendance vis-à-vis du PS
Les militants d'IU en Andalousie ont refusé ce qu'ils ont ressenti comme une trahison de leur engagement.
Le 5 avril, 32 organisations de base d'IU-Anfalousie réunis dans la banlieue de Séville marquaient leur refus total de signer quelque « pacte de gouvernement » ou « pacte de législature » avec le PSOE. Le débat restant ouvert uniquement sur l'investiture du candidat socialiste, soit une acceptation selon des conditions strictes soit une abstention pure et simple.
La rupture est nette entre les aspirations gouvernementales des directions d'Izquierda Unida et les aspirations trahies, bien que floues, de la base à une gauche indépendante du PS.
Cette fracture recoupe celle constatée au niveau syndical, avec des bases, notamment de l'ex-syndicat de classe des Commissions ouvrières (CC.OO), refusant la politique de collaboration affichée par les directions avec le PSOE et même avec l'actuel gouvernement de droite de Rajoy.
Ce n'est pas un hasard si les deux secrétaires de l'UGT et des CC.OO ont tenu une conférence de presse le 8 avril dernier pour demander à Izquierda Unida de rejoindre un gouvernement mené par le Parti socialiste.
Une même volonté au sein des directions : trouver la bonne formule pour participer au gouvernement régional socialiste
Au sein des directions d'Izquierda Unida, si les rôles se répartissent, la même volonté de participer, sous des formules différentes, au prochain gouvernement régional se manifeste.
Le coordinateur général d'Izquierda Unida-Andalousie, Diego Valderas, insistait dès le 8 avril sur les « points de convergence » entre les programmes du PSOE et d'IU.
Le coordinateur général d'Izquierda Unida, Cayo Lara, lui martelait son mot d'ordre : « La droite ne gouvernera pas » et déclarait que toutes les options étaient ouvertes (pacte de gouvernement, de législature ou accord budgétaire) mais toutes se réduisaient de fait à une alliance de gouvernement, plus ou moins étroite, avec le PSOE.
Le coup de force a été réalisé ce 18 avril, avec la signature d'un pacte de gouvernement appelé « Accord pour l'Andalousie » qui dit fixer les « conditions d'un gouvernement stable » pour les quatre prochaines années, autour de vagues engagements sur les services publics et la création d'emplois.
De fait, tout est joué, et le coordinateur régional d'IU Valderas a pu se féliciter du fait que le futur gouvernement andalou mené par le PSOE « mettra en place les politiques que nous défendons ».
Les bases militantes d'IU qui ont voté contre tout « pacte de gouvernement » ou de « législature » ne partagent pas cette opinion. Mais elles n'auront pas vraiment leur mot à dire. On leur forcera la main lors d'un référendum biaisé, ce mardi 24 avril, où l'alternative sera fondamentalement entre « pacte de gouvernement » et « pacte de législature ».
Toutes les voix ne sont pas concordantes dans les directions d'IU. Si les dirigeants du sérail IU s'affichent pour un « pacte de gouvernement », les dirigeants du PC Andalou se maintiennent dans une réserve prudente tandis que ce sont paradoxalement les nationalistes de gauche du CUT-BAI qui expriment haut et fort leur opposition et récupèrent tout le crédit d'une posture d'opposition vis-à-vis du PSOE.
Il faut dire que le nouveau député régional Juan Manuel Sanchez Gordillo, dirigeant nationaliste a de la matière, lui qui critiquait ce vendredi un soutien au PSOE qui « serait apporter sa bénédiction à un régime qui depuis 32 ans ne nous a apporté en Andalousie qu'un 1,2 millions de chômeurs, 3 millions de pauvres et des scandales de corruption à foison ».
En Asturies, même coup de force des directions d'Izquierda Unida pour l'alliance avec le PS
Mais la crise en Andalousie n'est ni une première ni une exception. A chaque fois qu'Izquierda Unida s'est trouvé récemment dans une position où elle devait choisir entre gouverner avec le PSOE, et donc trahir ses engagements électoraux, et rester dans l'opposition, les mêmes fractures se sont manifestées, révélant la duplicité de la posture électoraliste des directions d'IU.
En Asturies, les directions d'IU ont d'abord pensé pour pouvoir éviter un tel dilemme, puisque la droite était en mesure de gouverner avec le parti du centre UpyD. Mais les conditions semblent désormais réunies pour une grande coalition « Iu-PSOE-UPyD ».
Il faut rappeler d'abord le contexte en Asturies, puisque les communistes ont été purgés début 2011 au moment des législatives. Les communistes du PCA avaient en effet osé présenter démocratiquement une liste communiste, en dehors d'IU. 800 militants et cadres du parti ont alors été exclus du parti et ne sont toujours pas réintégrés à ce jour.
C'est cette direction droitière d'Izquierda Unida-Asturies qui a ratifié un « accord de gouvernement », ratifié par les voix de 80% de son Conseil politique, compromis censé permettre de gouverner non seulement avec la gauche social-libérale mais donc aussi avec le centre libéral, allié potentiel de la droite.
Le précédent en Extrémadure : les menaces puis les sanctions contre ceux coupables d'indépendance par rapport au PS !
La crise est loin d'être née en 2012. Lors de la première phase des élections régionales, en 2011, les bons résultats en Extrémadure, avec 5,6% et surtout 3 députés, avaient permis à IU d'être l'arbitre du prochain gouvernement, condition sine qua non d'un gouvernement socialiste.
En effet, les socialistes avaient 30 députés, la droite 32. C'étaient bien aux 3 députés d'Izquierda Unida de prendre leurs responsabilités, et de tenir ou non leur engagement de lutte contre le système « PPSOE ».
Les semaines précédant l'investiture avaient alors marqué les mêmes lignes de fracture.
D'un côté, les bases d'IU, les militants communistes, mais aussi deux députés régionaux refusaient tout accord de gouvernement.
De l'autre, une minorité de la direction régionale mais surtout les directions nationales d'IU et même du PCE soutenait un « pacte de gouvernement » avec le PSOE et soumettaient à d'énormes pressions politiques et économiques les dirigeants et députés d'Extrémadure.
Les députés avaient finalement décidé de respecter la volonté souveraine de leurs militants et avaient refusé l'investiture du gouvernement socialiste. Depuis les menaces de Cayo Lara, de sanctions et d'exclusions, se sont matérialisées.
Dans une lettre rendue publique le 16 avril, un des candidats d'IU en Extrémadure, numéro huit sur la liste aux régionales, Domingo Escobar Munoz donne un aperçu des représailles exécutées par la direction nationale envers les félons estrémègnes :
« Les arguments d'Extrémadure n'ont pas été entendus par la direction nationale : les 28 années de népotisme et de clientélisme d'un parti dit de gauche, la volonté des estrémègnes exprimée dans les urnes, le respect des bases d'IU. Ils n'ont pas fait de manières. Et ce fut le début d'une guerre cruelle avec tous ses ingrédients : on a utilisé les menaces, les cinquièmes colonnes, les mensonges et la déstabilisation interne qui continue à l'heure actuelle.
Et tout cela, parce que nous militants estrémègnes, nous ne voulons pas être des acteurs secondaires du spectacle actuel, mais parce que nous voulons décider de ce qui nous concerne, écrire notre propre histoire.
Nous voulons être maîtres de nos propres décisions. Nous voulons être libres de bien choisir ou de nous tromper dans nos agissements. Nous voulons être respectés, et si ils ne nous soutiennent pas depuis Madrid, alors, tout simplement, qu'ils nous laissent tranquilles ».
Quelque soit le résultat de la consultation des bases militantes d'Izquierda Unida ce 24 avril, les derniers événements d'Extrémadure, des Asturies et d'Andalousie révèlent une fracture nette entre les bases militantes et les directions réformistes d'IU.
Ils dénotent aussi toute la duplicité et l'hypocrisie de discours électoralistes anti-PS aussitôt désavoués par de petits accords politiciens avec la social-démocratie, à tous les niveaux.
C'est le cas en Espagne, mais c'est la ligne coordonnée dans toute l'Europe par le Parti de la gauche européenne (PGE) : canaliser la colère et l'aspiration à une rupture avec les politiques de droite vers la social-démocratie. Le laboratoire espagnol ne peut être que forts d'enseignements pour la suite des événements en France même.