1- Le cadre général, législatif et réglementaire

Rappelons, au préalable, qu’en France, deux communes sur trois sont réglementées au titre de leur exposition à un ou plusieurs phénomènes naturels. Cette réglementation est codifiée dans trois séries de textes : le Code général des collectivités territoriales, le Code de l’urbanisme, le Code de l’environnement.

L’article L.2212-2 du Cgct indique : « En vertu de ses pouvoirs de police, le maire a l’obligation de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention de l’administrations supérieure ».

Ce texte édicte une règle générale qui impose au maire un principe de précaution et une obligation de secours. Cela ne signifie pas que le maire soit le seul concerné par le respect de ce principe et de cette obligation.

L’art. L.562-1 du Code de l’environnement a confié à l’Etat le soin d’élaborer des « Plans de prévention des risques naturels prévisibles » qui s’imposeront à tous : Etat, Communes, entreprises, propriétaires.

Les conseils municipaux concernés par ces plans sont consultés. Une enquête publique est organisée selon les mêmes modalités que celle qui est prévue pour le Plu. La procédure comporte sept phases :

1- Le Préfet prescrit le Pprn, par un arrêté qui est publié et notifié aux maires concernés.

2- Le projet est élaboré sous la responsabilité de l’Etat. C’est une phase qui peut être assez longue et complexe, qui comporte des études d’aléas, l’élaboration de cartes, la définition d’enjeux et l’établissement de zonages réglementaires.

3- Une concertation avec le public est organisée selon toute modalité appropriée qui permettra de mettre à disposition les documents, études et cartes…

4- Une consultation des personnes publiques associées est également prévue qui permet d’échanger avec les conseils municipaux, les conseils généraux et régionaux, les Chambres d’agriculture, les Chambres de commerce, les Etablissements publics de coopération intercommunale…

5- Une enquête publique est diligentée pour recueillir les remarques et observations des citoyens agissant à titre individuel ou collectif.

6- Un arrêté d’approbation du Pprn est pris par le Préfet, publié, affiché en mairie et le dossier complet est mis à la disposition du public

7- Le Plan est annexé au document d’urbanisme en vigueur, Pos, carte communale, ou Plu…. Il devient alors servitude d’utilité publique.

La démarche globale, ainsi résumée, concerne l’ensemble des risques naturels prévisibles. On peut ajouter aussi que la documentation générale, législative et réglementaire, sur les risques naturels est très abondante et accessible : il y a naturellement les trois codes déjà évoqués et consultables en ligne ; il y a les sites internet du ministère de l’environnement, de l’énergie, du développement durable et de la mer, le site du ministère de l’intérieur et tous les sites dédiés à la construction et l’urbanisme.

   

On peut ajouter également, et chacun s’en doute bien, que la procédure d’élaboration d’un plan va se développer sur plusieurs années ; car les études et le dialogue qui doit s’instaurer entre le bureau qui en est chargé par l’Etat et les services techniques de la commune sont affaire de temps long. C’est le cas à Ajaccio pour le risque d’inondation. C’est aussi le cas partout ailleurs.

2- La prévention du risque pluvial à Ajaccio

Pour ce qui concerne la Ville d’Ajaccio, bien que nous soyons concernés également par d’autres types de risques, tels que celui dit « de mouvement de terrain» qui impacte certaines parties de la route des Sanguinaires, ou bien le risque d’incendie de forêt ou encore l’érosion du littoral, je voudrais concentrer mon propos sur les risques d’inondation qui font l’objet de deux Plans de prévention :

Le premier, qui concerne Ajaccio et certaines communes limitrophes comme Sarrola et Bastelicaccia, s’applique sur la basse vallée de la Gravona, il affecte la zone aéroportuaire et le secteur du Vazzio : il a été approuvé le 24 août 1999 (2 mois avant l’approbation du Pos). Il a été mis en révision à la suite d’un recours de la Chambre de commerce, et approuvé définitivement, après quelques modifications, le 6 avril 2002 Il est aujourd’hui annexé au Pos en vigueur.

Le second, qui a été prescrit le 2 novembre 2002, concerne les bassins versants de San Remedio, Arbitrone, La Madunuccia, Valle Maggiore et saint Joseph ; il affecte, en gros, depuis les quartiers de Loreto jusqu’à ceux de Pietralba plus de 20000 habitants et couvre plus de 20km2. Ce vaste territoire comporte, en outre, une Zone urbaine sensible (Cannes-Salines) bénéficiant d’une priorité nationale, et le secteur d’expansion naturel de la ville : Budiccione-Suartello-Stiletto-Pietralba, c’est à dire la partie Est d’Ajaccio où est en train de se constituer une nouvelle centralité urbaine.

Ce colloque étant une occasion d’information et de formation, j’ai préparé à l’intention des participants un « micro dossier ajaccien» composé de trois documents administratifs et de trois cartes : La délibération du Conseil municipal d’Ajaccio en date du 18 décembre 2009 qui, dans le cadre de la consultation de la commune, donne un avis favorable au projet du PPRI sous certaines réserves ; la réponse du Préfet qui prend en compte la quasi totalité des demandes de la commune, sauf une qui concerne la possibilité de réaliser des parkings souterrains en zone d’aléas modérés ; un courrier du Directeur départemental des territoires et de la mer notifiant l’enquête publique : cette enquête est en cours, elle s’achève le 15 juin.Vous pouvez ainsi constater que le thème de notre colloque est en prise directe, en temps réel, avec la vie de nos communes. Vous disposez également de 3 cartes : une analyse de la crue du 29 mai 2008 à Ajaccio, une cartographie des dégâts, et le programme des quelque 22 bassins de rétention prévus sur le territoire de la commune

La politique municipale en matière de prévention du risque pluvial s’est élaborée en concertation technique et administrative avec les services de l’Etat. Elle prend en compte, naturellement, les événements pluvieux intervenus en cours d’étude comme le sinistre des 29 et 30 mai 2008. Et elle intègre, autant qu’il est possible, les retours d’expérience.

C’est ainsi que l’évaluation des dégâts occasionnés par cet événement pluvieux, l’analyse des difficultés rencontrées par les services de secours pour atteindre les sinistrés, l’analyse technique et scientifique de l’événement lui même, la réactivité des services municipaux pendant la crise, la vulnérabilité de certains sites et de certaines installations, les équipements à réaliser, leur dimensionnement et leur coût, la validité du programme des bassins de rétention et des canalisations, les moyens techniques et financiers à mobiliser… Tous ces éléments ont fait l’objet d’un examen critique. Ils font partie intégrante de notre politique, puisqu’ils ont permis d’en rajuster certains aspects. Exemple : le dimensionnement des ouvrages à réaliser pour élargir l’exutoire des Cannes a été modifié car l’analyse de la crue a entraîné une nouvelle estimation des risques.

Un plan de prévention des risques n’est donc pas un document figé . Il respecte, lui aussi, le principe de réalité ; il peut évoluer, subir des modifications qui seraient rendues nécessaires, par exemple, par des changements climatiques avérés. Il peut être considéré comme un aiguillon pour la vigilance indispensable à toute gestion publique.

Il exige, et c’est là un point essentiel, de prévoir, de rechercher et de mobiliser des moyens financiers très importants, nécessaires à la réalisation des ouvrages destinés à réduire les risques.

Le risque pluvial est bien prévu au PEI, mais…

 

Deux exemples récents : le bassin de rétention de A Madunuccia (2 millions d’euros TTC), et l’exutoire Sainte Lucie, dernier tronçon d’une opération plus vaste concernant le secteur du Palais de Justice (4 millions 100 000 euros TTC). Ces deux dossiers, prêts depuis de longs mois, attendaient leur passage en Comité de répartition des aides. Ils sont débloqués en juillet 2008 ; les travaux commencent en septembre, le premier est achevé, en 9 mois, en mars 2009 ; le second en décembre 2009, avec 3 mois d’avance sur le planning prévisionnel, fait rarissime dans nos régions…

 

Ce qui laisse penser que les enseignements des sinistres des 29 et 30 mai 2008 ont été retenus par tous les acteurs, responsables administratifs, partenaires financiers et entreprises, les uns et les autres vigoureusement sollicités, il faut l’avouer, par la ville maître d’ouvrage et, surtout, par une opinion publique encore sous le choc

 

Je n’évoque que pour mémoire les travaux de réparation (2 millions d’euros pour la seule ville d’Ajaccio), en soulignant que les études hydrauliques menées récemment dans le cadre du projet du rénovation urbaine Cannes-Salines ont conclu à de nouvelles estimations financières qui risquent fort de faire déborder nos lignes de crédits, au moment même où l’on nous annonce une période de sècheresse budgétaire…

3- Quelques pistes de réflexion pour l’information du public et la formation des acteurs.

Tout ce qui précède montre assez, malgré son caractère succinct, l’ardente obligation d’une information régulière et complète de la population qui doit pouvoir être consultée à chaque étape stratégique de l’élaboration d’un plan de prévention. Car il faut concilier deux objectifs qui peuvent être contradictoires : la sécurité des personnes, des biens et des territoires qui impose des contraintes très rudes, et le respect des libertés individuelles et du droit de propriété.

Il est frappant de constater, à cet égard, le faible impact (pour ne pas dire plus) des enquêtes publiques. Celle qui concerne le deuxième Ppri d’Ajaccio n’a donné lieu jusqu’ici à aucune annotation sur le registre ouvert à cet effet…On peut penser que certains propriétaires choisiront de s’adresser par courrier au commissaire enquêteur, mais l’enquête sera close le 15 juin et aucun administré, promoteur, architecte, militant associatif ou simple citoyen n’a trouvé le temps de venir donner son avis…

Il faut certainement faire connaître plus largement ce type de consultation, trouver des formes nouvelles, utiliser mieux les médias, diffuser une information plus compréhensible par le grand public, imaginer des circuits plus courts…car ce déficit de participation citoyenne à la prévention des risques peut avoir des conséquences dramatiques en cas de crise. Une population bien informée sera mieux préparée à affronter les difficultés. Elle accepte plus facilement les contraintes liées à la sécurité quand elle en comprend la nécessité.

Il paraît également nécessaire de poursuivre et d’amplifier les efforts de formation initiale et continue de tous les acteurs concernés par la prévention ; les professionnels des services de secours démontrent tous les jours leur disponibilité à cet effet. Les services municipaux, les élus dans leur ensemble devraient être plus fortement incités à participer à des actions de formation centrées sur les risques naturels. C’est tout l’enjeu de notre colloque.

Je voudrais évoquer, en conclusion, un aspect qui me paraît essentiel, c’est la technicité et la qualité des études de danger. Toutes les communes ne disposent pas de services techniques pourvus d’une ingénierie interne susceptible de dialoguer avec les bureaux spécialisés qui réalisent ces études. Peut-on imaginer la création, au niveau de la Collectivité territoriale, d’un service d’ingénierie qui assisterait les communes rurales au cours de l’élaboration des plans de prévention ? Ces plans sont de la responsabilité de l’Etat mais les élus doivent être en situation de dialogue réel avec lui tout au long de la procédure…Cette idée n’aura peut-être pas un grand avenir, mais enfin , la voilà lancée …

Encore un mot : pour élargir un peu notre horizon, je me permets de conseiller trois ouvrages qui concernent d’assez loin, il est vrai, la prévention des risques, mais qui éclairent la problématique du développement durable, laquelle englobe en définitive les politiques de prévention : de Richard Rogers, architecte, prix Pritzker 2007, Des villes durables pour une petite planète ;d’Erik Orsenna, romancier et académicien, L’avenir de l’eau ; de Michel Serres, philosophe et académicien, Temps des crises.

Je crois en effet que le recours à l’architecture, à la mondialisation et à la philosophie nous aide à redoubler de vigilance et à nous souvenir que la nature aura toujours le dernier mot.

Paul Antoine Luciani Maire adjoint d’Ajaccio