“La crise de la dette européenne constitue un risque “potentiellement important” pour la reprise économique américaine car elle menace les marchés de crédit et le commerce mondial, a estimé jeudi Daniel Tarullo (Reuters)(1) -, un des gouverneurs de la Réserve fédérale.”
Nous l’avons bien des fois souligné la crise apparue en 2007, est née au coeur même du système, tout l’effort a été de la reporter sur la périphérie, non seulement l’exploitation des travailleurs, et les pays en voie de développement, mais y compris en aggravant les contradictions interimpérialistes entre par exemple les pays de la triade: Europe-Japon et Etats-Unis.
Nous en sommes-là et l’hypothèse que nous défendons ici est que les Etats-Unis, avec l’aide des gouvernements européens, craignent non seulement la “contagion européenne” tant les systèmes sont imbriqués mais ils vont agir avec l’Europe comme le noyau européen des “banquiers créditeurs” (pas des pays qui sont endettés eux-mêmes mais de leurs banquiers) agit avec la grèce et plus généralement les PIGS.
Au titre des inquiétudes, il y a l’endettement du pays, (“ projeté à 140 % du PNB d’ici 20 ans ”), les difficultés des Etats à équilibrer leur budget (la Californie n’est pas seule en situation de faillite) et “ la réalité du déficit s’aggrave encore ”. Par comparaison la dette de la Grèce “ parait petite puisqu’elle n’atteint aujourd’hui que 115% de son PNB ”.Mais ce qui est en cause est beaucoup plus profond, il y a eu dette parce qu’il y a pillage systématique.
Comme pour les particuliers à qui l’on a proposé de substituer à des salaires trop bas l’endettement, voir la privatisation de toutes les protections sociales, les fonctions fondamentales de l’Etat, l’armée, la défense, l’éducation ont été livrées au pillage des monopoles financiarisés.
Et le vrai problème est qu’il n’y a pas de modèles alternatif, au capitalisme que celui-là.
Pour Daniel Tarullo,ce responsable de la Fed,, “si la crise de la dette européenne n’est pas contenue, cela pourrait entraîner un gel des marchés financiers et provoquer une crise mondiale semblable à celle de la fin de 2008.” Cette affirmation prend sens si, comme si nous ne cessons de le dire ici, on considère qu’il y a eu poursuite et aggravation du pillage et des bulles financières qui ne pouvaient manquer de naître de l’utilisation de la crise et de l’argent déversé par les gouvernements comme une incitation patologique à poursuivre leurs jeux spéculatifs.
Ce qui est en cause est bien l’incapacité du capitalisme à son stade sénile à penser autrement qu’en terme de superprofit pour les agioteurs de la finance et d’austérité pour ceux qui font vivre l’économie réelle, les travailleurs, les consommateurs ordinaires.
On nous a parlé pendant des décennies de “la nécessité de s’endetter pour financer les actifs de l’avenir”, la croissance étant censé répcupérer le trou créé. le modèle eusse été juste s’il n’avait pas consisté sur le fond à détruire les “actifs de l’avenir”, en particulier comme on le voit en france aujourd’hui, l’éducation et la recherche pour les rendre si défectueux qu’on pouvait les livrer au patronat (directement ou par un biais confessionnel), qui recevait la manne de l’argent public…
En revanche les profits gonflaient, gonflaient mais c’était dans le circuit vicieux et autoentretenu des manipulations financières. Tout l’argent injecté sans le moindre contrôle, sans nationalisation, a ainsi alimenté ce sircuit vicieux et n’a eu aucun effet sur une croissance qui au meilleur des cas est demeuré poussive quand elle n’était pas négative.
DES MARCHES DONT LES HUMEURS FONT L’ECONOMIE
Résultat de cette logique, nos économies n’ont plus d’autre indicateur que les caprices du marché, ceux des agences de notation dont personne ne connait plus les critères et que l’on soupçonne non sans raison d’être très liés à ceux qui vivent de la spéculation. Il suffit d’une erreur d’un trader ou ce que l’on présente comme tel pour que la panique se généralise.
Donc il faut traduire ce qui est dit: pas plus qu’il n’y a véritable reprise économique quand les superprofits boursiers flambent, pas plus l’économie réelle des pays européens n’est en cause mais une image qui génère ou non “la confiance”, c’est-à-rire l’afflux des capitaux.
“Les problèmes européens de dette souveraine sont un contretemps potentiellement important”, a déclaré Daniel Tarullo selon le texte d’un témoignage destiné à deux sous-commissions parlementaires. L a mise en garde de ce gouverneur intervient alors que les marchés financiers internationaux sont plombés par la confusion et le manque d’unité affichés par les dirigeants politiques européens pour régler leurs difficultés.
“Les investisseurs sont conscients que ce plan ne peut pas supprimer en fin de compte la nécessité de véritables, et probablement douloureuses, réformes budgétaires dans la zone euro”, estime Daniel Tarullo en référence au plan de stabilisation de 750 milliards d’euros mis en place par l’Union européenne avec l’aide du Fonds monétaire international (FMI). Face au mécanisme que nous venons de décrire, il est clair que “les responsables” n’ont pas d’autre vision que de poursuivre cette logique suicidaire pour l’immense majorité mais qui est la seule qui permette les superprofit pour les mêmes.
Mais c’est une logique qui repose sur du vent et qui ne peut qu’engendre à un moment donné la perte de confiance et donc la thrombose financière, le bloquage des liquidités de 2008.
LA POSITION DOMINANTE DES ETATS-UNIS
“Si les problèmes des Etats périphériques européens s’étendent jusqu’à créer de nouvelles difficultés au sein de l’Europe, les banques américaines seront confrontées à des pertes accrues sur leur exposition d’ensemble au crédit qui est très importante”, a-t-il prévenu. a dit Daniel Tarullo, le reponsable de la FED. En plus d’occasionner des pertes directes aux institutions américaines, un accroissement des tensions financières en Europe pourrait se transmettre aux marchés financiers à travers le monde.”
Dans une certaine mesure, les marchés financiers montrent déjà des signes de tension accrue, étayant l’idée d’un maintien des taux d’intérêt américains, proches de zéro, jusqu’à l’année prochaine. La reprise de l’économie américaine pourrait être menacée par une réduction des échanges internationaux si les perspectives européennes se détériorent, a prévenu Daniel Tarullo.
Ted Truman, ancien responsable au Trésor américain et qui doit témoigner devant une sous-commission du Congrès après Daniel Tarullo, juge la menace très réelle. “Le risque est que la situation européenne devienne incontrôlable, se répande à travers l’Europe au-delà de la Grèce, replonge l’Europe en récession et cause de nouveaux dommages à l’économie américaine et mondiale ainsi qu’au système financier”, estime-t-il selon le texte de son témoignage.
Il faut bien mesurer que l’inquiétude des Etats-Unis face à la contagion européenne n’a pas attendu cette déclaration du reponsable de la FED, celle-ci l’officialise en quelque sorte. Et donc nous laisse supposer que les etats-Unis mettent en place un arsenal pour se protéger. il est clair que quelque soit leur endettement les Etats-Unis bénéficient de trois énormes avantages:
- Le premier atout est l’énormité de leur dette, arrivé à ce degré de créance y compris sur les Européens, le problème devient celui des créanciers. C’est le cas du japon et de la Chine. Mais les Etats-Unis ont eussi la nécessité de veiller au bon état d’esprit de leurs créanciers, les maîtyriser économiquement et politiquement. Il ne peuvent pas se permettre de voir l’un d’eux entrer dans une crise trop radicale, ils sont devant une contradiction, les attaquer pour se protéger, mais aussi les “protéger” pour ne pas être en première ligne. D’où leur attitude de “patron” inquiet face à la crise européenne, aide mais aussi injonction de faire pression sur leurs peuples. C’est ce que dit Narayana R. Kocherlakota, le président de la banque fédérale de Minneapolis : ainsi, “ les craintes que les problèmes en Europe ne rebondissent aux Etats-Unis (…) ont conduit la Banque fédérale à remettre en vigueur les lignes de crédit avec la Banque centrale européenne et les autres banques centrales en conjonction avec les fonds de soutien annoncés il y a une semaine (…) : ‘ Nous n’avons pas agi ainsi par amitié particulière pour l’Europe’. ‘ Nous sommes des hommes politiques américains, et nous prenons des décisions pour garder solide l’économie américaine. Les problèmes de liquidité sur les marchés européens montraient qu’il pouvait apparaître des problèmes dangereux d’illiquidité sur nos propres marchés financiers, dans notre pays ” (2).
-Le second avantage est que ce pays détient l’essentiel de la communication mondiale, en particulier sur tout ce qui a trait au mécanisme financier, de ce fait il joue sur les humeurs des marchés à son grè. On mesure bien le rôle joué par les médias sur le plan politique, la manière dont ils créent une mauvaise réputation aux pays dont l’Empire veut se débarrasser des dirigeants indociles mais on a du mal à comprendre en quoi en dernier ressort non seulement l’indocilité est le plus souvent économique. Si un pays veut conserver un développement endogène, ne pas livrer ses ressources aux multinationales financiarisées il est sous le feu de ces médias. Et cela peut précéder des interventions armées mais toujours des tentatives de déstabilisation internes. De surcroît, il faut bien considérer que désormais, la maîtrise des questions geopolitiques fait partie des mécanismes financiers, on a vu comment la notation d’un pays peut se traduire par des vagues spéculatives, nous sommes dans le domaine de la réumeur virtuelle.
-Mais le principal atout des Etats-unis est leur monnaie souveraine. Il y a le fait que le dollar est l’étalon, la monnaie “unique” mondiale, couler tout concurrent en particulier l’euro ou ceux qui veulent l’utiliser est une stratégie et la crise de l’euro aide au maintien de cette stratégie, mais ce n’est pas l’aspect principal, le vrai avantage est qu’il s’agit d’une monnaie souveraine. Une des leçons de la crise est que partout le fait de pouvoir jouer sur la souplesse d’une monnaie nationale a été un des meilleurs instruments de résistance.
L’AUSTERITE PAS SEULEMENT POUR LA GRECE
Il est clair que l’Union européenne qui non seulement a une zone euro mais qui a satellisé toutes les autres monnaies, les soumettant de fait à des critères d’admission a complétement fragilisé l’Europe et a permis que la crise surgie aux Etats-unis soit reportée sur l’Europe totalement vassalisée. (2). Nous sommes dans une période où le front de classe impéraliste hérité de la guerre froide est en train de se fissurer face aux contradictions internes qui le minent, la seule chose qui le fait tenir est la capacité collective à imposer ce modèle sénile et mortifère.
La Grèce a été un laboratoire, suivie rapidement par les autres “socialistes” européens comme l’Espagne mais voici que la France (pays des banquiers auprès desquels les autres pays endettés se seraient approvisionnés) entre à son tour dans la danse:
100.000 postes de fonctionnaires supprimés, ce qui signifie en clair moins de service public, et quand l’on sait que l’effort prioritaire devra porter sur la réduction des dépenses de santé: près de 3 milliards d’économies en 2011… Les dépenses d’assurance-maladie devront progresser de 2,9 % en 2011 et de 2,8 % en 2012. C’est un peu moins que les 3 % prévus pour 2010 et nettement inférieur à la moyenne des dix dernières années (4,8 %).Il n’y a aucune raison de penser que vont être remis en cause le système dispendieux des cliniques privées ou celui des trusts pharmaceutiques mais qu’au contraire à travers ces coupes va toujours plus se développer un système à deux vitesses. Autre coupes sombres qui vont dans le même sens, le budget des collectivités locales est attaqué de front. Alors que l’on sait que le dit budget est déjà au bord de l’asphyxie et que peser sur lui c’est directement peser sur le niveau de vie des contribuables les plus modestes.
Rien en revanche, c’est toujours dans la même logique sur la question de l’armement, sur les guerres de l’OTAN, la coûteuse opération de police en Afghanistan. S’il fallait une preuve supplémentaire à la vassalisation financière elle serait là…
Ou l’on prend la parole d’un responsable de la FED qui est à l’origine de cette crise et qui l’a largement entretenu au profit non pas des Etats-unis mais des spéculateurs de Wall Street et nous savons que nous allons vers la pire des récessions ou nous sommes capables de refuser ce modèle, nous nous battons.
Il faut être clair, la preuve est faite après l’intervention de DSK hier sur france 2, il n’y a pas aujourd’hui d’alternative politique, elle est entièrement à construire et elle ne le sera que dans les luttes contre le capitalisme et pour refuser la récession qu’il nous propose comme unique avenir.
Danielle Bleitrach
(1) Selon une dépêche Reuters de Alexandre Boksenbaum-Granier pour le service français, édité par Danielle Rouquié
(2)(2) CNBC, le 17 mai 2010 (The New York Times, Nelson D. Schwartz et Eric Dash), Fears Intensity that Euro Crisis Could Snowball
> http://www.cnbc.com/id/37185573
(2) Au même moment, le sommet Union Européenne-Amérique latine a témoigné de l’incapacité pour l’Union européenne de nouer des liens indépendants de leur suzerain avec les pays d’Amérique latine. l’attitude de Chavez mais aussi des principaux dirigeants, comme nous l’avions indiqué dans un précédent article, signifiant que les pays du Tiers monde soucieux de leur indépendance et refusant le naufrage devaient renoncer à attendre quelque chose de l’Europe.
http://socio13.wordpress.com/2010/05/21/le-capitalisme-na-pas-dalternative-a-sa-crise-par-danielle-bleitrach/