Marie-Christine Burricand s’adresse aux communistes
Membre de la commission transformation, M.-C.Burricand a été destinataire du texte « Pistes de travail pour un Parti Communiste français transformé ».
Elle adresse ce document aux camarades pour qu'ils lui fassentc part de leurs réflexions d’ici la prochaine réunion de la commission transformation, soit le samedi 10 avril.
Je fais référence, écrit-elle , "autant aux remarques suscitées par ce texte qu’aux analyses et propositions nées de ton expérience de militant communiste."
Elle considère que ce document témoigne d’une grande légèreté quant à la question essentielle de la vie du parti.
Dès la première ligne il est d’ailleurs affirmé sans autre explication que la commission n’a pas « entamé réellement son travail » depuis le dernier congrès soit plus de 15 mois.
Les communistes avaient pourtant fait acter dans ce congrès la volonté de faire vivre le PCF dans le combat de classe actuel et la commission devait y travailler. L’exigence des communistes n’a donc pas été respectée.
Dans ces conditions, la convocation d’un congrès à la va-vite avant l’été parait contre productive.
Je constate avec regret que le texte emprunte une phraséologie chère aux « ressources humaines » dont chacun sait qu’elles ont surtout été occupées ces dernières années à mettre des gens dehors. Je cite : « direction unique du projet », « conventions thématiques », « direction de la vie militante », « groupe action-formation », « file active » comme à l’ANPE, « organigramme de fonctions et d’objectifs »… Les communistes deviennent des ressources militantes à mobiliser et à recenser.
C’est une conception utilitariste et technocratique du parti et des communistes qui se dessine ainsi dans ce texte. Notre direction est-elle devenue si pauvre du point de vue théorique comme du point de vue de l’expérience sociale qu’elle ne trouve d’autres termes à employer que ceux de la technocratie des décideurs ?
Commençons donc à nous parler en communistes !
Je suis étonnée que nous n’ayons à notre disposition aucun élément de bilan quant aux conséquences des décisions prises depuis Martigues, congrès qui a lancé la transformation du parti. Combien de communistes ont quitté le parti depuis ? Que deviennent les femmes et hommes qui adhèrent chaque année ? La disparition des cellules comme organe souverain s’est-elle traduite par une amélioration de l’activité communiste dans les quartiers et les entreprises et par des décisions élaborées plus collectivement ? Quelle est la part d’ouvriers et d’habitants des quartiers populaires dans les nouveles adhésions, les directions depuis les sections jusqu’au conseil national ? D’où sont issus (métiers, âges, quartiers) les camarades sollicités par le parti pour prendre des responsabilités électives ? Où en est-on de la parité du point de vue de l’accès aux responsabilités de toutes les femmes ? La centralisation des cotisations au niveau des fédérations a-t-elle permis que plus de communistes cotisent ? Qu’en est-il du reversement aux sections par les fédérations ? Ce mode de fonctionnement a –t-il été source de conflits ?
Voilà des questions qui mériteraient d’être posées avant de se lancer dans la « nième » transformation des statuts.
Ce texte est bien éloigné des efforts des communistes pour faire vivre leur parti dans la société. Les auteurs semblent avoir oubliés que construire l’organisation communiste est un combat quotidien contre le patronat et les idées dominantes. Je dois dire mon inquiétude devant le creux des propositions faites. Que signifie par exemple « garder le meilleur de la démocratie militante et gagner le meilleur de la démocratie de participation » ? L’évocation d’un « processus coopératif national » signifie t-il l’effacement des sections et fédérations, de même d’ailleurs que la référence appuyée aux réseaux et à l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication ? Ce document en l’état indique un renoncement à l’objectif de faire vivre l’organisation communiste sur l’ensemble du territoire et de l’activité sociale.
Si tel était le cas, nous garderions peut-être le nom de parti mais nous en perdrions la forme, contrairement à ce qui est annoncé et ce congrès serait un jeu de dupes.
C’est à partir de ces premières réflexions que j’interviendrai à la commission transformation du 16 avril, enrichies bien sur par les éventuelles remarques qui m’auront été faites par des camarades. Je ne manquerai pas d’envoyer à tous les éléments essentiels de la discussion.
Fraternellement, Marie-Christine Burricand
Pistes de travail pour un Parti Communiste Français transformé
Dans la réalité, notre Commission n’a pas entamé réellement son travail. Ce document vise à ouvrir le débat et à formuler de premières pistes de travail, pas à le fermer. Il sera, dans les semaines qui viennent, du ressort de la Commission de travailler et de formuler une proposition de feuille de route pour le Congrès. Ce document n’est donc ni préparatoire, ni conclusif : il constitue de premières idées pour la réflexion à venir de la Commission. Ce n’est donc pas la « plate-forme », celle-ci reste à rédiger par la Commission sur la base de notre choix de Congrès :
celui du parti et de sa transformation.
Pour penser et concrétiser les conditions de la transformation de notre parti, nous
devons nous inscrire dans les profonds changements, économiques, sociaux,
politiques intervenus à l’issue de la séquence électorale et du déclenchement de la crise du capitalisme.
Nous avons à présent dans les expériences électorales que nous avons faites, dans le débat politique qui s’est structuré, dans les conséquences sociales et idéologiques de la crise, la matière pour tirer des enseignements solides quant aux nécessités devant, ; lesquelles sont placées les forces de transformation, les forces sociales et politiques les plus critiques face au capitalisme, et le PCF en tout premier lieu.
Premier axe :
Les idées au premier plan
La crise a rebattu toutes les cartes. Le front idéologique s’est déplacé. Nous devons passer de la critique du système à l’élaboration et au partage de solutions alternatives.
Cette perspective marque le besoin d’une rupture fondamentale des dynamiques de travail, à la fois interne et dans le rapport aux forces sociales, politiques et intellectuelles. En résumé, il s’agit de se donner les moyens d’un dispositif de combat pour répondre aux questions nouvelles, pour la mise en débat d’idées, pour leur partage. Il s’agit également de se donner l’ambition de construire les fondements théoriques de notre action politique.
Trois propositions en ce sens :
1) Rassembler et organiser l’ensemble des moyens humains, financiers et intellectuels existant au sein de la direction nationale du PCF et dans le parti autour d’une « direction unique du projet » chargée de l’animation du travail autour d’un nombre limité d’objectifs définis par le Congrès. Il ne s’agit pas en effet de « réélaborer l’ensemble du projet » mais d’engager un travail précis sur quelques questions saillantes. Un tel dispositif devra accroître notre réactivité et la capacité de forger en peu de temps des idées communes en mobilisant les ressources militantes.
2) Assumer comme parti et comme direction nationale le besoin d’une discussion et d’un partage par l’ensemble des communistes d’une culture commune, du débat et de la diffusion d’un ensemble cohérent d’idées concrétisant notre projet de société. Cet effort doit se concrétiser par la publication de brochures à destination de tous les adhérents sur les thèmes de travail que nous fixerons.
3) Choisir d’engager un processus de travail public et ouvert à l’ensemble des forces intellectuelles, sociales et politiques permettant la confrontation réelle sur les enjeux d’une politique d’alternative. A l’appui de notre travail interne, nous pourrions décider de plusieurs conventions thématiques se fixant comme objectif la confrontation et le rassemblement sur des idées alternatives.
Deuxième axe :
Un parti du partage, de la coopération et de la démocratie
Dans les formes politiques qui naissent et meurent sous nos yeux, trois risques
existent : la tentation de « partis hypercentralisés », de vastes mouvements qui
dépossèdent les militantes et les militants de la réalité des choix politiques ou
l’affirmation de principe d’une vie démocratique participative sans concrétisation
réelle.
En affirmant notre choix de la forme « parti », nous affirmons dans le même temps la nécessité d’un effort conceptuel et pratique qui repousse les limites des formes politiques issues du XXème siècle. Nous voulons garder le meilleur de la démocratie militante et gagner dans la réalité le meilleur de la démocratie de participation.
Trois propositions en ce sens :
1) Se donner les moyens pratiques de mobiliser les compétences existantes au sein de notre organisation politique. Il s’agit, avec les fédérations et les sections, de procéder à un « grand recensement » de toutes celles et ceux qui sont disponibles pour travailler ensemble à l’élaboration de notre projet et de nos actions. Cela veut dire en pratique un questionnaire simple, axé sur nos priorités, permettant de mettre en réseau la richesse d’expériences et de compétences du parti.
2) Décider l’expérimentation sur trois au quatre grands axes de travail d’un processus coopératif national impliquant l’ensemble des militantes et des militants. Il s’agit par l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication de créer des espaces de coopération réels. En bref, créer des réseaux de travail qui « marchent ». Nous pourrions par exemple ouvrir un chantier visible sur notre conception d’un « développement humain durable ».
3) Travailler avec la Commission « transformation » d’ici le Congrès à des axes de réforme des statuts, en faire acter les « lignes forces », puis engager d’ici le Congrès, ordinaire la rédaction effective de nouveaux statuts. Ce travail devra viser à un effort de cohérence de nos prises de décisions, à la capacité d’en faire respecter l’application et à une gestion plus rigoureuse des conflits.
Troisième axe :
L’action militante comme moteur de notre organisation
L’héritage du XXème siècle nous place devant une contradiction apparente : une
structure « héritée » basée sur l’impulsion par « en-haut » et une évolution d’ensemble des pratiques militantes comme du champ médiatique qui dans les faits redéploie le militantisme de proximité. Cette contradiction n’est qu’apparente : en effet, les besoins du militantisme local formule des besoins nationaux nouveaux. La réussite de mobilisation récente autour des enfants « sans-papiers » en témoigne.
Quatre propositions en ce sens :
1) Créer une « direction de la vie militante » permettant l’impulsion, la mise en réseau, le partage, l’efficacité du militantisme de proximité. Il s’agit d’ancrer notre
travail de direction à tous les niveaux dans une conception de mise à disposition
d’outils pour l’efficacité et la créativité militante. Ni exclusivement « montante » ou
« descendante », nous proposons d’engager une transformation de l’organisation de notre travail de direction à tous les niveaux qui vise à démultiplier les champs et l’efficacité du militantisme local, compris au sens large. Cela signifie que l’un des points de départ de cette réflexion est la vie des collectifs militants, leur
développement.
2) Construire une stratégie de déploiement en direction du militantisme à l’entreprise.
Nous pourrions autour de deux ou trois priorités de développement, par exemple La Poste, l’hôpital, l’enseignement ou le secteur automobile, procéder aux recensements , fédération par fédération des militants de ces entreprises, construire sur cette base une ,communication nationale spécifique et réunir chaque année ces militants pour définir des orientations communes de propositions et d’action. Nous devons également en ce,sens repenser notre dispositif de relation au monde syndical et social.
3) Libérer notre capacité d’intervention en direction des médias. La « société
médiatique » et ses évolutions nous place devant des défis d’intervention. Nous avons, besoin d’un « groupe action-formation » permettant à tous les niveaux de militantisme d’intégrer une culture efficace de rapport aux médias, anciens et nouveaux.
4) Assurer pour chaque nouvel adhérent l’accès à un droit à la formation concrétisant, son accueil au sein de notre parti. Ce droit serait assuré par une « file active » nationale permettant que chaque nouvel adhérent se voit proposer au bout de trois mois un « stage de base » d’un week-end.
Quatrième axe :
Changer la direction nationale du Pcf
Chaque Congrès est l’occasion d’une construction « à chaud » de l’organigramme de, la direction nationale. Cette construction « à chaud » a un écueil principal et handicapant : nous partons trop souvent des besoins de notre rassemblement politique comme direction et pas assez de nos besoins réels pour l’avenir.
Une proposition :
Construire d’ici le Congrès un organigramme de fonctions et d’objectifs avant de se poser la question du nom des militants responsables. En bref, il s’agit ensemble de mettre en plat l’organisation de la direction nationale et de la soumettre à la discussion du Congrès avant la discussion sur les noms.