André Gerin fait partie de ceux qui revendiquent leur liberté de parole et leur positionnement personnels. Nous n’avons nulle intention de le contredire sur ce point.
Mais son étiquette de député du PCF est systématiquement mise en avant par les media notamment sur des questions qui polluent actuellement le débat politique comme la Burqa ou « l’identité nationale ». Par ailleurs, dans les débats internes au parti, il s’est trouvé signer des textes que nous avons portés de notre côté.
Aussi, dans la période, nous tenons à ne laisser aucune ambiguïté sur nos désaccords profonds avec plusieurs positions qu’André Gerin diffuse, comme c’est son bon droit.
Ne pas rentrer dans le jeu des diversions malsaines, burqa, identité nationale, immigration, utilisées par le pouvoir pour faire passer sa politique de casse sociale.
Toutes les craintes que nous avions exprimées lors du déclenchement du débat sur la Burqa initié par André Gerin, en juin 2009, se confirment (voir notre article du 25 juin 2009).
D’un problème marginal, sans rapport avec les préoccupations essentielles des travailleurs, (ce qui ne veut pas dire qu’il ne soit pas grave pour les victimes), le pouvoir a réussi à faire une diversion omniprésente. La publicité médiatique a dopé le prosélytisme et davantage de femmes sont concernées.
D’un phénomène sectaire qui faisait la quasi-unanimité contre lui, il a réussi à faire une question divisant le monde politique et la société et plaçant effectivement l’immigration originaire des pays où la religion musulmane est dominante au cœur de la polémique sur une éventuelle loi spéciale.
Le débat sur la Burqa enfonce aussi un nouveau coin dans la laïcité républicaine quoiqu’affirment ses instigateurs.
Des dignitaires religieux sont devenus consultants de la mission parlementaire présidée par André Gerin, y compris le mielleux prédicateur islamiste Tariq Ramadan. A l’opposé des principes de laïcité, la mission retient comme critère la conformité ou non de la Burqa avec les préceptes religieux. Pour la Burqa, c’est non, mais quel précédent d’intrusion des religieux dans les affaires de la République ! André Gerin va même jusqu’à affirmer (Figaro du 26 novembre 2009) que « tout dispositif législatif devra être accepté par les responsables du culte musulman qui prônent un islam apaisé ».
Enfin, comme nous le dénoncions, l’irruption de la question de la Burqa rentre précisément dans le jeu de Nicolas Sarkozy et de l’UMP.
Le Président l’a aussitôt intégrée à son discours de juin au Congrès de Versailles. Assez logiquement, André Gerin s’est retrouvé conduit à saluer « ses propos positifs et pondérés » (journal Lyon-capitale du 23 juin).
Le pouvoir a pu embrayer sur la campagne, encore bien plus nocive, sur « l’identité nationale ».
Imaginons que l’affaire de la Burqa soit restée celle d’hommes de droite comme le député nationaliste Jacques Myard, auteur de la première proposition de loi, jamais le pouvoir sarkozyste n’aurait pu ainsi la monter en épingle.
Peut-être André Gerin s’est-il laissé entraîner dans une affaire dont les prolongements dépassent des intentions initiales visant à défendre la liberté de femmes et la laïcité.
Mais outre que, comme s’était prévisible, le résultat est inverse, nous constatons que son initiative sur la Burqa s’inscrit dans une continuité de positions sur les questions de l’immigration que nous réprouvons complètement.
Sur « l’identité nationale », André Gerin accompagne le débat malsain voulu par le gouvernement. A ceux qui redoutent une dérive pétainiste, il répond « qu’ils sont en décalage complet avec les attentes profonde des milieux populaires » (Figaro du 29 octobre 2009). Dans son dernier discours comme maire de Vénissieux, le 16 juin dernier, il fait le même parallèle détestable que le pouvoir entre « identité nationale » et immigration : « face à la mondialisation qui favorise le laisser-faire, le terrorisme – un choc aggravant – détruit la confiance en la civilisation, l’immigration non maîtrisée met en péril le creuset d’intégration civique et met en cause l’identité nationale du peuple français. »
Ce n’est pas non plus la première fois que Gerin se laisse utiliser comme caution de gauche au double langage sur la laïcité et l’immigration de certains milieux de droite
L’extrémiste UMP Eric Raoult est devenu maître en la matière. On le retrouve rapporteur de la mission parlementaire sur la Burqa. En 2007, Gerin lui avait demandé de préfacer son livre « Les Ghettos de la république » avant de le dédicacer dans sa mairie du Raincy.
Pour André Gerin, les solutions aux problèmes des banlieues ne seraient ni de gauche, ni de droite. Quand il suit M. Raoult et d’autres, ses recettes ne sont plus des solutions mais elles sont bien de droite, même si l’on peut penser effectivement qu’une certaine droite républicaine ne les préconiserait pas.
Ne citons qu’un exemple parmi beaucoup d’autres, plus que déconcertants, du livre, les « Ghettos de la République ».
Page 125, on peut lire : « Prenons le débat sur l’immigration. Droite et gauche ont agi de la même façon depuis trente ans en noyant le poisson ou en évitant de dire la réalité. On a refusé de reconnaître que des différences importantes existaient dans les modes de vie, les cultures et les traditions entre le monde musulman et la culture judéo-chrétienne. Tout le monde s’est tu. Après avoir évoqué dans un discours de 1991 les fameuses "odeurs", Jacques Chirac a dû pratiquement se renier et s’excuser d’avoir usé d’un tel terme. Cela lui a valu une campagne de dénigrement incroyable. Pourtant il n’avait dit que la vérité. Mais nous étions incapables de l’entendre. Moi-même j’ai dû dire à l’époque "il parle comme le Front national" ».
Le propos est encore pire que celui de Chirac lui-même puisqu’il place les « odeurs » juste après les « différences de culture » entre le monde musulman et le monde judéo-chrétien. Raoult, qui a pris la précaution d’écrire une préface sans aspérités, a dû boire du petit lait.
Les propos d’André Gerin n’engagent que lui mais on comprend l’émoi de camarades, de sympathisants qui lisent dans les journaux qu’il serait le porte-parole des communistes qui combattent la liquidation du PCF.
En dehors des questions liées à la burqa sur lesquelles on entend et lit principalement André Gerin en ce moment, il s’exprime également sur quantité d’autres sujets, de façon souvent contradictoire. Notre préoccupation n’est pas de retrouver une cohérence dans ses positions mais de nous dégager de propos qui pourraient semer le trouble sur nos propres conceptions.
Aucune alliance imaginable avec une partie du capital !
De façon récurrente, André Gerin fait l’apologie « du capitalisme des métiers et des savoir faire », allant jusqu’à considérer les « capitaines d’industrie » comme des « alliés », les chambres de commerce et l’UIMM comme des partenaires. Nous sommes totalement en désaccord avec de tels points de vue, erronés et nuisibles pour le mouvement ouvrier.
Des camarades de la RATP les ont condamnées telles qu’elles sont apparues dans un article du Nouvel économiste (10 avril 2008). Dans le même article, André Gerin affirme aussi son axe de gestion municipale privilégiant les entreprises privées aux services publics municipaux quand « elles sont moins chères ». Inconcevable !
Dernièrement, le 26 novembre 2009, aux côtés des ministres Lagarde et Estrosi pour les états-généraux de l’industrie, le journal Le Progrès relate qu’il s’est taillé un franc succès devant un parterre de 560 patrons en affirmant qu’il « faut aider le petit capital ». Etc.
Nous aurons d’autres occasions d’aller au fond des choses mais toute notre réflexion, qui essaie d’être marxiste, nous amène à ne pas établir de distinction de nature entre le capitalisme financier et le capitalisme industriel, qui sont entièrement solidaires. Il n’y a pas un « bon » capitalisme, qui serait productif (et patriote !). De la même façon, nous voulons pousser la réflexion sur la déconcentration des grandes entreprises et la multiplication de PME (hors artisanat) sous-traitantes, relais de l’exploitation pour le grand capital, bien loin du discours dominant sur la pauvre petite entreprise qu’il faudrait aider à tout prix, auquel André Gerin emboîte le pas.
Sur un autre point enfin, nous tenons à bien préciser que les positions d’André Gerin n’engagent que lui-même. Le dimanche 20 mars 2009, il présidait avec Daniel Gluckstein dans sa ville de Vénissieux, le meeting régional du PT-POI (Parti ouvrier indépendant ex- des travailleurs). A l’issue du meeting, il lançait un appel national commun avec cette organisation historiquement anticommuniste, qui tente depuis des années d’égarer les camarades qui réprouvent la ligne d’abandon de la direction du PCF.
Dans le PCF, les positions et la stratégie personnelle d’André Gerin n’engagent que lui-même.
Dans l’interview au Figaro du 29 octobre 2009, après avoir affirmé sa volonté de s’emparer du débat sur « l’identité nationale », André Gerin indique qu’il « est toujours candidat à la candidature pour prendre la direction du parti ».
Six mois avant le début des travaux du 34ème congrès, il avait déjà fait de même et s’était déclaré dès mars 2008 « candidat au poste de Marie-George Buffet ».
Une semaine avant le début de la phase finale du congrès, il se ravisait estimant alors que « Marie-George Buffet devait rester » (Huma du 8 décembre 2008) avant de rechanger d’avis en rejoignant la liste alternative du congrès.
Entre temps, après s’être opposé à l’idée, il s’était rallié en septembre 2008 à la démarche du texte alternatif de congrès, qui allait devenir « Faire vivre et renforcer le PCF », dont nous avons été l’une des organisations du PCF parties prenantes pour continuer à combattre la stratégie d’effacement des postions communistes et du parti qui les porte.
Aujourd’hui, le constat doit s’imposer à ceux qui partageant cette démarche de rassemblement des communistes.
Les stratégies personnelles et les positions incohérentes de certaines « personnalités » sont plus un handicap qu’un atout, malgré l’accès facile que les media leur offrent, même plutôt à cause de celui-ci.
Cela, malgré aussi l’exigence apportée au contenu des appels, déclarations communs auxquels ils ajoutent leurs noms.
Sur la base de ces textes, l’action pour « faire vivre et renforcer le PCF » ne peut partir que d’organisations du parti et de militants impliqués dans les luttes sociales et politiques essentielles, en un mot, dans la lutte des classes.
Après le 34ème congrès du PCF, dans une situation de crise persistante du parti, plusieurs avancées importantes ont été réalisées dans ce sens en 2009
De notre côté, nous nous inscrivons pleinement dans le processus de coordination de ces organisations du PCF.
Car plus que jamais, les travailleurs, le pays ont besoin d'un PCF renforcé sur des positions de classe pour construire les convergences de luttes, mener nationalement la bataille pour, sans distinction et sans tomber dans les entreprises de diversion du pouvoir, mettre en échec sa politique au service du capital.