"Sauver le corse c'est sauver le bilinguisme franco corse"
Pour sa dernière session l'Assemblée de Corse était appelée à se prononcer sur une motion déposée par Jean Guy Talamoni demandant un statut d'officialité de la langue Corse.
Les élu(e)s du groupe communiste républicain et citoyen se sont inscrit dans le débat sans détour avec franchise et clarté. C'est ce que montre l'intervention de Dominique Bucchini dont nous publions ici l'intégralité. L'amendements qu'il proposera sera repris ensuite et voté finalement en substitution à la motion initiale. Il sera rejeté. La droite et le PRG voteront contre (28) les autres groupes CRC CSD Nationalistes et intergroupe voteront pour (19).
Pour le président du Groupe communiste républicain et citoyen :"Si personne ne met en doute l'attachement des uns et des autres force est de reconnaître qu' il faut encourager plus encore l'apprentissage et l'usage de la langue corse comme l'accès à la culture corse. Le système d'éducation et de formation comme la politique publique d'action culturelle sont par définition les espaces où cet encouragement doit être impulsé en priorité. Cela nous semble d'autant plus évident que la globalisation culturelle standardisée, la construction européenne elle-même sinon le capitalisme mondialisé, exacerbent le besoin d'un retour aux sources mais aussi celui de découvrir.
Le sentiment de perte d'appartenance sociale et la frustration de ceux qui n'ont pas accès à la formation, à l'information et aux échanges, alimentent ce phénomène contradictoire. La précarité, l’isolement conduisent alors au rejet et au repli face à un système qui broie les hommes, leur statut social, leurs origines. Le passé et les valeurs "ancestrales" deviennent, parfois à tort, de nouvelles références pour des rapports sociaux, dans certains cas non laïcs, fondés sur une conception ethnique voire communautariste.
Aujourd'hui le bilinguisme doit s'inscrire dans un projet sociétal dont la caractéristique essentielle serait l'ouverture face à ces risques terribles. Dans cet esprit d'ailleurs nous rejetons l'idée de la sélection à l'embauche par la maîtrise de la langue pour "corsiser" l'emploi. Ainsi, l'avenir de notre langue ne peut se concevoir valablement si, érigée en dogme, elle devient un obstacle au rapprochement des hommes, à l'universalité culturelle, à la nécessité de s'approprier une identité et une culture en mouvement perpétuel.
Jean Baptiste MARCELLESI, sociolinguiste mondialement reconnu, expliquait en 1985 dans une brochure (1) intitulée "pour une politique démocratique de la langue" : "Sauver le corse c'est sauver le bilinguisme franco corse…. déclarer son attachement au corse et au français". Il s'agissait alors de promouvoir le bilinguisme par la co-officialité.
Voila pourquoi, au-delà de la ratification de la Charte européenne des langues régionales, la France doit à la fois préserver son exception culturelle mais également consacrer les moyens, humains techniques et financiers, nécessaires à une réelle promotion des langues et cultures régionales. Pour cela, la modification de la Constitution et l'adoption d'une loi sont indispensables pour donner aux langues de France un statut et aux cultures régionales un cadre permettant à long terme cette promotion et leur plein épanouissement.
Dans ce but, il faut évaluer ce que leur revitalisation peut apporter aux rapports sociaux et à l'essor culturel du pays et définir au mieux l'engagement de l'Etat. À défaut, leur avenir resterait incertain et à terme la part du patrimoine national qu'elles constituent serait définitivement perdue. Ainsi définie, dans un cadre national de responsabilité publique, cette politique serait d'autant plus efficace qu'elle afficherait une ambition décentralisatrice forte donnant aux régions la capacité d'adapter les objectifs communs aux particularités de chacune d'elle.
L'enjeu, c'est effectivement, à nos yeux, de fonder, dans la reconnaissance et la connaissance de l’autre, une société généreuse, solidaire conjuguant la citoyenneté, l'épanouissement de la personne et la dignité humaine. Force est de reconnaître que nous n'en sommes pas là. La politique gouvernementale y est pour beaucoup.
En conséquence nous proposons les amendements suivants :
Au titre de la motion :
Langue corse : statut non pas d'officialité mais de co-officialité.
S'agissant de la motion :
L'Assemblée de Corse
Affirme solennellement que la langue corse doit bénéficier d'un statut de co-officialité, conçu, élaboré et mis en œuvre, non en concurrence avec la langue de la République mais en complémentarité avec elle.
Demande que tous les moyens constitutionnels soient trouvés pour permettre l'évolution du statut des langues régionales ou minoritaires en vue d'autoriser leur co-officialité.
Décide pour ce qui concerne les domaines de compétences de la CTC et, sans attendre les évolutions constitutionnelles indispensables, de mettre en pratique certains principes de ce statut notamment en organisant progressivement la traduction en langue corse de ses délibérations et autres actes administratifs".
TC
(1) Brochure publiée par TERRE CORSE présentant la position des communistes sur le bilinguisme.
(site: Michel Stefani, Conseiller Régional.)