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CHANTS REVOLUTIONNAIRES

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31 janvier 2009 6 31 /01 /janvier /2009 10:10


« Le vieux monde se meurt. Le nouveau monde tarde à paraître. Et dans ce clair-obscur les monstres surgissent », écrivait Antonio Gramsci. Cette phrase m’a toujours frappé par sa justesse et sa puissance. On peut dire que l’ancien monde, celui de la première vague de remise en cause du capitalisme, est mort. La seconde vague est en train de naître. Dans ce clair-obscur, les « monstres » prennent la forme de personnages comme Bush, Sarkozy, Berlusconi, d’un côté, comme Ben Laden et ses complices de l’autre. »(Samir Amin)

                                                                                                        
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31 janvier 2009 6 31 /01 /janvier /2009 09:49

                          


Sarkozy, Kouchner, où serez-vous ?       
                                 

Les crimes de guerre d’Israel doivent être jugés ainsi que leurs complices. 
                                                    

N’en doutons pas  : Tzipi Livni, Ehoud Barak, Ehoud Olmert et Gaby Ashkenazi seront jugés pour leurs crimes. Il en va de la crédibilité du droit international. Il en
va aussi de notre humanité, atteinte par ces crimes. Nicolas
Sarkozy, Bernard Kouchner, où serez-vous le jour où ils se retrouveront à La Haye, devant le Tribunal pénal international ?

Nicolas Sarkozy et Bernard Kouchner, vous vous êtes rendus coupables d’avoir arraché à l’Union européenne le « rehaussement » de l’Accord d’association avec Israël, alors même que le blocus israélien affamait et épuisait Gaza depuis dix-huit mois et que les conditions de l’Accord initial, notamment le respect des droits humains, n’avaient jamais été remplies par l’État d’Israël. Comment Israël n’aurait-il pas interprété cette décision comme un feu vert pour toutes ses actions à venir ?

Vous vous êtes ensuite rendu coupable, Nicolas Sarkozy, de complicité de crimes de guerre. Par vos vaines allées et venues entre le Caire, Damas, Jérusalem, vous avez donné à Israël le temps de poursuivre les bombardements sur la population civile de Gaza. Pour que les choses soient claires, vous avez accueilli Tzipi Livni pour une visite officielle en France dans les tous premiers jours de l’offensive et repris les mensonges de l’État israélien sur son « droit de se défendre » après la rupture de la trêve, attribuée au Hamas. Vous ne pouviez pas ignorer que les conditions de cette trêve n’avaient jamais été respectées par Israël, puisqu’elles comprenaient la levée du blocus et l’ouverture des frontières de ce territoire surpeuplé et exsangue.

Vous parlez à présent d’associer la France à l’Allemagne et à la Grande-Bretagne pour faire la police au profit d’Israël afin d’« empêcher la contrebande d’armes vers Gaza ». Il serait plus opportun d’empêcher Israël de continuer à acquérir des armes dont il fait l’usage que l’on sait.

La seule attitude honorable est de rappeler l’ambassadeur de France en Israël, et d’agir pour faire appliquer les sanctions prévues par le droit international pour punir les crimes de guerre.

Les criminels doivent se retrouver à La Haye. Le peuple palestinien, et avec lui de nombreux Israéliens qui n’ont pas perdu tout sens de l’orientation, nous demandent de les aider à obtenir justice. Ne les laissons pas sans réponse.


  Par ;
Gil Anidjar, historien des religions, Daniel Bensaïd, philosophe, Alain Brossat, philosophe, Eric Hazan, éditeur et écrivain, Joëlle Marelli, traductrice, Jean-Luc Nancy, philosophe, Michèle Sibony, enseignante, ancienne présidente de l’UJFP, Michel Warschawski, journaliste.

  in: "L'Humanité" 31 janvier 2009


                                                                                  

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30 janvier 2009 5 30 /01 /janvier /2009 15:40

                                                                               

                               Israël a-t-il perdu la guerre ?

     par Shlomo Sand

Shlomo Sand, historien renommé, est l'un des rares intellectuels israéliens – y compris à gauche – à condamner le pilonnage de Gaza. Il rêve d'une république israélienne ouverte sur le monde arabe.

 

Il est une des figures intellectuelles les plus brillantes d'Israël. Historien, ancien étudiant de l'Ecole des hautes études en sciences sociales à Paris, professeur à l'université de Tel-Aviv, Shlomo Sand, 62 ans, a lâché l'an dernier une bombe culturelle, avec un livre au titre provocateur : Comment le peuple juif fut inventé. Plongée à travers l'histoire juive, remise en cause des mythes fondateurs d'Israël, ce livre a suscité des débats passionnés dans le pays… et un relatif silence médiatique en France. Avec le romancier David Grossman et l'historien Tom Segev, Shlomo Sand est un des rares intellectuels israéliens à crier aujourd'hui sa révolte contre les bombardements de Gaza. Au-delà, il nous livre sa vision d'une « République israélienne », enfin ouverte sur le monde arabe, et qui serait l'Etat de tous ses citoyens...

 

Quel bilan tirez-vous de l'offensive israélienne sur Gaza ?
Le timing électoral était parfait ! Avant les élections israéliennes et en prenant soin de retirer les chars à la veille de l'investiture d'Obama, Ehud Barak a planifié ce Blitz, un déluge de bombes qui ne mettait pas en danger la vie des soldats israéliens. Nous avons semé la désolation, tué 1 300 Palestiniens, en avons blessé plus de 5 000, les deux tiers sont des femmes et des enfants, presque tous victimes de notre aviation. Le Hamas est-il éliminé ? Avons-nous renforcé le camp de la paix chez les Palestiniens ?

 

Mais l'opinion israélienne a soutenu cette guerre. Vous êtes une voix dissonante...
Je suis arrivé au sommet de ma carrière universitaire, je n'ai rien à perdre et je n'ai pas peur. Certes, je me sens très seul. Mais n'oubliez pas que près de dix mille jeunes ont manifesté le 3 janvier à Tel-Aviv. Même en 2006, au début de la guerre contre le Hezbollah, il n'y avait pas eu une mobilisation d'une telle ampleur. C'était une manifestation très politisée, l'extrême gauche ainsi que les Arabes israéliens qui habitent Tel-Aviv ou Jaffa.

 

“Nous avions le devoir de privilégier la diplomatie, de ne pas commettre ce massacre de civils.”

 

La gauche, et même des écrivains comme Amos Oz ou Avraham B. Yehoshua, ont approuvé ces bombardements...

C'est une habitude chez nous. Au début de chaque guerre, depuis 1973, Israël reçoit le plein soutien des intellectuels de la gauche sioniste. Il faut attendre quelques semaines pour qu'ils changent d'avis. Une personne nous manque terriblement aujourd'hui, le professeur Yeshayahou Leibowitz, grand philosophe mort en 1994 qui s'est toujours battu contre les guerres non défensives d'Israël, et qui laisse un grand vide moral.

 

Parce que cette guerre était pour vous non défensive ? Des roquettes tombaient sur les villes israéliennes...

Bien sûr, il n'est pas normal que des roquettes tombent sur Israël. Mais est-il plus normal qu'Israël n'ait toujours pas décidé quelles étaient ses frontières ? Cet Etat qui ne supporte pas les roquettes est aussi un Etat qui ne veut pas renoncer aux territoires conquis en 1967. Il a refusé l'offre de la Ligue arabe en 2002 d'une pleine reconnaissance d'Israël dans les frontières d'avant 1967.

 

Mais le Hamas, lui, ne reconnaît pas Israël.
 
Le Hamas, ce mouvement bête, pas diplomate, avait proposé une « oudna », une trêve de longue durée à Gaza et en Cisjordanie. Israël a refusé parce qu'il veut continuer de tuer les militants du Hamas en Cisjordanie, soit une quinzaine en octobre-novembre après des mois de calme. Israël a donc eu sa part de responsabilité dans la reprise des tirs de roquettes. Au lieu de renforcer le courant modéré du Hamas, Israël pousse les Palestiniens au désespoir. Nous avons ghettoïsé une population entière et refusons de lui accorder sa souveraineté depuis quarante-deux ans. Comme je suis indulgent envers Israël, je dirai seulement depuis vingt ans, 1988, date à laquelle Arafat et l'Autorité palestinienne ont reconnu l'Etat d'Israël, sans rien avoir gagné en échange.
Qu'on comprenne bien : je n'accepte pas les positions du Hamas et surtout pas son idéologie religieuse, parce que je suis un homme laïc, démocrate, et assez modéré. Comme Israélien et comme être humain, je n'aime pas les roquettes. Mais comme Israélien et historien, je n'oublie pas que ceux qui les lancent sont les enfants et petits-enfants de ceux qui ont été chassés de Jaffa et d'Ashkelon en 1948. Ce peuple de réfugiés, moi, Shlomo Sand, je vis sur la terre qui était la sienne. Je ne dis pas que je peux leur rendre cette terre. Mais que chaque offre de paix doit partir de ce constat. Quiconque oublie cela n'arrivera jamais à offrir aux Palestiniens une paix juste.

 

Mais, disent les partisans de ces bombardements, Israël s'est retiré de Gaza, et les roquettes ont redoublé.

C'est absurde ! Imaginez que les Allemands, comme ils l'ont fait en 1940, occupent aujourd'hui le nord de la France et pas le Sud. Vous diriez qu'ils respectent le droit à l'autodétermination des Français ? Sharon s'est retiré unilatéralement de Gaza pour ne pas faire la paix avec Arafat, et ne pas renoncer à la Cisjordanie. Mais les Palestiniens n'ont pas demandé une réserve d'Indiens à Gaza ! Ils demandent un Etat palestinien indépendant en Cisjordanie et à Gaza.

 

“La raison pour laquelle il est impossible de conclure une paix juste, ce ne sont pas les roquettes,
c'est la faiblesse palestinienne.”

 

Tous les torts seraient du côté d'Israël ?
Israël ne comprend malheureusement que la force. La raison pour laquelle il est impossible de conclure une paix juste en ce début du XXIe siècle, ce ne sont pas les roquettes, c'est la faiblesse palestinienne. Israël n'a signé la paix avec Sadate en 1977 que parce que l'Egypte avait remporté une demi-victoire en 1973.

 

Le grand rabbin de France, Gilles Bernheim, dit pourtant qu'Israël ne doit pas « courir au suicide au nom des bons sentiments ».
Mais de quoi parle-t-on ? Qu'est-ce qui menace notre existence ? Nous avons le meilleur armement et le soutien de la première puissance mondiale. Le monde arabe nous propose une paix globale sur les frontières de 1967. La dernière guerre qui a menacé l'existence d'Israël remonte à trente-cinq ans ! Est-ce qu'il ne comprend pas ça, ce grand rabbin ?

 

Il n'est pas le seul. André Glucksmann, à propos des bombardements israéliens, écrit qu'il « n'est pas disproportionné de vouloir survivre ».

Vous me parlez d'un homme qui a admiré Mao ! Ces mecs de 1968, qui ont soutenu toutes les horreurs chinoises, jamais ils n'ont fait une autocritique, jamais ils n'ont essayé de comprendre pourquoi ils s'étaient identifiés au totalitarisme. Aujourd'hui, André Glucksmann, comme Bernard-Henri Lévy, sont toujours du côté de la force, à Jérusalem cette fois. Ils n'ont pas changé...

 

Mais Bernard-Henri Lévy rappelle que Tsahal téléphonait aux habitants pour leur dire de fuir les bombardements, qu'Israël a tout fait pour éviter les victimes civiles...

Ah, Israël a téléphoné, Israël a pris des précautions ? Mais où pouvaient-elles aller, les familles palestiniennes ? C'est vrai, Israël a pris beaucoup de précautions. Mais pour ses troupes ! Ces morts-là nous préoccupent beaucoup car nous sommes devenus une société individualiste et hédoniste, et nos dirigeants sont très soucieux de leur réélection.

 

BHL rappelle aussi que le Hamas a utilisé la stratégie des boucliers humains...

Quelle hypocrisie ! A-t-il oublié Mao : un mouvement de résistance doit se couler dans la population comme un poisson dans l'eau ? Le Hamas n'est pas une armée, c'est un mouvement de résistance terroriste qui agit comme tous ceux qui l'ont précédé, Viêt-cong ou FLN. C'est justement parce que nos dirigeants savaient cela qu'ils avaient le devoir de privilégier la diplomatie, pour ne pas commettre ce massacre de civils. Nous avons fait la preuve que nous n'avons aucune retenue morale, pas plus que la France en 1957 en Algérie qui a détruit des villages entiers. Maintenant, ce qui me choque plus que jamais, c'est que cet Etat que j'ai servi comme soldat durant deux guerres, et qui se définit depuis sa Déclaration d'indépendance en 1948 comme l'Etat de tous les juifs, appartienne davantage à Bernard-Henri Lévy qu'à mes amis universitaires qui vivent ici, payent leurs impôts ici, mais sont d'origine arabe. Qu'est-ce que ça veut dire être sioniste quand on vit en France, qu'on ne veut pas vivre sous l'autorité juive, et qu'on s'identifie au pire de la politique des dirigeants d'Israël ? Ça veut dire contribuer à la montée de l'antisémitisme.

 

   Justement, n'avez-vous pas été choqué que, lors des manifestations à Paris, des drapeaux israéliens ont été brûlés ?

Bien sûr que cela m'inquiète. C'est pour cela qu'il est important que les Israéliens qui pensent comme moi soient entendus. Pour mettre un coup d'arrêt à cette dérive. Et faire qu'on ne confonde pas la politique de nos dirigeants avec tous les Israéliens, et bien sûr avec les juifs, car je suis certain que beaucoup de juifs français, hors de l'establishment, partagent mon point de vue.

 

Les Palestiniens de Cisjordanie n'ont pas bougé...

Cette guerre renforce leur désespoir. Depuis la conférence d'Annapolis en novembre 2007, Mahmoud Abbas se prête à n'importe quoi pour faire avancer la paix. Il emprisonne les militants du Hamas. Et Israël le remercie en multipliant les check-points, en poursuivant la colonisation, en construisant un mur sur le territoire du futur Etat palestinien. Quel Palestinien qui se respecte peut maintenant soutenir Abbas ?

 

Et les Arabes israéliens, quel est leur état d'esprit ?

Je suis sans arrêt au contact de mes étudiants arabes. C'est terrible. Ils parlent hébreux souvent mieux que moi. Je les vois chaque jour devenir plus Israéliens du point de vue culturel, et plus anti-Israéliens du point de vue politique. Comment peuvent-ils vivre dans un pays qui ne les accepte pas comme citoyens à part entière ? Je crains que leur aliénation n'aboutisse à un Kosovo en Galilée.

 

Vous demandez aux Israéliens quelque chose d'énorme, abandonner toute prétention au-delà des frontières de 1967 - hormis le Mur des lamentations -, mais aussi créer une République israélienne qui ne soit plus l'Etat des seuls juifs. C'est réaliste ?

Beaucoup de gens en Israël soutiennent ma cause. Mon livre a été best-seller pendant dix-neuf semaines, j'ai fait une dizaine d'émissions de télé. Nous sommes peut-être une société raciste et pas totalement démocratique, mais profondément libérale et pluraliste. Que peut-on objecter à quelqu'un comme moi qui demande qu'Israël soit l'Etat de ses propres citoyens, juifs, arabes ou autres ? D'autant que j'ajoute qu'après Hitler, on ne peut nier la solidarité entre juifs. Et que l'Etat d'Israël doit rester un refuge pour les juifs persécutés. Mais pas automatiquement être l'Etat de Bernard-Henri Lévy et de tous les juifs qui ne veulent pas vivre en Israël.

 

Vous êtes antisioniste ?

Non, car se définir comme antisioniste peut signifier être anti-Israélien. Or, je défends l'existence de l'Etat d'Israël, parce que j'accepte le fruit de l'entreprise et de l'histoire sioniste - la société israélienne. Mais je ne suis pas sioniste, car ce qui justifie mon existence ici, c'est le fait d'être démocrate. Cela signifie que l'Etat doit être l'expression de son corps social, pas celle des juifs du monde entier. Vous pouvez dire que je suis post-sioniste.

 

“C'est une bêtise raciste de dire qu'il nous faut  divorcer des Arabes. Dans la paix,  on deviendra un peu plus arabes,  comme vous Français devenez  un peu plus européens.”

 

Mais ne risquerait-on pas de voir les juifs en minorité dans l'Etat qu'ils ont créé ?

Je comprends cette peur. C'est la raison pour laquelle je suis contre l'Etat binational, qui serait un Etat à majorité arabe, et que je propose aux Israéliens de se fixer le plus vite possible sur les frontières de 1967, c'est-à-dire de garder l'hégémonie judéo-israélienne. Mais pas une hégémonie exclusive. La République israélienne doit être laïque et démocratique. Reste toutefois que dans mon utopie, dans mon monde imaginaire, l'Etat binational serait le plus juste possible...

 

Y compris avec les juifs en minorité ?

La distance qui me séparera de mes petits-enfants sera au moins culturellement équivalente à celle qui me sépare de mes grands-parents. Cela signifie que vivre au Proche-Orient se fera en symbiose avec la culture arabe. Je souhaite d'ailleurs une confédération israélo-palestinienne immédiatement après qu'Israël se sera retiré sur les frontières de 1967. C'est une bêtise raciste de dire comme Amos Oz qu'il nous faut divorcer des Arabes. Dans la paix, on deviendra un peu plus arabes, comme vous Français devenez un peu plus européens.

 

Mais face à une société israélienne qui reste majoritairement laïque, il y a une société palestinienne plus islamiste qu'il y a trente ou quarante ans ?

La jeunesse arabe en Israël ne devient pas plus religieuse, surtout pas les femmes. Le fondamentalisme se cristallise face au monde occidental. Ce n'est pas une victoire du religieux, c'est l'échec du socialisme laïc au Proche-Orient, renforcé par la façon dont vous les Européens accueillez les travailleurs immigrés, dont les Américains mènent leur guerre en Irak, dont Israël traite les Palestiniens. C'est le fruit de conflits, pas d'une tendance historique naturelle. Regardez ce qui se passe en Algérie : la politique pourrie du FLN a fait naître l'islamisme, mais ce n'est pas une évolution en profondeur, l'Algérie ira vers la modernité. Le Hamas, de son côté, habillé de vêtements islamistes, n'a pas cessé d'être un mouvement nationaliste moderne.

 

Dans votre livre, vous détruisez les mythes fondateurs d'Israël - le peuple de l'exil qui revient sur sa terre. Mais par quoi les remplacez-vous pour légitimer l'existence de ce pays ?

On m'a récemment posé cette question à l'université palestinienne de Jérusalem. J'ai répondu de façon un peu dramatique que même un enfant né d'un acte de viol a le droit de vivre. La création d'Israël par des juifs dont beaucoup étaient des rescapés des camps d'extermination a été un acte de viol contre les populations arabes de Palestine. Il a fait naître la société israélienne qui vit déjà depuis soixante-dix ans, et qui a développé sa culture. On ne règle pas une tragédie en en créant une autre. Cet enfant a le droit d'exister. Sauf qu'il faut l'éduquer pour qu'il ne perpétue pas l'acte de son père. Il y a trente ans, je n'aurais peut-être pas tenu ce discours. Mais le monde arabe a reconnu Israël. L'OLP aussi, après la demi-victoire de l'Intifada. Donnons une chance au Hamas aussi. N'oublions pas, sans les excuser, que ceux qui tirent sur Ashkelon savent qu'elle a été construite sur le grand village arabe d'Al Majdal, d'où leurs pères ont été expulsés en 1950.

 

On est très loin de la politique israélienne...

Israël ne fera la paix que si l'on fait pression sur elle. Je souhaite, j'espère, je supplie, qu'Obama soit Carter et pas Clinton. Carter a forcé Israël à faire la paix avec l'Egypte, Clinton n'a pas forcé Israël à faire la paix avec les Palestiniens. Le risque est évidemment que Hillary Clinton, proche du lobby pro-israélien, prenne trop de place en politique étrangère. Mais je ne veux pas être fataliste. J'espère.

.

Propos recueillis par Vincent Remy

Télérama n° 3081

 

A lire: Comment le peuple juif fut inventé. Ed. Fayard, 446 p., 23 €.

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30 janvier 2009 5 30 /01 /janvier /2009 10:15

« Quand il y a une grève en France, personne ne s’en aperçoit » (Nicolas Sarkozy). 

                                                                                  (La manif à Paris)

Succès historique de la journée de mobilisation organisée par les 8 centrales syndicales. Les huit syndicats doivent se réunir le 2 février pour décider des suites à donner au mouvement.

L'appel du 29 janvier 2009

Déclaration commune de propositions et revendications des organisations syndicales CFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT, FO, FSU, Solidaires, UNSA (extraits).

La crise économique amplifiée par la crise financière internationale touche durement une grande partie des salariés dans leurs emplois et leurs revenus. Alors qu’ils n’en sont en rien responsables, les salariés, demandeurs d’emploi et retraités sont les premières victimes de cette crise. Elle menace l’avenir des jeunes, met à mal la cohésion sociale et les solidarités ; elle accroît les inégalités et les risques de précarité.

Les seules lois du marché ne peuvent régler tous les problèmes. Face à cette situation et considérant qu’il est de leur responsabilité d’agir en commun, en particulier lors de la journée du 29janvier, pour obtenir des mesures favorables aux salariés, les organisations syndicales CFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT, FO, FSU, Solidaires et UNSA ont décidé d’interpeller les entreprises, le patronat et l’État. Surmonter la crise implique des mesures urgentes en faveur de l’emploi, des rémunérations et des politiques publiques intégrées dans une politique de relance économique.

1. Donner la priorité au maintien des emplois dans un contexte de crise économique

De nombreuses entreprises mettent la pression sur les sous-traitants et les fournisseurs, faisant supporter à leurs salariés blocages de rémunérations et pertes d’emplois. Par ailleurs, des salariés sont contraints à des durées du travail élevées, tandis que les salariés temporaires, en intérim ou en CDD, sont les premiers à faire les frais des baisses d’activité. Des entreprises utilisent la crise pour opérer des restructurations tout en maintenant la rémunération de leurs actionnaires.

C’est intolérable et inadmissible.

Les entreprises confrontées aux baisses d’activité utilisent des mesures de sauvegarde d’emplois comme le chômage partiel, les jours de RTT ou de congés… Toutes ces mesures doivent être négociées dans l’objectif de préserver l’emploi et les salaires. Les aides publiques doivent aussi y être conditionnées. Les entreprises doivent améliorer l’indemnisation du chômage partiel et tous les salariés doivent pouvoir en bénéficier. Ces périodes de baisse d’activité doivent être utilisées pour développer la formation professionnelle et renforcer les compétences des salariés. Dans toutes les entreprises, quelle que soit leur situation, c’est notamment en investissant dans la formation et le travail qualifiant et en réduisant la précarité que la performance sera assurée. Dans la fonction et les entreprises publiques, il est indispensable de répondre aux besoins de notre société et de la population et de leur attribuer les moyens nécessaires. Dès 2009, le gouvernement doit renoncer aux 30000 suppressions de postes. Il faut abandonner une politique aveugle de suppression d’emplois et penser autrement l’évolution des services publics dont la qualité et l’emploi constituent une question centrale.

La situation des salariés précaires du public appelle des mesures de justice sociale.

2. Politiques salariales : améliorer le pouvoir d’achat, réduire les inégalités

Les exigences des actionnaires ont conduit, dans beaucoup d’entreprises, à l’accroissement des inégalités. Elles se sont aussi traduites par une redistribution des richesses privilégiant le versement de dividendes au détriment des salaires et de l’investissement.

Dans les branches, les entreprises, les fonctions publiques, les négociations salariales doivent assurer au moins un maintien du pouvoir d’achat et une réduction des inégalités.

Les allégements de cotisations sociales doivent être conditionnés à la conclusion d’accords salariaux.

3. Orienter la relance économique vers l’emploi et le pouvoir d’achat.

Il est de la responsabilité de l’État et de l’Union européenne de décider de politiques d’interventions publiques coordonnées favorisant une relance économique. Celles-ci doivent viser à la fois :
 Une relance par la consommation en améliorant le pouvoir d’achat, en priorité des revenus les plus modestes parmi lesquels de nombreux salariés, demandeurs d’emploi, retraités et bénéficiaires de minima sociaux.
 Une politique de développement de logement social à la hauteur de l’urgence, un encadrement des loyers et un accès au crédit dans des conditions excluant les taux usuraires.
 Une protection sociale (santé, retraite…) dans un cadre collectif et solidaire. Des investissements ciblés, en particulier en matière d’infrastructures, d’équipements publics et de services publics, en favorisant la recherche, le développement, l’éducation et la formation.

Les investissements publics et privés doivent notamment être orientés en faveur d’une économie du développement durable mettant en œuvre les principes adoptés au Grenelle de l’environnement.

Toute aide accordée à une entreprise doit être ciblée et faire l’objet de contreparties. Elle doit être conditionnée à des exigences sociales, en particulier en matière d’emploi. Elle doit faire l’objet d’une information et d’un avis préalable des élus représentant les salariés. Dans le cas spécifique du secteur bancaire, l’utilisation des aides publiques doit donner lieu à un contrôle direct par l’État.

4. Préserver et améliorer les garanties collectives

Les conditions de vie et de travail pour les salariés des secteurs privé et public, passent par l’amélioration du cadre collectif. C’est pourquoi il faut :
 Abroger les dispositifs légaux qui ont conduit à remettre en cause la réduction du temps de travail.
 Retirer la proposition de loi sur le travail du dimanche.
 Respecter le dialogue social sur tous les projets et propositions de loi qui touchent à la réglementation du travail.
 Face à la révision générale des politiques publiques (RGPP), mettre en œuvre des réformes porteuses de progrès social.

5. Réglementer la sphère financière internationale

Cette réglementation doit mettre un terme à la spéculation, aux paradis fiscaux, à l’opacité du système financier international et encadrer les mouvements de capitaux. L’Union européenne doit être au premier plan pour l’exiger. Il faut aussi imposer le respect des droits fondamentaux et sociaux et des normes internationales de l’OIT dans tous les échanges internationaux. L’aide publique au développement doit être maintenue et améliorée. C’est ce que demande le mouvement syndical international.

 

 

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30 janvier 2009 5 30 /01 /janvier /2009 09:19

                                         «Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux ». (La Boêtie)                                                                       

    Il y aurait eu 2500 manifestants à Bastia, hier  selon la presse écrite locale. Certains manifestants pensent beaucoup plus, tant la foule était dense le long du boulevard Paoli(cf.la photo ci-dessous), du Palais de Justice à la "place de grève", devant la Préfecture.

  Un beau succès contre tous les pisse-froid opposés au mouvement populaire.  
 
  Remarque d'une Déléguée  Départementale de l' Education Nationale,  du secteur du Nebbiu,   les écoles de Oletta, Patrimonio et Saint-Florent défilaient sous la même bannière, en langue corse, pour la défense de l'Ecole Publique.
  Les enseignants des RASED(en haut sur la photo), menacés par les mesures Darcos de démantèlement de l'Education Nationale, étaient venus en force pour démontrer, entre  autres, et pour paraphraser le grand Victor Hugo, que lorsqu'on ouvre une école, on ferme une prison.

                                                                                                

(Photo: La Corse- 30-01-09)



                                                                                    
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29 janvier 2009 4 29 /01 /janvier /2009 13:29

            POSTE:
    APPEL DELA SECTION DU CAP CORSE


     Les projets dits de restructurations des bureaux de La Poste suscitent une grande inquiétude dans tout le pays chez les usagers des communes concernées. Il en est de même pour le Cap Corse où le bureau de Sisco serait rattaché à celui d'Erbalunga et ceux de Rogliano et de Meria à celui de Macinaggio.
  Alors que tout le monde s'accorde à reconnaître la difficile praticabilité du réseau routier dans notre micro région, la direction de la Poste ne désarme pas quitte à favoriser une augmentation des déplacements de ses usagers.
  Encouragée par les déclarations du Président de la République poussant à la privatisation de ce service public vital en milieu rural, elle accélère le démantèlement pour garantir la rentabilité réclamée par des investisseurs en quête de profits. Ces déclassements, qui répondent à un processus de désengagement, conduiront à des fermetures pure et simple des bureaux en question sauf si les collectivités locales déjà sollicitées en ce sens n'en assument la charge. Ce transfert se traduirait alors par une hausse de la fiscalité et une baisse de la qualité du service au public.
  Pour le Cap Corse, déjà pauvre en emploi, cette dévitalisation du service public est socialement et économiquement inacceptable.
 Pour ces raisons, les communistes du Cap Corse appellent à la vigilance des usagers, des postiers et des élus pour exiger de la direction de la Poste que les bureaux de Sisco, Rogliano et Meria conservent leurs prérogatives de plein exercice
.

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27 janvier 2009 2 27 /01 /janvier /2009 13:15
           «Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux ». (La Boêtie)
                                                                                 RAPPEL:
                                                           JEUDI 29 JANVIER 2009

                    
MANIFESTATION UNITAIRE
                pour l’emploi, le pouvoir d’achat,
          la Sécurité sociale, la relance économique…

 

  On se  retrouve à 10 H. devant le Palais de Justice de Bastia.



                                          
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27 janvier 2009 2 27 /01 /janvier /2009 12:58

                                                                        Déclaration unitaire
                   Ce n’est pas à la population de payer la crise ! 

  
 Les classes populaires sont durement touchées par la crise. L’inquiétude pour l’avenir grandit. La politique du pouvoir est plus que jamais au service des privilégiés.
L’heure est à la riposte.
Les organisations signataires de cet appel défendent des propositions pour une autre politique, et s’engagent dans le soutien et la participation aux mobilisations, notamment à la journée interprofessionnelle de grèves et manifestations du 29 janvier. En deux mois, le nombre de chômeurs a augmenté de plus de 100 000. Dans les entreprises privées, sous couvert de crise, les plans de licenciements se multiplient et le chômage partiel touche des secteurs entiers. Les intérimaires et l’ensemble des précaires sont touchés de plein fouet. La remise en cause des droits des chômeurs continue. 
Au nom de la lutte contre « les déficits », le pouvoir a réduit les budgets publics, a privatisé, mis en concurrence « libre et non faussée » les services publics. C’est un véritable plan de mutation libérale et de privatisation qui s’accentue avec les suppressions d’emplois publics. Le gouvernement il y a encore quelques mois nous annonçait que « les caisses sont vides ». Depuis il a trouvé des centaines de milliards (plus de 428 milliards d’euros) pour sauver les banques, assurances et autres organismes financiers. Les divers « plans de relance » ici et là dans le monde n’ont qu’un seul objectif : maintenir les profits des grands groupes capitalistes. La crise est une crise européenne et mondiale. Dans ce contexte, nous devons également nous mobiliser pour une Europe sociale, écologique, démocratique, féministe.
Des résistances existent ! Des salarié-e-s se mobilisent contre les licenciements, organisent des manifestations avec le soutien de la population. Les mouvements dans l’Education Nationale, notamment des lycéen-ne-s et de leurs professeur-e-s montrent qu’il est possible de faire reculer ce gouvernement. Des familles mal-logées ou sans logis se battent pour l’application de la loi de réquisition des logements vides. Les salarié-e-s sans papiers poursuivent la lutte pour leur régularisation. Nous sommes parties prenantes de toutes ces résistances et nous nous inscrivons dans les prochaines mobilisations de janvier, Education Nationale le 17, Santé et Hôpital Public le 24, grève interprofessionnelle et manifestations de masse du 29 janvier.
 Une autre politique est possible, en s’attaquant aux profits et à la spéculation financière, en remettant en cause la rémunération du capital. Il faut donner la priorité aux salaires et aux droits sociaux, mettre à contribution les profits et les dividendes versés aux actionnaires, en remplaçant le « bouclier fiscal » pour les privilégié-e-s et les spéculateurs par le bouclier social permettant au plus grand nombre de vivre mieux.
 Nous exigeons l’augmentation des salaires, du SMIC, du minimum vieillesse et des minima sociaux.
 Nous proposons l’annulation du paquet fiscal de l’été 2007 ; une redistribution du budget de l’Etat pour répondre aux besoins sociaux et développer les services publics à tous les niveaux ; une réforme de la fiscalité afin que les entreprises ne puissent plus, comme aujourd’hui, privilégier la spéculation au détriment de l’emploi et des conditions de travail.
Nous nous opposons aux licenciements, exigeons le droit de veto suspensif des salarié-e-s sur les licenciements.
Nous exigeons le maintien du contrat de travail, le maintien de l’intégralité des revenus et des droits des salariés mis au chômage technique.
Nous réaffirmons le principe du CDI comme référence du contrat de travail dans le privé et de l’emploi statutaire dans le public. Nous défendons les reprises autogestionnaires d’entreprises par les salarié-e-s. Nous refusons toute aide publique aux entreprises qui licencient.
Nous agissons pour la suppression des paradis fiscaux, pour une appropriation publique du système de crédit permettant une autre politique d’investissement au service de l’emploi, du logement social, des services publics et de projets prenant en compte l’urgence écologique.
 Nous voulons remettre en cause le pacte de stabilité et les directives européennes de privatisation ; agir pour un nouveau type de développement ; pour combattre toutes les formes de discrimination qui affectent le champ social ; pour créer des emplois utiles sur le plan social et écologique.
Nous proposons de dégager les moyens nécessaires à des objectifs de production économes en termes d’énergie et producteurs d’emplois notamment dans le domaine de l’environnement, des transports collectifs, du secteur des énergies renouvelables et du soutien à l’agriculture paysanne.
Nous voulons rompre avec les logiques financières développées par l’Union européenne et ses institutions, en particulier la Banque centrale européenne.
Nous refusons les suppressions d’emplois dans le secteur public, exigeons l’annulation des 30.000 suppressions de postes décidés, le retrait de la privatisation de la santé (loi Bachelot), la création d’emplois socialement utiles (Santé, l’Ecole, Poste, Recherche, et de nouveaux services publics, du logement, de la petite enfance, etc.)
 Nous agissons pour la réduction du temps de travail sans flexibilité ni annualisation avec embauches correspondantes.
Les grèves et manifestations comme celle du 29 janvier expriment les colères et amplifient les luttes. Une riposte populaire d’ensemble est urgente. Nous nous engageons à mettre toutes nos forces au service de la convergence des luttes contre les licenciements, la vie chère, le chômage et la précarité, et pour la défense et l’élargissement des services publics. C’est le moment
!
                                                                             26 janvier

            Alternative Démocratie Socialisme (ADS), Alter-Ekolo, Alternative Libertaire (AL), Association des Communistes Unitaires (ACU), Coordination Nationale des Collectifs Unitaires pour une alternative au libéralisme (CNCU), Les Alternatifs, Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA), Parti Communiste Français (PCF), Parti communiste des ouvriers de France (PCOF), Parti de Gauche (PG).

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26 janvier 2009 1 26 /01 /janvier /2009 10:19

                                                                                    

                                                                          Cuba 1959-2009
Il était une fois la révolution

Du renversement de la dictature de Batista aux débats et défis de la société cubaine,

un numéro exceptionnel

avec les reportages et entretiens de nos envoyés spéciaux, les points de vues exclusifs et analyses de :

Evo Morales, Hugo Chavez, Jeannette Habel, Eduardo Manet, FreiBetto, Abel Prieto, Gianni Minna, Ignacio Ramonet, Adolfo Perez

Esquivel, Leonardo Padura, Ramon Chao...

84 pages
8.00 €

 

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26 janvier 2009 1 26 /01 /janvier /2009 10:10

                                                      

La gauche et l’appui à la résistance

 Nadine Rosa-Rosso(Parti du Travail de Belgique)
Intervention au Forum international de Beyrouth pour la résistance, l’anti-impérialisme, la solidarité des peuples et les alternatives, le 17 janvier 2009



La question clé de ce forum est celle de l’appui aux résistances à l’impérialisme, partout dans le monde. En tant que militante communiste belge indépendante, je voudrais aborder uniquement le problème de la gauche européenne sur cette question.

Les manifestations massives dans les capitales et les grandes villes européennes pour soutenir le peuple de Gaza viennent de mettre encore une fois en évidence le problème central : la toute grande majorité de la gauche, y compris les communistes, accepte de soutenir le peuple de Gaza face à l’agression israélienne mais refuse de soutenir ses expressions politiques, comme le Hamas en Palestine ou le Hezbollah au Liban. Non seulement la gauche ne les soutient pas, mais elle les dénonce et les combat. Son soutien au peuple de Gaza se situe sur le plan humanitaire et non sur le plan politique.
En ce qui concerne le Hamas et le Hezbollah, la principale préoccupation de la gauche est l’appui des masses arabes à ces formations et non l’intention délibérée et hautement proclamée d’Israël de les anéantir. Sur le plan politique, on peut dire sans exagérer que le souhait (plus ou moins ouvertement avoué) de la gauche se situe sur la même ligne que celle du gouvernement israélien : liquider le soutien populaire au Hamas et au Hezbollah. Cette question se pose non seulement pour le Moyen-Orient mais aussi au sein des capitales européennes parce que la grande masse des manifestants à Bruxelles, Londres ou Paris aujourd’hui y est constituée des populations issues de l’immigration maghrébine.

Les réactions de la gauche sur ces manifestations sont tout à fait symptomatiques. Je vous en cite quelques-unes, mais je pourrais en citer des dizaines. Le site de Res Publica, en France, titre après la grande manifestation parisienne du 3 janvier : « Nous refusons d’être piégés par les islamistes du Hamas, du Jihad islamiste et du Hezbollah ! ». « Quelques militants de gauche et d’extrême gauche (qui ont très faiblement mobilisé) se sont retrouvés littéralement noyés dans une foule dont les opinions sont aux antipodes de ce qu’incarne le mouvement républicain français et de ce que prône la gauche du XXIème siècle. Plus de 90 % des manifestants ont défendu une vision du monde intégriste, communautariste, fondée sur la guerre des civilisations, anti-laïque, anti-républicaine et prôné un relativisme culturel dont on connaît toutes les dérives néfastes, notamment en Angleterre ».

Res Publica n’est ni marxiste ni communiste, mais on cherche en vain sur des sites marxistes le moindre mot positif sur Hamas. On trouvera des formulations telles que « Quoiqu’on puisse penser sur le Hamas, une chose est indiscutable : la population palestinienne a élu démocratiquement le Hamas à la direction de Gaza, lors d’élections qui se sont déroulées sous contrôle international[1]. Et quand on cherche plus loin sur « ce qu’on peut penser du Hamas », on trouve tant sur le site du Parti Communiste Français que sur celui du Parti du Travail de Belgique un article intitulé « Comment Israël a mis en selle le Hamas ». On y apprend que le Hamas a été soutenu par Israël, les Etats-Unis et l’Union européenne, un point c’est tout. Je souligne que cet article a été mis en ligne le 2 janvier, après une semaine de bombardements israéliens intensifs et la veille de l’offensive terrestre dont le but proclamé est la destruction du Hamas.

Je reviens sur la citation de Res Publica parce qu’elle résume assez bien l’attitude générale de la gauche non seulement vis-à-vis de la résistance palestinienne mais aussi des masses arabes et musulmanes eu Europe.

Le plus intéressant de cette citation se trouve dans la parenthèse : la gauche et l’extrême gauche (qui ont très faiblement mobilisé). On pourrait s’attendre, après un tel aveu, à un bilan un tant soit peu autocritique de cette absence de mobilisation, en plein carnage du peuple palestinien.

Mais non, toute la charge est dirigée contre la masse des manifestants (90%) à qui il est reproché de mener la « guerre des civilisations ».

Dans toutes les manifestations auxquelles j’ai participé à Bruxelles, j’ai demandé à des manifestants de me traduire les slogans scandés en arabe et ils l’ont chaque fois fait avec plaisir. J’ai entendu beaucoup de soutien à la résistance palestinienne et beaucoup de dénonciation des gouvernements arabes, en particulier du président égyptien Mubarak, des crimes d’Israël, du silence assourdissant de la communauté internationale ou de la complicité de l’Union européenne. Selon moi des mots d’ordre politiques tout à fait appropriés à la situation. Mais sans doute que certains n’entendent que « Allahu aqbar ! » et se font leur opinion sur cette seule base.

Le fait même que des slogans sont criés en arabe suffit parfois à irriter la gauche. Ainsi le comité organisateur de la manifestation du 11 janvier était préoccupé des langues qui y seraient utilisés. Mais ne peut-on tout simplement pas diffuser les traductions de ces slogans ? Ce serait peut-être le premier pas dans la compréhension mutuelle. Quand nous manifestions en 1973 contre le coup d’état militaire pro-américain de Pinochet au Chili, personne ne se serait aviser de dire aux manifestants latino-américains « Scandez en français, s’il vous plait ! ». Pour mener ce combat, nous avons tous appris des slogans en espagnol et cela ne choquait personne.

Le problème est bien dans la parenthèse : pourquoi la gauche et l’extrême gauche mobilisent si peu ? Et pour être plus clair, la gauche et l’extrême gauche sont-elles encore capables de mobiliser sur ces questions ?

Le problème était déjà évident lors de l’invasion israélienne du Liban à l’été 2006.
Je voudrais citer ici un Israélien antisioniste, qui a trouvé refuge à Londres, le musicien de jazz Gilad Atzmon, et qui disait déjà, six mois avant l’invasion : « Depuis pas mal de temps, il est très clair que l’idéologie de gauche se débat désespérément pour trouver sa voie au milieu de la bataille en train d’émerger entre l’Occident et le Moyen-Orient. Les paramètres de ce qu’il est convenu d’appeler le "clash entre civilisations" sont si clairement en place que le militant de gauche "rationnel" et "athée" est à coup sûr condamné à se retrouver plus près de Donald Rumsfeld que d’un religieux musulman ».

Il est difficile de poser le problème plus clairement.
Parmi les paramètres, je voudrais en traiter brièvement deux qui paralysent littéralement la gauche dans son soutien à la résistance palestinienne, libanaise et plus généralement arabe et/ou musulmane : la religion et le terrorisme.

La gauche et la religion

Atterrée par les sentiments religieux présents dans les masses populaires issues de l’immigration, la gauche, marxiste ou non, brandit régulièrement la célèbre phrase de Marx « La religion est l’opium du peuple ». Elle pense ainsi avoir tout dit. Il faut soumettre le peuple à une sérieuse cure de désintoxication et ceci avant tout autre chose. J’aimerais vous lire la citation de Marx qui aboutit à cette conclusion et si je cite Marx ce n’est pas pour me cacher derrière une sommité mais c’est parce que j’espère ainsi faire réfléchir au moins ceux qui s’en revendiquent.

« La religion est la théorie générale de ce monde, (..) sa logique sous forme populaire, son point d’honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son comportement solennel, sa raison générale de consolation et de justification. (…) La misère religieuse est à la fois l’expression de la misère réelle et d’autre part la protestation contre cette misère. La religion est le soupir de la créature accablée, le cœur d’un homme sans cœur, comme elle est l’esprit des temps privés d’esprit. Elle est l’opium du peuple… ».

J’ai toujours été athée et je le reste mais je ne suis pas du tout étonnée de la montée des sentiments religieux dans les peuples. Dans le monde d’aujourd’hui, la plupart des hommes politiques, y compris de la gauche, aiment proclamer leur impuissance : ils ne peuvent rien contre la supériorité militaire des Etats-Unis, ils ne peuvent rien, ou presque, contre les spéculations financières et la logique du profit qui ruinent, affament et tuent des milliards d’êtres humains sur cette planète. Tout cela, c’est « la main invisible du marché ». Mais quelle différence y a-t-il entre une « main invisible » et « l’intervention divine » ? La seule différence, c’est que la théorie de la « main invisible » désarme totalement les masses dans leur soif de justice sociale et économique et que « l’intervention divine » semble souvent les aider à tenir bon et à résister. Que cela nous plaise ou nous déplaise, ce n’est pas en crachant sur des milliards d’être humains que nous allons nous rapprocher d’eux.

La gauche fait exactement la même chose que ce qu’elle reproche aux islamistes : elle n’analyse la situation qu’en termes religieux. Elle refuse d’entendre les propos religieux comme « une protestation contre la misère ». Et on pourrait ajouter aujourd’hui contre l’impérialisme, le colonialisme et le néo-colonialisme. Et par ce refus elle se coupe totalement d’une immense partie des masses populaires. Et je ne peux pas mieux dire que Gilad Atzmon « Plutôt qu’imposer nos croyances à d’autres, nous ferions bien mieux d’apprendre à comprendre ce en quoi les autres croient. ». Parce que si nous continuons à refuser d’apprendre à comprendre, nous passerons le reste de notre vie à nous lamenter sur les sentiments religieux des masses au lieu de les rejoindre dans leur combat pour la paix, l’indépendance et la justice sociale et économique.

A propos de la religion, il est important d’ajouter que le sort réservé à la religion musulmane est fort différent de celui réservé, même par la gauche, à la religion chrétienne. Je n’ai jamais perçu aucune réticence de la gauche à se solidariser avec les évêques latino-américains partisans de la théologie de la libération en lutte contre l’impérialisme yankee dans les année 70, ni avec le catholicisme déclaré de la résistance irlandaise contre l’impérialisme britannique. Je n’ai jamais entendu la gauche critiquer Martin Luther King pour ses références à l’évangile qui ont été un puissant levier de mobilisation pour la masse des travailleurs noirs américains, privés de tous les droits politiques, économiques et sociaux dans les USA des années soixante. La différence de traitement, la méfiance systématique à l’égard des musulmans, tous soupçonnés, sans distinction, de vouloir nous imposer la Charia, ne peut s’expliquer que par l’empreinte indélébile du colonialisme sur nos consciences. N’oublions quand même pas que les communistes, comme ceux du Parti Communiste Belge, ont réussi à vanter les mérites de la colonisation, colportée avec enthousiasme par les missionnaires chrétiens. Ainsi, en 1948, au sortir d’une résistance héroïque des partis communistes contre l’occupant nazi, on pouvait lire dans le programme du Parti Communiste de Belgique pour le Congo : « 
a) Réalisation d’une seule entité économique Belgique-Congo ;
b) Développement des échanges avec la colonie et valorisation de ses richesses nationales ;
c) Nationalisation des richesses et des entreprises trustées au Congo ;
d) Développement du colonat blanc, du paysannat et de l’artisanat noir ;
e) Extension progressive aux populations noires des droits et libertés démocratiques. »

C’est ce genre d’éducation politique des travailleurs qui a abouti à l’absence quasi totale de réaction de ces mêmes travailleurs face à l’assassinat de Patrice Lumumba et de Pierre Mulele, comme des dizaines d’autres dirigeants et militants africains anti-impérialistes. Car « notre » civilisation chrétienne est quand même quelque chose de civilisé, n’est-ce pas ? Et nous ne pouvons étendre les droits et libertés démocratiques aux masses du tiers monde que de façon « progressive », vu qu’elles sont trop barbares pour en faire un bon usage.
C’est exactement ce même type de raisonnement politique colonial qui fait qu’aujourd’hui la gauche se mord les doigts d’avoir soutenu les élections démocratiques en Palestine. Dommage, il aurait fallu être plus « progressif » puisque maintenant la majorité a voté Hamas. Pire, la gauche reproche à l’Occident d’avoir « forcé la main à l’OLP pour organiser des élections législatives en 2006 alors que tout indiquait que le Hamas allait les remporter ». C’est ce qu’on peut lire aujourd’hui sur le site du Parti Communiste Français et du Parti du Travail de Belgique.

Si l’on cessait de se focaliser sur les convictions religieuses, on pourrait peut-être « apprendre à comprendre » pourquoi les masses arabes et musulmanes qui manifestent aujourd’hui pour la Palestine crient « zéro » à un dirigeant arabe et musulman comme Mubarak et clament le nom de Chavez, un dirigeant latino-américain et chrétien. Est-ce que ces masses n’expriment pas ainsi clairement que leur grille de lecture n’est pas, en premier lieu, la religion mais bien la position à l’égard de l’impérialisme américain et sioniste ?
Et si la gauche posait le problème radicalement en ces termes, est-ce qu’elle ne pourrait pas retrouver un petit peu du soutien populaire qui a fait sa force ?

La gauche et le terrorisme

La seconde grande source de paralysie de la gauche dans le combat anti-impérialiste est la hantise d’être assimilée au terrorisme.

Le président de la Chambre des représentants allemande, Walter Momper, la chef de la fraction des Verts Franziska Eichstädt-Bohlig, un chef du Linke Klaus Lederer, et d’autres encore ont manifesté à Berlin en soutien à Israël sous le slogan « Halte à la terreur du Hamas ». Il faut savoir que la formation de gauche allemande Die Linke est considérée par beaucoup en Europe comme une alternative crédible et nouvelle pour la gauche.

Toute l’histoire de la colonisation et de la décolonisation est une histoire de terres volées par la force militaire et reconquises par la force. De l’Algérie au Vietnam, de Cuba à l’Afrique du Sud, du Congo à la Palestine, aucune puissance colonisatrice n’a renoncé par la négociation et le dialogue politiques à sa domination. C’est aussi le sens que Gilad Atzmon vient de donner la semaine passée aux tirs de roquette du Hamas : « Cette semaine, nous en avons appris un peu plus sur l’arsenal balistique du Hamas. Il est évident que le Hamas a fait preuve d’une certaine retenue avec Israël depuis trop longtemps. Le Hamas s’est retenu d’étendre le conflit à l’ensemble du sud d’Israël. Il m’est venu à l’esprit que les volées de roquettes qui se sont abattues sporadiquement sur Sderot et Ashkelon n’étaient en réalité rien d’autre qu’un message des Palestiniens emprisonnés. C’était d’abord un message à la terre, aux champs et aux vergers volés : ’Notre terre adorée, nous ne t’avons pas oubliée, nous combattons encore pour toi, au plus vite nous reviendrons, nous reprendrons là où nous avons été arrêtés ». Ce qu’un juif né sur le sol d’Israël peut comprendre, reste incompris et en tout cas indéfendable pour la gauche européenne : la nécessité et le droit des peuples à reprendre par la force ce qui leur a été volé par la force.

Parce que depuis le 11 septembre 2001, tout usage de la force dans la lutte anticoloniale et anti-impérialiste est répertorié dans la catégorie « terrorisme » ; il n’est même plus question d’en discuter.

Il faudrait pourtant rappeler que le Hamas a été placé par les Etats-Unis sur la liste des organisations terroristes bien longtemps avant le 11 septembre, en 1995. C’est en janvier 1995 que les Etats-Unis ont élaboré la « Specially designated terrorist List (STD) » sur laquelle on retrouvait pratiquement tous les mouvements, partis et organisations du tiers monde qui ont recours à la lutte armée contre l’impérialisme. Mais c’est surtout après le 11 septembre, et avec le lancement de la « global war on terror (GWAT) », la guerre globale contre le terrorisme de l’administration Bush, que la capitulation d’une grande partie de la gauche a commencé[2]. La peur d’être classée parmi les terroristes ou parmi des partisans du terrorisme n’est plus seulement politique ou idéologique, elle est aussi pratique. La directive de l’Union européenne pour la lutte contre les organisations terroristes a été traduite dans la plupart des législations nationales par un « copier-coller » qui permet aux tribunaux de poursuivre nombre de militants suspectés de soutenir le terrorisme. A Londres, des militants vendant des brochures comportant une analyse marxiste du Hamas ont été arrêtés et leurs brochures saisies. Autrement dit, se renseigner ou en renseigner d’autres sur le programme politique et sur les agissements du Hamas ou du Hezbollah devient une entreprise illégale.

Chacun est donc prié, pour vivre en paix, d’au minimum prendre ses distances et si possible de condamner sans réserve ces formations politiques. Dans ces conditions, on voit mal comment la lutte politique entre la gauche et ces courants pourrait se mener de façon saine.

J’ai donc une proposition très concrète à faire : nous devons lancer un appel pour faire retirer le Hamas de la liste des organisations terroristes. Nous devons nous opposer aux tentatives européennes actuelles d’y placer également le Hezbollah. C’est la moindre des choses que nous puissions faire si nous prétendons soutenir la résistance palestinienne, libanaise et arabe. C’est la condition démocratique minimale pour qu’un soutien à la résistance soit possible et qu’une confrontation des courants politiques différents au sein de la résistance à l’impérialisme soit possible. C’est la condition politique indispensable pour que la gauche ait la moindre chance de se faire entendre par les masses en lutte contre l’impérialisme.

Je suis parfaitement consciente que mes convictions politiques sont minoritaires dans la gauche et en particulier parmi les communistes européens. Cela me préoccupe profondément, non pas pour mon propre sort, je ne suis qu’une militante parmi d’autres, mais pour l’avenir de l’idéal communiste qui est la suppression de l’exploitation de l’homme par l’homme et, dès lors, inéluctablement, l’abolition de l’oppression impérialiste, coloniale et néo-coloniale.

Nadine Rosa-Rosso
( Beyrouth, le 17 janvier 2009 )

Notes
[1] Déclaration du bureau du PTB : arrêter le massacre à Gaza, 31.12.2008
[2] Pour plus de détails, voir l’article « Gaza : au nom de la lutte contre le terrorisme du Hamas », Luk Vervaet, janvier 2009

 

 

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