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CHANTS REVOLUTIONNAIRES

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18 mars 2017 6 18 /03 /mars /2017 08:23
Israël : un Etat juif, pour le pire ?

 

Photo © Claude Truong-Ngoc / Wikimedia

Pour certains, la notion de  « Juif » passe avant même celle de « démocratie », explique, désespéré mais toujours amoureux de son pays, Michel Warschawski, président du Centre d’information alternative à Jérusalem. Il cite Naftali Bennett, ministre de l’Economie, membre du parti nationaliste religieux et pro-colonisation le Foyer juif, pour qui, dans l’Etat juif et démocratique, ce qui compte c’est « juif ». Quant au Premier ministre Benyamin Netanyahu, il essaie depuis quelques années de changer les lois fondamentales qui définissent Israël comme un « Etat juif et démocratique » pour le transformer en « Etat national du peuple juif », ce qui réduira considérablement les droits de la population palestinienne vivant en Israël. Des droits qui étaient d’ailleurs assez illusoires jusqu’à présent : les Palestiniens israéliens ne peuvent pas, comme des Juifs, être propriétaires de leur terre d’Israël, ils ne peuvent qu’en être des « locataires protégés », explique M. Warschawski.

Depuis une dizaine d’années, explique-t-il, des lois impensables auparavant discriminent encore plus les citoyens palestiniens. Cela concerne pourtant 20% de la population israélienne. C’est notamment le cas de la « loi du retour » qui autorise n’importe quel Juif du monde entier à devenir citoyen israélien s’il en fait la demande. Ce n’est évidemment pas le cas pour un Palestinien même si lui et ses ascendants vivent en Israël depuis des générations. Car la terre n’appartient pas aux Israéliens mais au peuple juif. Tout Juif en devient donc copropriétaire. Autre discrimination importante : le droit à la réunification familiale dans les territoires occupés gérés par l’administration militaire. Un décret interdit de faire entrer dans le pays un(e) Palestinien(ne) marié(e) à un citoyen israélien(ne). Il ou elle est obligé(e) d’émigrer au-delà de la ligne verte s’il ou elle veut vivre en famille.

Face à cette dérive ultranationaliste qui met en péril les libertés fondamentales de tous les citoyens israéliens, il y a deux garde-fous : les médias dont beaucoup restent critiques, pluralistes et se réfèrent aux droits humains tout en dénonçant les scandales de corruption de l’actuel gouvernement israélien. Et la Cour suprême qui peut mettre un frein à l’arbitraire gouvernemental et aux menaces contre les libertés fondamentales. Voilà pourquoi l’actuel Premier ministre et son gouvernement entendent bien réformer la Cour suprême, devenue ennemi public n°1. Pour eux, la démocratie est la volonté de la majorité, tout est donc permis et le but est de retirer la citoyenneté israélienne aux Palestiniens, dénonce M. Warschawski. Pour y arriver, on remplace les  juges par des juges d’extrême-droite qui vont mieux tolérer des décisions politiques importantes. Puis on changera les prérogatives de la Cour Suprême. Ainsi, plus de recours possible des associations culturelles arabes, par exemple, que la ministre de la Culture Miri Regev du Likoud censure en coupant toutes subventions au nom d’un « concept de loyauté » envers l’Etat et la politique gouvernementale.

 Un concept fasciste a commenté Zeev Sternhell, historien et penseur israélien, spécialiste du fascisme et qui a même obtenu la plus haute récompense, le prix Israël pour ses travaux en sciences politiques. « Israël Etat fasciste », affirme aussi Avraham Burg, qui fut président de l’Organisation sioniste mondiale et qui dénonce les lois scandaleuses de son pays.

Parmi celles-ci, souligne Michel Warschawski, il y a la loi dite de « régulation » qui permet d’exproprier des Palestiniens des territoires occupés, même s’ils possèdent des titres de propriété, afin de donner leurs terres à de colons. C’est donc une légalisation du vol des terres. Or, les territoires occupés sont sous occupation militaire. Ce sont des décrets militaires qui gèrent tous les aspects de la vie des Palestiniens, en principe, en respectant les Conventions de Genève qui organisent ces situations de guerre. Cette loi de « régulation » a donc été adoptée par la Knesset en infraction avec le droit international, ce qui est une première en Israël ; par précaution, les parlementaires ont précisé dans leur vote que cette loi ne peut pas être jugée par la Cour Suprême, dont on attend quand même la décision.

Voilà comment, avec une droite au pouvoir depuis une dizaine d’années, Israël glisse vers l’extrême-droite, même si sa population reste divisée sur le sort des Palestiniens et l’impunité accordée aux colons juifs. 45% de la population n’approuve pas la politique du gouvernement actuel et déteste les colons. La majorité, malheureusement, sombre dans l’indifférence, dans la consommation, dans l’individualisme. Le lien social et la volonté de mobilisation ont disparu. A présent, l’opinion publique israélienne ne sent pas l’urgence, raconte M. Warschawski : tout va bien derrière le mur de séparation, les attentats ont largement diminué, la sécurité nationale n’est plus menacée par les Palestiniens au point que Benyamin Netanyahu agite sans cesse la peur de l’Iran afin de maintenir le niveau d’alerte dans le pays et pour obtenir l’aide financière des USA. La prospérité économique est là grâce aux exportations de technologies (notamment militaires) ; le pays affiche un taux de croissance de 3 à 4 % alors que 32 % des enfants israéliens vivent sous le seuil de pauvreté. L’isolement international est un leurre : les aides militaires et les accords commerciaux et culturels se poursuivent, même avec l’Europe, si attachée pourtant aux principes démocratiques.

La population riche israélienne ne sait même pas ce qui se passe dans les territoires occupés et à Gaza. Il n’existe aucune alternative politique à l’inexorable montée en puissance de l’extrême-droite.

Que peut-il se passer sur le long terme ?

Le pire serait, selon Michel Warschawski, la dégénérescence de cet Etat, le refus total de compromis avec les Palestiniens et les pays arabes voisins et donc, le suicide de cette population minoritaire.

Sauf si la population israélienne se réveille, sous la pression internationale notamment, poussée par un devoir de justice. « Il faut sortir de l’impunité cet Etat voyou, le traiter comme tel », martèle Michel Warschawski. En cela, la campagne mondiale Boycott, Désinvestissement, Sanction (BDS) porte lentement ses fruits. Même si les Israéliens progressistes et pro-BDS sont menacés, accusés d’être des traîtres juifs, soumis de plus en plus à la violence de la vindicte populaire, à la haine raciste encouragée par le gouvernement actuel.

Qui sauvera Israël de ses démons, sinon les Israéliens eux-mêmes ?

Cent ans de conflit en Palestine

Michel Warschawski s’exprimait le 11 mars à l’Espace Delvaux à Watermael-Boitsfort dans le cadre d’un cycle de conférences et d’animations « Cent ans de conflit en Palestine ». L’année 2017 marque en effet le centenaire de la Déclaration Balfour par laquelle le Royaume-Uni envisageait favorablement  « l’établissement d’un foyer national juif en Palestine» alors qu’il venait par ailleurs de promettre un Grand Etat arabe comprenant tout le Proche-Orient.

 Cette même année 2017 commémore aussi le cinquantième anniversaire de la « Guerre des Six Jours » qui a eu pour conséquence  l’occupation de Jérusalem-Est, de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et du plateau syrien du Golan par Israël.

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