Des centaines de personnes manifestent dans la rue à Al-Hoceima au Maroc pour protester contre le gouvernement marocain, après l'arrestation de Nasser Zefzafi e de plus de 150 militants du "Hirak", mouvement qui réclame plus d'attention pour la région du Rif. Al-Hoceima, Maroc, le 15 juin 2017. Louis Witter I hanslucas.com
Des centaines de personnes manifestent dans la rue à Al-Hoceima au Maroc pour protester contre le gouvernement marocain, après l'arrestation de Nasser Zefzafi e de plus de 150 militants du "Hirak", mouvement qui réclame plus d'attention pour la région du Rif. Al-Hoceima, Maroc, le 15 juin 2017. Louis Witter I hanslucas.com

Malgré la répression, Le mouvement des jeunes pour une vie digne monte en puissance. Lire le reportage de notre envoyée spéciale

À Taza, lorsque l’on quitte l’autoroute, il faut s’armer de patience pour emprunter un itinéraire pénible, interminable. La voie express de 148 km en direction d’Al Hoceïma est en chantier depuis sept ans. Mais ce projet, censé désenclaver la région du Rif, s’est longtemps enlisé dans les sables de la corruption. Son coût total devait initialement s’élever à 2,5 milliards de dirhams (250 millions d’euros). La facture se montera finalement à 3,3 milliards de dirhams (330 millions d’euros) et la route ne sera pas achevée avant 2019. Le retard et le surcoût sont tels que le Palais, rompu à la stratégie du fusible, a ordonné une enquête de l’inspection générale des finances. Est-ce l’effet du mouvement populaire qui secoue le Rif ? Les pelleteuses tournent désormais à plein régime. Dérisoire subterfuge, qui masque mal l’abandon de cette région septentrionale depuis l’indépendance. Sur tout le trajet, une inscription lancinante, tracée à la hâte, à la peinture noire, semble défier les barrages de gendarmerie : « Non à la militarisation du Rif ! » Depuis le soulèvement de 1958, écrasé dans le sang par Hassan II, un décret royal place la région sous étroit contrôle de l’armée. Son abrogation est l’une des principales revendications des protestataires. À l’entrée d’Al Hoceïma, une autre inscription, blanche, démesurée, gravée dans la pierre, officielle celle-là, accueille le visiteur : « Dieu, roi, patrie ». Lire le reportage de notre envoyée spéciale

 

De 1923 à 1927, le Rif fut le théâtre d’une terrible guerre chimique. Pour écraser le soulèvement anticolonial conduit par Abdelkrim El Khattabi, l’aviation espagnole a largué sur les populations civiles des milliers de bombes à base d’ypérite (gaz moutarde), de phosgène, de diphosgène et de chloropicrine. Cette guerre reste inscrite dans les corps. Le Rif connaît aujourd’hui le taux le plus élevé de mortalité par cancer au Maroc. Un petit centre d’oncologie a bien été inauguré en 2008 à Al Hoceïma, mais il manque cruellement d’équipements et de personnels qualifiés. Le Hirak réclame la création d’un centre hospitalier régional dédié à l’oncologie.