Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

CHANTS REVOLUTIONNAIRES

Archives

27 septembre 2009 7 27 /09 /septembre /2009 12:07

Loi Carle : la prime à l'exode scolaire           
                                                                                     


   Résister à la communautarisation suppose de résister à l'exode scolaire qui saigne l'école publique au profit d'écoles privées confessionnelles.

  L'Assemblée nationale s'apprête à faire tout le contraire.
 Lundi 28 septembre, en toute discrétion, elle s'apprête à voter la loi Carle... qui force les collectivités locales à devenir les principaux mécènes de cette hémorragie.
Sous prétexte de clarifier un flou juridique, cette loi oblige les mairies à financer les écoles privées d'autres communes si leurs résidents ont choisi d'y scolariser leurs enfants.
Quatre critères sont prévus pour rendre cette dépense obligatoire :
si des parents parviennent à montrer que "la capacité d'accueil" de leur commune de résidence est insuffisante, en cas "d'obligation professionnelle", pour "des raisons médicales", ou si un frère ou une sœur est déjà scolarisé dans cette autre commune. Autant dire que les écoles privées ne devraient avoir aucun mal à faire passer les mairies environnantes à la caisse.

 D'autant que contrairement à une scolarisation dans le public, le maire n'est pas autorisé à mettre son droit de veto, au nom de la sacro-sainte "liberté d'enseignement".

Certaines écoles de l'Opus Dei sont déjà sous contrat. Si l'œuvre de Dieu se met à ouvrir des écoles élémentaires, les fidèles utiliseront la loi Carle pour obliger les collectivités locales à financer l'envoi de leurs enfants dans ces écoles élémentaires-là. Ne parlons pas des loubavitch, dont certaines crèches sont déjà financées par la Mairie de Paris... Parce qu'il manque des places dans les crèches publiques.
 Eddy Khaldi, coauteur d'un livre édifiant intitulé Main basse sur l'école publique (Démopolis), dénonce une forme de "chèque éducation", propre à faire primer les "choix particularistes sur l'intérêt général", comme aux Etats-Unis. L'exode du public vers le privé était jusqu'ici contenu par la sectorisation et la carte scolaire. Depuis son assouplissement, toutes les vannes sont ouvertes. 
  Pierre Cardo, député UMP et ancien maire de banlieue, n'a pas caché son inquiétude lors de la discussion générale sur la loi Carle : "J'ai passé vingt-six ans à lutter contre l'évasion scolaire. Dans ma circonscription, les deux collèges dont la capacité d'accueil est de 1 000 élèves n'en reçoivent plus que 400."
  Les raisons de l'hémorragie sont connues. L'école publique se démocratise mais ne peut sélectionner. Si l'Etat n'augmente pas son taux d'encadrement, l'indiscipline explose. Au premier fait divers, tous les parents cherchent à fuir vers l'école privée la plus proche, plus sélective. Et les élèves en difficulté se retrouvent sur le carreau, coincés entre eux, dans des lycées désertés... Effet de ghettoïsation et crise du "vivre-ensemble" garantis. L'exode pourrait être contenu.
L'école privée serait moins attractive si ses tarifs étaient plus élevés. Autrement dit si l'Etat et les régions ne lui permettaient pas de pratiquer des tarifs alléchants en la finançant. Depuis la loi Debré, la République joue contre son camp.
La loi Carle va plus loin. Elle essaie de nous faire croire que financer "à parité" la scolarisation dans le public ou le privé est un devoir, alors que cette parité n'a aucun fondement juridique. Et pourtant, la remettre en cause serait un crime contre la "liberté scolaire" ! A bien y réfléchir, cela c'est un peu invoquer la "liberté de circuler" pour obliger l'Etat à rembourser les notes de taxi de ceux qui n'aiment pas le bus... Nous sommes en période de pollution : l'Etat a intérêt à encourager ses citoyens à prendre les transports en commun. Mais comment les entretenir s'il devait rembourser une partie des courses en taxi de ceux qui trouvent les bus trop chargés ou dégradés ? La loi Carle s'inscrit dans un mouvement de fond, qui n'en finit plus de transférer les missions du public vers le privé. Sauf que nous ne parlons plus seulement de La Poste ou de l'hôpital, mais de la citoyenneté. 
    
                   Caroline Fourest. Le Monde. Article paru dans l'édition du 26.09.09.

Partager cet article
Repost0

commentaires