Les investissements directs étrangers sont souvent des transactions fictives. Et le recours aux paradis fiscaux une réalité.

Dans sa dernière édition, le Bulletin de la Banque de France (1) propose une étude révolutionnaire. S'appuyant sur une nouvelle méthodologie comptable, appelée à se généraliser partout dans le monde, et qui tient compte de l'utilisation croissante des paradis fiscaux par les multinationales, la banque centrale montre que les flux d'investissements directs étrangers (IDE) en provenance ou à destination de la France sont de 40% à 80% inférieurs à ce que donnent les statistiques habituelles!

Fictions

En effet, les grosses entreprises gèrent désormais leur trésorerie et leurs politiques de financement par l'intermédiaire de filiales situées dans les paradis fiscaux. Celles-ci centralisent les transactions de prêts, d'emprunts, de répartition mondiale des bénéfices, etc., pour l'ensemble d'un groupe. Une bonne partie de ces transactions est comptabilisée dans les IDE comme prêts intragroupes, bénéfices réinvestis, etc., alors qu'elle ne vise qu'à réduire l'impôt payé par les entreprises.

Lorsqu'on neutralise toutes les transactions qui ne sont que des fictions juridiques effectuées pour échapper au fisc, les statistiques changent du tout au tout: en 2008, les investissements français à l'étranger baissent de 41% et les investissements étrangers en France diminuent de 85%! Une correction sur plusieurs années montre que l'écart entre données traditionnelles et données corrigées est croissant, signe du recours grandissant aux paradis fiscaux par les multinationales. Au total, à la fin 2008, le stock des investissements français à l'étranger est en réalité inférieur de 30% à ce que disent les données habituelles et celui des étrangers en France est inférieur de 43%.

Franco-français

Une fois éliminées les transactions fictives, le Luxembourg passe de la première à la 19e place comme destination des IDE français à l'étranger.

Et, on a gardé le meilleur pour la fin: derrière ce jeu de filiales, on s'aperçoit que le premier investisseur étranger en France en 2008 est… la France! Les multinationales françaises investissent dans l'Hexagone par le biais de leurs filiales situées dans les paradis fiscaux, et ce sur un volume plus important que les investissements des multinationales étrangères dans notre pays.

La mondialisation des investissements des multinationales françaises s'avère donc bien moindre que ce que l'on pensait, et leur utilisation des centres financiers offshore bien plus importante. On attend avec impatience les données des autres pays pour avoir, enfin, une image fiable de la mondialisation des entreprises.

(1) "Une nouvelle norme de construction et de diffusion des statistiques d'investissements directs", par Bruno Terrien, Bulletin de la Banque de France n° 177, 3e trimestre 2009. Christian Chavagneux | Alternatives Economiques n° 285

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