2 – Autrement dit, le logement social est à resituer dans la problématique plus globale de l’habitat ?

Exactement. Et il s’agit là d’une question cruciale : prix des loyers dans le privé, insuffisance criante de logements locatifs sociaux, difficultés croissantes pour accéder à la propriété, coût du foncier, taux d’intérêt prohibitifs, techniques de construction « économiques », capacité des entreprises, exigences environnementales et diminution des factures énergétiques, économie saisonnière favorisant les dérives spéculatives… autant de points durs qu’il faut analyser pour élaborer une politique de l’habitat. Ajoutons que si les communautés d’agglomérations (CAPA – CAB) et la CTC ont des compétences particulières en matière d’habitat, c’est l’Etat qui, garant de la cohérence et de la solidarité nationales, finance la construction et la réhabilitation des logements sociaux. Or l’Etat est entré dans une cure drastique d’amaigrissement budgétaire. ..

3 – S’agissant d’urbanisme, justement, on semble attendre beaucoup du « Plan Local d’Urbanisme » pour régler la question foncière ?

Ajaccio dispose depuis 1999, d’un Plan d’Occupation des Sols approuvé. La révision du POS et l’élaboration du PLU ont été décidées en 2003. Le nouveau document d’urbanisme est en voie de finalisation, il va être soumis au Conseil municipal et proposé ensuite à la consultation publique. Cette étape intervient après une longue phase d’études, de création d’outils communaux et intercommunaux, de révisions simplifiées, d’élaboration de plans de prévention des risques, de mise en œuvre de dispositifs particuliers (ZPPAUP)… Le PLU se présente donc comme la synthèse d’une série de travaux préparatoires concertés (ils ont tous fait l’objet d’enquêtes publiques) et, pour la plupart, achevés. La nouveauté du PLU ne résidera donc pas dans une extension généralisée des zones à urbaniser (comme certains semblent le souhaiter) mais dans un recentrage équilibré entre les zones à protéger et les zones à requalifier ou à développer. La nouveauté du PLU résidera dans le Plan d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) qui prend en compte non seulement les contraintes topographiques, environnementales, administratives et technologiques qui s’exercent sur le territoire communal, mais également les atouts naturels, historiques, patrimoniaux et humains de l’espace ajaccien. Ce dernier document a déjà été largement débattu et diffusé ; pour intégrer les résultats de la concertation, il est en cours de réécriture. Il donnera tout son sens au droit à construire que fixeront le zonage et le règlement du PLU.

Deux informations significatives :

  1. En dix ans (avril 2001-fin août 2010), la Ville a autorisé la construction de près de 4000 logements : 3945 exactement dont 3643 logements collectifs et 302 maisons individuelles. Tous ne sont pas achevés, il y a toujours un décalage entre la signature d’une autorisation d’urbanisme et la livraison du logement. Mais il y a bien eu 3000 logements nouveaux construits en 10 ans à Ajaccio. Et cela, par la simple application du POS en vigueur dont on avait dit et répété qu’il était trop protecteur ! La part de logements sociaux dans cet essor de la construction neuve reste trop faible : moins de 50 logements sociaux produits par an, en moyenne, par un seul bailleur social.
  2. Le programme de 400 logements sociaux lancé dans le quartier d’Alzo di Leva a été rendu possible parce que le bailleur a fait son affaire des acquisitions foncières et parce que la commune a engagé une révision simplifiée du POS pour rendre le terrain constructible.

Ces exemples montrent bien que, dans la capitale régionale, ce n’est pas la règle d’urbanisme qui est en cause dans le déficit de logements ; ce sont plutôt d’autres facteurs comme le prix du foncier, le coût des matériaux, la frilosité ou le dynamisme des caisses prêteuses, les financements d’Etat disponibles, la capacité technique des entreprises… Toutes choses qui échappent à la compétence des collectivités locales.

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4 – Un mot sur l’opération prévue au parc Berthault.

La CAPA qui avait en charge le Programme Local de l’Habitat (PLH) s’est acquittée de cette mission après des études très fouillées qui, de 2003 à 2006, ont exigé 250 réunions de travail ! Elle a mis en place, dans ce cadre, un fonds d’interventions foncières habitat (FIFH) doté d’un budget et d’un règlement. Ce règlement permet à la CAPA de se voir déléguer par les communes membres leur droit de préemption urbain (DPU), et d’acquérir ainsi des terrains à bâtir pour y faire réaliser des programmes immobiliers comportant au moins 33 % de logements locatifs sociaux. C’est ce dispositif qui a été mis en œuvre avec succès sur le terrain GDF Suez de l’ancienne usine à gaz.

Saisie par voie notariale, de la vente de cette parcelle, la Ville a délibéré, à l’unanimité pour déléguer son DPU à la CAPA qui l’a accepté à l’unanimité. Elle a cherché à faire baisser le prix en faisant intervenir le juge des expropriations qui a fixé la transaction à 2 millions d’euros. Devenue propriétaire, la CAPA a lancé un appel à projets pour trouver un opérateur susceptible d’acquérir la parcelle et d’y réaliser un projet correspondant aux délibérations de la Ville et de la CAPA. Le groupe (privé) PERRINO a remporté cet appel à projets et il s’est associé à un bailleur social, comme le règlement du FIFH le recommandait. C’est ainsi que l’Office de l’Habitat est devenu partenaire d’une opération lancée et pilotée par la CAPA.

Un tel dispositif ne correspond pas à ce que l’on entend habituellement par « Partenariat Public Privé » (PPP). Il s’agit plutôt d’une préfiguration des missions et des activités du futur Etablissement Public Foncier dont l’Etat assure actuellement l’étude de faisabilité et dont la création est annoncée pour 2011. Cet EPF permettra à la puissance publique d’intervenir efficacement pour acheter des terrains, les mettre à la disposition des collectivités locales et des bailleurs sociaux pour construire des logements à moindre coût. La Ville et la CAPA avaient anticipé…

Ajaccio, le 13 septembre 2010