L’Humanité
Article paru le 19 mai 2009
Proposition de loi visant à prendre des mesures urgentes de justice sociale en faveur de l’emploi et du pouvoir d’achat
Le titre I (articles 1 à 4) propose des mesures concrètes visant à prévenir et interdire les licenciements économiques et à sauvegarder l’emploi.
Il s’agit notamment de retenir une définition du licenciement économique plus restrictive que celle en vigueur et d’exclure du champ légal les licenciements économiques effectués dans les entreprises ayant réalisé des bénéfices, distribué des dividendes, délocalisé leur production ou reçu des aides publiques. Il s’agit aussi d’améliorer l’indemnisation des salariés en cas de licenciement économique et de renchérir leur coût, pour inciter les employeurs à n’y procéder qu’en ultime recours. Il s’agit également de renforcer les pouvoirs des salariés en leur donnant notamment un droit d’opposition suspensif aux licenciements économiques. Il s’agit, pour favoriser les embauches, de supprimer les mesures fiscales coûteuses qui, dans le cadre de la loi TEPA, encouragent le recours aux heures supplémentaires.
Le titre II (articles 5 à 11) propose des mesures assurant une augmentation des salaires, le maintien du salaire à 100 % pour les salariés victimes de chômage technique et la protection des demandeurs d’emploi.
Il s’agit notamment de porter le SMIC à 1 600 ( brut mensuels dès le 1er juillet prochain, avant une revalorisation substantielle au 1er janvier 2010. Il s’agit aussi d’encourager une négociation salariale dans chaque entreprise en pénalisant financièrement (suppression des allégements de cotisations sociales patronales) les employeurs qui ne parviendraient pas à un accord salarial annuel. Il s’agit également d’imposer, dans les entreprises qui en réalisent, des bénéfices en priorité pour maintenir les salaires dans leur intégralité en cas de réduction d’activité. Il s’agit enfin de créer une allocation mensuelle de solidarité à la charge de l’État pour les personnes non indemnisées par le régime d’assurance chômage.
Le titre III (articles 12 à 14) contient un train de mesures urgentes en direction des personnes malades, des étudiants et des personnes surendettées.
Il s’agit notamment d’améliorer l’accès aux soins en supprimant les franchises médicales, de verser une allocation complémentaire aux étudiants bénéficiaires de bourses sur critères sociaux ou percevant l’allocation d’autonomie pour la diversité dans la fonction publique. Il s’agit également de lutter contre le surendettement en contraignant les établissements prêteurs à proposer aux titulaires de crédits revolving un rééchelonnement de la dette à un taux deux fois inférieur au taux révisable qui s’applique à ce type de contrats.
Pour financer ces mesures qui ne sauraient peser sur les finances publiques, il est nécessaire d’accroître la participation des plus riches à la solidarité nationale.
En complément des ressources dégagées par la suppression des exonérations sur les heures supplémentaires, les auteurs de cette proposition de loi préconisent de rehausser de façon significative le taux mentionné à l’article 1 du Code général des impôts et de baisser autant que nécessaire le seuil d’exonération des cotisations patronales
Marie-George Buffet : « Augmenter les salaires »
Vous allez, avec Daniel Paul, déposer une proposition de loi portant sur « des mesures urgentes de justice sociale en faveur de l’emploi, des salaires et du pouvoir d’achat. Pourquoi cette initiative et quel en est le sens ?
Marie-George Buffet. Ces propositions de loi sont nées dans le mouvement social que nous connaissons maintenant depuis des semaines. Je suis allée dans de nombreuses entreprises. Des débats avec les salariés, j’ai ressenti comme une urgence de relayer, par une proposition de loi, ce pour quoi ils luttent. Quand vous êtes face à une multinationale qui réalise des bénéfices et les distribue largement aux actionnaires, de telle autre, parfois la même, qui touche des aides publiques… et qui toutes refusent de négocier sur les salaires et parfois même mettent en oeuvre des plans de licenciements que l’on appelle « boursiers » à juste titre, il faut bien que la loi soit là pour aider les salariés. J’ai été particulièrement choquée par les propos des dirigeants de la Caisse d’épargne et de la Banque populaire, François Pérol en tête, lors de leur audition devant les députés à propos de la fusion de ces deux établissements. Ces dirigeants vont toucher 5 milliards d’euros et ils nous expliquent qu’il ne fallait pas que des missions de service public soient inscrites dans la loi, qu’il n’était pas question de s’engager sur le maintien de l’emploi, qu’ils refusent de donner des pouvoirs aux sociétaires mutualistes… Je me suis dit qu’il n’était pas possible d’en rester là.
Nous sommes partis des licenciements boursiers, de la faiblesse du pouvoir d’achat, nous avons pris appui sur ce qui monte du mouvement social et sur ce que nous disent tous ceux qui luttent pour construire des propositions donnant plus de droits aux salariés - leur permettant de s’opposer aux licenciements, plaçant le salaire au coeur du dispositif, avec l’augmentation du SMIC -, pour obliger le gouvernement à convoquer une conférence sur les salaires et contraindre le patronat à ouvrir de véritables négociations salariales.
Ces propositions sont-elles crédibles, dans la situation de crise que nous connaissons ?
Marie-George Buffet. Je vais répondre par une phrase : ceux qui, aujourd’hui, sont véritablement porteurs de propositions de sortie de crise sont les salariés en lutte et leurs revendications. Pourquoi ? Parce que la crise vient du fait que les richesses créées par le travail s’en vont vers la spéculation, au lieu d’aller vers les dépenses utiles, l’éducation, la santé, la formation, la recherche, de nouvelles formes de production, vers les salaires. En faisant ces propositions, nous agissons pour inverser la logique actuelle qui nous a conduits dans le mur, pour sortir de cette crise du capitalisme. Quand nos amis hospitaliers défendent l’hôpital public, quand les gaziers, les électriciens qui, depuis sept semaines, occupent leurs centres pour les salaires et le maintien de leur activité dans le service public, ce sont des hommes et des femmes qui se battent justement pour la sortie de crise. L’argent public distribué sans contrôle, contrairement à ce que nous proposons, aux banques, à l’industrie automobile, est sans effet sur l’emploi et ne sert qu’à grossir les dividendes. Il faut augmenter le SMIC. C’est par l’augmentation des salaires que l’on va trouver des solutions durables à la crise.
Entretien réalisé par Max Staat
L’Humanité du 19 mai 2009
Proposition de loi tendant à promouvoir une autre répartition des richesses
Le titre I (articles 1 à 3) prône des mesures de justice sociale.
Il s’agit notamment d’imposer aux plus fortunés une participation à la solidarité nationale, en supprimant le bouclier fiscal. Il s’agit aussi d’améliorer la justice fiscale en renforçant la progressivité de l’impôt sur le revenu par modification du nombre de tranches et du taux d’imposition pour chacune d’entre elles. Il s’agit également de rendre plus progressif l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) en accroissant la taxation des tranches les plus élevées.
Le titre II (article 4) vise à lutter contre les paradis fiscaux.
Il s’agit de mettre fin à la fraude fiscale massive organisée ainsi à l’échelle mondiale en interdisant aux établissements de crédit et entreprises d’exercer des activités dans des paradis fiscaux, ou d’établir des relations commerciales avec des personnes qui y sont établies.
Le titre III (articles 5 à 9) vise à promouvoir une répartition plus équitable des revenus au sein de l’entreprise.
Il s’agit de supprimer les stock-options, d’imposer au taux de 95 % les avantages divers du type « parachutes dorés », de plafonner les rémunérations annuelles des dirigeants à vingt fois le montant annuel du salaire minimal applicable dans l’entreprise. Il s’agit aussi de mettre en discussion les éléments de rémunération versés aux dirigeants dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires. Il s’agit enfin de limiter à deux (contre cinq actuellement) le nombre de conseils d’administration dans lesquels une personne peut siéger.
Le titre IV (article 10) vise à promouvoir une autre utilisation de l’argent qui permette de sortir de la crise en privilégiant l’emploi et l’investissement plutôt que la spéculation financière.
Il s’agit de mettre sur pied une nouvelle architecture de financement de l’économie dans laquelle la collectivité publique doit jouer un rôle actif en créant un pôle public national du crédit associant l’État, la Caisse des dépôts et les établissements bancaires dans le cadre de conventions favorisant l’investissement productif dans la formation, la recherche et la création d’emplois de qualité.
Répartition des richesses : chiffres...
- 1 600 euros brut: C’est le montant proposé pour le SMIC dès juillet prochain. Son montant est aujourd’hui de 1321,02 euros, soit 1 037,53 euros net mensuels.
- 100 % : C’est le taux de maintien de salaire proposé dans la loi pour les travailleurs victimes du chômage technique et la protection des demandeurs d’emploi. « 1 % des dividendes des actionnaires de Renault suffiraient à maintenir le salaire des 20 000 employés du constructeur, concernés par le chômage technique à 100 %. »
- 95 % :C’est le taux d’imposition des divers avantages du type « parachute doré » s’accompagnant dans la loi de la suppression des stock-options.
- 1,5 million : C’est le nombre de familles surendettées en France. La loi contraindrait les établissements prêteurs à proposer un rééchelonnement de la dette à un taux fixe deux fois inférieur au taux révisable qui s’applique à ce type de contrats.
- 116 193 euros: C’est le montant moyen des chèques qu’a dû faire l’État cette année aux 3 506 contribuables les plus aisés sur 13 998 bénéficiaires du bouclier fiscal. La loi propose sa suppression.
- 308 années de SMIC: C’est la rémunération moyenne des patrons du CAC 40 qui est passé de 588 000 euros annuels en 1999 à 4,7 millions d’euros aujourd’hui. La loi propose de plafonner les rémunérations annuelles des dirigeants à vingt fois le montant annuel du salaire minimal applicable dans l’entreprise considérée .