de Fabio Giovannini, dans Rinascita della Sinistra du 2 avril 2009
« Aujourd'hui une liste pour unitaire pour les élections, dans l'avenir la perspective de construire un nouveau parti communiste italien »
Vendredi 27 mars, tandis que Berlusconi et les siens lançaient leur parti réactionnaire à la Fiera di Roma, dans une autre partie de la capitale se déroulait une assemblée qui donnait le coup d'envoi, au contraire, de l'événement le plus important et novateur en ce qui concerne les forces de gauche. A l'Hôtel Palatino, en effet, au même moment avait lieu l'initiative « Uniti contro – insieme per. Les communistes et la gauche, l'opposition et l'alternative », organisée par l'Ernesto, le journal qui avec son directeur Fosco Giannini a beaucoup oeuvré ces derniers mois pour une réunification des différentes composantes organisées représentant les communistes en Italie. Les journaux n'en ont pas parlé, trop concentrés sur la naissance du Pdl [Parti des Libertés, nouveau parti de Silvio Berlusconi], dans le cadre de notre nouveau système bipartisan. Tout ce qui sort de ce cadre est masqué, oublié, effacé. Surtout si cela concerne les communistes. Pourtant un observateur objectif aurait compris immédiatement que la rencontre de l'Hôtel Palatino était importante. C'était la première grande initiative d'une nouvelle ère, celle qui voit le rassemblement de Rifondazione et des Communistes Italiens, aujourd'hui avec une liste unitaire pour les élections européennes, dans l'avenir avec la perspective de construire un nouveau parti communiste italien, plus large que ses deux composantes actuelles, le Prc et le Pdci. Quelques heures après, samedi matin, devait avoir lieu la présentation du symbole électoral qui consacre l'unité retrouvée entre les communistes et les autres composantes de la gauche alternative.
La rencontre de vendredi dernier n'était pas formelle. La vraie campagne électorale n'a pas encore commencé et ce rendez-vous a donc permis de laisser place à la réflexion, à l'approfondissement. Et surtout elle a exposé au grand jour le panorama des forces vives qui composent l'opposition, aujourd'hui, bien au-delà du « modérantisme » complice du Parti démocrate. Ces forces vives étaient représentées soit dans la salle, bondée mais active (aucune passivité, quand elle en avait l'occasion la salle interagissait avec les orateurs, les interrompait, se faisait entendre), soit dans les discours donnés à la tribune.
Après les messages de salutation enregistrés de Paolo Rossi et Gianni Minà, partagés entre la déception et, dans le même temps, l'espoir d'une unité entre les forces progressistes, la première intervention venant de la salle, et ce n'est pas un hasard, a été celle de Ciro Argentino, ouvrier chez Thyssen. La classe, le travail, sont au coeur de l'engagement des communistes. C'est ce qu'ont réaffirmé, dans leurs interventions, deux représentants du syndicalisme de base et de la Cgil, Fabrizio Tomaselli, coordinateur national du Syndicat des Travailleurs (Sdl) et Giorgio Cremaschi, du secrétariat national de la Fiom-Cgil. Tomaselli n'a pas ménagé ses critiques envers les partis qui ont soutenu le dernier gouvernement Prodi et a mis en garde contre une nouvelle « guerre entre les pauvres ». Très applaudi, Cremaschi n'a pas été tendre dans ses analyses. Il a rappelé comment aujourd'hui un ouvrier, dans les contradictions de la crise, peut apparaître, dans le même temps, comme un jaune et un révolutionnaire. Et il en a appelé à l'abandon de tout modérantisme, pour éviter la dérive du Pd, capable de fournir une opposition au gouvernement Berlusconi seulement sur des questions secondaires, tandis qu'il trouve un terrain d'entente avec la droite sur l'essentiel.
Tant Tomaselli que Cremaschi ont souligné la nécessité de donner la parole aux immigrés, les travailleurs qui sont aujourd'hui les plus vulnérables. Et la voix des immigrés s'est fait entendre, juste après, quand Niane Ibrahima, de la Cgil de Brescia, a pris la parole: la lutte des immigrés, a-t-il rappelé, est essentielle également pour les droits des travailleurs italiens, le sort des uns et des autres est étroitement lié.
Dans le débat, aux côtés des représentants du monde du travail, était présents des éléments de la société, les mouvements qui dans les régions ont continué à travailler et à se mobiliser, malgré les difficultés et les conditions politiques défavorables. Mariella Cao, « héroine sarde » pour reprendre les termes de Fosco Giannini, a pris la parole. Expliquant l'événement que constitue le comité « Gettiamo le basi » [mouvement engagé contre la présence de bases américaines en Sardaigne – le mot d'ordre joue sur le double sens: posons les bases de.../rejetons les bases militaires], Cao a noté le désenchantement des mouvements vis-à-vis des forces de centre-gauche, mais a fait comprendre qu'une force politique porteuse d'une vraie opposition serait un interlocuteur précieux. Même son de cloche du côté de Alvise Ferronato de « No dal Molin - Vicenza », un des bastions des « mobilisations d'en bas » contre l'OTAN et la subordination de l'Italie aux Etats-Unis, et de Francesco Cirigliano, des « Groupes d'achat populaires » [organisations auto-gérées, collaborant avec les organisations du parti, luttant contre la vie chère à travers des distributions de nourriture] de la Basilicate.
Parallèlement aux expériences de lutte portés par le syndicat et les mouvements, il y avait également une demande forte axée sur la nécessité de la recherche et de l'étude de la société de classe dans le monde aujourd'hui. C'est ce qu'a demandé en particulier Sergio Cararo, directeur de Contropiano, qui a réaffirmé la nécessité d'une analyse minutieuse de la crise du capitalisme et a rappelé comment les vieilles discordes n'ont pas empêché le Réseau des communistes de collaborer avec succès avec le Pdci et le Prc sur les questions internationales (de la Palestine à Cuba). Et Domenico Losurdo, professeur à l'Université d'Urbino, auteur d'essais, allant à contre-courant de l'idéologie dominante, sur le libéralisme et sur l'histoire politique du Vingtième siècle, a tenu à nous mettre en garde contre les risques de régression d'une démocratie vidée de son sens originel, lorsque le monopole de la représentation revient presque exclusivement entre les mains des classes dominantes.
Les deux secrétaires nationaux du Pdci et de Rifondazione se sont relayés pour la conclusion, et leurs interventions ont clarifié la signification politique de l'initiative. C'est à Diliberto qu'est revenu l'honneur d'annoncer ce qu'il a défini comme « la chose la plus importante » en ce moment: le symbole commun pour les prochaines élections. L'annonce de la nouvelle qui apporte un point final positif aux rencontres entre les deux partis a été saluée du cri « Unité! », scandé à plusieurs reprises par la salle, les poings fermés et levés. Encore une fois, on a eu la confirmation que le peuple communiste demande une démarche unitaire, immédiate et urgente au vu de la situation. Paolo Ferrero, pour sa part, a soutenu que c'était le moment de « mettre en valeur toute l'unité possible, tous les éléments qui nous unissent ». La question des articulations politiques doit être mise au second plan, selon Ferrero, mais sans précipitation non plus: l'unité doit être construite sur du roc, pas sur du sable.
Il ne s'agit pas d'une alliance électoraliste, imposée par la nécessité de dépasser le barrage des 4%. C'est ce qu'a expliqué Diliberto: « Pour nous, du Pdci, ce moment politique que constitue les élections européennes n'est pas seulement électoral: si nous donnons l'impression que nous nous sommes rassemblés pour dépasser le seuil de barrage, nous ne le dépasserons pas ». Pour le secrétaire national du Pdci, de suite après les élections il est nécessaire de construire en Italie « un seul, nouveau parti communiste plus grand que ceux qui existent actuellement ». Et il a ajouté: « L'histoire des partis communistes est marquée par les divisions et les querelles, mais tout cela doit être définitivement mis de côté. Si on regarde vers le présent et vers l'avenir, ce qui nous unit est infiniment plus important que ce qui nous divise ».
Pour expliquer la raison d'être des communistes, Diliberto a juste fait référence au cas Thyssen, où certains travailleurs ont été réembauchés et d'autres non. « Seuls ceux qui ont refusé de se constituer partie civile contre le patron ont été réembauchés », a dit Diliberto. Et il a conclu: « Tant qu'il y aura une Italie de ce genre, il y aura aussi des communistes pour la combattre ».
Traduit de l'italien depuis http://www.lernesto.it/