Contribution au débat de l’Exécutif de la Section CASTRES-LABRUGUIERE ( Tarn)
A : DES RAISONS D’ÊTRE COMMUNISTES ?
La réponse à cette question doit faire suite à cette autre question : y a-t-il toujours, oui ounon, un groupe de personnes, une classe, possédant un capital économique, qui de ce fait possède les outils de production, prend les décisions tentant d’imposer leur façon de répartir les richesses produites par le travail, et pouvant s’appuyer sur une classe détenant un capital symbolique dominant (l’information, partis politiques forts,…) ?
Y a-t-il toujours, d’autre part, une classe ne possédant que sa force de travail, luttant avec plus ou moins d’efficacité pour influer sur cette répartition des richesses ?
Si la réponse à ces questions est positive, cet état de fait est-il en amplification, en réduction, est-il bon pour l’humanité ?
Prenons les 2 premières questions, et pour ne parler que de la France, examinons quelques éléments :
1-en 20 ans, 10% de la valeur ajoutée globale est passé des salaires vers les dividendes.
2-en 15ans, la proportion de salariés au SMIC a doublé pour atteindre 15%
3-en 5 ans, la proportion de leurs revenus que les ménages modestes doivent consacrer aux dépenses incompressibles (logement, énergie, assurance) est passée de ½ à ¾.
4-le salaire moyen est de 1500€ alors que le salaire médian est de 1315€, ce qui nepeut s’expliquer que par l’existence d’une frange marginale de salariés à très haut revenus, la plupart des autres ayant des bas revenus.
5-exercice 2006 de Renault : CA constant (41Ma €), bénéfice net confortable quoiqu’en baisse à1Ma€ (contre 1,3Ma €), ce qui indique des décisions mauvaises de la part de la direction, puisque la productivité dans les usines a continué de s’accroître. Conclusion de Carlos Gohn : on continue de réduire les effectifs, de bloquer les salaires, et on augmente le dividende par action de 29%.
6-Airbus : alors que les carnets de commandes étaient déjà pleins, le nombre de commandes enregistré au dernier salon du Bourget n’a pas été de 600 comme prévu, mais de 728. Conclusion de Louis Gallois : « nous augmenterons progressivement les cadences pour passer à 500 livraisons en 2010. » Avec qui ? Avec 10 000 emplois de moins (plan Power 8) .
7- Qu’en est-il de l’avènement promis par la social-démocratie depuis 30 ans, d’une « midlle-class » intégrée aux structures de décisions, devant regrouper 80% de la population ?
il y a toujours 60% d’employés et d’ouvriers, dont les salaires sont bloqués, et dont le statut au travail devient de plus en plus précaire, toujours dangereux, voire pour certaines maladies (musculo-squelettiques, nerveuses, pollution industrielle dont on « découvre » la nocivité au travail comme l’amiante) en forte progression. L’espérance de vie des ouvriers et des employés est toujours nettement inférieure à celle des autres, cadres ou patrons.
dans la « classe moyenne intégrée », le gros des troupes est constitué de salariés diplômés dans les entreprises et les services publics, qui subissent de plus en plus précarité, reclassement, déclassement et perte de sens de leur travail.
8- Les écarts de revenus extrêmes ont été multiplié par 50 en 30 ans (de 1 à 50, on est passé de 1 à 2500 environ).
9- les nouvelles normes comptables qui déterminent en particulier l’action des financiers prévoient qu’une entreprise dont la capitalisation progresse de moins de 15% par an est censée perdre de la valeur, ce qui provoque une aspiration du travail par le capital, concrètement traduite en perte d’emplois, de salaires et en précarité.
10- Les délocalisations, injustifiées sur le plan économique, mais rendues nécessaire par la compétition financière infligent une chute libre du salaire accordé pour une production délocalisée, chute libre donc du coût de production entièrement converti en valeur financière et actionnariale.
11- Au Royaume-Uni, le bilan de Blair est éloquent : 2,8% de croissance par an (au lieu de 2,2 en France), un chômage officiel à 5,4%, donc des données macroéconomiques « remarquables » selon le FMI, donc, d’excellentes conditions pour que, de lui-même, le système en fasse profiter tout le monde. Bilan : ¾ des richesses créées ont été captées par 15% les plus riches, 1,3M de personnes ont perdu leur emploi dans l’industrie, toute la croissance a été capté par les services financiers, l’Angleterre n’investit plus dans l’industrie ni dans la R et D en général, le chômage réel se situe autour de 15%, la nouvelle pauvreté née de la précarité du travail explose.
12- Exonérations fiscales, exonérations de cotisations, refus de modifier l’assiette de cotisation pour la Sécu : c’est une politique générale de préservation des fortunes, de concentration du capital.
13- Refus d’augmenter les salaires, franchises médicales, logement « social » transformé en accession à la propriété (emprunts de plus en plus long alors que le travail est de plus en plus précaire et mal payé), privatisation de l’énergie, de l ‘eau, du transport, abandon de certaines couvertures sociales (dont la couverture dépendance) aux systèmes des assurances individuelles, désengagement de l’état des Services Publics compensés par des pratiques par capitalisation forcée : la concentration du capital ne peut se faire que par l’explosion de la pression sur les ménages.
Cette explosion s’accompagne d’une propagande puissante destinée à nous faire croire à la fatalité de cette situation.
14- Comment cette propagande se fait-elle ? Regardons qui étaient les invités au soir de la victoire de N. Sarkozy :
Arnaud Bernheim, PDG de Generali, assureur italien (tiens, un assureur)
Albert Frère, 1ère actionnaire de Suez (tiens, la fusion GDF-Suez !...), de Total, de M6.
Serge Dassault, donateur pour la campagne, patron du groupe Dassault et du Figaro.
Ernest Antoine Sellière, ancien patron du MEDEF, et patron d’Editis (40 marques d’édition !)
Bouygues, BTP, TF1, téléphonie, parrain du fils de N. Sarkozy.
Bernard Arnault, patron de LVMH, et de « La Tribune »
François Pinault, patron de l’hebdo « Le Point », Pinault- Printemps-la Redoute
Vincent Bolloré, 1ère actionnaire d’Havas, donc de Direct 8 et de la SFP.
Arnaud Lagardère, coprésident d’EADS, patron du groupe Hachette.
Au fait, qu’est-ce que le groupe Lagardère ?
*15% du groupe EADS
*Lagardère Publishing, dans le secteur de l’édition.
*Distribution Service : commerce de détail dans les zones de transport (gares, aéroports,…) dont en particulier : Relay (les boutiques de presse, donc contrôle de la distribution des journaux).
Commerce de « produits de loisir culturel » (Virgin Megastore, Le Furet du Nord, donc presse), 50000 points de vente de presse dans le monde.
*Lagardère Active, presse et audiovisuel : Europe 1, Europé 2, RFM, Canal J… 1er producteur pour le prime-time à la télé (Julie Lescaut, Joséphine Ange Gardien, C dans l’air, Sagas, Ripostes,…)
*Sport : gestion de droits marketing et audiovisuel sportif, exploitation de droits TV et média sport, sponsoring.
*Hachette Filipachi : 260 titres de presse dans le monde, 1 milliard d’exemplaires, Interdeco (1ère régie de publicité française), de très nombreux titres de presse magazine dans tous les domaines, et pour la presse quotidienne, accrochez-vous :
100% de « Corse Matin », « La Provence », « Nice Matin », « Var Matin », « TV Hebdo », 60% du « JDD », 50% de Version Femina, 25% des éditions P. Amaury (« Le Parisien », « L’Equipe », « L’Equipe Magazine »), 20% de « l’Alsace », 15% de « La Dépêche », 5% du « Monde ».
Vous avez la nausée, c’est normal.
Les amis de N. Sarkozy détiennent donc environ une vingtaine de titres de presse quotidienne en France, au moins autant de marques d’édition, de titres de presse magazine, plusieurs enseignes de « produits de loisirs culturels », celles qui attirent le plus de monde, sont leaders dans la production audiovisuelle, et possèdent une force de frappe commerciale de distribution inégalée.
C’est ce qu’on appelle une classe dominante structurée, qui s’appuie sur un réseau de capitaux culturels, symboliques et financiers.
Ce début de liste suffit à démontrer que l’opposition capital/travail est toujours au cœur de la vie de notre société, et que ce capitalisme continue de créer de la misère pour le plus grand nombre, que nous n’avons pas en face de nous des gens qui exagèrent, mais des gens qui ont compris ce qu’est le capitalisme, et qui appliquent une politique cohérente.
Il faudrait un livre entier pour écrire le livre noir du capitalisme mondial, qui organise la guerre tous les jours entre les individus et les peuples.
Un communiste est révolté, mais il n’est pas que révolté. Il est convaincu que le monde capitaliste se comprend, qu’il a un sens, qu’il n’est pas naturel, et qu’il est dirigé par une classe qui prend des décisions politiques indispensables à son fonctionnement. Il est convaincu aussi que la conscience politique n’est pas immanente, que la classe dominante détient un capital symbolique, des moyens de pression, et que pour combattre, il faut convaincre de tout cela, et convaincre qu’une société sans classe est possible.
Y a-t-il toujours des raisons d’être communistes ? OUI
B : LES RAISONS D’ÊTRE DU PARTI COMMUNISTE
1-Aspects historiques
Le mouvement révolutionnaire a toujours eu un rapport singulier à l’histoire : c’est tout particulièrement le cas en France. Cela s’explique aisément : la France est le premier pays au monde à avoir connu une révolution « bourgeoise », celle qui a mis à bas en 1789 les institutions féodales puis la monarchie et c’est aussi le pays qui a connu la première tentative de révolution socialiste, avec la Commune de Paris en 1871.
Le mouvement communiste s’est construit en France à partir d’une double filiation :
d’une part celle consécutive à la Révolution d’Octobre 1917 et au rejet des trahisons de la social-démocratie lors de la grande guerre qui a vu les dirigeants des différents partis socialistes se ranger derrière leurs bourgeoisies nationales dans des gouvernements « d’union sacrée » alors que leurs peuples se faisait massacrer dans les tranchées) ;
d’autre part celle issue du riche héritage révolutionnaire français – tout particulièrement 1789 et les révolutions du XIXe siècle.
Le Parti né à Tours en décembre 1920 est le fruit de cette histoire, de ce double héritage, ce qui peut expliquer, après les tâtonnements des premières années, pourquoi le PCF a aussi bien réussi à s’implanter dans la société française, d’abord et surtout dans la classe ouvrière mais aussi dans toutes les couches de la société, à l’exception –compréhensible- de la bourgeoisie : petite paysannerie (métayers comme petits propriétaires), artisans et petits commerçants, professions intellectuelles …
Il n’est pas question ici, dans ce cadre restreint, de reprendre dans le détail un historique détaillé du PCF, il existe sur le sujet des travaux solides, sérieux et honnêtes. Ce n’est, hélas, pas le cas de toutes les publications qui se succèdent, avec un rythme toujours aussi élevé, depuis une quinzaine d’années dont le but avoué –revendiqué même- est de faire la peau au communisme et au PCF. Or, en histoire (comme en économie, en sociologie ou en philosophie d’ailleurs) le problème est de savoir : qui écrit et pourquoi (dans quel but) ?
Cette question élémentaire, certains camarades depuis la période de la mutation (avec Robert Hue et Pierre Blotin notamment) ont renoncé à se la poser. Au fond, pour eux, déjà, le mot « communisme » était trop lourd à porter et il fallait rompre avec le funeste héritage léniniste d’Octobre. C’est dans ce contexte qu’ont été abandonnés successivement le centralisme démocratique (au 28e congrès), la perspective du socialisme, la référence à l’appropriation collective des moyens de production, les nationalisations …
Sans multiplier les références, on peut rappeler, en 1997, une émission spéciale de « la Marche du siècle » consacrée au pamphlet de Stéphane Courtois (« le livre noir du communisme ») où le secrétaire national du PCF de l’époque avait fait acte de contrition tout au long du débat devant Stéphane Courtois, sans l’affronter ou même contester ses arguments, ce qu’avait fait, courageusement, Jean Ferrat, qui n’avait pas versé, lui, dans l’autoflagellation. Faut-il rappeler ici combien les propos et les écrits de Courtois et des historiens les plus anticommunistes trouvent un relai complaisant dans la presse d’extrême-droite, qui ouvre d’ailleurs régulièrement ses colonnes à S. Courtois.
Plus récemment, il fut largement question, en décembre dernier, de la publication très médiatisée de deux historiens (Besse et Pennetier) sur Juin 1940 et la demande de reparution de « l’Humanité » effectuée par M. Tréand, membre du Comité Central du PCF, J. Duclos étant alors informé de cette démarche. Ce livre ne s’appuie sur aucune archive nouvelle, il alimente seulement les thèses anticommunistes sur le pseudo-attentisme du PCF entre septembre 1939 et juin 1941. Il ignore le contexte politique d’ensemble de la France de mai-juin 1940 pour ne s’intéresser qu’aux atermoiements et aux hésitations de la ligne du PCF et de l’IC de l’époque. A partir de ce livre, qui reçoit une publicité considérable, certains vont encore plus loin en développant la thèse infâme dune collusion entre le PCF et les nazis. Le journal « le monde » et d’autres médias, à la suite du livre de Besse et Pennetier se sont livrés à cette basse besogne. On doit répéter ici que cette thèse est infirmée et démentie de la manière la plus catégorique qui soit par les archives et les travaux des historiens sérieux et honnêtes.
Cette thèse a trouvé hélas crédit auprès de la direction du PCF qui s’est alors livrée à une déclaration étonnante , un mea culpa de plus, où elle n’en finit pas de s’accuser de toutes les turpitudes passées – fussent-elles inexactes- commises au nom du communisme. Une attitude courageuse et responsable aurait été de dénoncer une énième tentative de criminalisation du communisme, de relever les faiblesses de l’argumentation de Besse et de Pennetier, de dénoncer une campagne de presse indigne et calomniatrice, de donner la parole à nos camarades historiens qui ne s’alignent pas sur la doxa néo-conservatrice et réactionnaire, aujourd’hui quasiment hégémonique à l’Université et dans les manuels scolaires, dès qu’il s’agit de communisme et de lutte des classes.
Au lieu de cela, la déclaration de l’Exécutif a fini par accréditer l’idée que les thèses défendues par nos adversaires (de Stéphane Courtois à Pennetier) sont crédibles, fondées, puisqu’on s’incline en acceptant les arguments assénés par l’adversaire –sans se défendre- en faisant assaut de mea culpa et de contritions.
C’est par ce détour que nous en venons au long entretien accordé à Patrice Cohen-Séat, membre de l’Exécutif national du PCF, dans « l’Humanité » du 12 septembre dernier.
Quelle est la thèse développée par Cohen-Séat ? Il indique vouloir tirer « toutes les conséquences » des échecs subis lors du printemps 2007 et des élections précédentes –la conséquence majeure étant la nécessité de changer le nom du PCF, responsable de tous les maux et du déclin continu de notre parti . Il insiste, complaisamment relayé par le journaliste, sur la thèse du « déclin continu » du PCF, oubliant au passage que nombre de dirigeants du PCF ont milité pour que l’étiquette communiste n’apparaisse pas lors de la campagne de Marie-George Buffet, labellisée candidate de la « gauche populaire et antilibérale ».
Pour P. Cohen-Séat, le changement de société et le projet dont nous devons être porteurs, c’est « notre ambition d’émancipation humaine » … on a connu des formules plus claires et explicites.
Il indique par ailleurs, dans la situation critique dans laquelle se trouve la gauche que « nous devons donner le signal fort que nous sommes prêts à nous révolutionner pour contribuer à ce que la gauche elle-même se révolutionne et se hisse à la hauteur de ses responsabilités historiques ». Comprenne qui pourra…
Cohen-Séat manie aussi le paradoxe : il affirme que « nous sommes arrivés au bout du cycle politique qui s’est ouvert en 1920 (…) il faut inventer du neuf dans l’organisation du combat politique » et dans le même temps il indique qu’ « écrire une nouvelle page de notre histoire est nécessaire. Mais on n’y arrivera pas en déchirant les précédentes ». Il ajoute être favorable à un changement de nom du PCF : « le communisme s’est historiquement assimilé à des crimes et à l’échec. Au mieux, il renvoie à une époque révolue. » Cohen-Séat assène enfin le coup de grâce : Pour faire vivre notre engagement, il faut le « libérer des valises de plomb que nous traînons encore aujourd’hui. (…) Seul un acte symbolique fort peut le permettre. Y a-t-il une autre façon que de changer de mot ? Ce débat doit s’ouvrir et il faudra le trancher » … Le camarade Cohen-Séat a lui déjà tranché, manifestement.
Ou comment faire mine d’ouvrir un débat « sans tabous », affirmer que « personne ne peut dire : j’ai la solution » et dans le même temps asséner, de façon définitive, des opinions pour le moins tranchées et définitives. Certains manient décidément mieux le paradoxe que la dialectique !
Et dans tout cela, où est donc passé l’histoire du communisme français ? Disparue, étouffée, enfouie.
Les clichés succèdent aux affirmations péremptoires et voilà comment on tente de liquider un parti : « Les valises de plomb, les crimes, l’échec, le parti-Etat, l’économie administrée, la supériorité du capitalisme sur le socialisme » … encore un effort, on dirait du Sardou, camarade Cohen-Séat ! Si l’enjeu n’était pas crucial pour notre peuple, pour le devenir des idées révolutionnaires on pourrait ironiser sur les propos d’un des principaux dirigeants du PCF depuis plusieurs décennies. Un dirigeant qui mène son organisation à plusieurs catastrophes électorales successives devrait pour le moins s’interroger sur la pertinence et l’efficacité de ses qualités de dirigeant. Pourquoi des équipes dirigeantes ayant échoué de manière aussi flagrante n’ont-elles pas le courage de se remettre en cause au lieu de casser le Parti qui est à l’origine des plus belles pages du mouvement ouvrier et progressiste français au XXe siècle ? Il est en effet nécessaire de se poser des vraies questions sur le sens de ces déconvenues électorales – au lieu de poser comme préalable qui exonère un peu trop facilement les dirigeants - un « déclin continu de l’influence du PCF », forcément structurel, alors que nous pensons que ces raisons-là sont en réalité conjoncturelles.
Un certain nombre de nos dirigeants actuels ont manifestement un problème avec l’histoire du communisme français : ils ne l’assument pas, soit parce qu’ils ne la connaissent pas, soit parce qu’ils ont renoncé à mener sur ce terrain-là aussi la bataille idéologique avec nos adversaires de classe, laissant de fait le champ libre aux Stéphane Courtois et consorts, historiens superficiels mais vrais idéologues de la bourgeoisie. Ces derniers ont totalement conquis, au cours de ces vingt-cinq dernières années le terrain de la bataille idéologique à propos de l’histoire du communisme et plus largement de l’histoire économique et sociale. Celles et ceux qui résistent au déferlement des idées dominantes sont sommés de se soumettre ou sont l’objet de cabales infâmes, dans lesquelles l’extrême-droite n’est jamais loin (voir les attaques des milieux fascisants contre l’historienne marxiste Annie Lacroix-Riz).
Dans un petit livre tout à fait remarquable Fuir l’Histoire ? Essai sur l’autophobie des communistes , l’historien et philosophe Domenico Losurdo souligne combien certains communistes ou se revendiquant encore comme tels peuvent être sujets à cette « self-hate ». Il écrit : « Malheureusement, l’autophobie se manifeste aussi dans les rangs de ceux qui, tout en continuant à se déclarer communistes, se révèlent obsédés par le souci de réaffirmer leur totale étrangeté à un passé qui est tout simplement, pour eux-mêmes comme pour leurs adversaires politiques, synonyme d’abjection. Au narcissisme hautain des vainqueurs, qui transfigurent leur propre histoire, correspond l’auto-flagellation des vaincus ».
A cette « autophobie » que Losurdo définit comme une « fuite lâche devant cette histoire et devant la réalité de la lutte idéologique et culturelle toujours brûlante » – nous avons, je crois, l’impérieuse nécessité d’opérer un bilan critique du moment historique commencé en octobre 1917, et en décembre 1920 pour le PCF. Encore faut-il y procéder avec la rigueur et la méthode nécessaires au travail historique, tout en faisant preuve d’esprit critique.
C’est le sens du testament de Georges Politzer, philosophe et résistant, mort en héros sous les balles nazies en mai 1942 : « l’indépendance intellectuelle, l’esprit critique ne consiste pas à céder à la réaction, mais au contraire à ne pas lui céder ».
Pour nous, l’histoire du communisme français est une belle histoire, jalonnée de combats parfois victorieux : ainsi, sa participation décisive à la lutte pour la libération de notre pays et à la Résistance au fascisme ou sa contribution à ce que l’on appelle encore les « acquis sociaux », ceux de 1936, de la Libération, de 1944-1947, de 1968. Dans tous ces combats, dans toutes ces luttes sociales et politiques, le PCF n’a jamais failli . Certes, le PCF a peut-être manqué de distance à l’égard des politiques menées dans les pays socialistes mais il a depuis près de 40 ans produit d’importants éléments d’analyse critique (rappelons la déclaration du BP lors de l’intervention des troupes du Pacte de Varsovie en Tchécoslovaquie en 1968) Les campagnes remarquables menées contre la barbarie colonialiste, dès les années vingt, ont aussi placé le PCF (comme l’ensemble du mouvement communiste) au fil de son histoire du bon côté de la barricade – contre les oppresseurs et les impérialistes , aux côtés des peuples qui luttaient pour leur émancipation. La dimension internationaliste a bien sûr joué un rôle décisif pour l’adhésion au PCF ou à la JC de générations et de générations de militants. Notre parti comme la JC retrouveraient certainement des couleurs en menant des grandes campagnes de solidarité à l’égard des peuples en lutte contre l’impérialisme et de ceux qui construisent, dans un rapport des forces difficile, une société socialiste comme le Venezuela ou Cuba. Les combats pour la paix, dans la période actuelle, où le capitalisme continue de « porter en lui la guerre comme la nuée porte l’orage » (selon le mot de Jaurès) devraient occuper aussi une dimension essentielle de nos combats.
Sarkozy comme son ministre des affaires étrangères, le social-libéral Kouchner sont de plus en plus clairement alignés sur les options de l’impérialisme américain, dans sa volonté hégémonique qui passe à l’heure actuelle par une politique belliciste à l’égard de l’ensemble des peuples du Moyen-Orient, essentiellement pour le contrôle de leurs ressources pétrolières.
Que nos adversaires politiques de toujours (la droite ou les réformistes) mettent tout en œuvre pour combattre le PCF, pour chercher à le détruire, c’est une des données constantes de l’histoire de notre pays depuis 1920. Il est en revanche plus problématique que certains dirigeants du PCF reprennent aujourd’hui les thèses de l’adversaire de classe pour préconiser la dissolution ou le changement de nom du PCF (différentes variantes ont été énoncées dans « l’Humanité » ces dernières semaines par Jean-Claude Gayssot, P. Cohen-Séat, Roger Martelli ou Olivier Dartigolles). A notre avis, ils méconnaissent une donnée fondamentale, à savoir la persistance de l’opposition capital/travail en France et dans le monde et la nécessité pour le monde du travail (compris au sens large) d’avoir un outil politique – à savoir le parti communiste - capable d’agir, de rassembler pour prendre des initiatives et promouvoir des choix politiques transformateurs à tous les niveaux, sans jamais perdre de vue notre idéal, à savoir un processus révolutionnaire vers une société sans classe, ce qui passera nécessairement par des ruptures et un affrontement avec les forces du capital .
2-Faut-il un parti ? les partis sont-ils dépassés ?
Il suffit de regarder quelles sont les formes d’action politique qui détiennent le monopole sur le champ démocratique pour savoir que seuls les partis comptent pour le moment. De plus, la tendance « mouvementiste », à peine née, a montré ses limites :
- destruction par conflits interpersonnels (voir la situation d’ATTAC) - impuissance lié à l’absence de projet politique cohérent, - sélection sociale de ses membres actifs au plus haut niveau.
Quelques passages de la tribune de Samir Anin, président du forum mondial des alternatives, paru dans le Monde Diplomatique de Janvier 2007 :
« Cependant, la majorité des mouvements qui luttent contre [les effets du capitalisme] remettent de moins en moins en question ses principes fondamentaux, ce qui hypothèque leur capacité de proposer des solutions alternatives pourtant à la fois nécessaires et possibles »
« (…) la radicalisation des luttes n’est cependant pas l’option choisie par de nombreux mouvements sociaux. Cela au nom du nécessaire réalisme et du souci de ne pas s’isoler dans une chapelle d’extrême gauche ».
« nombre de militants (…) développent des stratégies qui ignorent délibérément la question du pouvoir d’Etat, pour le remplacer par le combat au sein de la « société civile » et le dénigrement de la « politique des partis » ».
« entre les deux, se situerait un altermondialisme dont les partisans se recrutent dans les classes moyennes des pays riches, sont critiques du mode d’existence que propose le capitalisme, (…) mais peu intéressés par les préoccupation réelles des classes populaires, ceux de leur propre pays, et encore plus celle du Sud, où leur altermondialisme modéré est souvent mal compris. Mais, paradoxalement, et ne serait-ce que par leur accès plus facile aux moyens financiers, ils semblent surreprésentés au sein des Forums sociaux mondiaux ou régionaux, et parfois perçus comme des freins au renforcement des luttes populaires. »
Ces déclarations de Samir Anin nous semblent suffisantes, et font même écho à ce qui s’est passé avec les collectifs antilibéraux. Parmi les raisons de leur échec, celles qui ne nous sont pas imputables sont résumées dans cette intervention.
Une cause majeure de l’échec du projet mouvementiste est qu’il ne produit pas de sens politique.
Son corollaire « fin des partis » est une injonction démentie par l’histoire politique contemporaine. L’UMP est un parti puissant, y compris dans les médias. C’est une des raisons de la victoire de Sarkozy.
Pour revenir sur les mouvements, il ne faut pas confondre restructuration du mouvement social par la mouvance associative, d’ailleurs toute relative, et restructuration de la vie politique par les « mouvements ». Il n’y a pas transfert massif de l’un à l’autre, qui permettrait une traduction politique et pour cause : la tendance mouvementiste ne produit pas la cohérence politique nécessaire. C’est une cause de l’échec des collectifs antilibéraux, qui dans leur forme, n’ont pas produit de sens politique clair, et n’ont apporté que de la confusion.
Les 3 premiers candidats aux présidentielles, qui regroupent 75% des votes, ont appelé à voter OUI, alors que le NON avait regroupé 55% des voix. Fermez le ban.
Les partis sont-ils dépassés ? : NON
3-Faut-il un nouveau parti, unissant des « forces communistes » disséminées ?
Quelles sont ces forces communistes disséminées ???
Qui les a vu ? Pourquoi ne votent-elles pas communistes, si elles se disent communistes ?
Personne ne peut répondre à ces question autrement que par des « impressions » ou des « témoignages de sympathie » (fort désagréables pour des gens qui nous ont laissés à 2% malgré leur sympathie…), auxquels d’autres personnes vont aussitôt opposer d’autres « impressions » contradictoires, des « témoignages d’hostilité » (en particulier après l’expérience des collectifs), d’où il ne sortira rien, et pour cause…
Croire que, parce qu’il existe une classe économique, elle se traduit automatiquement en classe politique, d’où un « potentiel communiste », est une erreur sociologique complète. Cette erreur consiste à voir les classes comme des corps sociaux homogènes, qui doivent se comporter dans le champ politique de manière cohérente, de fait, par nature, à moins de se tromper, ou d’être trompé par quelqu’un d’habile.
C’est le discours et la lutte politique qui construit et reconstruit en permanence, par son activité idéologique et militante les conditions d’existence d’un clivage politique qui a un sens social. C’est donc une erreur de croire qu’il suffirait de créer une nouvelle structure qui épouserait un corps politique en attente pour que cette nouvelle force trouve une expression massive.
Il n’existe pas de force communiste silencieuse qui se plait à ne pas voter communiste.
Si nous continuons de penser que la société continue d’être structurée par l’opposition capital/travail, que l’avenir de l’humanité est une société sans classe, et que son avènement se fera par la conquête politique d’une force majoritaire acquise à cette représentation du monde, alors il faut un parti qui affirme cette conviction et cette réalité, qui se donne les moyens d’imposer cette représentation du monde et de soi-même, c’est à dire un parti communiste.
Il ne faut jamais perdre de vue que la principale bataille que se livrent les partis politiques et celle de la représentation que se font les électeurs d’eux même (de quoi suis-je responsable, qu’est ce qui me dépasse, ma situation est-elle normale, qu’est-ce qui me révolte ?…), de la société (y a-t-il des individus qui partagent mon sort, ai-je des concurrents, qui m’empêche d’améliorer ma situation, quelles sont les règles auxquelles je dois me conformer pour améliorer ma situation ?…) et de la politique (que font les responsables politiques, pourquoi s’engager, qui détient le pouvoir ? …).
On parle beaucoup de l’exemple de Die-Linke en Allemagne. 4 raisons selon nous le rendent inapplicables :
la fusion du PDS est-allemand et du WASG ouest-allemand est rendue nécessaire par l’incapacité de l’une et de l’autre à s’implanter de l’autre côté. Nous n’avons pas ce problème d’unité territoriale historique et géographique en France.
cette fusion s’est faite au prix d’une priorité donnée à l’affichage électoral sur la plate-forme politique. C’est certes louable dans l’esprit de ceux qui cherchent à redonner un espoir électoral immédiat, destiné à peser sur la vie politique. Oui mais voilà : sur le plan idéologique, cette plate-forme très incertaine, et cette nouvelle organisation, peu ou prou organisée en tendance, semble majoritairement revendiquer un capitalisme d’avant 1980. Ils n’ont effectivemement aucune raison de s’appeler communiste. D’ailleurs, le PDS avait déjà opéré ce reniement dans ses statuts et programmes. Ils ont préféré reculer pour fusionner, nous préférons avancer pour nous unir.
en France, l’équivalent de la force WASG (qui a déjà 3 ans en Allemagne), c’est à dire le résultat d’une scission au sein du PS, n’est pas faite.
la réussite aux législatives, non de la fusion, mais de l’accord électoral WASG-PDS, avec candidats des uns chez les autres, s’est faite grâce à l’implication des syndicats, chose impensable en France.