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CHANTS REVOLUTIONNAIRES

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5 février 2012 7 05 /02 /février /2012 16:37

                                                                     MARE NOSTRUM-copie-1

 

 

MARECHAL-TITO-YUGOSLAVIA.jpg

http://www.monde-diplomatique.fr/2011/08/DERENS/20853

 

Vingt ans après le tragique éclatement de la République socialiste fédérative de Yougoslavie, la nostalgie de l’ancien Etat commun se ravive dans les républiques héritières. De la Slovénie à la Macédoine, le « camarade Tito » fait toujours l’objet d’un culte. Que représente ce sentiment, où se mêlent le regret d’un Etat puissant, respecté sur la scène internationale, et les souvenirs idéalisés d’un socialisme « à visage humain » ?

par Jean-Arnault Dérens, août 2011

Au printemps 2011, l’étoile rouge des partisans yougoslaves a fait son apparition sur les pièces de monnaie européennes. La Slovénie, premier Etat de la République socialiste fédérative de Yougoslavie (RSFY) à avoir rejoint l’Union européenne, et premier des « nouveaux membres » admis en 2004 à avoir adopté la monnaie commune, a frappé une pièce de 2 euros à l’effigie de Franc Rozman, dit Stane, un célèbre commandant partisan, mort en novembre 1944 dans des circonstances restées douteuses. Cette initiative a suscité l’indignation de la droite slovène, mais la pièce est âprement recherchée par les collectionneurs et les « yougonostalgiques », toujours aussi nombreux.

Le 25 mai dernier, la cérémonie de la stafeta (« flambeau de la jeunesse ») a été célébrée à Belgrade avec une ampleur inédite depuis vingt-cinq ans. Dès le matin, des milliers de personnes se sont rassemblées devant la Maison des fleurs, la villa de Tito, où le président à vie est enterré, dans le quartier chic de Dedinje. La foule, brandissant drapeaux rouges et bannières de l’ex-Yougoslavie socialiste, attendait impatiemment l’arrivée de la stafeta, partie cette année d’Umag, en Istrie, dans l’ouest de la Croatie. La stafeta était l’un des rituels majeurs, établi dès 1945, de l’ancienne Yougoslavie. Cette course de relais partait chaque année d’une ville différente de la fédération pour arriver à Belgrade le 25 mai, jour anniversaire de Tito, rebaptisé « jour de la jeunesse ». Le relais était remis au maréchal dans le stade de l’Armée populaire yougoslave (JNA) au cours d’une cérémonie grandiose.

Après la mort de Tito, le 4 mai 1980, la tradition a survécu quelques années, avant de disparaître en 1987. Elle a été relancée il y a trois ans, suscitant un enthousiasme croissant. Cette année à Belgrade, parmi la foule composite, il y avait beaucoup de vétérans, qui expliquaient n’avoir jamais manqué l’arrivée de la stafeta, et des enfants venus avec leurs parents ou leurs grands-parents, mais aussi un grand nombre de jeunes d’une vingtaine d’années. Seule manquait la « génération intermédiaire », celle des 30-50 ans, qui a connu la fin de l’ancienne Yougoslavie et a grandi durant les années d’éclatement et de guerre.

La foule a pieusement entendu des enregistrements de Tito, avant que son petit-fils et homonyme ne prenne la parole. M. Josip Broz dirige en effet un nouveau Parti communiste, récemment créé par la fusion de différents groupes communistes de Serbie. Il a fait acclamer longuement une délégation de l’ambassade de Libye, avant d’assurer que la Yougoslavie unie renaîtrait de ses cendres et que la Serbie ne rejoindrait jamais l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) — l’éventuelle adhésion du pays à l’Alliance atlantique est en effet à l’ordre du jour, douze ans après les bombardements de 1999.

Le parti de M. Broz ne s’est encore jamais présenté à des élections, mais son audience reste confidentielle, tout comme celle du comité central du Parti communiste de Croatie, qui avait organisé le départ de lastafeta à Umag. En 2010, les plus importantes cérémonies de la stafetaavaient eu lieu à Tivat, au Monténégro, dans un contexte beaucoup moins politisé et plus ludique.

La « marque Tito » 
dans les restaurants 
et les boîtes de nuit

Il existe en effet un fort hiatus entre le peu de crédit dont jouissent les organisations qui, dans les diverses républiques, se proclament héritières de l’ancienne Ligue des communistes de Yougoslavie (LCY), et le sentiment diffus et beaucoup plus répandu de « yougonostalgie », voire de « titostalgie », selon le néologisme forgé par le sociologue slovène Mitja Velikonja (1).

S’agirait-il d’une « mode » plus culturelle que politique ? Le restaurant Kaj Marsalot (« Chez le maréchal ») est une bonne adresse de Skopje, la capitale de la République de Macédoine. Les garçons accueillent les clients en uniforme de pionniers, foulard rouge noué autour du cou, et la salle est décorée de photographies de Tito. Les établissements de ce type, cafés ou restaurants, se sont multipliés dans toutes les républiques. Il y a même, à Sarajevo comme à Belgrade, des boîtes de nuit qui ont fondé leur réputation sur ce « concept » titiste. Velikonja en vient à supposer que la « marque Tito » est devenue un produit de marketing, au même titre que l’image de Che Guevara…

Il existe toujours une « Yougoslavie virtuelle ». De nombreux sites Internet proposent à l’envi photographies, vidéos ou enregistrements sonores du maréchal ou des grands rassemblements du régime. Il suffit de quelques clics pour obtenir un « passeport » de la « République socialiste fédérative de Yougoslavie », délivré par plusieurs sites, comme celui du « consulat général de la RSFY » (2).

Cette « Yougoslavie virtuelle » est aussi celle de certains exilés, comme l’écrivain Velibor Colic, né dans une famille croate de Bosnie-Herzégovine. Réfugié en Bretagne depuis 1993, après avoir combattu pour défendre son pays, M. Colic est apatride et rejette toute autre définition « nationale » que celle de « yougoslave ». Ses derniers livres sont écrits en français (3), mais les précédents l’étaient en « serbo-croate », l’écrivain refusant de qualifier sa langue de « croate » ou de « bosnienne ». Le serbo-croate ou croato-serbe n’existe plus : il a été remplacé par le croate, le bosnien, le monténégrin et le serbe, selon les appellations en vigueur dans chacune des républiques concernées. La majorité des linguistes s’entendent pourtant pour reconnaître qu’il s’agit d’une seule et même langue, malgré l’existence de variantes régionales dans la prononciation ou le vocabulaire. Prétendre aujourd’hui parler ou écrire en « serbo-croate » est donc une affirmation politique, tandis que les locuteurs ont pris l’habitude d’user de circonvolutions, évoquant « notre langue », voire la « langue maternelle ».

Le film Cinema Komunisto a été le grand succès de l’année à Belgrade. Ce documentaire évoque l’histoire du cinéma yougoslave, mais aussi la vibrante cinéphilie de Tito, qui aurait vu huit mille films au cours de sa vie. Son projectionniste privé raconte ses efforts, parfois désespérés, pour trouver chaque soir un nouveau film. Le documentaire revient sur la débauche de moyens des grands succès du cinéma yougoslave — notamment les films sur la guerre des partisans (4) et sur Tito lui-même, qui accepta d’être incarné à l’écran par Richard Burton (5). Le film, triomphalement accueilli à chaque projection, est l’œuvre d’une jeune réalisatrice, Mila Turajlic, qui n’avait qu’une dizaine d’années lors de l’éclatement de l’Etat fédéral.

Peut-on établir une typologie de cette « yougonostalgie » par républiques ? Elle est assurément plus forte dans les républiques dont l’identité nationale a été confortée par l’expérience yougoslave, comme la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine ou même la Slovénie. Avant de devenir des républiques fédérées de la Yougoslavie, en 1945, la Slovénie ou la Macédoine n’avaient jamais eu d’expérience étatique. La langue macédonienne a été codifiée après la seconde guerre mondiale, et le régime titiste a valorisé l’identité nationale macédonienne, pour une bonne part afin de soustraire la Macédoine aux prétentions serbes et bulgares. Les nationalistes de ces deux pays accusent d’ailleurs Tito d’avoir « créé de toutes pièces une langue et une nation macédoniennes ». De même, le régime yougoslave a reconnu et valorisé l’identité spécifique des musulmans bosniaques (6).

Le très nationaliste écrivain serbe Dobrica Cosic prête au personnage de l’un de ses romans cette réflexion : « La Yougoslavie a été la plus grande erreur de la Serbie. » Dans le discours nationaliste serbe ou croate, l’expérience yougoslave serait venue bloquer les aspirations nationales de ces deux peuples, tandis qu’elle aurait favorisé l’émergence des identités nationales macédonienne, slovène et bosniaque. En Croatie comme en Serbie, la « yougonostalgie » se décline donc sur le mode d’une opposition au nationalisme, tandis qu’elle peut se révéler complémentaire du sentiment national dans les autres républiques. L’appartenance nationale de Tito constitue un élément supplémentaire de différenciation. Sa ville natale de Kumrovec, dans l’ouest de la Croatie, non loin de la frontière slovène, est redevenue un lieu de pèlerinage (7) ; mais, dans les années 1990, certains nationalistes serbes affirmaient volontiers que la Serbie avait été dirigée durant trente-cinq ans par quelqu’un qui « ne parlait même pas serbe », en référence à l’accent du maréchal.

Malgré ces différences, l’idéalisation de la défunte fédération s’étend désormais à toutes les républiques héritières. Seule la minorité albanaise — majoritaire au Kosovo et importante localement en Macédoine et au Monténégro — semble relativement épargnée par la vague de « yougonostalgie » et de « titostalgie ». A cela, trois raisons au moins : les longues phases de répression qu’a connues le Kosovo ; son statut de simple province autonome, et non de république fédérée de la Yougoslavie ; enfin, une différence symbolique et identitaire — la Yougoslavie était le pays des « Slaves du Sud », or les Albanais ne sont pas un peuple slave.

Toutefois, il serait erroné de penser que tous les Albanais vouent aux gémonies le précédent régime. Presevo est une ville albanaise du sud de la Serbie, une commune pauvre et déshéritée dont les habitants partent depuis des décennies chercher fortune sous d’autres cieux. Dans les années 1950, les migrations se dirigeaient avant tout vers Belgrade, puis elles se sont orientées vers les pays occidentaux. M. Bajraktari a longtemps travaillé sur les chantiers de Belgrade, avant d’émigrer en Belgique, où il a été activement engagé dans les associations de travailleurs yougoslaves. Revenu couler une retraite paisible au pays, il professe un nationalisme albanais intransigeant, tout en demeurant un supporter passionné du club de football de l’Etoile rouge de Belgrade. Avec quelques-uns de ses amis, il cultive cette passion dans la discrétion, voire dans une quasi-clandestinité. Soutenir publiquement l’Etoile rouge serait se montrer « serbe », mais M. Bajraktari confie :« Belgrade, la Yougoslavie et l’Etoile, c’est ma jeunesse. » Jusqu’à la fin des années 1980, plusieurs dizaines de milliers d’Albanais vivaient à Belgrade, sans rencontrer de difficultés particulières. L’arrivée au pouvoir de Slobodan Milosevic les a contraints à quitter la capitale serbe, dont ils gardent tous une vibrante nostalgie.

Quand et pourquoi la RSFY a-t-elle cessé d’exister ? Fin mai, un colloque a réuni à Belgrade des dirigeants de premier plan de l’ex-Yougoslavie, à l’invitation du comité des vétérans serbes de la guerre de libération nationale. L’ancienne dirigeante communiste slovène Sonja Lokar, qui avait quitté en larmes la salle du XIVe et dernier congrès de la LCY, en janvier 1990, a reconnu que les dirigeants de l’époque avaient été « pris par surprise », qu’ils n’avaient « aucune vision de l’avenir ». Le Bosniaque Raif Dizdarevic, avant-dernier président de la présidence collégiale de la fédération (8), a également estimé que l’éclatement avait été dû aux dysfonctionnements internes de la fédération, et non aux « ennemis extérieurs » évoqués par d’autres participants.

Dans une analyse publiée par l’hebdomadaire serbe Vreme, M. Dejan Jovic, politologue et conseiller du président social-démocrate croate Ivo Josipovic, replace cet éclatement dans le contexte de l’effondrement des régimes communistes (9). Même si le socialisme yougoslave se voulait « différent », il a été balayé par la lame de fond qu’a déclenchée la chute du mur de Berlin.

« Pourquoi nous parle-t-on tant 
d’intégrer l’Europe ? »

L’idée yougoslave — c’est-à-dire celle d’une réunion des peuples slaves du Sud — a été forgée au XIXe siècle par des intellectuels croates ; elle n’est donc pas nécessairement liée à sa réalisation socialiste au siècle suivant. Pourtant, au moins sur le plan des symboles, les évocations de la Yougoslavie titiste sont associées au souvenir d’un « bon vieux temps », où le socialisme autogestionnaire garantissait à tous une relative prospérité, et qui contraste avec la violence et la dureté sociale des longues années de « transition ». La « yougonostalgie » peut même se présenter comme une voie alternative à l’intégration européenne, à laquelle tous les pays de la région sont, théoriquement, promis.« Pourquoi nous parle-t-on tant d’intégrer l’Europe ? Il aurait fallu que l’Europe s’intègre dans la Yougoslavie, quand Tito était encore en vie », affirme ainsi avec conviction un barbier turc du vieux bazar de Skopje.

Les « yougonostalgiques » sont en première ligne des batailles mémorielles qui continuent de se mener dans toutes les républiques. Autrefois, chaque république avait fait un jour férié de l’anniversaire du « premier soulèvement antifasciste » : le 7 juillet 1941 en Serbie, le 13 juillet au Monténégro, le 27 juillet en Croatie, etc. Ces jours ne sont plus chômés — sauf au Monténégro, où le 13 juillet marque aussi l’anniversaire de la reconnaissance de la première indépendance du pays, en 1878, lors du congrès de Berlin, ce qui permet une lecture « polysémique » de cette date.

En Croatie, le 27 juillet a été effacé du calendrier des célébrations officielles dès le début des années 1990. On y commémorait l’attaque du petit village de Srb, une localité à majorité serbe située en Krajina, par les milices du régime collaborationniste des oustachis — toujours adulé par les milieux les plus nationalistes de la droite croate. Toutefois, le 27 juillet 2010, le président de la République récemment élu, M. Josipovic, a participé aux commémorations organisées à Srb par les associations de vétérans antifascistes et le Conseil national serbe de Croatie, sous les huées de quelques centaines de contre-manifestants nationalistes. L’objectif était double : M. Josipovic entendait inscrire symboliquement la Croatie contemporaine dans une continuité antifasciste, tout en faisant un geste fort en direction de la minorité serbe de Croatie (10).

En Serbie, le 7 juillet dernier, le soixante-dixième anniversaire du soulèvement de 1941 a suscité plusieurs colloques, ainsi que de vives polémiques (11). Le 7 juillet 1941, un ancien combattant communiste de la guerre d’Espagne, Zikica Jovanovic Spanac, tuait deux gendarmes du gouvernement collaborationniste serbe. Pour certains contempteurs du communisme, ce geste n’était donc pas une action de résistance à l’occupant allemand, mais une « tuerie fratricide ». En réalité, la querelle historiographique porte sur l’analyse des deux mouvements de résistance que connut la Serbie : les partisans dirigés par le Parti communiste et les tchetniks du général Draza Mihailovic, fidèles à la monarchie serbe. A l’époque yougoslave, le souvenir des tchetniks était honni autant que celui des oustachis, en raison du basculement de leur mouvement dans la collaboration. Or cette dérive, tardive et inégale selon les régions, fut une réponse à l’avantage militaire pris par les partisans (12).

Depuis la chute du régime de Milosevic, en 2000, le 7 juillet n’est plus un jour férié en Serbie, et les manuels scolaires placent désormais sur un pied d’égalité tchetniks et partisans. Une loi votée en 2004 leur garantit des droits à la retraite équivalents (13). Le sociologue Jovo Bakic juge que la Serbie a suivi « une tendance commune au reste de l’Europe, où socialisme et fascisme ont été mis sur un pied d’égalité »,tout en estimant que cette « vague anticommuniste » touche peut-être à son terme.

La nostalgie peut-elle devenir facteur de changement politique ? Depuis quelques années, on parle beaucoup de la naissance d’une « yougosphère ». L’expression a été forgée par un journaliste britannique, Tim Judah. Elle désigne la renaissance de liens de toutes natures — économique, politique ou culturelle — entre les républiques héritières. Sur un plan strictement politique, les relations sont effectivement en voie de normalisation entre les ex-belligérants, les actuels présidents serbe et croate, MM. Boris Tadic et Josipovic, ayant nettement accéléré ce processus au cours des deux dernières années. Les échanges commerciaux, sans être négligeables, restent cependant limités par l’assez faible complémentarité des différentes économies et par leur ouverture massive aux importations, notamment européennes. Sur le plan culturel, en revanche, les liens n’ont jamais été rompus, même durant les années de guerre, au moins entre les artistes et les intellectuels hostiles au nationalisme. De colloques en festivals, dans les anciennes républiques ou ailleurs en Europe, les occasions de rencontres n’ont pas manqué.

Fin juin, à la librairie Karver de Podgorica, au Monténégro, un festival littéraire réunissait plusieurs dizaines d’écrivains, de journalistes et d’éditeurs de toutes les républiques « postyougoslaves ». Les discours ont tourné autour de l’identité de la « région », selon le terme neutre fréquemment utilisé pour désigner la Yougoslavie de Tito, voire les Balkans — ce concept géographique aux frontières incertaines faisant lui-même l’objet de nombreuses polémiques (14). Nenad Popovic, directeur des prestigieuses éditions Durieux de Zagreb, a fini par s’insurger : « Une région, c’est une partie d’un Etat, mais nous n’avons plus d’Etat commun ! » Cependant, comment appeler cet univers « post-yougoslave », qui partage les mêmes souvenirs historiques, rit des mêmes plaisanteries et parle — dans une large mesure — la même langue ?

Chaque année, des milliers de randonneurs se retrouvent en Macédoine pour gravir le mont Tito, point culminant de la RSFY, dans les montagnes du Shar. Les marcheurs assurent volontiers que leurs motivations ne sont pas politiques, tout en se réjouissant de pouvoir« rencontrer autant de gens venus de toutes les républiques (15) ».Entre randonneurs croates, bosniens, serbes et monténégrins, il n’existe aucune barrière linguistique, même si les plus jeunes des Macédoniens ou des Slovènes ont parfois un peu de mal à parler le « serbo-croate », qu’ils n’ont pas appris à l’école. Sur les pentes escarpées du Shar, c’est en réalité une koinè, une communauté culturelle slave du Sud, qui se recrée, loin de toute revendication politique.

Jean-Arnault Dérens

Rédacteur en chef du site Le Courrier des Balkans. Dernier ouvrage paru (avec Laurent Geslin) : Voyage au pays des Gorani (Balkans, début du XXIe siècle), Cartouche, Paris, 2010.

(1) Mitja Velikonja, Titostalgija. Studija nostalgije po Josipu Brozu, Mirovni Institut, Ljubljana, 2009.

(3) Notamment son dernier ouvrage, Jésus et Tito (Gaïa, Montfort-en-Chalosse, 2010), évocation d’une «  jeunesse yougoslave heureuse  » et vibrant hommage à l’Etat disparu.

(4) Durant la seconde guerre mondiale, les partisans yougoslaves, dirigés par Tito, luttèrent d’une part contre les occupants allemand, italien et bulgare  ; d’autre part contre les oustachis croates, collaborateurs des nazis, et contre les tchetniks, nationalistes royalistes serbes, d’abord résistants mais qui versèrent progressivement dans la collaboration. A partir de 1943, les partisans reçurent une aide britannique et libérèrent par eux-mêmes la plus grande partie du territoire yougoslave.

(5La Cinquième Offensive (Sutjeska), réalisé en 1973 par Stipe Delic.

(6) Une nationalité musulmane a été officiellement reconnue en 1971. On parlait donc des Musulmans (au sens national), distincts des musulmans (fidèles de l’islam). La terminologie a changé depuis l’indépendance de la Bosnie : on distingue désormais les Bosniaques (Slaves de tradition musulmane) des Bosniens (ensemble des habitants de la Bosnie-Herzégovine).

(7Cf. Drazen Nemet, «  Josip Broz Tito, mort et survie en Croatie  », dans Daniel Baric, Jacques Le Rider et Drago Roksandic (sous la dir. de), Mémoire et histoire en Europe centrale et orientale, Presses universitaires de Rennes, 2010.

(8) Après la mort de Tito, la fédération a été dirigée par une présidence collégiale de huit membres (issus des six républiques fédérées et des deux provinces autonomes), chacun assurant, selon le principe d’une rotation annuelle, la présidence de la présidence.

(9Vreme, Belgrade, 23 juin 2011.

(10Cf. «  Croatie : commémorations du soulèvement antifasciste de Srb  », Le Courrier des Balkans, 27 juillet 2010.

(11Cf. le dossier de Vreme : «  Zasto Srbija nema antifascisti praznik  ?  » («  Pourquoi la Serbie n’a-t-elle pas de fête antifasciste  ?  »), 7 juillet 2011.

(12) Roland Vasic, Mihailovic entre révolution et restauration. Yougoslavie 1941-1946, L’Harmattan, Paris, 2009, offre une analyse très équilibrée de ce mouvement.

(13Cf. Sonja Drobac, «  Serbie : égalité pour les anciens partisans et les anciens tchetniks de la seconde guerre mondiale  », Le Courrier des Balkans, 10 janvier 2005.

(14) Maria Todorova, Imaginaire des Balkans, traduit de l’anglais par Rachel Boyssou, Editions de l’EHESS, Paris, 2011.

(15Cf. Béatrice André, «  Macédoine : toute la Yougoslavie se retrouve au sommet du mont Tito  », Le Courrier des Balkans, 4 juin 2009.

Voir aussi le courrier des lecteurs dans notre édition de septembre 2011.

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5 février 2012 7 05 /02 /février /2012 16:31

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Devant l'augmentation constante des actes anti-musulmans, les pouvoirs médiatiques et politiques font preuve d'un étonnant mutisme…

 

L’islamophobie, ce ne sont pas seulement des mots.

Ce n’est pas seulement « la stigmatisation, généralement globale, des musulmans » par des considérations où peut certaines fois se dissimuler,  derrière le large paravent du franc-parler, « une simple remise au goût du jour du vieux racisme qui prend acte de ce que, depuis bientôt trente ans, la composante religieuse semble primer dans l’affirmation identitaire des “arabo-musulmans“ tout en relayant l’idéologie du choc des civilisations et de leur incompatibilité » (1).

 

Ce n’est pas seulement la crâne proclamation, par un éditorialiste réputé, qu’il se sent « un peu islamophobe », et que ça ne le « gêne pas de le dire », et qu’il a « bien le droit », n’est-ce pas (personne, de fait, ne le lui conteste), « de penser que l’islam apporte une certaine débilité qui, en effet », le « rend islamophobe ».

Ce n’est pas seulement la non moins hardie prédiction, par l’un de ses non moins renommés pairs, qu’à trop se laisser « changer », la France comptera bientôt « deux minarets » pour une église.

 

Ce n’est pas seulement l’énoncé, comme d’une évidence, par un ministre d’État qui semble avoir pris le pli de piocher des bouts de sa dialectique dans le même sac où l’extrême droite serre sa propagande - et qui mettra un peu de temps à réajuster, à la baisse, cette extravagante statistique –, qu’« il y a » aujourd’hui « entre 5 et 10 millions » de « musulmans en France », et que cet « accroissement du nombre » des mahométans « pose problème » (2).

Ce n’est pas seulement l’affirmation surenchérie, par un philosophe de médias pleinement inscrit dans son époque – Michel Onfray, pour ne pas le nommer -, que : « C’est l’islam qui est un problème. »

 

Des paroles et des actes

 

L’islamophobie, ce sont aussi des actes, où il est difficile de ne pas voir un peu l’effet de cette libération, dans l’espace public, d’une désobligeante logorrhée.

Ce sont des agressions et des provocations, toujours plus nombreuses – mais dont personne ou presque ne parle, et qui se perpètrent donc sous la protection d’un grand silence.

Le 11 septembre 2011, par exemple, de courageux internautes anonymes ont appelé, sur Facebook, à « égorger » deux mois plus tard, pour l’Aïd el-Kebir, « les musulmans plutôt que des moutons »

Le 18 septembre, trente tombes musulmanes du cimetière Saint-Michel de Carcassonne (Aude) ont été recouvertes d’inscriptions racistes et nazies.

Dans la nuit du 18 au 19 novembre, des graffitis de même nature ont été tracés sur les murs de la mosquée de Villeneuve-sur-Lot (Lot-et-Garonne), où les profanateurs ont aussi tenté de mettre le feu : le Conseil français du culte musulman (CFCM) a relevé, dans un communiqué, que cette violation était la quatrième du genre « en l’espace de deux semaines », après celles qui avaient visé les mosquées de Roissy-en-Brie (Seine-et-Marne) le 5 novembre, de Saint-amand-les-Eaux (Nord) le 6, et de Montbéliard (Doubs) le 10, et demandé, « compte tenu de la forte augmentation des actes antimusulmans », la « mise en place d’une mission d’information parlementaire sur ce fléau » - mais c’était prêcher dans le désert, et le gardien du cimetière Saint-Michel de Carcassonne a découvert, le 27 décembre, que vingt-neuf tombes musulmanes avaient de nouveau été souillées, comme trois mois plus tôt, d’inscriptions racistes et nazies.

 

Croix gammées et couennes de porc pour profaner les tombes

 

 

Et ainsi de suite, ad nauseam, d’une année l’autre : le 17 janvier dernier, une croix gammée d’un mètre de haut a été peinte en rouge sur un mur de la future mosquée de Montigny-en-Ostrevent (Nord), en même temps que des slogans nazis. Puis, trois jours après, deux têtes de cochons ont été retrouvées sur le chantier de la nouvelle mosquée de Nanterre (Hauts-de-Seine) : cette courte liste, on le devine, est loin d’être exhaustive.

 

 

S’en émeut-on ? Le dit-on même ? Fort peu : la presse nationale, où « l’insécurité » peut d’autre fois donner le motif d’assez longs développements, semble avoir de la difficulté à correctement restituer, dans leur continuité, ces incessantes exactions – cependant que leur sanction ne paraît pas forcément être dans les priorités de l’heure.

Ce double constat n’est pas nouveau : en 2010, déjà – pour n’envisager que cette année-là -, le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) relevait « sans grande surprise », dans son rapport annuel, que « les actes islamophobes » n’avaient « plus guère de place », alors que leur nombre explosait, « parmi les priorités publiques » - et concluait que leurs victimes étaient « peu reconnues », et « les tribunaux peu saisis ».

 

Il arrive cependant que les auteurs de ces vaillantises soient identifiés, et jugés : cela permet d’appréhender leur motivations – telles, du moins, qu’ils les exposent -, et de vérifier, le cas échéant, qu’on y peut retrouver quelques éléments de langage de l’islamophobie parlée de certains forgerons de l’opinion.

Confondu par son ADN, un ancien sergent-chef d’un régiment de parachustistes d’infanterie de marine qui avait profané au mois de janvier 2011 trois tombes du carré musulman du cimetière de Castres (Tarn) – en y jetant des couennes de porc – a ainsi expliqué, dans un premier temps (et avant de se rendre à plus de contrition), qu’il avait souhaité, par ce geste, réagir contre une « invasion arabo-musulmane » dont il tenait pour coresponsables « les islamo-gauchistes qui nous gouvernent »(3).

 

«Les incendiaires qui poussent avec les mots, et ceux qui les appliquent»

 

 

Ces considérations n’étaient pas, dans la période actuelle, complètement inédites – et le vice-procureur de Castres qui a requis contre l’ex-para quatre mois de prison avec sursis y a entendu comme l’écho d’autres déclamations : « Ce que nous avons à juger, c’est le résultat d’un vent mauvais qui souffle sur notre pays depuis de nombreuses années, et dont je crois pouvoir dire que les plus hautes autorités de l’État n’y sont pas étrangères et alimentent ce climat, même si elles ne sont pas les seules – il y a les incendiaires qui poussent avec les mots, et ceux qui les appliquent », a-t-il expliqué (4).

 

Des propos qui sentent l'égoût

 

D'autres que lui semblent n'être pas d'un avis très différent : c’est le cas, notamment, d’Abdallah Zekri, qui préside au CFCM l’Observatoire national de l’islamophobie (où arrivent quotidiennement des lettres d’insultes - incroyablement ordurières, voir ci dessous – et de menaces, anonymes, évidemment), et qui estime, quant à lui, qu’« il n’est pas étonnant » qu’à force d’entendre des hommes politiques « tenir des propos qui sentent l’égoût, certains se sentent en quelque sorte encouragés à passer à l’acte – peut-être même se disent-ils que s’ils se font prendre, la justice, par les temps qui courent, se montrera de toute façon clémente ».

 

 

 

 

 

Sarko renvoie la balle à Guéant

 

Le 5 décembre dernier, cet attentif observateur de la constante augmentation « des attitudes, des comportements, des discours et des actes islamophobes » a demandé (5), par écrit, à être reçu avec une délégation du CFCM par le président de la République, à la fin de l’entretenir de cette envenimation : ils souhaitaient lui dire, de vive voix, leur inquiétude et leur préoccupation, « à l’approche des présidentielles », devant la montée de ce qu’ils appellent « une véritable “guerre des mots“, accompagnée d’agressions verbales ou physiques » contre les musulmans de France et leurs lieux de culte.

« À l’heure où une grave crise économique et sociale frappe durement notre pays, il est temps de dénoncer les discours réducteurs de certains “terroristes intellectuels“ qui ne font qu’attiser et conceptualiser politiquement la soif de haine et de xénophobie contre tout ce qui s’apparente à l’islam », écrivait notamment Abdallah Zekri dans sa lettre au chef de l’État.

 

Le 10 janvier, il a reçu une réponse du chef de cabinet de Nicolas Sarkozy, qui lui assure que ce dernier « demeure totalement à l’écoute à l’écoute des inquiétudes et des attentes exprimées par les membres de la communauté musulmane de France » - mais que « ses nombreux engagements ne lui permettent pas » de recevoir une délégation du CFCM.

 

Toutefois – lot de consolation-, le courrier d’Abdallah Zekri a été signalé au « ministre de l’Intérieur, de l’Outre-Mer, des collectivités territoriales et de l’immigration » (qui le tiendra « directement informé de la suite réservée »  à son « intervention ») : à Claude Guéant, donc  - le même, qui trouve problématique l’ « augmentation du nombre des musulmans »… 

…Mais qui ne goûte guère que d’aucuns le soupçonnent de ne pas les « aimer ».

 

(1) Henri Goldman, Le rejet français de l’islam. Une souffrance républicaine, PUF, 2012.

 

(2) Mais qui se défend de « ne pas aimer les musulmans ».

 

 (3) Libération, 8 décembre 2011.

 

(4) Cette déclaration a fait sortir de ses gonds Bernard Carayon, député UMP du Tarn, qui a considéré que « ces propos » établissant « un lien entre » un « acte inqualifiable et la politique engagée par le chef de l’État » étaient « indignes d’un magistrat » et « profondément antirépublicains », puis qu’ils appelaient « une réponse judiciaire ou administrative appropriée ». En clair, l’ombrageux élu a demandé que soit promptement châtié l’impudent juge, et semble avoir été (remarquablement) vite entendu, puisque le vice-procureur de Castres vient d’être convoqué à Paris par l’Inspection générale des services judiciaires – au grand dam du Syndicat de la magistrature, qui rappelle dans un communiqué que, «n’en déplaise à Monsieur Carayon, les magistrats ne sont pas les fantassins de l’État-UMP ».

 

(5)Le CFCM a signé avec le ministère de l’Intérieur, au mois de juin 2010, une convention-cadre« pour la mise en œuvre d’un suivi statistique et opérationnel des actes hostiles aux musulmans de France », en vue de « mieux adapter le dispositif de prévention et de répression de ces faits de violence et de délinquance » - qui n’ont cessé, depuis, de se multiplier.

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5 février 2012 7 05 /02 /février /2012 16:12

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Il y a 20 ans, l'Union des républiques socialistes soviétiques cessait d'exister, deux ans après la chute du mur de Berlin et la séparation de la grande fédération soviétique de plusieurs républiques qui revendiquaient un statut d'autonomie. Certains pays de l'Europe de l'Est, comme la Hongrie et la Pologne, avaient déjà entrepris un processus de libéralisation et d'ouverture à l'ouest.

 

La situation économique, dans l'ex-URSS, était devenue catastrophique, à la suite de mauvaises récoltes et de la chute de la production industrielle. Le gazoduc transsibérien, qui devait acheminer le gaz naturel de Sibérie jusqu'aux portes de l'Europe, avait été saboté par l'introduction d'un virus à retardement qui provoqua une explosion de turbines digne d'une explosion nucléaire, retardant de plusieurs années la mise en œuvre de cet audacieux projet de développement qui devait enfin apporter la prospérité au gouvernement communiste. Ce fut une étape importante dans la guerre économique que livraient les États-Unis à l'URSS.

 

L'invasion de l'Afghanistan, commencée en 1979, avait été extrêmement coûteuse en vies humaines et n'avait certes pas amélioré la situation économique de la fédération soviétique, de sorte qu'en 1989, le Kremlin avait dû ordonner le retrait de ses troupes (plus de 100 000 hommes) de ce pays, face à des combattants moudjahidines désormais armés par les Américains.

 

Après une série d'événements dramatiques suivis de mesures de libéralisation, le 24 août 1991, le président soviétique Gorbatchev démissionne de ses fonctions de secrétaire général du Parti communiste. Du même coup, il annonce la dissolution du Comité central du PC, l'interdiction pour les cellules communistes de s'adonner à des activités politiques au sein des forces armées, du KGB et du ministère de l'Intérieur, et la confiscation de leurs biens. Le Parti communiste se retrouve, du coup, sans possibilité de poursuivre ses activités. Bientôt, on interdit même son existence.

 

Profitant de la faiblesse de Gorbatchev, Boris Eltsine, qui est alors président de la puissante République socialiste de Russie, place ses hommes de confiance aux principaux postes de pouvoir. La restauration du système capitalisme est en marche, avec la complicité évidente des États-Unis et de George Bush père, qui veillent de près au démantèlement de la fédération soviétique. Le 8 décembre 1991, la dissolution de l'Union soviétique est officiellement proclamée. On s'empresse aussitôt d'obtenir l'aval de Washington et le drapeau rouge, qui flottait sur le Kremlin depuis des décennies, est retiré.

 

Il existait un réel mécontentement populaire contre les dirigeants soviétiques pour leur mauvaise gestion de l'économie, personne ne peut le nier. Mais cela ne signifiait nullement une remise en question du système communiste. Avec la destruction de l'Union soviétique, l'abandon des programmes sociaux et la privatisation de grands pans de l'économie, la situation allait rapidement empirer, entraînant davantage de pauvreté et d'injustices. Une nouvelle classe de riches et de mafieux apparaît. La production industrielle et agricole s'effondre encore davantage. La recherche scientifique et la culture, deux fleurons de la grande fédération soviétique, écopent tout particulièrement. Des guerres fratricides éclatent entre d'ex-républiques soviétiques pour le contrôle des richesses pétrolières et gazières.

 

Pour l'humanité, cela signifiait la fin d'un monde bipolaire et de la guerre froide et le début d'une nouvelle ère où les États-Unis et leurs alliés de l'OTAN allaient pouvoir faire la pluie et le beau temps aux quatre coins de la planète. Après l'invasion du Panama en 1989, les États-Unis envahissent, deux ans plus tard, une première fois l'Irak (et le Koweït) pour y revenir en 2003. Entre-temps, ils ont remplacé les troupes soviétiques en Afghanistan. Puis, en 1994, ils débarqueront en Haïti soi-disant pour y restaurer la démocratie après avoir contribué, quelques années auparavant, à renverser le gouvernement légitime de Bertrand Aristide.

 

Depuis une dizaine d'années, la Chine, pays en voie de développement, est devenue une superpuissance avec laquelle il faut désormais compter, aux côtés d'autres pays émergents comme le Brésil, l'Argentine et le Venezuela qui font désormais figure de leaders dans ce combat pour reprendre possession de leurs ressources nationales au profit de leurs populations. Même chose pour l'Iran qui réaffirme, en ce moment plus que jamais, sa volonté de demeurer pleinement maître de son destin sans s'en laisser imposer par qui ce soit.

 

En Amérique latine, la Communauté des États latino-américains et des Caraïbes (CELAC), qui regroupe 32 pays, vient de voir le jour, sans les États-Unis et le Canada et avec la participation de Cuba. C'est une première dans l'histoire de ce continent où les États-Unis avaient toujours réussi jusqu'à maintenant à imposer leur volonté, à travers un organisme comme l'OEA, qu'on qualifiait de véritable ministère des colonies des États-Unis.

 

En 20 ans, la face du Tiers Monde a changé radicalement. Si, dans un premier temps après l'effondrement de l'URSS, les États-Unis ont pu imposer sans trop d'efforts leur domination sur une partie de l'humanité, aujourd'hui, ils doivent se replier et battre en retraite dans de nombreuses contrées et leur prestige et leur influence ont diminué d'autant. On peut en dire autant des organismes qu'ils ont mis en place pour mieux contrôler les économies des pays en voie de développement. Le FMI, la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement ont échoué dans leur tentative de conditionner leur aide au bon comportement des gouvernements progressistes latino-américains qui visent, eux, de plus en plus l'intégration économique régionale afin d'éliminer les inégalités sociales et donner un toit à tous. Ces pays possèdent d'énormes richesses naturelles et leur exploitation servira enfin à créer cette société plus solidaire.

 

S'il est trop tôt pour parler d'un retour au monde bipolaire, avec un nouvel équilibre des forces, on doit constater que les États-Unis ne peuvent plus agir comme bon leur semble, bien que certains de leurs ressortissants, comme des Marines de l'armée américaine, se permettent d'humilier leurs soi-disant ennemis assassinés par leurs armes en leur urinant dessus. En 1949, deux autres Marines, visiblement saouls ceux-là, avaient uriné sur la statue de José Marti à Cuba, déclenchant l'indignation populaire. Devant de tels gestes, on ne peut être que d'accord avec cette affirmation selon laquelle les États-Unis n'ont pas d'amis, ils n'ont que des intérêts. L'exportation par la force de leur «modèle démocratique», avec invasions de territoires souverains, attaques sournoises à l'aide de drones, assassinats sélectifs et chantages, ne sert qu'à créer encore plus de chaos et à discréditer les organismes internationaux chargé de faire respecter le droit international, comme on l'a vu en Irak, en Afghanistan et dans plusieurs pays africains.

 

La tournée du président iranien Mahmoud Ahmadinejad au Venezuela, à Cuba, au Nicaragua et en Équateur suscite visiblement l'inquiétude à Washington mais elle constitue une autre preuve que de plus en plus de pays du Tiers Monde, les indignés depuis longtemps, sont décidés à s'unir et à agir non pas en fonction des directives imposées par l'empire américain mais bien en faveur des intérêts de leurs populations. Il y a dix ans, un tel affrontement, pour ne pas dire affront, aurait été impensable, et seul Cuba tenait tête à l'empire étasunien, au prix d'énormes sacrifices, surtout depuis l'effondrement des pays du bloc de l'Est. Malgré toutes les difficultés et les embûches, Cuba continue d'être un dangereux exemple de solidarité.

 

Finalement, on peut conclure que le nouveau rapport de forces, à l'échelle mondiale, penche en faveur des indignés, de ceux qui se prennent en main pour mieux assurer le bien-être de leur population. Dans ce grand combat pour la souveraineté nationale, le Québec aura sûrement son mot à dire un jour, même si aujourd'hui il semble demeurer silencieux. On apprend souvent mieux dans le silence.

 

«L'espérance est orpheline, a dit un poète, mais elle a beaucoup de neveux et nièces.»

 Source : canoë

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5 février 2012 7 05 /02 /février /2012 16:04

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Syrie : nouvelles des chrétiens du diocèse de Homs et de Hama
Le faire-part du décès du Père Basilios avec le tropaire byzantin en l’honneur des martyrs

Chers amis, en ce jour où nous célébrons la fête majeure de notre communauté, celle de l’Unité, notre coeur est dans l’amertume mais non sans lever les yeux au ciel d’où vient tout secours.
Notre vision s’éclaircit petit à petit : elle perce le mur inexpugnable de la désinformation. La réalité n’est pas binaire comme on nous l’assène. Elle est complexe. Les chrétiens de Syrie ont-ils encore une place au sein de la destabilisation entamée d’une société composite ? Le sort de la Syrie sera-t-il calqué sur celui de l’Iraq ? Nous ne savons pas. Nous prions...
Ne nous oubliez pas !



 

Pour mémoire et pour l’histoire :

Les chrétiens du diocèse de Homs, Hama et Yabroud sont intégrés au tissu social comme des citoyens à part entière. Avant les évènements qui ensanglantent la Syrie il était inconvenant de décliner sa confession religieuse. Aujourd’hui il n’en est plus ainsi. Le conflit qui s’instaure est passé d’une réclamation populaire de liberté et démocratie à une révolution islamiste. Le vendredi 20 janvier le slogan fatidique a été brandi par les comités de coordination de la révolution : « le peuple veut déclarer le Jihad ! ». Jusqu’à présent nous n’avons pas fait état d’une « persécution » directe qui frapperait les chrétiens. Ils étaient englobés dans les sévices ciblant la population participant à la vie civile. Mais il semble que la donne commence à changer. Comme si la tendance qui couvait devenait dorénavant une consigne. Le futur le dira. Toujours est-il que nous portons à votre connaissance diverses agressions désormais franchement antichrétiennes :

1- Aujourd’hui 25 janvier le Père Basilios Nassar, curé grec orthodoxe du village de Kafarbohom, province de Hama, a été abattu par des insurgés alors qu’il venait en aide à un homme agressé par les insurgés dans la rue Jarajima de Hama. C’est la première fois, depuis l’insurrection, qu’un prêtre est la cible de la violence aveugle qui est devenue l’arme redoutable d’une insurrection de plus en plus manipulée.

Nous avons reçu plusieurs coups de fil de la part de prêtres amis qui devenaient inquiets.

Ce meurtre est alarmant. Il conforte les craintes de voir la révolution syrienne tourner au conflit confessionnel. Sous couvert d’une quête de liberté et de démocratie les insurgés se révèlent comme des islamistes qui s’en prennent à des civils innocents dans une démarche de discrimination religieuse.

2- Hier matin le fils de l’Emir islamiste de Yabroud, M.Khadra, attendait avec trois autres hommes en armes le major chrétien Zafer Karam Issa, âgé de 30 ans, marié depuis un an, à la sortie de sa maison. Ils le tuent en tirant sur lui une centaine de balles qui criblent tout son corps et s’enfuient.

Les funérailles ont eu lieu aujourd’hui à une heure, avec la participation du village en émoi. Le curé de Yabroud R.P. Georges Haddad a eu des paroles inspirées : « Dieu est amour et miséricorde. Il incite l’homme à aimer son prochain et à ne pas se détourner de lui. Nous nous adressons à ceux qui se sont érigés comme juges suprêmes de leurs frères qui s’octroient le droit de condamner à mort un être humain. Ils brandissent de faux slogans et mettent le pays à feu et à sang. Zafer, en bon soldat fidèle à sa patrie, voulait mourir dans un affrontement avec l’ennemi pour libérer le Golan. Il a été tué par qui ? et pourquoi ? Par un frère, dans son village, devant sa maison. Revenons à nous-mêmes et réfléchissons sur la voie que nous empruntons. Notre existence est basée sur l’amour et l’acceptation de l’autre. Ne laissons pas des étrangers nous dicter une conduite qui instille la méfiance, la haine et la division. Nous tendons nos mains en signe de réconciliation avec tous : ceux qui sont proches et ceux qui sont loin. Que le sang de nos martyrs donnent à notre cher pays la paix et des lendemains meilleurs ».

3- Dans la semaine, le jeune chrétien Khairo Kassouha, âgé de 24 ans, a été lui aussi abattu en sortant de chez lui à Kusayr.

4- Le Père Mayas Abboud, recteur du petit séminaire des grecs catholiques à Damas nous rapporte qu’il a été contacté hier par la veuve du martyr Nidal Arbache, un chauffeur de taxi abattu dernièrement par les insurgés. Dalal Louis Arbache lui dit au téléphone : « cher Père, ici à Kusayr nous sommes livrés au bon plaisir des insurgés qui font la loi chez nous. Nous nous attendons à toutes sortes de sévices. Nous n’avons rien ni personne pour nous protéger. Je vous en supplie Père, prenez cela comme un testament. S’il m’arrive quelque chose de fâcheux je vous confie mon fils, prenez soin de lui. Toute notre famille est menacée par les bandes armées ».

5- On nous rapporte aussi qu’André Arbache, mari de Virginie Louis Arbache a été kidnappé la semaine passée. On ne sait rien de lui. Sa famille craint pour lui le pire.

6- Toujours à Kusayr un cousin de Père Louka, curé de Nebek raconte ce qui suit : « je rentrai à Kusayr lorsqu’à un rond-point de la ville j’ai été arrêté par les insurgés. Ils m’ont réclamé mes papiers et m’ont fait attendre deux heures pour vérifier si mon nom est cité dans les listes issues par les comités de coordination de la révolution qui sont désormais des organes de référence judiciaire. Si mon nom avait été mentionné j’aurai été exécuté sur place comme ils le font avec d’autres.

7- A Homs la liste du Gouverneur s’allonge : il y a plus de 230 chrétiens qui ont été abattus. Plusieurs sont kidnappés. Souvent les insurgés réclament une rançon qui varie entre 20000$ et 40000$ par personne.

8- Certains quartiers mixtes comme Bab Sbah ou Hamidiyeh à Homs voient 80% de leurs habitants chrétiens les déserter pour s’établir chez des amis ou des parents dans les régions de la Vallée des chrétiens. Les chrétiens de Hama et de sa province font de même. Le mouvement est progressif mais implacable.


POSITION DU MONASTERE SAINT JACQUES L’INTERCIS PAR RAPPORT AUX EVENEMENTS EN SYRIE

Depuis le début de la crise la position de notre monastère et de son higoumène s’est tracée la ligne suivante en conformité avec ses convictions et les exigences de la conscience chrétienne et monastique.

1- Avoir une idée claire des enjeux géopolitiques à travers une étude approfondie et documentée.

2- Ne prendre aucune position politique non par peur des uns ou des autres mais parce que nous ne nous sentons pas interpellés politiquement. Notre témoignage se trouve ailleurs, dans le domaine de l’Avènement en nous et autour de nous du Royaume de Dieu dont les moyens ne sont pas ceux du monde. Nous ne sommes ni pour ni contre aucune des parties au conflit. Nous nous positionnons contre tout ce qui est contraire à la loi de Dieu et aux droits de l’homme.

3- Venir en aide à toute personne humaine dans la détresse quelle que soit son appartenance.

4- Si personne ne le fait : avoir le courage de stigmatiser à haute voix la désinformation parce qu’elle est une atteinte à la vérité et une manière d’encourager l’impunité des malfaiteurs, quels qu’ils soient.

5- Prendre position pour les pauvres et les maltraités. Particulièrement les civils innocents qu’ils soient ciblés par le régime ou par les bandes armées de l’insurrection.

6- Faire attention à l’identité des malfaiteurs ainsi qu’à celle des victimes afin de pouvoir discerner et de porter l’aide convenable à ceux qui sont dans le besoin.

A cet égard Mère Agnès-Mariam de la Croix a, en plein consensus avec sa communauté :

- aidé l’opposition du village harcelée par l’armée. A la demande des insurgés Mère Agnès-Mariam a fait des pourparlers avec les militaires pour adoucir leur poigne et respecter la liberté de mouvement de la population.

- lancé une opération pour la libération des prisonniers de droit commun retenus sans jugement.

- accepté que des membres de l’opposition se réfugient au monastère pour une réunion secrète. De là a été lancé un manifeste en vue d’un dialogue national qui a été repris par le Président de la République.

- accédé à la demande de l’UCIP-Liban pour inviter des journalistes catholiques. Ce groupe est le premier au monde à avoir noté que la population civile était la cible d’une violence qui ne provenait pas du régime. Le fait de le dire a déchaîné de graves accusations contre Mère Agnès-Mariam qui ne se sont pas tues à ce jour. La communauté est fière d’être persécutée parce qu’elle a contribué à faire la lumière sur ce volet ténébreux des guerres de l’ombre.

- écrit, le 5 novembre 2011 dans l’Orient-le Jour, quotidien pro-opposition libanais, une lettre au Président Bachar El Assad pour réclamer des observateurs de la Croix Rouge qui vérifient que les blessés sont convenablement pris en charge dans les hôpitaux, abstraction faite de leur appartenance politique ainsi que pour solliciter la création d’un comité ad hoc qui s’occupe des prisonniers retenus indéfiniment en prison sans jugement.

- continué à établir les vraies listes des vrais morts en contraste avec les fausses listes des faux morts produites honteusement par le frauduleux Observatoire syrien des droits de l’homme.

- visité, au péril de sa vie, les quartiers de l’opposition dans la ville de Homs et dans le village de Kusayr. Durant cette visite Mère Agnès-Mariam cachée par une burqa a vu de ses yeux les bandes armées évoluer et, prise pour une musulmane, a recueilli les confidences des sunnites insurgés. Elle a été attristée de constater que l’esprit de ces populations minoritaires est gagné à l’islamisme militant. Elles forment un environnement porteur propice aux bandes armées qui sévissent cruellement contre la population civile toutes confessions confondues tant que celle-ci cherche à maintenir la normalité de la vie citoyenne à l’ombre des institutions en vigueur.

- lancé une campagne d’aide aux familles sinistrées de Homs et de Kusayr.

- hébergé des personnes et des familles sans abris et recueilli des enfants abandonnés.

- obtenu des visas à la demande de la presse mainstream. Ce volet sera traité ultérieurement.

Dans un temps marqué par de graves manipulations et des conflits où les innocents payent le prix du sang notre communauté n’a pas peur, malgré les rumeurs et les quand dira-t-on, de s’avancer sur une voie qui est celle du Christ qui enseigne la véracité et prône l’amour du prochain ainsi que la protection des plus faibles et de toute personne humaine en danger.

URL de cet article 15690
http://www.legrandsoir.info/syrie-nouvelles-des-chretiens-du-diocese-de-homs-et-de-hama.html

 

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5 février 2012 7 05 /02 /février /2012 15:59

 

Crimes ordinaires de l’État français
Mohamed BELAALI


 
« Mon cœur abrite toute la tristesse d’une vie entière
Mais si j’me laisse faire , c’est un aller direct au cimetière »
MANU KEY, Karl et Yezy L’Escroc : « Dans nos têtes et dans nos coeurs »

Ali Ziri 69 ans, Mohamed Boukrourou 41 ans, Abou Bakari Tandia 38ans, Pascal Taïs 32 ans, Abdelkarim Aouad 30 ans, Wissam El-Yamni, 30 ans, Mohammed Saoud 26 ans, Abdelilah El Jabri 25 ans, Malik Oussekin 22 ans, Hakim Ajimi 22 ans, Zied et Bouna 17 et 15 ans … La liste des hommes morts dans les commissariats, ou lors des interpellations policières est longue, trop longue. Et il ne s’agit là que de quelques noms des victimes connues et répertoriées. D’autres morts viendront, hélas s’ajouter à cette interminable liste macabre. Car la police n’est qu’un instrument parmi tant d’autres que la bourgeoisie utilise pour asseoir sa domination de classe. L’ordre bourgeois, défendu par les forces de l’ordre, a constamment besoin pour se maintenir d’inventer des boucs émissaires. Chaque période, chaque crise produit ses propres victimes. Aujourd’hui en France, les enfants et les petits-enfants des travailleurs immigrés parqués dans des ghettos entourant les grandes métropoles industrielles sont l’une des cibles privilégiées de la classe dirigeante, ce qui lui permet de mieux masquer son désastre économique, social et politique.

La brutalité exercée sur cette partie de la population fragilisée par le chômage de masse (1) n’est pas seulement le fait de la police. La propagande médiatique présente souvent les jeunes des quartiers populaires comme des « voleurs », « dealeurs », « violeurs » etc. Cette stigmatisation généralisée facilite par la suite la tâche des hommes politiques en mal de voix d’une frange de la population élevée dans la haine de l’autre. Il faut nettoyer au « Kärcher » les cités de ces « sauvageons » et de cette « racaille » qui troublent la paix des « honnêtes gens ». Il faut reconquérir ces « zones de non droit ».

Les tribunaux, où les verdicts sont connus d’avance, prennent la relève des hommes politiques. La présomption d’innocence est rarement respectée. Les peines d’emprisonnement ferme et les comparutions immédiates où les droits de la défense sont moins garantis, restent largement supérieures à la moyenne nationale (2). La rapidité avec laquelle les jeunes des quartiers ouvriers sont jetés en prison n’a d’égale que la lenteur des procédures impliquant des policiers. En France, il est difficile pour cette partie de la population d’obtenir la condamnation d’un policier. C’est une constante inscrite non pas dans un quelconque code, loi ou constitution, mais dans les faits. « Il vaut mieux être policier que simple citoyen. Ils sont couverts » disait Boubaker Ajimi, père d’Hakim Ajimi mort, victime des violences policières(3). Amnesty International constate les faits suivants : « Insultes racistes, recours excessif à la force, coups, homicides illégaux – telles sont les allégations de violations des droits humains commises par certains policiers français ». L’organisation dénonce « un système qui favorise l’impunité des policiers accusés de ces actes » (4). Il s’agit d’une véritable justice de classe. L’indépendance de la justice est une chimère que le discours dominant a du mal à masquer.

Police, justice, médias et hommes politiques sont ainsi unis, sans jamais le reconnaître, dans leur croisade contre les jeunes des cités populaires. Ce sont eux qui attisent la haine entre citoyens pour mieux les diviser en jouant sur les préjugés nationaux, raciaux et religieux. Ce sont eux qui fabriquent des coupables en utilisant la délation rémunérée. Et ce sont toujours eux qui présentent les jeunes des cités comme responsables des malheurs de la France pour mieux masquer la faillite économique, sociale et morale de la bourgeoisie qu’ils servent.

Paupérisés, marginalisés et méprisés par une bourgeoisie qui n’a plus besoin de leur force de travail, les jeunes des cités se révoltent à intervalles réguliers. Leur rage et leur colère jaillissent, comme les flammes des voitures qu’ils brûlent, des conditions matérielles d’existence inhumaines. Leur révolte n’est pas dirigée uniquement contre les brutalités policières ; elle embrasse l’ensemble des symboles et institutions de l’ordre bourgeois qui les opprime au quotidien à commencer par l’école. Celle-ci n’est que le reflet d’une société de classe. Le tri, le classement, la hiérarchisation et la sélection restent, pour l’essentiel, son mode de fonctionnement. L’école broie celles et ceux qui ne possèdent pas ou qui ne maîtrisent pas les codes culturels eux-mêmes déterminés par le milieu social malgré le courage et le dévouement de ses personnels qui travaillent dans des conditions difficiles. Même les experts d’une organisation libérale comme l’OCDE le reconnaissent : « En France plus qu’ailleurs, la réussite dépend du milieu économique » (5).

La révolte des cités n’est pas seulement le fait des jeunes. Nombre d’adultes témoignent de leur solidarité à l’égard des émeutiers, sans parler des familles qui soutiennent leurs enfants, car elles subissent les mêmes problèmes et les mêmes humiliations.

Ces humiliés ont montré à plusieurs reprises qu’ils sont capables de se mettre en colère, de se révolter et de se dresser contre un ordre injuste contrairement à un lumpenproletariat qui se trouve souvent du côté de la classe dominante. Leur révolte est un acte social et politique dirigé contre un État policier qui opprime et punit les plus fragiles de la classe ouvrière même si l’on s’obstine à ne pas le reconnaître. Pour la classe dirigeante, il ne s’agit que de « voyous » et de bruleurs de voitures organisés en bandes qui troublent l’ordre public et qu’il faut impitoyablement réprimer. « le rétablissement de l’ordre public était un préalable (...) Nous faisons face à des individus déterminés, à des bandes structurées, à de la criminalité organisée, qui ne recule devant aucun moyen pour faire régner le désordre et la violence » déclarait Dominique de Villepin dans un ton aristocratique devant un hémicycle de l’Assemblée Nationale comble (6).

« La racaille » va alors payer cher son audace et son insolence à vouloir secouer cet ordre qui l’humilie et la méprise en permanence. Après les émeutes de 2005, la police a procédé à des milliers d’interpellations et les tribunaux ont distribué des années de prison ferme. Le gouvernement a même proclamé l’état d’urgence et le couvre-feu qui l’accompagne ; décision rare dans l’histoire récente de la France. En fouillant dans son passé, la République bourgeoise a trouvé une loi, celle 1955, conçue pour imposer l’ordre colonial en Algérie. Cinquante ans après, elle l’exhume pour mater la révolte des enfants et des petits-enfants des travailleurs immigrés ! Aux problèmes sociaux et politiques, l’État français répond par des mesures guerrières !

Cet État qui mobilise des moyen répressifs extraordinaires pour briser les révoltes d’une population qui n’aspire qu’à vivre dignement, montre une grande faiblesse complice face par exemple aux marchés financiers qui détruisent l’économie de tout un peuple ! La bonne société bourgeoise qui s’indigne tant de la violence des jeunes des quartiers ouvriers s’accommode très bien de la brutalité autrement plus profonde des vautours de la finance internationale. Cette révolte a eu au moins le mérite de montrer au grand jour la lâcheté de la bourgeoisie et les valeurs hypocrites de sa République.

Les forces du progrès ne doivent pas abandonner les habitants des ghettos-cités aux forces obscures et réactionnaires. Les travailleurs immigrés, leurs enfants et leurs petits-enfants qui sont nés sur le sol de ce pays font partie intégrante, pour la grande majorité d’entre eux, de la classe ouvrière. Ils subissent plus que les autres les ravages du chômage, de la précarité et les affres des humiliations en tout genre. Cette insécurité et cette violence permanentes exercées sur cette fraction vulnérable et fragile de la société par une bourgeoisie arrogante et brutale, montrent à l’évidence que leur révolte est légitime. Ses morts, nombreux et anonymes, ne sont pas reconnus et encore moins décorés par la République.

Leur combat doit être celui de toutes les forces qui s’opposent à cet ordre injuste. Prolétaires, précaires et chômeurs de tous les quartiers unissez-vous contre votre ennemi commun, la bourgeoisie.

Mohamed Belaali

http://belaali.over-blog.com/

 

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5 février 2012 7 05 /02 /février /2012 15:52

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Les trois catalans
Loic RAMIREZ


 

« Il s’est récemment mis en place en Espagne des actions judiciaires contre trois militants et dirigeants du Parti Communiste des Peuples d’Espagne (PCPE) “pour un délit de désordre public” lors d’une manifestation qui s’est déroulée à Barcelone en 2007. Les dirigeants du PCPE dénoncent que les charges qui leur sont imputées sont le résultat d’une manipulation de la police à leur encontre et affirment que seul deux des dirigeants du PCPE se trouvaient dans la zone où s’est produite la charge policière, alors que le troisième accusé n’a même pas participé à la mobilisation. (...) La Commission condamne-t-elle l’attaque à l’encontre des trois militants communistes et la restriction des libertés fondamentales comme la libre participation aux manifestations et l’expressions d’opinions dissidentes ? » (1) . Ainsi se sont adressé les euro-parlementaires du Parti Communiste de Grèce (KKE) à la Commission Européenne le 2 février 2011.

Le 11 novembre 2007, le jeune antifasciste Carlos Palomino (16 ans) est assassiné dans le métro de Madrid, poignardé par un fasciste de 23 ans, soldat professionnel espagnol (2). Le 17 novembre, à Barcelone, une manifestation est organisée en réponse à cet acte par différentes organisations antifascistes. Des incidents s’y produisent entre les jeunes manifestants et les Mossos d’Esquadra (police catalane). Suite à ces évènements plusieurs jeunes sont arrêtés, dont certains, encore mineurs, sont membres des CJC (collectifs des jeunes communistes). Le jour même des dirigeants du PCPE se rendent au commissariat avec un avocat afin de venir apporter aide et soutien aux jeunes détenus. Albert, membre des CJC, raconte : « alors que nous sommes à l’extérieur, certains en train de fumer et tous attendant l’arrivée des avocats, deux mossos d’esquadra nous interpellent et exigent notre identification sous prétexte d’être stationné face au commissariat, chose que nous concédons sans aucun problème. Puis ils nous laissent entrer. Nous attendons près de trois heures l’avocate qui nous informera que nos camarades ne pourrons pas sortir cette nuit. Je rentre donc chez moi et reçois un appel de Juanjo qui m’explique que les policiers nous ont identifié à lui et moi, et également son fils qui se trouvait là, comme responsables des incidents de l’après midi » (3). Pour les militants il n’y a aucun doute que leur présence et identification au commissariat on été l’occasion de préparer de faux témoignages afin de les accuser de troubles survenus dans la journée. Il s’avère que l’un des accusés, Juanjo, âgé d’une cinquantaine d’années, n’a pas participé aux manifestations. Malgré tout les policiers persistent et affirment avoir reconnu spécifiquement les trois hommes.

Sous peine de voir condamner ses militants à 3 ans et 10 mois de prison et à l’interdiction de pouvoir se présenter à tout type d’exercice électoral, le PCPE a entamé une importante campagne de mobilisation en faveur de Juanjo Serrano (membre du PCPE) , d’Albert Camarasa et de Xavier Auré (membres des CJC). Durant des semaines les militant(e)s communistes espagnols ont activement interpellé l’opinion publique afin de faire connaître la situation dans laquelle se trouvaient les trois hommes. Pétitions, prises de parole et campagnes d’affichage ont fleuries à travers tout le pays avec pour mot d’ordre “Libertad comunistas Barcelona”. De toutes parts sont arrivés des messages de solidarité avec les embastillés : action de solidarité devant l’ambassade d’Espagne au Mexique à l’initiative du parti communiste local (4), idem en Serbie (5) ou encore le soutien officiel d’organisations comme le parti communiste du Salvador (6) ou, plus proche, de l’UJCE (Union de Jeunes Communistes d’Espagne). (7) Sans oublier l’intervention auprès des institutions européennes du parti communiste de Grèce, citée plus haut.

Convoqués le 14 février dernier, les trois accusés ont vu leur procès de nouveau repoussé jusqu’au 1er décembre 2011, « dû à l’absence d’une preuve exigé par la défense ». (8)

Nul ne peut douter que cette machination policière résulte d’une volonté délibérée de briser toute contestation politique radicale à l’encontre du régime. L’intimidation des militants communistes ou de la gauche anticapitaliste en général s’avère être une nécessité urgente pour un gouvernement qui s’applique activement à la mise en place de plans d’austérité économique et à la destruction d’acquis sociaux. Freinant au maximum une agitation sociale qui grandit dans le pays, notamment grâce à la collaboration des deux principales centrales syndicales, le pouvoir “socialiste” espagnol s’est dévoilé amplement à l’aise dans l’exercice répressif. Souvenons-nous de l’intervention de l’armée en réponse à la grève des contrôleurs aériens en décembre dernier. Secoué par déjà deux grève générale (29 septembre 2010 puis celle du 27 janvier 2011), le gouvernement sait bien que la paix sociale ne peut durer encore un peu que grâce à la force de la matraque. Analysant la situation politique, le secrétaire général du PCPE, Carmelo Suarez affirme : «  une sentence au diapason avec ce que sollicite le procureur serait une preuve que les limites d’exercice de la violence de l’état aurait augmenté de plusieurs paliers (...) Le capitalisme espagnol a besoin de réaliser ce saut qualitatif ? S’il le fait cela sera la preuve de la profonde crise de légitimité sociale dont souffre le système de domination, de son besoin d’augmenter sa pratique de la violence pour tenter de maintenir le contrôle social, pour lequel n’est plus suffisant l’hégémonie que lui octroie sa position privilégiée dans la structure de pouvoir et dans la propriété des moyens de production ». (9)

Face à cela quel rôle peut-il incomber aux communistes si ce n’est de continuer leur travail sans se laisser intimider ? Quant aux camarades catalans, ils nécessitent que s’exprime plus largement encore la solidarité internationaliste à leur égard. C’est là le but même de ce texte.

Liberté pour Juanjo, Albert et Xavi !

Loïc Ramirez

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5 février 2012 7 05 /02 /février /2012 15:49

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Les trois catalans (II)
Loic RAMIREZ


 

« Moi aussi je trouve que Barcelone est plus jolie, mais bon, ça reste mon avis ! » s’amuse à me confier Albert quand je lui annonce que la capitale catalane me semble plus belle que sa consoeur, Madrid. Ce dimanche 21 janvier 2012, sous l’Arc de Triumf (l’arc de triomphe) j’ai rendez-vous avec le jeune militant des CJC (Collectifs des Jeunes Communistes), protagoniste malgré lui d’une saga judiciaire dont j’ai déjà relaté les détails [1]. Arrêté avec deux autres camarades à lui en novembre 2007 lors d’une manifestation antifasciste suite à la mort du jeune Carlos Palomino, il est accusé d’actes de violences à l’égard des agents de la police catalane, los Mossos d’Esquadra. Durant plus de quatre ans les trois communistes sont contraints de subir un marathon judiciaire qui encore aujourd’hui n’a pas cessé. Albert et ses deux autres camarades sont en attentes de leurs sentences, « sans doute une simple amende, mais probablement que l’accusation fera appel » dit-il.

Rejoints par Ferrán, un jeune membre du PCPE (Parti Communiste des Peuples d’Espagne), nous nous installons à la table d’un bar en terrasse, l’hiver est doux ce mois-ci à Barcelone. Le jeune militant m’explique alors que l’une des batailles menées lors du procès a été d’obliger les policiers à témoigner à visage découvert. « Ces derniers voulaient se prononcer derrière un rideau sous prétexte d’un risque de représailles à l’encontre de leur famille. Il a fallut démontrer que le parti (le PCPE) n’était pas un parti violent mais une organisation totalement légale. De la même façon ils ont voulu que cette affaire soit jugé par la “audiencia nacional”, le tribunal qui possède les compétences pour juger les cas de terrorisme. Celui-ci a refusé considérant ce cas comme relevant du pénal. Une fois cela démonté, nous avons pu obliger que les agents en question témoigne à visage découvert, devant nous. Les yeux dans les yeux c’est plus difficile de mentir. De plus, il s’est avéré que dans leurs témoignages surgissaient des incohérences ». Les Mossos d’Esquadra, force de frappe du gouvernement catalan, sont réputés pour leur violence lors des manifestations ; « quand il s’agit de disperser trois, quatre groupuscules antifascistes, les types n’hésitent pas à frapper dans le tas car ils savent que le tissu social de ces organisations n’est pas suffisamment étendu pour qu’il y ait une réponse civile par la suite. Mais lors du mouvement des indignés, cela à été différent. La médiatisation du mouvement a fait que les caméras ont rapporté les exactions des agents » souligne Ferrán. Suite à la bataille rangée qu’a provoqué le délogement de la Plaça de Catalunya le 27 mai 2011 [2], une série de mise en examen à été lancée résultant sur la mise en examen de toute une batterie de responsables dont le commissaire en chef des Mossos de Barcelone, Joan Carles Molinero [3]. Les affrontements s’étaient conclut à l’époque avec près d’une centaine de blessés.

Tout au long de cette affaire le PCPE, qui a dénoncé une croisade anticommuniste à l’égard de son organisation, a déployé tous ses modestes moyens pour sensibiliser un maximum de monde sur le cas de trois accusés. « La majorité des organisations politiques de gauche nous ont soutenus, enfin, disons qu’elles ont signé un communiqué de soutien. C’était symbolique mais important. Parmi elles le PCE et l’UJCE (Union des jeunes communistes d’Espagne) mais pas le Parti Communiste de Catalogne (PCC) ! » racontent les deux catalans. Cela s’explique par le fait qu’à l’époque le conseiller de l’intérieur et des relations institutionnelles de la région de Catalogne, qui supervise la politique de maintien de l’ordre, est Joan Saura, membre de Inicitativa pers Catalunya Verds, coalition de gauche à laquelle participe le PCC !

Au niveau internationale le principal soutien est venu du grand frère grec : le KKE (Parti communiste de Grèce). Organisation marxiste-léniniste la plus forte du continent européen, le KKE s’est prononcé, via ses députés au parlement européen, sur l’affaire des trois catalans, exigeant des réponses de la part de l’Espagne [4]. « Les camarades grecs se sont même déplacés à l’ambassade espagnole à Athènes. Ils y ont rencontré l’ambassadeur qui étais déjà au courant de l’histoire et qui s’est défendu argumentant qu’il s’agissait là d’un conflit entre factions de gauche, à savoir le PCPE et l’ICV (l’Initiativa pers Catalunya Verds). Mais ce qui réellement est important là-dedans c’est que l’ambassadeur était au courant de l’ensemble des détails de l’affaire, ça les militants du KKE nous l’ont confirmé. Tu connais combien de fonctionnaires d’états qui sont mis au courant d’affaires pénales ? Quasiment aucun ! Cela démontre que notre mobilisation a eu des échos et que les pressions des camarades grecs ont obligé l’ambassade espagnole à être informée » affirme Albert, voulant ainsi me démontrer le poids qu’à eu la prise de position en leur faveur de divers organisations soeurs de par le monde.

La libération immédiate sans condition est ce que réclame le PCPE pour ses militants. Au final « ils risquent de nous mettre une amende. C’est une victoire dans le sens où cela ne relève pas des actes desquels on nous accuse de manière mensongère. Jamais le parti et nous aurions accepté de payer, même une amende, pour des choses que nous n’avions pas commises. Or, de ce quoi on nous accusait, à savoir de troubles à l’ordre public, jet de pierres et mise en place de barricades à l’encontre des forces de l’ordre, se paye par une sanction bien précise, c’est inscrit dans la loi. Et ce n’est pas une amende. Non, dans ce cas là, on nous jugerait coupable pour je ne sais quelle imbroglio judiciaire qui, grosso modo, repose sur l’accusation d’avoir participé à une manifestation violente sans avoir chercher à empêcher les débordements... un truc dans ce genre là, je ne saurais pas te dire exactement ! » conclut Albert, le sourire en coin.

Loïc Ramirez

 

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5 février 2012 7 05 /02 /février /2012 15:44

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Depuis l'indépendance de l'Algérie, les rapatriés ont toujours soutenu l’idée qu’ils avaient été « obligés » de quitter l’Algérie au moment de l’indépendance en 1962, car, menacés physiquement par les « Arabes », ils n’auraient pas eu d’autre choix. Pourtant, à la fin de la guerre, deux cent mille pieds-noirs ont décidé de demeurer dans le nouvel Etat. Témoignages de personnes qui y vivent encore aujourd’hui.

Par Pierre Daum - Le Monde diplomatique

Alger, janvier 2008. Pour trouver la maison où habite Cécile Serra, il vaut mieux ne pas se fier aux numéros désordonnés de la rue. En revanche, demandez à n’importe quel voisin : « Mme Serra ? C’est facile, c’est la maison avec les orangers et la vieille voiture ! » Cécile Serra reçoit chaque visiteur avec une hospitalité enjouée. Dans son jardin magnifiquement entretenu par M. Mesaour, son voisin, trône la carcasse rouillée d’une Simca Aronde modèle 1961. « Ah ! On en a fait des balades dans cette voiture avec mon mari ! Tous les week-ends, on partait à la pêche avec un groupe d’amis ; il y avait M. Gabrière et M. Cripo, avec leur femme. Jusqu’en 1981. Puis mon mari a commencé à être fatigué. Mais du bon temps, on en a eu ! »

A écouter les récits de cette délicieuse dame de 90 ans à l’esprit vif et plein d’humour, on aurait presque l’impression que la « révolution » de 1962 n’a guère changé le cours de son existence de modeste couturière du quartier du Golf, à Alger. « Et pourquoi voulez-vous que ça ait changé quelque chose ? vous apostrophe-t-elle avec brusquerie. J’étais bien avec tout le monde. Les Algériens, si vous les respectez, ils vous respectent. Moi, j’ai jamais tutoyé mon marchand de légumes. Et aujourd’hui encore, je ne le tutoie pas. »

La grand-mère maternelle de Cécile Serra est née à Cherchell, en 1858. Son père, tailleur de pierre, a déménagé à Alger dans les années 1920. « Il a fait construire cette petite maison en 1929 et, depuis, je n’en suis jamais partie. » Comment se fait-il qu’elle n’ait pas quitté l’Algérie en 1962 ? « Mais pourquoi serais-je partie ? Ici, c’est notre pays. Tout est beau. Il y a le soleil, la mer, les gens. Pas une seconde je n’ai regretté d’être restée. » Son mari, Valère Serra, était tourneur dans une entreprise pied-noire (1). « Pendant la guerre, il se déplaçait souvent pour vendre des produits. Il disait à nos voisins [arabes] : “Je vous laisse ma femme et mon fils !” Et il ne nous est jamais rien arrivé. Sauf quand y a eu l’OAS [Organisation armée secrète] (2). La vérité, c’est que c’est eux qui ont mis la pagaille ! Mais “La valise ou le cercueil”, c’est pas vrai. Ma belle-sœur, par exemple, elle est partie parce qu’elle avait peur. Mais je peux vous affirmer que personne ne l’a jamais menacée. »

En 1962, les ateliers où travaillait Valère ont été liquidés, et il a pris sa retraite. Cécile a continué sa couture. « En 1964, avec l’Aronde, on est partis faire un tour en France. Pour voir, au cas où... A chaque fois qu’on rencontrait des pieds-noirs, qu’est-ce qu’on n’entendait pas ! “Comment ! Vous êtes toujours là-bas ! Vous allez vivre avec ces gens-là !” Alors on s’est dépêchés de rentrer chez nous. »

Cécile Serra fait partie des deux cent mille pieds-noirs qui n’ont pas quitté l’Algérie en 1962 (3). Etonnant ? Non, tout à fait logique. Comme le souligne Benjamin Stora, un des meilleurs historiens de l’Algérie, « depuis qu’ils sont rentrés en France, les rapatriés ont toujours cherché à faire croire que la seule raison de leur départ était le risque qu’ils couraient pour leur vie et celle de leurs enfants. Et qu’ils avaient donc nécessairement tous été obligés de partir. Or cela ne correspond que très partiellement à la réalité (4)  ».

Jean-Bernard Vialin avait 12 ans en 1962. Originaire de Ouled Fayet, petite commune proche d’Alger, son père était technicien dans une entreprise de traitement de métaux et sa mère institutrice. Ancien pilote de ligne à Air Algérie, il nous reçoit sur son bateau, amarré dans le ravissant port de Sidi Fredj (ex-Sidi-Ferruch), à l’ouest d’Alger. « Mes parents appartenaient à ceux qu’on appelait les libéraux. Ni engagés dans le FLN [Front de libération nationale] ni du côté des partisans jusqu’au-boutistes de l’Algérie française. Juste des gens, malheureusement très minoritaires, qui refusaient d’accepter le statut réservé aux “musulmans” et les injustices incroyables qui en résultaient. On s’imagine mal aujourd’hui à quel point le racisme régnait en Algérie. A Ouled Fayet, tous les Européens habitaient les maisons en dur du centre-ville, et les “musulmans” pataugeaient dans des gourbis, en périphérie. » Des habitations précaires faites de murs en roseau plantés dans le sol et tenus entre eux par des bouts de ficelle, sur lesquels reposaient quelques tôles ondulées en guise de toiture. « Ce n’était pas l’Afrique du Sud, mais presque. »

En janvier 1962, une image s’est gravée dans les yeux du jeune garçon. « C’était à El-Biar [un quartier des hauteurs d’Alger]. Deux Français buvaient l’anisette à une terrasse de café. Un Algérien passe. L’un des deux se lève, sort un pistolet, abat le malheureux, et revient finir son verre avec son copain, tandis que l’homme se vide de son sang dans le caniveau. Après ça, que ces mecs aient eu peur de rester après l’indépendance, je veux bien le croire... » Pour ses parents, en revanche, « il n’a pas été question une seconde de partir. C’était la continuité. Ils avaient toujours désiré une vraie égalité entre tout le monde, ils étaient contents de pouvoir la vivre ».

En septembre 1962, ses deux mille Européens ont déserté Ouled Fayet, sauf les Vialin. Les petites maisons coloniales se sont retrouvées rapidement occupées par les Algériens des gourbis alentour — « ce qui est tout à fait naturel », précise l’ancien pilote. Sa mère rouvre seule l’école du village. Dès 1965, la famille acquiert la nationalité algérienne. « Et finalement, je me sens algérien avant tout. A Air Algérie, ma carrière s’est déroulée dans des conditions parfaitement normales ; on m’a toujours admis comme étant d’une autre origine, mais sans faire pour autant la moindre différence. »

André Bouhana, lui non plus, n’a jamais craint de demeurer là. « J’ai grandi à Ville Nouvelle, un des quartiers musulmans d’Oran. Je parlais l’espagnol, comme mes parents, mais aussi l’arabe dialectal, puisque tous mes copains étaient arabes. Ce n’est pas comme les Européens qui habitaient le centre-ville. Donc, au moment de l’indépendance, pourquoi j’aurais eu peur ? » Aujourd’hui, à 70 ans, Bouhana habite dans une misérable maison à Cap Caxine, à l’ouest d’Alger. Entouré de nombreux chiens et chats, il survit grâce aux 200 euros de l’allocation-vieillesse que dispense le consulat français à une quarantaine de vieux pieds-noirs sans ressources. « Mais, surtout, j’ai des amis algériens, des anciens voisins, qui vivent en France, et qui m’envoient un peu d’argent. » Et sa famille rapatriée ? « Vous rigolez ! Pas un euro ! Ils ne me parlent plus. Ils ne m’ont jamais pardonné de ne pas avoir quitté l’Algérie. »

Et puis, il y a Félix Colozzi, 77 ans, communiste, engagé dans le maquis aux côtés du FLN, prisonnier six ans dans les geôles françaises (dont la terrible prison de Lambèse, près de Batna), devenu ingénieur économiste dans des entreprises d’Etat. Et André Lopez, 78 ans, le dernier pied-noir de Sig (anciennement Saint-Denis-du-Sig), à cinquante kilomètres d’Oran, qui a repris l’entreprise d’olives créée par son grand-père, et qui y produit à présent des champignons en conserve. Et le père Denis Gonzalez, 76 ans, à l’intelligence toujours très vive, « vrai pied-noir depuis plusieurs générations », qui, dans le sillage de Mgr Duval, le célèbre évêque d’Alger honni par l’OAS, a choisi de « rester au service du peuple algérien ».

Et même Prosper Chetrit, 78 ans, le dernier juif d’Oran depuis la mort de sa mère, qui rappelle que « trois mille juifs sont demeurés à Oran après 1962 », et que, « pour eux, la situation n’a commencé à se détériorer qu’à partir de 1971, quand les autorités ont confisqué la synagogue pour la transformer en mosquée, et que le dernier rabbin est parti. Mais moi, précise-t-il, tout le monde sait que je suis juif, et tout le monde m’estime ».

« On a eu ce qu’on voulait, maintenant on oublie le passé et on ne s’occupe que de l’avenir »

Il était donc possible d’être français et de continuer à vivre dans l’Algérie indépendante ? « Bien sûr ! », s’exclame Germaine Ripoll, 82 ans, qui tient toujours avec son fils le petit restaurant que ses parents ont ouvert en 1932, à Arzew, près d’Oran. « Et je vais même vous dire une chose : pour nous, la situation n’a guère bougé. Le seul vrai changement, c’est quand on a dû fermer l’entrepôt de vin, en 1966, lorsque la vente d’alcool est devenue interdite. Mais ça ne m’a jamais empêchée de servir du vin à mes clients. »

Au fur et à mesure de ces entretiens avec des pieds-noirs, ou « Algériens d’origine européenne », comme certains préfèrent se nommer, une nouvelle image apparaît, iconoclaste par rapport à celle qui est véhiculée en France. L’inquiétude des Européens était-elle toujours justifiée ? La question demeure difficile à trancher, sauf dans le cas des harkis (5). Certes, les déclarations de certains leaders nationalistes ont pu paraître inquiétantes. En premier lieu, la proclamation du 1er novembre 1954, qui affirme la volonté du FLN d’ériger une Algérie démocratique « dans le cadre des principes islamiques ». Toutefois, la plupart des pieds-noirs de France semblent avoir complètement oublié que durant cette guerre, la direction du FLN a pris soin, à plusieurs reprises, de s’adresser à eux afin de les rassurer. « Moi, je les lisais avec délectation », se souvient très bien Jean-Paul Grangaud, petit-fils d’instituteurs protestants arrivés en Kabylie au XIXe siècle et qui est devenu, après l’indépendance, professeur de pédiatrie à l’hôpital Mustapha d’Alger, puis conseiller du ministre de la santé. Dans le plus célèbre de ces appels, lancé de Tunis, siège du gouvernement provisoire, le 17 février 1960 aux « Européens d’Algérie », on peut lire : « L’Algérie est le patrimoine de tous (...). Si les patriotes algériens se refusent à être des hommes de seconde catégorie, s’ils se refusent à reconnaître en vous des supercitoyens, par contre, ils sont prêts à vous considérer comme d’authentiques Algériens. L’Algérie aux Algériens, à tous les Algériens, quelle que soit leur origine. Cette formule n’est pas une fiction. Elle traduit une réalité vivante, basée sur une vie commune. » La seule déception qu’ont pu ressentir ceux qui ne sont pas partis est liée à l’obtention de la nationalité algérienne, puisqu’ils furent obligés de la demander, alors qu’elle devenait automatique pour les Algériens musulmans. Mais c’était en 1963, donc bien après le grand départ des pieds-noirs.

En ce qui concerne leurs biens, les Européens qui sont restés n’ont que rarement été inquiétés. « Personne ne s’est jamais avisé de venir nous déloger de notre villa ! », s’exclame Guy Bonifacio, oranais depuis trois générations, à l’unisson de toutes les personnes rencontrées. Quant au décret de nationalisation des terres, promulgué en 1963 par le nouvel Etat socialiste, il n’a concerné que les très gros domaines, les petites parcelles laissées vacantes, et éventuellement les terres des Français qui, bien que demeurés sur place, ont refusé de prendre la nationalité algérienne. Vieille Oranaise pourtant toujours très remontée contre les Algériens, Jeanine Degand est formelle : « J’ai un oncle qui possédait une trentaine d’hectares du côté de Boutlélis. En 1963, les Algériens lui ont dit : “Ou tu te fais algérien, et tu gardes ta ferme ; ou tu refuses, et on te la prend.” Il avait sa fierté, il a refusé, et on la lui a prise. C’est sûr que, s’il avait adopté la nationalité, il l’aurait toujours. »

Il n’a non plus jamais été suffisamment souligné avec quelle rapidité la paix complète est revenue en Algérie. « Je suis arrivé dans le pays à l’été 1963, raconte Jean-Robert Henri, historien à la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme, à Aix-en-Provence. Avec ma vieille voiture, j’ai traversé le pays d’est en ouest, dormant dans les coins les plus reculés. Non seulement, avec ma tête de Français, il ne m’est rien arrivé, mais à aucun moment je n’ai ressenti le moindre regard d’hostilité. J’ai rencontré des pieds-noirs isolés dans leur ferme qui n’éprouvaient aucune peur. » « C’est vrai que, dès août 1962, plus un seul coup de feu n’a été tiré en Algérie, affirme F. S. (6), l’un des historiens algériens les plus reconnus de cette période. C’est comme si, le lendemain de l’indépendance, les Algériens s’étaient dit : “On a eu ce qu’on voulait, maintenant on oublie le passé et on ne s’occupe que de l’avenir.” » Marie-France Grangaud confirme : « Nous n’avons jamais ressenti le moindre esprit de revanche, alors que presque chaque famille avait été touchée. Au contraire, les Algériens nous témoignaient une véritable reconnaissance, comme s’ils nous disaient : “Merci de rester pour nous aider” ! »

Finalement, on en vient à se demander pourquoi tant de « Français d’Algérie » ont décidé de quitter un pays auquel ils étaient aussi charnellement attachés. Lorsqu’on leur pose cette question, en France, ils évoquent presque toujours la peur, alimentée par le climat de violence générale qui régnait en Algérie dans les derniers mois de la guerre — avec, mis en exergue, trois faits dramatiques de 1962 : la fusillade de la rue d’Isly, le 26 mars à Alger ; le massacre du 5 juillet à Oran ; et les enlèvements d’Européens (lire « Trois événements traumatisants »).

« Le déchaînement de violence, fin 1961 - début 1962, venait essentiellement de l’OAS, rectifie André Bouhana. A cause de l’OAS, un fossé de haine a été creusé entre Arabes et Européens, qui n’aurait pas existé sinon. » Et tous d’insister plutôt sur l’extrême modération avec laquelle le FLN a répondu aux assassinats de l’OAS. « A Arzew, se souvient Germaine Ripoll, l’OAS était présente, mais les Algériens n’ont jamais menacé aucun Français. » Quant aux enlèvements (deux mille deux cents Européens disparus entre 1954 et 1962, sur une population d’un million), un certain nombre d’entre eux étaient « ciblés ». « Dans mon village, affirme Jean-Bernard Vialin, seuls les activistes de l’OAS ont été enlevés. »

« Les Européens ont eu très peur, analyse Stora. Mais peur de quoi ? Peur surtout des représailles aveugles, d’autant que les pieds-noirs savaient, et savent toujours, que le rapport entre leurs morts et ceux des Algériens était d’au moins un pour dix  (7) ! Quand l’OAS est venue, un grand nombre d’entre eux l’a plébiscitée. Ils avaient donc peur des exactions de militants du FLN, en réponse à celles de l’OAS. Pourtant, une grande majorité d’Algériens n’a pas manifesté d’esprit de vengeance, et leur étonnement était grand au moment du départ en masse des Européens. »

« Nous vivions de facto avec un sentiment de supériorité. Nous nous sentions plus civilisés »

Mais, si la raison véritable de cet exode massif n’était pas le risque encouru pour leur vie et leurs biens, qu’y a-t-il eu d’autre ? Chez Jean-Bernard Vialin, la réponse fuse : « La grande majorité des pieds-noirs a quitté l’Algérie non parce qu’elle était directement menacée, mais parce qu’elle ne supportait pas la perspective de vivre à égalité avec les Algériens ! » Marie-France Grangaud, fille de la bourgeoisie protestante algéroise (d’avant 1962), devenue ensuite directrice de la section sociale à l’Office national algérien des statistiques, tient des propos plus modérés, mais qui vont dans le même sens : « Peut-être que l’idée d’être commandés par des Arabes faisait peur à ces pieds-noirs. Nous vivions de facto avec un sentiment de supériorité. Nous nous sentions plus civilisés. Et puis, surtout, nous n’avions aucun rapport normal avec les musulmans. Ils étaient là, autour de nous, mais en tant que simple décor. Ce sentiment de supériorité était une évidence. Au fond, c’est ça la colonisation. Moi-même, j’ai dû faire des efforts pour me débarrasser de ce regard... »

Entre 1992 et 1993, la chercheuse Hélène Bracco a parcouru l’Algérie à la recherche de pieds-noirs encore vivants. Elle a recueilli une soixantaine de témoignages, dont elle a fait un livre, L’Autre Face : « Européens » en Algérie indépendante (8). Pour cette chercheuse, « la vraie raison du départ vers la France se trouve dans leur incapacité à effectuer une réversion mentale. Les Européens d’Algérie, quels qu’ils soient, même ceux situés au plus bas de l’échelle sociale, se sentaient supérieurs aux plus élevés des musulmans. Pour rester, il fallait être capable, du jour au lendemain, de partager toutes choses avec des gens qu’ils avaient l’habitude de commander ou de mépriser ».

La réalité offre des cas parfois surprenants. Certains des pieds-noirs rencontrés en Algérie tiennent encore des propos colonialistes et racistes. S’ils sont encore là, c’est autant pour protéger leurs biens (appartements, immeubles, entreprises) que parce que « l’Algérie, c’est [leur] pays ».

Conséquence logique de ces différences de mentalité : la plupart des pieds-noirs demeurés au sud de la Méditerranée n’ont que très peu de contacts avec ceux de France. « En 1979, à la naissance de ma fille, dont la mère est algérienne, je suis allé en France, se souvient Jean-Bernard Vialin. Dans ma propre famille, on m’a lancé : “Quoi ! Tu vas nous obliger à bercer une petite Arabe ?” » Lorsqu’il est en France, Guy Bonifacio évite de rencontrer certains rapatriés : « Ils nous considèrent comme des collabos, constate-t-il avec un soupir. Combien de fois ai-je entendu : “Comment tu peux vivre avec ces gens-là, ce sont des sauvages !” » Néanmoins, Marie-France Grangaud amorce un sourire : « Depuis quelques années, de nombreux pieds-noirs reviennent en Algérie sur les traces de leur passé. L’été dernier, l’un d’eux, que je connaissais, m’a dit en repartant : “Si j’avais su, je serais peut-être resté.” »


Par Pierre Daum

(1) L’origine de l’expression «  pieds-noirs  » continue d’être l’objet de nombreuses hypothèses. Apparu très tardivement — quasiment au moment du rapatriement des Français d’Algérie —, ce mot désigne les Européens (y compris les juifs naturalisés par le décret Crémieux en 1870) nés en Algérie avant 1962. Par extension, certains l’utilisent en parlant des Français nés en Tunisie et au Maroc avant l’indépendance de ces deux pays.

(2) Apparue en 1961, l’Organisation armée secrète (OAS) regroupait les partisans de l’Algérie française les plus extrémistes. Posant des bombes et assassinant en pleine rue des musulmans et des Français modérés, l’OAS a joui du soutien d’une majorité de pieds-noirs.

(3) Cf. Bruno Etienne, Les Problèmes juridiques des minorités européennes au Maghreb, Editions du CNRS, Paris, 1968, p. 236 et suivantes.

(4) On trouve un nouvel exemple de cette vision mythifiée de l’histoire dans le long documentaire de Gilles Perez, Les Pieds-Noirs. Histoire d’une blessure, diffusé sur France 3 en novembre 2006, et largement rediffusé par la suite.

(5) Plusieurs milliers, voire des dizaines de milliers, d’entre eux ont été massacrés sans pitié au moment de l’indépendance. Lire à ce sujet le tout récent ouvrage de Fatima Besnaci-Lancou et Gilles Manceron, Les Harkis dans la colonisation et ses suites, L’Atelier, Ivry-sur-Seine, 2008. Lire également «  Le hurlement des torturés  », Le Monde diplomatique, août 1992.

(6) Parce qu’il occupe de hautes responsabilités au ministère de la culture, cet homme nous a demandé de masquer son identité.

(7) Sur la guerre d’Algérie, chaque chiffre fait l’objet d’importants débats. Pour avoir un ordre de grandeur, on peut cependant avancer, côté français : quinze mille soldats morts au combat (plus neuf mille par accident  !), deux mille huit cents civils tués et deux mille deux cents disparus. Côté algérien : cent cinquante mille combattants tués par l’armée française (et plusieurs dizaines de milliers de victimes de purges internes), environ soixante mille civils morts, plus de treize mille civils disparus, entre quarante mille et cent vingt mille harkis tués, et un million de paysans déplacés. Cf. Guy Pervillé, «  La guerre d’Algérie : combien de morts  ?  », dans Mohammed Harbi et Benjamin Stora (sous la dir. de), La Guerre d’Algérie, Robert Laffont, Paris, 2007, p. 477 et suivantes.

(8) Paris-Méditerranée, Paris, 1999.

Voir aussi le courrier des lecteurs dans notre édition de juillet 2008.

Cet article a été prolongé par Pierre Daum dans un livre publié le 18 janvier 2012 : Ni valise ni cercueil. Les pieds-noirs restés en Algérie après l’indépendance, Actes Sud, Arles, 2012.

 

                                                             site: Barricades
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4 février 2012 6 04 /02 /février /2012 13:21

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site d'Hervé Poly (fédération du Pas-de-calais) 

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2 février 2012 4 02 /02 /février /2012 17:41

 

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