Emmanuel DANG TRAN pour vivelepcf, 10 avril 2014
Militants communistes, nous avons appris hier, par un message internet de la direction du Parti, ou par la presse, la conclusion de l’accord pour la répartition des places sur les listes du Front de gauche aux prochaines élections européennes.
Cet accord est désastreux pour le PCF, sa visibilité, son organisation et les positions historiques qu’il porte. Il est indéfendable devant les communistes.
La principale – et de loin – composante du FdG est en effet réduite à portion congrue. Sur 7 circonscriptions métropolitaines, le Parti de gauche obtient 3 têtes de liste (Sud-Ouest, Centre et Est), le PCF seulement 2 (Nord et Ile-de-France). Les autres reviennent au groupuscule « Ensemble » (Ouest) et à une personnalité issue du PS, Mme Marie-Christine Vergiat (Sud-est). En cas de progression électorale sur 2009, tous les sièges gagnables le sont pour le PG.
Nul doute que les négociateurs du PG ont défendu leur bout de gras avec ténacité. Depuis l’UNEF-ID et les courants du PS, c’est leur principale expérience « militante ».
Les négociateurs du PCF ont-ils été en-dessous de tout ? Je ne le crois pas. Je crois plutôt qu’a primé dans la solution finale leur stratégie politique, celle de l’effacement de notre parti.
Le Conseil national du 2 avril avait adopté une « offre de répartition des places sur les listes ». Contrairement à la contre-vérité, encore répétée dans le mail de la direction du 8 avril, elle n’a pas été votée à l’unanimité mais par 74 voix contre 2, celle d’Eric Jalade et la mienne.
J’ai jugé qu’elle réduisait déjà de façon inacceptable la place du PCF (voir mon explication de vote en lien).
Depuis, les négociateurs pour le PCF sont allés plus loin dans les abandons, outrepassant même ce mauvais mandat obtenu du CN.
Ils ont tout cédé au PG, notamment la tête de liste de la région Centre. Quelle a été leur priorité, déjà exprimée avec insistance à la réunion du CN ? Faire réélire dans la région Sud-est Marie-Christine Vergiat, quitte maintenant à la faire passer dans le quota « PCF ».
Comme je l’ai rappelé, Mme Vergiat, si elle ne représente qu’elle-même, appartient clairement à une mouvance politique. Elle a été collaboratrice de Martine Aubry au gouvernement. Auparavant de 1991 à 1997, elle a occupé le poste central de secrétaire du groupe PS à l’Assemblée nationale, où elle a notamment coordonné les interventions du PS pour le Traité de Maastricht, la monnaie unique, le Traité d’Amsterdam.
Comment accepter l’idée que la direction du PCF préfère défendre la socialiste Vergiat plutôt qu’une candidature communiste éligible dans le Sud-est et même que le maintien d’une tête de liste communiste dans le Centre ?
Toujours hors du mandat du CN, la direction est allée encore plus loin en proposant au PG la candidature comme tête de liste dans la région Est de M. Liem Hoang Ngoc, économiste « keynésien », député européen sortant … PS !!
Ces questions de places et de noms sont hautement politiques. Il est inacceptable de les régler à l’insu des communistes, d’autant que la position sur l’UE est cruciale et structurante.
Il apparaît que la direction du PCF ne veut pas que le PCF apparaisse en tant que tel, autrement que dilué, porteur de toutes ses positions historiques, toujours présentes dans l’inconscient collectif de la classe ouvrière et du pays, contre l’intégration dans l’Union européenne du capital.
La direction du PCF, dans cet état d’esprit, ne veut pas et ne peut pas rompre les chaînes qui la lient au PG et à Mélenchon, qu’elle a intronisé porte-parole du Front de gauche.
Dans cet état d’esprit, dans une perspective qui doit être discutée et que je combats, elle privilégie une recomposition politique institutionnelle avec une soi-disant « gauche du PS » dont Mme Vergiat et M. Hoang Ngoc sont des éléments représentatifs, sur l’affirmation du PCF dans les luttes sur des positions de classe.
Mélenchon et Vergiat, logiquement, la direction du PCF, à contresens des analyses communistes fondamentales, se retrouvent pour soutenir le politicien grec du Parti de la gauche européenne (PGE) Alexis Tsipras, artisan du recyclage de la social-démocratie grecque. Sa candidature à la présidence de la Commission européenne légitime l’institution centrale de la dictature de l’Europe du capital. Sa défense obstinée de son instrument supranational, l’euro, malgré la faillite de son propre pays, rassure la finance européenne (et même Obama).
Dans ce cadre, la contestation de l’austérité européenne perd tout son sens et devient superficielle et démagogique. Même Valls réclame une réorientation de l’UE et de la politique monétaire de la BCE. Elle laisse toute sa place à l’entreprise de détournement du rejet de classe de l’UE par le FN, pour le compte du système.
Les perspectives illusoires sur « l’Europe sociale », la « réorientation de la BCE » ou la « refondation de l’UE », déplacent dangereusement le lieu de résistance du cadre national (et internationaliste) où s’est construite et s’exprime la lutte des classes (et dont le capital européen veut détruire les acquis sociaux et démocratique), vers le cadre supranational où le capital est tout-puissant.
Plus que jamais, il faut reprendre et porter 50 ans d’analyses du PCF dénonçant l’UE du capital. Dans le Parti, ce débat ne saurait être occulté, caricaturé, noyé dans les marchandages politiciens avec le Front de gauche.
Ce débat est indispensable. Je ferai partie de ceux qui le porteront au CN et dans le Parti.